P. Cantalamessa : Il y a aujourd'hui dans le monde de nouvelles lèpres et de nouveaux lépreux
Méditation de l'Evangile du dimanche 12 février 2006
Nous publions ci-dessous le commentaire de l'Evangile de ce dimanche, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 40-45
Dans les lectures d'aujourd'hui on retrouve à plusieurs reprises un mot que, pendant des millénaires, le seul fait de mentionner suscitait angoisse et épouvante, le mot « lèpre ». Deux facteurs, indépendants l'un de l'autre, ont contribué à accroître la terreur face à cette maladie jusqu'à en faire le symbole du plus grand malheur pouvant s'abattre sur une créature humaine et isoler les pauvres victimes de la manière la plus inhumaine possible. Le premier était la conviction que cette maladie était tellement contagieuse que toute personne ayant eu un contact avec le malade était contaminée ; le deuxième, lui aussi privé de tout fondement, était que la lèpre constituait une punition pour le péché.
La personne qui a le plus contribué à faire changer l'attitude et la législation envers les lépreux a été Raoul Follereau, mort en 1973. Il a lancé en 1954 la Journée mondiale des Lépreux, a promu des congrès scientifiques et enfin, en 1975 il a réussi à faire abolir les lois sur la ségrégation des lépreux.
Les lectures de ce Dimanche nous permettent de connaître l'attitude envers les lépreux préconisée par la Loi de Moïse et ensuite celle préconisée par l'Evangile du Christ. La première lecture, tirée du Lévitique, nous dit que la personne suspectée d'être atteinte de la lèpre devra être conduite au prêtre qui, après avoir procédé à une vérification, « déclarera cet homme impur ». Le pauvre lépreux, chassé de la compagnie des hommes, doit, qui plus est, tenir lui-même éloignées les personnes en les prévenant de loin du danger. La seule préoccupation de la société est de se protéger.
Voyons maintenant l'attitude de Jésus dans l'Evangile : « Un lépreux vient trouver Jésus ; il tombe à ses genoux et le supplie : «Si tu le veux, tu peux me purifier». Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : «Je le veux, sois purifié» ».
Jésus n'a pas peur d'être contaminé ; il permet au lépreux d'arriver jusqu'à lui et de tomber à genoux devant lui. Plus encore, à une époque où l'on considérait que le seul fait de s'approcher d'un lépreux transmettait la contagion, il « étendit la main, le toucha ». Il ne faut pas penser que tout cela a été spontané et n'a rien coûté à Jésus. En tant qu'homme il partageait, sur ce point comme sur tant d'autres, les convictions de son temps et de la société dans laquelle il vivait. Mais la compassion pour le lépreux est plus forte en lui que la peur de la lèpre.
Jésus prononce à ce moment-là une phrase simple et sublime : « Je le veux, sois purifié ». « Si tu le veux, tu peux », avait dit le lépreux, manifestant ainsi sa foi dans la puissance du Christ. Jésus montre qu'il peut le faire, en le faisant.
Cette confrontation entre la loi de Moïse et l'Evangile sur le cas de la lèpre nous oblige à nous poser la question : Et moi, de quelle attitude est-ce que je m'inspire ? Il est vrai que la lèpre n'est plus la maladie qui fait le plus peur (même s'il existe encore [plusieurs] millions de lépreux à travers le monde), que si elle est soignée à temps on peut en guérir totalement, et que dans la plupart des pays elle est complètement éradiquée ; mais d'autres maladies ont pris sa place. On parle depuis un moment de « nouvelles lèpres » et de « nouveaux lépreux ». Par ces termes on ne désigne pas tant les maladies incurables d'aujourd'hui mais les maladies (Sida et drogue) contre lesquelles la société se protège, comme elle le faisait avec la lèpre, en isolant le malade et en le repoussant en marge de la société.
Il faudrait faire vis-à-vis des nouveaux lépreux (et Dieu merci, de nombreuses personnes le font) ce que Raoul Follereau a suggéré de faire envers les lépreux traditionnels et qui a tant contribué à soulager leur isolement et leur souffrance. Souvent un geste de ce genre, surtout s'il suppose une maîtrise de soi, marque le début d'une vraie conversion pour celui qui le fait. Le cas le plus célèbre est celui de saint François d'Assise qui fait remonter le début de sa nouvelle vie à la rencontre avec un lépreux.
ZF06021008