Benoît XVI de A à Z

Ciel - Paradis - Eternité - Vie Eternelle

 

2005

 

15 août 2005 – Homélie de la Messe de l’Assomption

      La fête de l'Assomption est un jour de joie. Dieu a vaincu. L'amour a vaincu. La vie a vaincu. On a vu que l'amour est plus fort que la mort. Que Dieu possède la véritable force et que sa force est bonté et amour.

     Marie a été élevée au ciel corps et âme:  même pour le corps, il y a une place en Dieu. Le ciel n'est plus pour nous un domaine très éloigné et inconnu. Dans le ciel, nous avons une mère. C'est la Mère de Dieu, la Mère du Fils de Dieu, c'est notre Mère. Lui-même l'a dit. Il en a fait notre Mère, lorsqu'il a dit au disciple et à nous tous:  "Voici ta Mère!". Dans le ciel, nous avons une Mère. Le ciel s'est ouvert, le ciel a un coeur.

     Dans l'Evangile, nous avons entendu le Magnificat, cette grande poésie qui s'est élevée des lèvres, et plus encore du coeur de Marie, inspirée par l'Esprit Saint. Dans ce chant merveilleux se reflète toute l'âme, toute la personnalité de Marie. Nous pouvons dire que son chant est un portrait, une véritable icône de Marie, dans laquelle nous pouvons la voir exactement telle qu'elle est. Je voudrais souligner uniquement deux points de ce grand chant. Celui-ci commence par la parole "Magnificat":  mon âme "magnifie" le Seigneur, c'est-à-dire "proclame la grandeur" du Seigneur. Marie désire que Dieu soit grand dans le monde, soit grand dans sa vie, soit présent parmi nous tous. Elle n'a pas peur que Dieu puisse être un "concurrent" dans notre vie, qu'il puisse ôter quelque chose de notre liberté, de notre espace vital, par sa grandeur. Elle sait que si Dieu est grand, nous aussi, nous sommes grands. Notre vie n'est pas opprimée, mais est élevée et élargie:  ce n'est qu'alors qu'elle devient grande dans la splendeur de Dieu.

     Le fait que nos ancêtres pensaient le contraire, constitua le noyau du péché originel. Ils craignaient que si Dieu avait été trop grand, il aurait ôté quelque chose à leur vie. Ils pensaient devoir mettre Dieu de côté pour avoir de la place pour eux-mêmes. Telle a été également la grande tentation de l'époque moderne, des trois ou quatre derniers  siècles.  On a toujours plus pensé et dit:  "Mais ce Dieu ne nous laisse pas notre liberté, il rend étroit l'espace de notre vie avec tous ses commandements. Dieu doit donc disparaître; nous voulons être autonomes, indépendants. Sans ce Dieu, nous serons nous-mêmes des dieux, et nous ferons ce que nous voulons". Telle était également la pensée du fils prodigue, qui ne comprit pas que, précisément en vertu du fait d'être dans la maison du père, il était "libre". Il partit dans des pays lointains et consuma la substance de sa vie. A la fin, il comprit que, précisément parce qu'il s'était éloigné du père, au lieu d'être libre, il était devenu esclave; il comprit que ce n'est qu'en retournant à la maison du Père qu'il pouvait être véritablement libre, dans toute la splendeur de la vie. Il en est de même à l'époque moderne. Avant, on pensait et on croyait que, ayant mis Dieu de côté et étant autonomes, en suivant uniquement nos idées, notre volonté, nous serions devenus réellement libres, nous aurions pu faire ce que nous voulions sans que personne ne nous donne aucun ordre. Mais là où Dieu disparaît, l'homme ne devient pas plus grand; il perd au contraire sa dignité divine, il perd la splendeur de Dieu sur son visage. A la fin, il n'apparaît plus que le produit d'une évolution aveugle, et, en tant que tel, il peut être usé et abusé. C'est précisément ce que l'expérience de notre époque a confirmé.

     Ce n'est que si Dieu est grand que l'homme est également grand. Avec Marie, nous devons commencer à comprendre cela. Nous ne devons pas nous éloigner de Dieu, mais rendre Dieu présent; faire en sorte qu'Il soit grand dans notre vie; ainsi, nous aussi, nous devenons divins; toute la splendeur de la dignité divine nous appartient alors. Appliquons cela à notre vie. Il est important que Dieu soit grand parmi nous, dans la vie publique et dans la vie privée. Dans la vie publique, il est important que Dieu soit présent, par exemple, à travers la Croix, dans les édifices publics, que Dieu soit présent dans notre vie commune, car ce n'est que si Dieu est présent que nous pouvons suivre une orientation, une route commune; autrement, les différences deviennent inconciliables, car il n'existe pas de reconnaissance de notre dignité commune. Rendons Dieu grand dans la vie publique et dans la vie privée. Cela veut dire laisser chaque jour un espace à Dieu dans notre vie, en commençant le matin par la prière, puis en réservant du temps à Dieu, en consacrant le dimanche à Dieu. Nous ne perdons pas notre temps libre si nous l'offrons à Dieu. Si Dieu entre dans notre temps, tout notre temps devient plus grand, plus ample, plus riche.

Une seconde observation. Cette poésie de Marie - le Magnificat - est entièrement originale; toutefois, elle est, dans le même temps, un "tissu" composé à partir de "fils" de l'Ancien Testament, à partir de la Parole de Dieu. Et ainsi, nous voyons que Marie était, pour ainsi dire, "chez elle" dans la Parole de Dieu, elle vivait de la Parole de Dieu, elle était pénétrée de la Parole de Dieu. Dans la mesure où elle parlait avec les paroles de Dieu, elle pensait avec les paroles de Dieu, ses pensées étaient les pensées de Dieu. Ses paroles étaient les paroles de Dieu. Elle était pénétrée par la lumière divine et c'est la raison pour laquelle elle était aussi resplendissante,  aussi  bonne,  aussi rayonnante, d'amour et de bonté. Marie vit de la Parole de Dieu, elle est imprégnée de la Parole de Dieu. Et le fait d'être plongée dans la Parole de Dieu, le fait que la Parole de Dieu lui est totalement familière, lui confère également la lumière intérieure de la sagesse. Celui qui pense avec Dieu pense bien, et celui qui parle avec Dieu parle bien. Il possède des critères de jugement valables pour toutes les choses du monde. Il devient savant, sage, et, dans le même temps, bon; il devient également fort et courageux, grâce à la force de Dieu qui résiste au mal et promeut le bien dans le monde.

     Et ainsi, Marie parle avec nous, elle nous parle, elle nous invite à connaître la Parole de Dieu, à aimer la Parole de Dieu à vivre avec la Parole de Dieu et à penser avec la Parole de Dieu. Et nous pouvons le faire de façons très diverses:  en lisant l'Ecriture Sainte, en particulier en participant à la Liturgie, dans laquelle, au cours de l'année, la Sainte Eglise nous présente tout le livre de l'Ecriture Sainte. Elle l'ouvre à notre vie et le rend présent dans notre vie. Mais je pense également au "Compendium du Catéchisme de l'Eglise catholique", que nous avons récemment publié, et dans lequel la Parole de Dieu est appliquée à notre vie, interprète la réalité de notre vie, nous aide à entrer dans le grand "temple" de la Parole de Dieu, à apprendre à l'aimer et à être, comme Marie, pénétrés par cette Parole. Ainsi la vie devient lumineuse et nous possédons un critère de base pour notre jugement, nous recevons en même temps la bonté et la force.

     Marie est élevée corps et âme à la gloire du ciel et avec Dieu et en Dieu, elle est Reine du ciel et de la terre. Est-elle si éloignée de nous? Bien au contraire. Précisément parce qu'elle est avec Dieu et en Dieu, elle est très proche de chacun de nous. Lorsqu'elle était sur terre, elle ne pouvait être proche que de quelques personnes. Etant en Dieu, qui est proche de nous, qui est même "à l'intérieur" de nous tous, Marie participe à cette proximité de Dieu. Etant en Dieu et avec Dieu, elle est proche de chacun de nous, elle connaît notre coeur, elle peut entendre nos prières, elle peut nous aider par sa bonté maternelle et elle nous est donnée - comme le dit le Seigneur, - précisément comme "mère", à laquelle nous pouvons nous adresser à tout moment. Elle nous écoute toujours, elle est toujours proche de nous, et, étant la Mère du Fils, elle participe de la puissance du Fils, de sa bonté. Nous pouvons toujours confier toute notre vie à cette Mère, qui est proche de tous.

 

 

 

1er novembre 2005 – Angelus Solennité de Toussaint

     Nous célébrons aujourd'hui la solennité de Tous les Saints, qui nous fait goûter la joie d'appartenir à la grande famille des amis de Dieu, ou, comme l'écrit saint Paul, de "partager le sort des saints dans la lumière" (Col 1, 12). La liturgie repropose l'expression remplie d'émerveillement de l'Apôtre Jean:  "Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes!" (1 Jn 3, 1). Oui, devenir saints signifie réaliser pleinement ce que nous sommes déjà, ayant été élevés, en Jésus Christ, à la dignité de fils adoptifs de Dieu (cf. Ep 1, 5; Rm 8, 14-17). A travers l'incarnation de son Fils, sa mort et sa résurrection, Dieu a voulu réconcilier l'humanité avec Lui et l'ouvrir à la participation à sa propre vie. Celui qui croit dans le Christ Fils de Dieu renaît "d'en-haut", il est comme régénéré par l'oeuvre de l'Esprit Saint (cf. Jn 3, 1-8). Ce mystère se réalise dans le sacrement du Baptême, à travers lequel la mère Eglise donne le jour à ses "saints".

     La vie nouvelle, reçue dans le Baptême, n'est pas sujette à la corruption et au pouvoir de la mort. Pour celui qui vit dans le Christ, la mort est le passage du pèlerinage terrestre à la patrie du Ciel, où le Père accueille tous ses fils, "de toute nation, race, peuple et langue", comme nous le lisons aujourd'hui dans le Livre de l'Apocalypse (7, 9). C'est pourquoi, il est particulièrement significatif et approprié qu'après la fête de Tous les Saints, la liturgie nous fasse célébrer demain la Commémoration de tous les fidèles défunts. La "communion des saints", que nous professons dans le Credo, est une réalité qui se construit ici-bas, mais qui se manifestera pleinement quand nous verrons Dieu "tel qu'il est" (1 Jn 3, 2). C'est la réalité d'une famille liée par de profonds liens de solidarité spirituelle, qui unit les fidèles défunts à ceux qui sont en pèlerinage dans le monde. Un lien mystérieux mais réel, alimenté par la prière et par la participation au Sacrement de l'Eucharistie. Dans le Corps mystique du Christ, les âmes des fidèles se rencontrent en franchissant la barrière de la mort; elles prient les unes pour les autres, elles réalisent dans la charité un intime échange de dons. Dans cette dimension de foi est également comprise la pratique d'offrir des prières d'intention pour les défunts, en particulier le Sacrifice eucharistique, mémorial de la Pâque du Christ, qui a ouvert aux croyants le passage vers la vie éternelle.

 

 

 

1er novembre 2005 – A l’issue de l’Angelus Solennité de Toussaint, aux francophones

          Je vous invite à rendre grâce pour tous les saints, qui nous sont donnés comme autant de frères aînés, pour marcher dans la voie de la sainteté et pour transmettre aux jeunes le désir de suivre le Christ, source de bonheur éternel.

 

 

2 novembre 2005 – Audience Générale

     1. Après avoir célébré hier la fête solennelle de tous les Saints du ciel, nous rappelons aujourd'hui la mémoire de tous les fidèles défunts. La liturgie nous invite à prier pour nos chers disparus, en tournant notre pensée vers le mystère de la mort, héritage commun de tous les hommes.

     Eclairés par la foi, nous regardons l'énigme humaine de la mort avec sérénité et espérance. Selon l'Ecriture, en effet, celle-ci est une nouvelle naissance plus qu'une fin, elle est le passage obligatoire à travers lequel ceux qui modèlent leur existence terrestre selon les indications de la Parole de Dieu peuvent atteindre la vie en plénitude.

     Le Psaume 111, une composition de type sapientiel, nous présente la figure de ces justes, qui craignent le Seigneur, en reconnaissent la transcendance et adhèrent avec confiance et amour à sa volonté dans l'attente de le rencontrer après la mort.

     Une "béatitude" est réservée à ces fidèles:  "Heureux l'homme qui craint Yahvé" (v. 1). Le Psalmiste précise immédiatement en quoi consiste cette crainte:  elle se manifeste à travers la docilité aux commandements de Dieu. Est proclamé bienheureux celui qui "se plaît fort" à observer ses commandements, trouvant en eux la joie et la paix.

     2. La docilité à l'égard de Dieu est, donc, une source d'espérance et d'harmonie intérieure et extérieure. L'observance de la loi morale est source d'une profonde paix de la conscience. Plus encore, selon la vision biblique de la "rétribution", le manteau de la bénédiction divine s'étend même sur le juste, imprimant stabilité et succès à ses oeuvres et à celles de ses descendants:  "Sa lignée sera puissante sur la terre, et bénie la race des hommes droits. Opulence et bien-être en sa maison" (vv. 2-3; cf. v. 9). A cette vision optimiste s'opposent cependant les observations amères du juste Job, qui fait l'expérience du mystère de la douleur, se sent injustement puni et soumis à des épreuves apparemment insensées. Job représente de nombreuses personnes justes qui souffrent profondément dans le monde. Il faudra donc lire ce Psaume dans le contexte global de l'Ecriture Sainte, jusqu'à la Croix et à la Résurrection du Seigneur. La Révélation embrasse la réalité de la vie humaine sous tous ses aspects.

     La confiance que le Psalmiste veut transmettre et qu'il veut faire ressentir à celui qui a choisi de suivre la voie d'une conduite moralement irréprochable, contre toute alternative d'un succès illusoire obtenu à travers l'injustice et l'immoralité, conserve toutefois toute sa valeur.

     3. Le coeur de cette fidélité à la Parole divine consiste en un choix fondamental, celui de la charité envers les pauvres et les indigents:  "Bienheureux l'homme qui prend pitié et prête... Il fait largesse, il donne aux pauvres" (vv. 5.9). Le fidèle est donc généreux; respectant la règle biblique, il accorde des prêts à ses frères dans le besoin, sans intérêt (cf. Dt 15, 7-11) et sans tomber dans l'infamie de l'usure, qui anéantit la vie des pauvres.

     Le juste, en tenant compte de l'avertissement constant des prophètes, se range du côté des laissés-pour-compte, et les soutient par des aides abondantes. "Il fait largesse, il donne aux pauvres", dit-on dans le verset 9, démontrant ainsi une extrême générosité, totalement désintéressée.

     4. Le Psaume 111, aux côtés du portrait de l'homme fidèle et charitable, "bon, miséricordieux et juste", présente également à la fin, en un seul verset (cf. v. 10), le profil de l'homme mauvais. Cet individu assiste au succès de la personne juste en brûlant de rage et d'envie. C'est le tourment de celui qui a mauvaise conscience, à la différence de l'homme généreux dont le coeur est "ferme" et "assuré" (vv. 7-8).

     Nous tournons notre regard sur le visage serein de l'homme fidèle qui "fait largesse, il donne aux pauvres" et nous nous en remettons, pour notre réflexion de conclusion, aux paroles de Clément d'Alexandrie, le Père de l'Eglise du II siècle, qui a commenté une affirmation difficile du Seigneur. Dans la parabole sur l'administrateur injuste apparaît l'expression selon laquelle nous devons faire  le  bien  avec l'"argent injuste". De là naît la question:  l'argent, la richesse, sont-ils eux-mêmes injustes, ou que veut dire le Seigneur? Clément d'Alexandrie explique très bien ce mot dans son homélie:  "Quel riche se sauvera?" et dit:  Jésus "déclare injuste par nature toute possession que quelqu'un possède pour lui-même comme un bien propre et qu'il ne met pas en commun pour ceux qui en ont besoin; mais il déclare également que, à partir de cette injustice, il est possible d'accomplir une oeuvre juste et salutaire, en donnant le repos à l'un de ces petits qui ont une demeure éternelle auprès du Père (cf. Mt 10, 42; 18, 10)" (31, 6:  Collana di Testi Patristici, CXLVIII, Rome 1999, pp. 56-57).

     Et, s'adressant aux lecteurs, Clément avertit:  "Tout d'abord, sache qu'il ne t'a pas commandé de te faire prier ni d'attendre d'être supplié, mais il faut que tu cherches toi-même ceux qui sont dignes d'être écoutés, en tant que disciples du Sauveur" (31, 7:  ibid, p. 57).

     Puis, ayant recours à un autre texte biblique, il commente:  "Ce que dit l'Apôtre est donc beau:  "Dieu aime qui donne avec joie" (2 Co 9, 7), celui qui se réjouit de donner et qui ne sème pas chichement, pour ne pas recueillir de la même façon, mais qui partage sans regrets ni distinctions ou douleur; c'est là une authentique manière de faire le bien" (31, 8:  ibid.).

     En ce jour de la commémoration des défunts, comme je l'ai dit au début de notre rencontre, nous sommes tous appelés à nous confronter à l'énigme de la mort et donc à la question de comment vivre bien, comment trouver le bonheur. A cela, le Psaume répond : Heureux l'homme qui donne; heureux l'homme qui n'utilise pas sa vie pour lui-même, mais qui la donne; heureux l'homme qui est miséricordieux, bon et juste; heureux l'homme qui vit dans l'amour de Dieu et du prochain. Ainsi nous vivons bien et ainsi nous ne devons pas avoir peur de la mort, car nous sommes dans le bonheur qui vient de Dieu et qui ne connaît pas de fin.

 

 

11 novembre 2005 – Homélie Messe cardinaux et Eveques défunts

     Le mois de novembre revêt une connotation spirituelle particulière en raison des deux journées par lesquelles il s'ouvre:  la Solennité de la Toussaint et la Commémoration de tous les fidèles défunts. Le mystère de la communion des saints illumine de manière particulière ce mois et toute la partie finale de l'année liturgique, en orientant la méditation sur le destin terrestre de l'homme à la lumière de la Pâque du Christ. Dans  celle-ci  trouve son fondement cette espérance qui, comme le dit saint Paul, est telle qu'elle "ne déçoit pas" (cf. Rm 5, 5). La célébration d'aujourd'hui se situe précisément dans ce contexte, dans lequel la foi exalte des sentiments profondément inscrits dans l'âme humaine. Lors de ces journées, la grande famille de l'Eglise trouve un temps de grâce et le vit, selon sa vocation, en se rassemblant en prière autour du Seigneur et en offrant son Sacrifice rédempteur à l'intention des fidèles défunts. Aujourd'hui, nous l'offrons de manière particulière pour les Cardinaux et les Evêques qui nous ont quittés au cours de l'année écoulée.

     Pendant longtemps, j'ai appartenu au Collège cardinalice, dont j'ai également été le Doyen pendant deux ans et demi. Je me sens donc particulièrement lié à cette communauté spécifique, que j'ai eu l'honneur de présider également pendant les journées inoubliables qui ont suivi la disparition du bien-aimé Pape Jean-Paul II. Il nous a laissé, parmi d'autres exemples lumineux, celui très précieux de la prière, et en ce moment également, nous recueillons son héritage spirituel, conscients que son intercession se poursuit de manière encore plus intense du Ciel. Au cours des douze derniers mois, cinq Vénérés frères Cardinaux sont passés "sur l'autre rive":  Juan Carlos Aramburu, Jan Pieter Schotte, Corrado Bafile, Jaime Sin et, il y a moins d'un mois, Giuseppe Caprio. Avec leurs âmes, nous confions aujourd'hui au Seigneur celles des Archevêques et des Evêques qui, au cours de cette même période, ont conclu leur pèlerinage terrestre. Nous élevons ensemble notre prière pour chacun d'eux, dans la lumière de la Parole que Dieu nous a adressée dans cette Liturgie.

     Le passage du Livre du Siracide contient tout d'abord une exhortation à la constance dans l'épreuve et donc une invitation à la confiance en Dieu. A l'homme qui traverse les vicissitudes de la vie, la Sagesse recommande:  "Attache-toi à lui - au Seigneur -, ne t'éloigne pas, afin d'être exalté à ton dernier jour" (Si 2, 3). Celui qui se place au service du Seigneur et qui donne sa vie dans le ministère ecclésial n'est pas exempté des épreuves, au contraire, il en rencontre de plus insidieuses, comme le démontre largement l'expérience des saints. Mais vivre dans la crainte de Dieu libère le coeur de toute peur et le plonge dans les profondeurs de son amour. "Vous qui craignez le Seigneur, ayez confiance en lui [...] espérez ses bienfaits, la joie éternelle et la miséricorde" (Si 2, 8-9).

     Cette invitation à la confiance se rattache directement au début de l'épisode de l'Evangile de saint Jean qui vient d'être proclamé:  "Que votre coeur ne se trouble pas! - dit Jésus aux Apôtres lors de la dernière Cène - vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi" (Jn 14, 1). Le coeur humain, toujours inquiet tant qu'il ne trouve pas un refuge sûr dans son pèlerinage, atteint finalement là le roc solide où s'arrêter et se reposer. Celui qui a confiance en Jésus, place sa confiance en Dieu lui-même. En effet, Jésus est un Homme véritable, mais en lui, nous pouvons avoir une foi pleine et inconditionnée, car - comme il l'affirme lui-même peu après en s'adressant à Philippe - il est dans le Père et le Père est en lui (cf. Jn 14, 10). En cela, Dieu est véritablement venu à notre rencontre. Nous, les êtres humains, nous avons besoin d'un ami, d'un frère qui nous prenne par la main et nous accompagne jusqu'à la maison du Père (Jn 14, 2); nous avons besoin de quelqu'un qui connaît bien la route. Et Dieu, dans son amour "surabondant" (Ep 2, 4), a envoyé son Fils, non seulement pour qu'il nous l'indique, mais pour devenir lui-même "le chemin" (Jn 14, 6).

     "Nul ne vient au Père que par moi" (Jn 14, 6), affirme Jésus. Ce "nul" n'admet pas d'exceptions; mais, à tout bien considérer, il correspond à une autre parole, que Jésus prononça aussi lors de la dernière Cène lorsque, présentant la coupe, il dit:  "Ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés" (Mt 26, 28). Dans la maison, du Père, les "places" sont "nombreuses", au sens où près de Dieu il y a de la place pour "tous" (cf. Jn 14, 2). Jésus est la voie ouverte à "tous"; il n'y en a pas d'autres. Et celles qui semblent "autres", dans la mesure où elles sont authentiques, reconduisent à Lui; autrement, elles ne mènent pas à la vie. Le don que le Père a fait à l'humanité en envoyant son Fils unique est donc inestimable. A ce don correspond une responsabilité, qui est d'autant plus grande qu'est plus étroit le rapport qui en a dérivé avec Jésus. "A qui on aura donné beaucoup - dit le Seigneur - il sera beaucoup demandé, et à qui on aura confié beaucoup on réclamera davantage" (Lc 12, 48). C'est pour cette raison que, alors que nous rendons grâce à Dieu pour tous les bienfaits qu'il a accordés à nos confrères défunts, nous offrons pour eux les mérites de la passion et de la mort du Christ, pour qu'ils comblent les lacunes dues à la fragilité humaine.

     Le Psaume responsorial (121/122) et la deuxième Lecture (1 Jn 3, 1-2) ouvrent nos coeurs par l'émerveillement de l'espérance, à laquelle nous avons été appelés. Le Psalmiste nous la fait chanter comme un hymne à Jérusalem, en nous invitant à imiter spirituellement les pèlerins qui "montaient" vers la ville sainte et, après un long chemin, parvenaient remplis de joie à ses portes:  "J'étais joyeux que l'on me dise:  / Allons à la maison de Yahvé! / Enfin nos pieds s'arrêtent / dans tes portes, Jérusalem!" (Ps 121, 1-2). Dans sa première Lettre, l'Apôtre Jean l'exprime en nous communiquant la certitude, mêlée de gratitude, d'être devenus des fils de Dieu et en même temps en nous rappelant l'attente de la pleine manifestation de cette réalité:  "Bien-aimés, dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté... Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est" (1 Jn 3, 2).

     Vénérés et chers frères, l'âme tournée vers ce mystère de salut, nous offrons la divine Eucharistie pour les Cardinaux et les Evêques qui nous ont précédés dans le dernier passage vers la vie éternelle. Nous invoquons l'intercession de saint Pierre et de la Bienheureuse Vierge Marie, afin qu'ils les accueillent dans la maison du Père, dans l'espérance confiante de pouvoir un jour nous unir à eux pour jouir de la plénitude de la vie et de la paix. Amen.

 

 

31 décembre 2005  - Méditation lors du Te Deum dans la Basilique Saint-Pierre

     Nous demandons au Seigneur de la vie de soulager par sa grâce les peines provoquées par le mal, et de continuer à soutenir notre existence terrestre, en nous donnant le Pain et le Vin du salut, pour accompagner notre chemin vers la patrie du Ciel….

       Nous demandons à Marie d'intercéder pour nous. Que sa protection maternelle nous accompagne aujourd'hui et toujours, pour que le Christ nous accueille un jour dans sa gloire, dans l'assemblée des saints: Aeterna fac cum sanctis tuis in gloria numerari.

 

 

 

 

 

2006

 

 

 

8 janvier 2006 – Homélie Messe Baptêmes – Chapelle Sixtine

    Que se passe-t-il lors du Baptême ? Qu'attend-on du Baptême ? Vous avez donné une réponse au seuil de cette Chapelle : nous attendons pour nos enfants la vie éternelle. Tel est le but du Baptême. Mais comment peut-il être réalisé ? Comment le Baptême peut-il donner la vie éternelle ? Qu'est-ce que la vie éternelle ?
 

    Dans le Baptême chaque enfant est introduit dans une compagnie d'amis qui ne l'abandonnera jamais dans la vie ni dans la mort, parce que cette compagnie d'amis est la famille de Dieu, qui porte en elle la promesse de l'éternité. Cette compagnie d'amis, cette famille de Dieu, dans laquelle à présent l'enfant est introduit, l'accompagnera toujours même aux jours de la souffrance, dans les nuits obscures de la vie ; elle lui donnera consolation, réconfort, lumière. Cette compagnie, cette famille lui donnera la parole de vie éternelle. Paroles de lumière qui répondent aux grands défis de la vie et donnent l'indication juste sur la route à prendre. Cette compagnie offre à l'enfant consolation et réconfort, l'amour de Dieu même au seuil de la mort, dans la vallée obscure de la mort. Elle lui donnera l'amitié, elle lui donnera la vie. Et cette compagnie, absolument fiable, ne disparaîtra jamais. Personne d'entre nous ne sait ce qui adviendra sur notre planète, dans notre Europe, dans les cinquante, soixante, soixante-dix années à venir. Mais nous sommes sûrs d'une chose : la famille de Dieu sera toujours présente et celui qui appartient à cette famille ne sera jamais seul, il aura toujours l'amitié sûre de Celui qui est la vie.

      Cette famille de Dieu, cette compagnie d'amis est éternelle, parce qu'elle est communion avec Celui qui a vaincu la mort, qui a entre les mains les clés de la vie. Etre dans la compagnie, dans la famille de Dieu, signifie être en communion avec le Christ, qui est vie et donne l'amour éternel au-delà de la mort. Et si nous pouvons dire qu'amour et vérité sont source de vie, qu'ils sont la vie - et une vie sans amour n'est pas la vie - nous pouvons dire que cette compagnie avec Celui qui est réellement la vie, avec Celui qui est le Sacrement de la vie, répondra à votre attente, à votre espérance.
 

 

    Le Baptême - comme nous l'avons vu - est un don ; le don de la vie. Mais un don doit être accueilli, doit être vécu. Un don d'amitié implique un « oui » à l'ami et implique un « non » à ce qui n'est pas compatible avec cette amitié, à ce qui est incompatible avec la vie de la famille de Dieu, avec la vraie vie dans le Christ. Et ainsi, dans ce second dialogue, sont prononcés trois « non » et trois « oui ». On dit « non » et on renonce aux tentations, au péché, au diable. Ces choses, nous les connaissons bien, mais peut-être justement pour les avoir entendues trop souvent, ces paroles ne nous disent pas grand chose. Alors, nous devons un peu approfondir les contenus de ces « non ». A quoi disons-nous « non » ? C'est le seul moyen de comprendre à quoi nous voulons dire « oui ».

     Dans l'Eglise antique, ces « non» étaient résumés en une parole qui pour les hommes de ce temps était bien compréhensible : on renonce - disait-on - à la « pompa diabuli », c'est-à-dire à la promesse de vie en abondance, à cette apparence de vie qui semblait venir du monde païen, de ses libertés, de sa manière de vivre uniquement selon son bon plaisir. C'était donc un « non » à une culture apparemment d'abondance de la vie, mais qui en réalité était une « anticulture » de la mort. C'était un « non » à ces spectacles où la mort, la cruauté, la violence étaient devenus divertissement. Pensons à ce qui était organisé au Colisée ou ici, dans les jardins de Néron, où les hommes étaient brûlés comme des torches vivantes. La cruauté et la violence étaient devenues un motif de divertissement, une vraie perversion de la joie, du vrai sens de la vie. Cette « pompa diabuli », cette « anticulture » de la mort était une perversion de la joie, était amour du mensonge, de la tromperie, était un abus du corps comme marchandise et comme commerce.

     Et si nous réfléchissons à présent, nous pouvons dire qu'à notre époque aussi il est nécessaire de dire « non » à la culture largement dominante de la mort. Une « anticulture » qui se manifeste, par exemple, dans la drogue, dans la fuite de la réalité au profit de l'illusion, dans un bonheur faux qui s'exprime dans le mensonge, dans la tromperie, dans l'injustice, dans le mépris de l'autre, de la solidarité, de la responsabilité envers les pauvres et les personnes qui souffrent; qui s'exprime dans une sexualité qui devient un pur divertissement sans responsabilité, qui devient une « chosification » - pour ainsi dire - de l'homme, qui n'est plus considéré comme une personne, digne d'un amour personnel qui exige fidélité, mais devient une marchandise, un simple objet. A cette promesse de bonheur apparent, à cette « pompa » d'une vie apparente qui en réalité est seulement un instrument de mort, à cette « anticulture », nous disons « non », pour cultiver la culture de la vie. C'est pourquoi le « oui » chrétien, des temps antiques jusqu'à aujourd'hui, est un grand « oui » à la vie. C'est notre « oui » au Christ, le « oui » au vainqueur de la mort et le « oui » à la vie dans le temps et dans l'éternité.

 

     Comme dans ce dialogue baptismal, le « non » est articulé autour de trois renonciations, de même le « oui » s'articule autour de trois adhésions: « oui » au Dieu vivant, c'est-à-dire au Dieu créateur, à une raison créatrice qui donne sens au cosmos et à notre vie; « oui » au Christ, c'est-à-dire à un Dieu qui n'est pas resté caché mais qui a un nom, qui a des paroles, qui est fait de corps et de sang; à un Dieu concret qui nous donne la vie et nous montre le chemin de la vie; « oui » à la communion de l'Eglise, dans laquelle le Christ est le Dieu vivant, qui entre dans notre temps, entre dans notre profession, entre dans la vie de chaque jour.
 

     Prions pour nos enfants, pour qu'ils aient réellement la vie, la vraie vie, la vie éternelle.

 

 

5 février 2006 – Homélie Messe

     Là où est accomplie la volonté de Dieu le ciel est déjà présent, sur la terre commence aussi un peu du ciel .

 

 

12 février 2006 – Angelus

     La maladie est un trait typique de la condition humaine, qui peut devenir une métaphore réaliste de celle-ci, comme l'exprime saint Augustin dans l'une de ses prières:  "Seigneur, ayez pitié de moi! Hélas! Voilà mes blessures, je ne les cache pas. Vous êtes le médecin, je suis le malade; vous êtes miséricordieux, je suis un misérable". (Conf. Livre X, n. 39).

     Le Christ est le vrai "médecin" de l'humanité, que le Père céleste a envoyé dans le monde pour guérir l'homme, marqué dans son corps et son esprit par le péché et ses conséquences. L'Evangile de Marc nous présente Jésus qui, au début de son ministère public se consacre tout entier à la prédication et à la guérison des malades dans les villages de Galilée. Les innombrables signes prodigieux qu'il accomplit sur les malades confirment la "bonne nouvelle" du Royaume de Dieu. L'Evangile raconte la guérison d'un lépreux et exprime avec une grande force l'intensité de la relation entre Dieu et l'homme, résumée dans un merveilleux dialogue:  "Si tu le veux, tu peux me purifier", dit le lépreux. "Je le veux, sois purifié", répond Jésus, le touchant de la main et le libérant de la lèpre (Mc 1, 40-42). Nous voyons ici en quelque sorte concentrée toute l'histoire du salut:  ce geste de Jésus qui tend la main et touche le corps couvert de plaies de la personne qui l'invoque, manifeste parfaitement la volonté de Dieu de guérir sa créature déchue, en lui redonnant la vie "en abondance" (Jn 10, 10), la vie éternelle, pleine, heureuse. Le Christ est "la main" de Dieu tendue à l'humanité pour qu'elle puisse sortir des sables mouvants de la maladie et de la mort et se remettre debout sur le roc solide de l'amour divin (cf. Ps 39, 2-3).

 

 

Message Carême 2006

     C'est justement à ce salut intégral que le Carême veut nous conduire en vue de la victoire du Christ sur tout mal qui opprime l'homme. En nous tournant vers le divin Maître, en nous convertissant à Lui, en faisant l'expérience de sa miséricorde grâce au sacrement de la Réconciliation, nous découvrirons un «regard» qui nous scrute dans les profondeurs et qui peut animer de nouveau les foules et chacun d'entre nous. Ce «regard» redonne confiance à ceux qui ne se renferment pas dans le scepticisme, en leur ouvrant la perspective de l'éternité bienheureuse. En fait, déjà dans l'histoire, même lorsque la haine semble dominer, le Seigneur ne manque jamais de manifester le témoignage lumineux de son amour.

 

 

2 mars 2006 – Avec les prêtres du Diocèse de Rome

      Nouveau et Ancien Testament vont de pair. Dans la première Lecture du Deutéronome, la réponse de Dieu est: "Si tu écoutes les commandements de Yahvé ton Dieu, que je te prescris aujourd'hui, et que tu aimes Yahvé ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras" (30, 16). A première vue, cela ne nous plaît pas, mais telle est la voie: l'option pour la vie et l'option pour Dieu sont identiques. Le Seigneur le dit dans l'Evangile de saint Jean: "La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent" (Jn 17, 3).

 

25 mars 2006 - Homélie de la Messe Solennité de l’Annonciation et Consistoire

      En ce monde, tout passe. Dans l'éternité, seul l'Amour demeure.

 

3 avril 2006 – Homélie de la Messe 1 an de la mort de Jean Paul II

     Dans le Livre de la Sagesse, il nous a été rappelé quel est le destin final des justes : un destin de bonheur surabondant, qui récompense sans limite pour les souffrances et les épreuves affrontées au cours de la vie. « Dieu les a mis à l'épreuve - affirme l'auteur sacré - et il les a trouvés dignes de lui ; comme l'or au creuset, il les a éprouvés, comme un parfait holocauste, il les a agréés » (3, 5-6). Le terme d'« holocauste » fait référence au sacrifice au cours duquel la victime était entièrement brûlée, consumée par le feu ; il s'agissait donc d'un signe de don total à Dieu.

 

15 avril 2006 – Homélie Messe Nuit de Pâques

     Par amour, Jésus pouvait se laisser tuer, mais c'est précisément ainsi qu'il a rompu le caractère définitif de la mort, parce qu'en lui était présent le caractère définitif de la vie. Il était un avec la vie indestructible, de telle manière que celle-là, à travers la mort, jaillisse d'une manière nouvelle. Nous pouvons exprimer encore une fois la même chose en partant d'un autre point de vue. Sa mort fut un acte d'amour. Au cours de la dernière Cène, Il a anticipé sa mort et Il l'a transformée en don de soi. Sa communion existentielle avec Dieu était concrètement une communion existentielle avec l'amour de Dieu, et cet amour est la vraie puissance contre la mort, il est plus fort que la mort. La résurrection fut comme une explosion de lumière, une explosion de l'amour, qui a délié le lien jusqu'alors indissoluble du «meurs et deviens». Elle a inauguré une nouvelle dimension de l'être, de la vie, dans laquelle la matière a aussi été intégrée, d'une manière transformée, et à travers laquelle surgit un monde nouveau…

    Il est clair que cet événement n'est pas un quelconque miracle du passé, dont l'existence pourrait nous être, en définitive, indifférente. Il s'agit d'un saut qualitatif dans l'histoire de l'évolution et de la vie en général, vers une vie future nouvelle, vers un monde nouveau qui, en partant du Christ, pénètre déjà continuellement dans notre monde, le transforme et l'attire à lui. Mais comment cela se produit-il ? Comment cet événement peut-il effectivement m'arriver et attirer ma vie vers lui et vers le haut ? Dans un premier temps, la réponse pourrait sembler surprenante, mais elle est tout à fait réelle: un tel événement me rejoint à travers la foi et le Baptême. ..Le Baptême signifie précisément ceci, qu'il ne s'agit pas d'un événement du passé, mais qu'un saut qualitatif de l'histoire universelle vient à moi, me saisissant pour m'attirer. Le Baptême est quelque chose de bien différent qu'un acte de socialisation ecclésiale, qu'un rite un peu démodé et compliqué pour accueillir les personnes dans l'Église. Il est encore bien plus que le simple fait d'être lavé, qu'une sorte de purification et d'embellissement de l'âme. Il est vraiment mort et résurrection, renaissance, transformation en une vie nouvelle.

    Comment pouvons-nous le comprendre ? Je pense que ce qui advient au Baptême s'éclaire plus facilement pour nous si nous regardons la partie finale de la petite autobiographie spirituelle que saint Paul nous a laissée dans sa Lettre aux Galates. Elle se conclut par les mots qui contiennent aussi le noyau de cette biographie: «Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20). Je vis, mais ce n'est plus moi. Le moi lui-même, l'identité essentielle de l'homme - de cet homme, Paul - a été changée. Il existe encore et il n'existe plus. Il a traversé une négation et il se trouve continuellement dans cette négation: c'est moi, mais ce n'est plus moi. Par ces mots, Paul ne décrit pas une quelconque expérience mystique, qui pouvait peut-être lui avoir été donnée et qui pourrait sans doute nous intéresser du point de vue historique. Non, cette phrase exprime ce qui s'est passé au Baptême. Mon propre moi m'est enlevé et il s'incorpore à un sujet nouveau, plus grand. Alors mon moi existe de nouveau, mais précisément transformé, renouvelé, ouvert par l'incorporation dans l'autre, dans lequel il acquiert son nouvel espace d'existence. De nouveau, Paul nous explique la même chose, sous un autre aspect, quand, dans le troisième chapitre de la Lettre aux Galates, il parle de la «promesse», disant qu'elle a été donnée au singulier - à un seul: au Christ. C'est lui seul qui porte en lui toute la «promesse». Mais alors qu'advient-il pour nous ? Paul répond: «Vous ne faites plus qu'un dans le Christ» (Ga 3, 28). Non pas une seule chose, mais un, un unique, un unique sujet nouveau. Cette libération de notre moi de son isolement, le fait de se trouver dans un nouveau sujet, revient à se trouver dans l'immensité de Dieu et à être entraînés dans une vie qui est dès maintenant sortie du contexte du «meurs et deviens». La grande explosion de la Résurrection nous a saisis dans le Baptême pour nous attirer. Ainsi nous sommes associés à une nouvelle dimension de la vie dans laquelle nous sommes déjà en quelque sorte introduits, au milieu des tribulations de notre temps. Vivre sa vie comme une entrée continuelle dans cet espace ouvert : telle est la signification essentielle de l'être baptisé, de l'être chrétien. Telle est la joie de la Veillée pascale. La Résurrection n'est pas passée, la Résurrection nous a rejoints et saisis. Nous nous accrochons à elle, c'est-à-dire au Christ ressuscité, et nous savons que Lui nous tient solidement, même quand nos mains faiblissent. Nous nous accrochons à sa main, et ainsi nous nous tenons la main les uns des autres, nous devenons un unique sujet, et pas seulement une seule chose. C'est moi, mais ce n'est plus moi: voilà la formule de l'existence chrétienne fondée sur le Baptême, la formule de la Résurrection à l'intérieur du temps. C'est moi, mais ce n'est plus moi: si nous vivons de cette manière, nous transformons le monde. C'est la formule qui contredit toutes les idéologies de la violence, et c'est le programme qui s'oppose à la corruption et à l'aspiration au pouvoir et à l'avoir.

«Je vis et, vous aussi, vous vivrez», dit Jésus à ses disciples, c'est-à-dire à nous, dans l'Évangile de Jean (14, 19). Nous vivrons par la communion existentielle avec Lui, par le fait d'être incorporés en Lui qui est la vie même. La vie éternelle, l'immortalité bienheureuse, nous ne l'avons pas de nous-mêmes et nous ne l'avons pas en nous-mêmes, mais au contraire par une relation - par la communion existentielle avec Celui qui est la Vérité et l'Amour, et qui est donc éternel, qui est Dieu lui-même. Par elle-même, la simple indestructibilité de l'âme ne pourrait pas donner un sens à une vie éternelle, elle ne pourrait pas en faire une vraie vie. La vie nous vient du fait d'être aimés par Celui qui est la Vie; elle nous vient du fait de vivre-avec Lui et d'aimer-avec Lui. C'est moi, mais ce n'est plus moi: tel est le chemin de la croix, le chemin qui crucifie une existence renfermée seulement sur le moi, ouvrant par-là la route à la joie véritable et durable…

     … La Résurrection est un avènement cosmique, qui comprend le ciel et la terre, et qui les lie l'un à l'autre

 

15 avril 2006 - Message de Pâques Urbi et Orbi

     «Il n'est pas ici... il est ressuscité». Les messagers célestes communiquent avant tout que Jésus «n'est pas ici»: le Fils de Dieu n'est pas resté dans le tombeau, parce qu'il ne pouvait pas rester prisonnier de la mort (cf. Ac 2, 24), et le tombeau ne pouvait pas retenir «le Vivant» (Ap 1, 18), qui est la source même de la vie. De même que Jonas est resté dans le ventre du poisson, de même le Christ crucifié est resté englouti au c½ur de la terre (cf. Mt 12, 40), le temps d'un sabbat. Ce fut «vraiment un grand jour que ce sabbat», comme l'écrit l'évangéliste Jean (19, 31): le plus solennel de l'histoire, parce qu'avec lui le «Seigneur du sabbat» (cf. Mt 12, 8) porte à son accomplissement l'½uvre de la création (cf. Gn 2, 1-4a), élevant l'homme et le cosmos tout entier à la liberté de la gloire des fils de Dieu (cf. Rm 8, 21). Une fois cette ½uvre extraordinaire accomplie, le corps sans vie a été traversé par le souffle vital de Dieu et, les barrières du tombeau ayant été rompues, il est ressuscité glorieux. C'est pourquoi les anges proclament «il n'est pas ici»: il ne peut plus se trouver dans le tombeau. Il a marché sur la terre des hommes, il a terminé son chemin dans le tombeau comme tous les hommes, mais il a vaincu la mort, et, de manière absolument nouvelle, par un acte de pur amour, il a ouvert la terre et il l'a ouverte en grand vers le Ciel.
 

21 mai 2006 - Regina Caeli

     Le livre des Actes des apôtres rapporte que Jésus, après sa résurrection, est apparu à ses disciples pendant quarante jours, et puis « fut élevé en haut sous leurs yeux » (At 1,9). C’est l’Ascension. La signification de ce dernier geste du Christ est double. Avant tout, en montant vers « le haut », il révèle sans équivoque sa divinité : il retourne là d’où il est venu, c’est-à-dire en Dieu, après avoir accompli sa mission sur la terre. En outre, le Christ monte au ciel avec l’humanité qu’il a assumée et qu’il a ressuscitée d’entre les morts : cette humanité c’est la nôtre, transfigurée, divinisée, devenue éternelle. L’Ascension révèle donc la « très haute vocation » (Gaudium et spes, 22) de toute personne humaine : elle est appelée à la vie éternelle dans le Royaume de Dieu, Royaume d’amour, de lumière et de paix.

     Nous nous réjouissons à propos de cette fête, que le Christ notre Sauveur a pris place à la droite du Père, parce que là où il est allé nous avons l’espérance de le suivre.
 

15 aout 2006 – Homélie de la Messe à Castelgandolfo

      Marie en disant : « Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole » a préparé ici sur la terre la demeure pour Dieu : corps et âme, elle en est devenue la demeure et elle a ainsi ouvert la terre au ciel.

 

     Saint Luc, …à travers différentes allusions, fait comprendre que Marie est la véritable Arche de l'Alliance, que le mystère du Temple - la venue de Dieu ici sur terre - s'accomplit en Marie. Dieu habite réellement en Marie, il devient présent ici sur la terre. Marie devient sa tente. Ce que désirent toutes les cultures - c'est-à-dire que Dieu vienne habiter parmi nous - se réalise ici. Saint Augustin dit : « Avant de concevoir le Seigneur dans le corps, elle l'avait déjà conçu dans l'âme ». Elle avait donné au Seigneur l'espace de son âme et elle était ainsi devenue réellement le véritable Temple où Dieu s'est incarné, où il est devenu présent sur cette terre. Et ainsi, étant la demeure de Dieu sur la terre, sa demeure éternelle est déjà préparée en elle, cette demeure est déjà préparée pour toujours.

 

 

 

16 août 2006 – Audience Générale

     Comment faire en sorte alors que ce signe lumineux d'espérance qu’est l’Assomption de Notre-Dame au Ciel, soit perçu toujours plus par nous tous et par la société d'aujourd'hui ? Aujourd'hui, il y a des personnes qui vivent comme si elles ne devaient jamais mourir ou comme si tout devait finir avec la mort ; certains agissent en pensant que l'homme est l'unique artisan de leur destin, comme si Dieu n'existait pas, en arrivant parfois même à nier qu'il y ait une place pour Lui dans notre monde. Les grandes victoires de la technique et de la science, qui ont considérablement amélioré la condition de l'humanité, laissent toutefois sans solution les questions les plus profondes de l'âme humaine. Seule l'ouverture au mystère de Dieu, qui est Amour, peut étancher la soif de vérité et de bonheur de notre coeur; seule la perspective de l'éternité peut conférer une valeur authentique aux événements historiques et surtout au mystère de la fragilité humaine, de la souffrance et de la mort.

     En contemplant Marie dans la gloire céleste, nous comprenons que pour nous aussi, la terre n'est pas la patrie définitive et que si nous vivons tournés vers les biens éternels, nous partagerons un jour sa gloire et la terre également deviendra plus belle. C'est pour cela que, même parmi les mille difficultés quotidiennes, nous ne devons pas perdre la sérénité, ni la paix. Le signe lumineux de l'Assomption de la Vierge au ciel resplendit encore plus lorsque semblent s'accumuler à l'horizon des ombres tristes de douleur et de violence. Nous en sommes certains:  d'en haut, Marie suit nos pas avec une douce inquiétude, elle nous réconforte à l'heure des ténèbres et de la tempête, elle nous rassure de sa main maternelle. Soutenus par cette conscience, nous poursuivons avec confiance notre chemin d'engagement chrétien là où la Providence nous conduit.

 

 

 

 

 

 

31 août 2006 – Avec les prêtres du Diocèse d’Albano

     Nous devons nous faire des interprètes de la réalité qui commence avec le Baptême. Je ne connais pas suffisamment bien le Rituel italien. Dans le Rituel classique, hérité de l'Eglise antique, le Baptême commence par la question: « Que demandez-vous à l'Eglise de Dieu ? ». Aujourd'hui, tout au moins dans le rituel allemand, l'on répond simplement : « Le Baptême ». Cela n'explicite pas suffisamment ce qu'il y a à désirer. Dans le Rituel antique, l'on disait : « La foi ». C'est-à-dire une relation avec Dieu. Connaître Dieu. « Et pourquoi - continue-t-on - demandez-vous la foi ? ». « Parce que nous voulons la vie éternelle ». C'est-à-dire que nous voulons une vie sûre même au cours des crises à venir, une vie qui a un sens, qui justifie l'être humain.

 

 

1er septembre 2006 – Sanctuaire de la Sainte Face de Manopello

     « Qui m'a vu a vu le Père ». Oui, … pour « voir Dieu », il faut connaître le Christ et se laisser façonner par son Esprit qui guide les croyants « à la vérité tout entière » (cf. Jn 16, 13). Celui qui rencontre Jésus, qui se laisse attirer par Lui et qui est disposé à le suivre jusqu'au sacrifice de sa vie, fait personnellement l'expérience, comme Lui l'a faite sur la croix, que seul le « grain de blé » qui tombe en terre et meurt porte « beaucoup de fruit » (cf. Jn 12, 24). Telle est la voie du Christ, la voie de l'amour total qui vainc la mort: celui qui la parcourt et « hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle » (Jn 12, 25). C'est-à-dire qu'il vit déjà en Dieu sur cette terre, attiré et transformé par la splendeur de sa face. Telle est l'expérience des vrais amis de Dieu, les saints, qui ont reconnu et aimé chez leurs frères, en particulier les pauvres et les indigents, la face de ce Dieu longuement contemplée avec amour dans la prière. Ils constituent pour nous des exemples encourageants à imiter; ils nous assurent que si nous parcourons fidèlement cette voie, la voie de l'amour, nous aussi - comme le chante le Psalmiste - nous nous rassasierons de la présence de Dieu (cf. Ps 16 [17], 15)…

 

      « C'est ta face, Seigneur, que je cherche »: rechercher la face de Jésus doit être l'aspiration de nous tous qui sommes chrétiens; nous sommes en effet « le peuple » qui, à cette époque, recherche la face du Seigneur, la face du « Dieu de Jacob ». Si nous persévérons dans la recherche de la face du Seigneur, au terme de notre pèlerinage terrestre, ce sera Lui, Jésus, notre joie éternelle, notre récompense et notre gloire pour toujours

 

19 octobre 2006 – Homélie de la Messe dans le stade de Verona

    La Résurrection du Christ (est) un événement qui a régénéré les croyants à une espérance vivante, comme l'exprime l'Apôtre Paul au début de sa Première Lettre. …. En tant que son successeur, je m'exclame moi aussi avec joie : «Béni soit Dieu, le Père de Jésus Christ notre Seigneur» (1 P 1, 3), car à travers la Résurrection de son Fils, il nous a régénérés et, dans la foi, il nous a donné une espérance invincible dans la vie éternelle, de sorte que nous vivons dans le présent toujours tendus vers l'objectif, qui est la rencontre finale avec notre Seigneur et Sauveur. Forts de cette espérance, nous n'avons pas peur des épreuves, qui, bien que douloureuses et difficiles, ne peuvent jamais entacher la joie profonde qui dérive du fait d'être aimé de Dieu. Dans sa miséricorde providentielle, il a donné son Fils pour nous et nous, sans le voir, nous croyons en Lui et nous L'aimons (cf. 1 P 1, 3-9). Son amour nous suffit…

 

     Nous sommes … animés par la conscience que seul le Christ peut satisfaire les attentes profondes de chaque c½ur humain et répondre aux interrogations les plus troublantes sur la douleur, l'injustice et le mal, sur la mort et l'au-delà. Notre foi est donc fondée, mais il faut que cette foi devienne vie en chacun de nous.

 

 

1er novembre 2006 – Homélie Messe Toussaint

     L'expérience de l'Eglise démontre que toute forme de sainteté, tout en suivant des parcours différents, passe toujours par le chemin de la croix, le chemin du renoncement à soi-même. Les biographies des saints décrivent des hommes et des femmes qui, dociles aux desseins divins, ont parfois affronté des épreuves et des souffrances indescriptibles, des persécutions et le martyre. Ils ont persévéré dans leur engagement, "ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve - lit-on dans l'Apocalypse - ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau" (v. 14). Leurs noms sont inscrits dans le livre de la vie (cf. Ap 20, 12); leur demeure éternelle est le Paradis. L'exemple des saints est pour nous un encouragement à suivre les mêmes pas, à ressentir la joie de celui qui a confiance en Dieu, car l'unique cause véritable de tristesse et de malheur pour l'être humain est de vivre loin de Lui. …

     Jésus dit: Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, heureux les doux, heureux les affligés, heureux les affamés et les assoiffés de justice, les miséricordieux, heureux les c½urs purs, les artisans de paix, les persécutés pour la justice (cf. Mt 5, 3-10). En vérité, le bienheureux par excellence est uniquement Lui, Jésus. En effet, c'est Lui qui a véritablement une âme de pauvre, l'affligé, le doux, l'affamé et assoiffé de la justice, le miséricordieux, le c½ur pur, l'artisan de paix; c'est Lui le persécuté pour la justice. Les Béatitudes nous montrent la physionomie spirituelle de Jésus, et expriment ainsi son mystère, le mystère de Mort et de Résurrection, de Passion, et de joie de la Résurrection. Ce mystère, qui est le mystère de la véritable Béatitude, nous invite à suivre Jésus et, ainsi, à nous acheminer vers elle. Dans la mesure où nous accueillons sa proposition et nous nous plaçons à sa suite - chacun selon ses conditions -, nous aussi, nous pouvons participer à sa béatitude. Avec Lui, l'impossible devient possible et même un chameau peut passer par le trou d'une aiguille (cf. Mc 10, 25); avec son aide, et uniquement avec son aide, il est possible de devenir parfaits comme le Père céleste est parfait (cf. Mt 5, 48)…

 

     Entrons … dans le c½ur de la Célébration eucharistique, encouragement et aliment de sainteté. Dans quelques instants deviendra présent de la façon la plus élevée le Christ, véritable Vigne, à laquelle, en tant que sarments, sont unis les fidèles qui sont sur terre et les saints du ciel. Ainsi se renforcera la communion de l'Eglise en pèlerinage dans le monde avec l'Eglise triomphante dans la gloire.

 

1er novembre 2006 – Angelus

     L'homme moderne attend-il encore cette vie éternelle, ou bien considère-t-il qu'elle appartient à une mythologie désormais dépassée? A notre époque, plus que par le passé, nous sommes tellement occupés par les choses terrestres, qu'il est parfois difficile de penser à Dieu comme le protagoniste de l'histoire et de notre vie elle-même. Toutefois, par sa nature, l'existence humaine est tendue vers quelque chose de plus grand, qui la transcende; le désir de justice, de vérité, et de bonheur complet inscrit dans l'être humain est irrépressible. Face à l'énigme de la mort, sont présents chez de nombreuses personnes le désir et l'espérance de retrouver leurs proches dans l'au-delà. De même qu'il existe la profonde conviction d'un jugement dernier qui rétablisse la justice, et l'attente d'une confrontation finale dans laquelle chacun reçoive ce qui lui est dû.

     La "vie éternelle", pour nous, chrétiens, n'indique cependant pas une vie qui dure pour toujours, mais une nouvelle qualité de vie, pleinement plongée dans l'amour de Dieu, qui libère du mal et de la mort et nous place dans une communion sans fin avec tous les frères et les soeurs qui participent du même Amour. C'est pourquoi l'éternité peut être déjà présente au centre de la vie terrestre et temporelle, lorsque l'âme, à travers la grâce, est unie à Dieu, à son fondement ultime. Tout passe, seul Dieu reste immuable. Un Psaume dit:  "Et ma chair et mon coeur sont consumés:  roc de mon coeur, ma part, Dieu à jamais!" (Ps 73 [72], 26). Tous les chrétiens, appelés à la sainteté, sont des hommes et des femmes qui vivent solidement ancrés à ce "Roc"; ils ont les pieds sur terre, mais le coeur déjà au Ciel, demeure définitive des amis de Dieu.

     Chers frères et soeurs, méditons sur ces réalités l'âme tournée vers notre destin ultime et définitif, qui donne un sens aux situations quotidiennes. Ravivons le sentiment joyeux de la communion des saints et laissons-nous attirer vers le but de notre existence:  la rencontre face-à-face avec Dieu. Prions afin que cela soit l'héritage de tous les fidèles défunts, non seulement de nos proches, mais également de toutes les âmes, en particulier celles qui sont le plus oubliées et qui ont besoin de la miséricorde divine. Que la Vierge Marie, Reine de Tous les Saints, nous guide pour choisir en tout moment la vie éternelle, la "vie du monde à venir" comme nous le disons dans le Credo; un monde déjà inauguré par la résurrection du Christ, et dont nous pouvons hâter la venue par notre conversion sincère et les oeuvres de charité.

 

 

 

4 novembre 2006 – Homélie Messe pour les Cardinaux défunts

     Au terme de la vie, la mort nous prive de tout ce qui est terrestre, mais non de cette Grâce et de ce "caractère" sacramentel en vertu desquels nous avons été associés indissolublement au mystère pascal de notre Seigneur et Sauveur. Dépossédé de tout, mais revêtu du Christ: c'est ainsi que le baptisé passe le seuil de la mort et se présente devant Dieu juste et miséricordieux. Afin que le vêtement blanc, reçu lors du Baptême, soit purifié de tout péché et de toute tache, la communauté des croyants offre le sacrifice eucharistique et d'autres prières d'intention pour ceux que la mort a appelés à passer du temps à l'éternité. Il s'agit d'une noble pratique, que celle de prier pour les défunts, qui présuppose la foi dans la résurrection des morts, selon ce que l'Ecriture Sainte et, de façon parfaite, l'Evangile, nous ont révélé.

     Nous venons d'entendre le récit de la vision des ossements desséchés du prophète Ezéchiel (37, 1-14). C'est sans aucun doute l'une des pages bibliques les plus significatives et impressionnantes, qui se prête à une double lecture. Sur le plan historique, il répond au besoin d'espérance des Hébreux déportés à Babylone, découragés et affligés d'avoir dû enterrer leurs proches en terre étrangère. Par la bouche du prophète, le Seigneur leur annonce qu'il les fera sortir de ce cauchemar et les fera rentrer dans le pays d'Israël. L'image très suggestive des ossements qui se réaniment et se mettent en mouvement représente donc ce peuple qui reprend vigueur dans l'espérance pour rentrer dans sa patrie.

     Mais le long et complexe oracle d'Ezéchiel, qui exalte la puissance de la Parole de Dieu face à laquelle rien n'est impossible, marque dans le même temps un pas en avant décisif vers la foi dans la résurrection des morts. Cette foi trouvera son accomplissement dans le Nouveau Testament. A la lumière du mystère pascal du Christ, la vision des ossements desséchés revêt la valeur d'une parabole universelle sur le genre humain, en pèlerinage dans l'exil terrestre et soumis au joug de la mort. La Parole divine, incarnée en Jésus, vient habiter dans le monde qui, sous de nombreux points de vue, est une vallée désolée; il devient pleinement solidaire avec tous les hommes et il leur apporte l'annonce joyeuse de la vie éternelle. Cette annonce d'espérance est proclamée jusque dans les profondeurs d'outre-tombe, alors qu'est définitivement ouverte la route qui conduit à la Terre promise. …

     Jésus dit également en quoi consiste la vie éternelle: "C'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ" (Jn 17, 3). Dans cette expression, on entend résonner la voix en prière de la communauté ecclésiale, consciente que la révélation du "nom" de Dieu, reçue du Seigneur, équivaut au don de la vie éternelle. Connaître Jésus signifie connaître le Père et connaître le Père veut dire entrer en communion réelle avec l'Origine même de la Vie, de la Lumière, de l'Amour. ..

 

6 novembre 2006 – A l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale des Sciences

     La science, toutefois, tout en donnant généreusement, ne donne que ce qu'elle doit donner. L'homme ne peut pas placer dans la science et dans la technologie une confiance radicale et inconditionnée au point de croire que le progrès scientifique et technologique puisse expliquer toute chose et répondre pleinement à tous ses besoins existentiels et spirituels. La science ne peut pas remplacer la philosophie et la révélation en répondant de manière exhaustive aux questions les plus radicales de l'homme : des questions sur la signification de la vie et de la mort, sur les valeurs dernières, et sur la nature même du progrès. C'est pour cette raison que le Concile Vatican II, après avoir reconnu les bienfaits obtenus par les progrès scientifiques, a souligné que "les méthodes de recherche [...] sont prises, à tort, comme règle suprême pour la découverte de toute vérité", ajoutant qu'"on peut craindre que l'homme, se fiant trop aux découvertes actuelles, en vienne à penser qu'il se suffit à lui-même et qu'il n'a plus à chercher les valeurs les plus hautes" (Gaudium et Spes,57).

 

 

25 décembre 2006 – Message Urbi et Orbi de Noel

     «Dans le monde un enfant est né : Dieu, notre Sauveur !» Cette nuit, une fois encore, nous avons entendu dans nos églises cette annonce qui, malgré la suite des siècles, conserve intacte sa fraîcheur. C'est une annonce venue du ciel, qui invite à ne pas craindre parce qu'a jailli «une grande joie pour tout le peuple» (Lc 2, 10).

 

2007

 

 

 

3 janvier 2007 – Audience Générale

     « Dieu nous aime ». «Nous aimons - dit saint Jean - parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19). Ce mystère est désormais déposé entre nos mains pour que, en faisant l'expérience de l'amour divin, nous vivions tendus vers les réalités du ciel. Et ceci est d'une certaine manière également ce à quoi nous nous exerçons ces jours-ci : à vivre réellement tendus vers Dieu, en cherchant avant tout le Royaume et sa justice, certains que le reste, tout le reste nous sera donné par surcroît (cf. Mt 6, 33).

 

 

  7 janvier 2007 – Homélie Messe Baptêmes - Chapelle Sixtine

    Après avoir lui aussi reçu le Baptême, « il se trouvait, nous dit saint Luc, en prière » (3, 21). Jésus parle avec son Père. Et nous sommes certains qu'il a parlé non seulement pour lui-même, mais aussi de nous et pour nous ; il a parlé également de moi, de chacun de nous et pour chacun de nous. Puis, l'évangéliste nous dit que le ciel s'ouvrit au-dessus du Seigneur en prière. Jésus entre en contact avec le Père, le ciel est ouvert sur Lui. En ce moment, nous pouvons penser que le ciel est ouvert également ici, sur nos enfants qui, à travers le sacrement du Baptême, entrent en contact avec Jésus. Le ciel s'ouvre au-dessus de nous dans le Sacrement. Plus nous vivons en contact avec Jésus dans la réalité de notre Baptême, plus le ciel s'ouvre au-dessus de nous. Et du ciel - nous revenons à l'Evangile - ce jour-là, une voix s'éleva qui dit à Jésus : « Tu es mon fils » (Lc 3, 22). Dans le Baptême, le Père céleste répète ces paroles également pour chacun de ces enfants. Il dit : « Tu es mon Fils ».

 

3 février 2007 – Aux Instituts séculiers

     Chaque réalité propre et spécifique vécue par le chrétien, son travail et ses intérêts concrets, tout en conservant leur consistance relative, trouvent leur fin ultime s'ils appartiennent au même objectif pour lequel le Fils de Dieu est entré dans le monde. Sentez-vous donc interpellés par chaque douleur, par chaque injustice, ainsi que par chaque recherche de la vérité, de la beauté et de la bonté, non parce que vous possédez les solutions de tous les problèmes, mais parce que chaque circonstance dans laquelle l'homme vit et meurt constitue pour vous l'occasion de témoigner de l'½uvre salvifique de Dieu.

 

 

11 février 2007 - Au terme de la Messe en l'honneur de Notre-Dame de Lourdes
 
    Après avoir connu d'indicibles souffrances, la Vierge Marie a été élevée au ciel, où elle nous attend et où nous espérons nous aussi, pouvoir partager un jour la gloire de son divin Fils, la joie sans fin.

 

21 février 2007 – Homélie Messe Mercredi des Cendres

      La liturgie du Mercredi des Cendres indique ainsi dans la conversion du c½ur à Dieu la dimension fondamentale du temps quadragésimal. Tel est le rappel très suggestif qui nous vient du rite traditionnel de l'imposition des cendres, que nous renouvellerons d'ici peu. Un rite qui revêt une double signification:  la première relative au changement intérieur, à la conversion et à la pénitence, alors que la seconde renvoie à la précarité de la condition humaine, comme on le perçoit facilement dans les deux formules différentes qui accompagnent le geste. Ici, à Rome, la procession pénitentielle du Mercredi des Cendres part de Saint-Anselme pour se conclure dans cette Basilique Sainte-Sabine, où a eu lieu la première station quadragésimale. A ce propos, il est intéressant de rappeler que l'antique liturgie romaine, à travers les stations quadragésimales, avait élaboré une géographie singulière de la foi, en partant de l'idée que, avec l'arrivée des apôtres Pierre et Paul et avec la destruction du Temple, Jérusalem s'était transférée à Rome. La Rome chrétienne était entendue comme une reconstruction de la Jérusalem du temps de Jésus à l'intérieur des murs de l'Urbs. Cette nouvelle géographie intérieure et spirituelle, inhérente à la tradition des églises "stationnelles" du Carême, n'est pas un simple souvenir du passé, ni une vaine anticipation de l'avenir; au contraire, elle entend aider les fidèles à parcourir un chemin intérieur, le chemin de la conversion et de la réconciliation, pour parvenir à la gloire de la Jérusalem céleste où habite Dieu.

 

4 mars 2007 - Angelus

     La prière n'est pas un accessoire, une « option », mais une question de vie ou de mort. Seul en effet celui qui prie, c'est-à-dire celui qui s'abandonne à Dieu avec un amour filial peut entrer dans la vie éternelle, qui est Dieu lui-même.

 

22 avril 2007 – Rencontre à l’Université de Pavie    

      Saint Augustin était un homme animé par un inlassable désir de trouver la vérité, de trouver ce qu'est la vie, de savoir comment vivre, de connaître l'homme. Et c'est précisément à cause de sa passion pour l'homme qu'il a cherché Dieu, parce c'est uniquement dans la lumière de Dieu que la grandeur de l'homme également, la beauté de l'aventure d'être un homme peut pleinement apparaître. Ce Dieu lui apparaissait au début très lointain. Puis il l'a trouvé:  ce Dieu grand, inaccessible, s'est fait proche, est devenu l'un de nous. Le grand Dieu est notre Dieu, c'est un Dieu à visage humain. Ainsi la foi dans le Christ n'a pas mis fin à sa philosophie, à son audace intellectuelle, mais au contraire, elle l'a poussé encore davantage à explorer les profondeurs de l'être humain et à aider les autres à bien vivre, à trouver la vie, l'art de vivre. C'est cela qu'était pour lui la philosophie:  savoir vivre, avec toute la raison, avec toute la profondeur de notre pensée, de notre volonté, et se laisser guider sur le chemin de la vérité, qui est un chemin de courage, d'humilité, de purification permanente. La foi dans le Christ a apporté son achèvement à toute la recherche d'Augustin. Un achèvement, toutefois, au sens où il est resté toujours en chemin. Plus encore, il nous dit:  même dans l'éternité notre recherche ne sera pas finie, ce sera une aventure éternelle que de découvrir de nouvelles grandeurs, de nouvelles beautés. Il a interprété la parole du Psaume "Cherchez toujours son visage" et il a dit:  cela vaut pour l'éternité; et la beauté de l'éternité est qu'elle n'est pas une réalité statique, mais un progrès immense dans l'immense beauté de Dieu. Ainsi pouvait-il trouver Dieu comme la raison fondatrice, mais également comme l'amour qui nous embrasse, nous guide et donne sens à l'histoire et à notre vie personnelle.

 

 

29 avril 2007 – Homélie Messe ordinations Sacerdotales à Saint Pierre de Rome

      Jésus parle de lui comme du Bon Pasteur qui donne la vie éternelle à ses brebis (cf. Jn 10, 28).

 

       « Je leur donne (à mes brebis) la vie éternelle; elles ne périront jamais » (Jn 10, 28). C'est ce qu'affirme Jésus, qui peu de temps auparavant avait dit : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (cf. Jn 10, 11). Jean utilise le verbe tithénai - offrir, qu'il répète dans les versets suivants (15.17.18) ; nous trouvons le même verbe dans le récit de la Dernière Cène, lorsque Jésus « déposa » ses vêtements pour ensuite « les reprendre » (cf. Jn 13, 4.12). Il est clair que l'on veut affirmer de cette façon que le Rédempteur dispose avec une liberté absolue de sa propre vie, de manière à pouvoir l'offrir et ensuite la reprendre librement. Le Christ est le véritable Bon Pasteur, qui a donné sa vie pour ses brebis, pour nous, en s'immolant sur la Croix. Il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent, comme le Père Le connaît et Lui connaît le Père (cf. Jn 10, 14-15). Il ne s'agit pas d'une pure connaissance intellectuelle, mais d'une relation personnelle profonde ; une connaissance du coeur, propre à celui qui aime et qui est aimé ; à celui qui est fidèle et qui sait à son tour pouvoir avoir confiance ; une connaissance d'amour en vertu de laquelle le Pasteur invite les siens à le suivre, et qui se manifeste pleinement dans le don qu'il leur fait de la vie éternelle (cf. Jn 10, 27-28).
 

 

10 mai 2007 – Avec les jeunes, au Brésil

     Que devons-nous faire pour obtenir la vie éternelle? Je voudrais approfondir cette question avec vous. Il s'agit de la vie. La vie qui, en vous, est exubérante et belle. Que faire de celle-ci? Comment la vivre pleinement?

     Nous comprenons immédiatement, dans la formulation de la question elle-même, que ne sont pas suffisants le "ici" et le "maintenant"; autrement dit, nous ne réussissons pas à limiter notre vie dans l'espace et dans le temps, pour autant que nous prétendions élargir ses horizons. La vie les transcende. En d'autre termes:  nous voulons vivre et non mourir. Nous sentons que quelque chose nous révèle que la vie est éternelle et qu'il est nécessaire de s'engager pour que cela ait lieu. Bref, celle-ci est entre nos mains et dépend, d'une certaine manière, de notre décision.

     La question de l'Evangile ne concerne pas seulement l'avenir. Elle ne concerne pas seulement ce qui adviendra après la mort. Au contraire, il existe un engagement dans le présent, ici et maintenant, qui doit garantir l'authenticité et par conséquent l'avenir. En un mot, cette demande remet en question le sens de la vie. C'est pourquoi elle peut être formulée ainsi:  que dois-je faire afin que ma vie ait un sens? C'est-à-dire:  comment dois-je vivre pour saisir pleinement les fruits de la vie? Ou encore:  que dois-je faire pour que ma vie ne soit pas inutile?

Jésus est le seul qui puisse nous donner une réponse, parce qu'il est le seul qui puisse nous garantir la vie éternelle. C'est pourquoi, c'est également le seul qui parvienne à montrer le sens de la vie présente et à lui donner la plénitude de son contenu.

     Mais avant de donner sa réponse, Jésus remet en question la demande du jeune sous un aspect extrêmement important:  pourquoi m'interroges-tu sur ce qui est bon? Dans cette question se trouve la clé de la réponse. Ce jeune perçoit que Jésus est bon et qu'il est un maître. Un maître qui ne trompe pas. Nous sommes ici parce que nous avons cette même conviction:  Jésus est bon. Il se peut que nous ne sachions pas expliquer pleinement la raison de cette perception, mais il est certain qu'elle nous rapproche de Lui et qu'elle nous ouvre à son enseignement:  un maître bon. Celui qui reconnaît le bien veut dire qu'il aime. Et celui qui aime, selon l'heureuse expression de saint Jean, connaît Dieu (cf. 1 Jn 4, 7). Le jeune de l'Evangile a eu une perception de Dieu en Jésus Christ.

     Jésus nous assure que seul Dieu est bon. Etre ouvert à la bonté signifie accueillir Dieu. Ainsi, Il nous invite à voir Dieu dans toutes les choses et dans tous les événements, même là où la majorité voit seulement une absence de Dieu. En voyant la beauté des créatures et en constatant la beauté présente dans chacune d'elles, il est impossible de ne pas croire en Dieu et de ne pas faire l'expérience de sa présence salvifique et réconfortante. Si nous réussissions à voir tout le bien qui existe dans le monde et, plus encore, à faire l'expérience du bien qui provient de Dieu lui-même, nous ne cesserions de nous approcher de Lui, de le louer et de lui rendre grâce. Il nous remplit sans cesse de joie et de biens. Sa joie est notre force.

    Mais nous ne possédons que des connaissances partielles. Pour comprendre le bien, nous avons besoin d'aides, que l'Eglise nous offre en de nombreuses occasions, surtout dans la catéchèse. Jésus lui-même montre ce qui est bon pour nous, en nous donnant sa première catéchèse. "Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements" (Mt 19, 17). Il part de la connaissance que le jeune homme a déjà certainement reçue de sa famille et de la Synagogue:  en effet, il connaît les commandements. Ils conduisent à la vie, ce qui veut dire qu'ils nous garantissent l'authenticité. Ce sont les grands indicateurs qui nous montrent la juste voie. Celui qui observe les commandements est sur le chemin de Dieu.

 

      L'Evangile nous assure que ce jeune qui courut à la rencontre de Jésus était très riche. Nous entendons cette richesse pas seulement sur le plan matériel. La jeunesse elle-même est une richesse singulière. Il faut la découvrir et la mettre en valeur. Jésus l'a tellement appréciée qu'il finit par inviter ce jeune à participer à sa mission de salut. Il avait en lui-même toutes les qualités requises pour une grande réalisation et une grande ½uvre.

     Mais l'Evangile nous rapporte que ce jeune, ayant entendu l'invitation, s'attrista. Il s'en alla abattu et triste. Cet épisode nous fait réfléchir encore une fois sur la richesse de la jeunesse. Il ne s'agit pas en premier lieu de biens matériels, mais de sa propre vie, avec les valeurs inhérentes à la jeunesse. Elle provient d'un double héritage:  la vie, transmise de génération en génération, dans l'origine primaire de laquelle se trouve Dieu, empli de sagesse et d'amour; et l'éducation qui nous insère dans la culture, au point de pouvoir, en quelque sorte, dire que nous sommes davantage les enfants de la culture, et donc de la foi, que de la nature. De la vie fleurit la liberté qui, surtout dans cette phase, se manifeste comme responsabilité. Puis vient le grand moment de la décision, avec un double choix:  le premier, concernant le statut de la vie, et le second concernant la profession. Voilà qui répond à la question:  que faire de notre propre vie?

     En d'autres termes, la jeunesse se présente comme une richesse parce qu'elle conduit à la redécouverte de la vie comme don et comme devoir. Le jeune de l'Evangile comprit la richesse de sa propre jeunesse. Il alla auprès de Jésus, le Maître bon, pour chercher une orientation. A l'heure du grand choix, toutefois, il n'eut pas le courage de tout miser sur Jésus Christ. Par conséquent, il s'en alla triste et abattu. C'est ce qu'il arrive à chaque fois que nos décisions vacillent et deviennent mesquines et intéressées. Il comprit qu'il lui manquait la générosité, et cela ne lui permit pas une pleine réalisation. Il se replia sur sa richesse, en la faisant devenir égoïste.

     Jésus regretta la tristesse et la mesquinerie du jeune qui était venu le chercher. Les Apôtres, comme vous tous et vous toutes aujourd'hui, remplirent le vide laissé par ce jeune qui s'en était allé triste et abattu. Eux et nous, sommes heureux, parce que nous savons à qui nous croyons (cf. 2 Tm 1, 12). Nous savons et nous témoignons à travers notre vie que Lui seul a les paroles de vie éternelle (cf. Jn 6, 68). C'est pourquoi, avec saint Paul, nous pouvons nous exclamer:  Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur! (cf. Ph 4, 4).

12 mai 2007 – lors de la prière du Chapelet, avec les prêtres, religieux, séminaristes et diacres, au sanctuaire marial de Aparecida, au Brésil.

     Marie, la Très Sainte Vierge pure et sans tache, est pour nous une école de foi destinée à nous guider et à nous donner de la force sur le sentier qui conduit à la rencontre du Créateur du Ciel et de la Terre…

 

     Je ressens le désir de vous dire à tous combien est important le sens de notre appartenance à l'Eglise, qui conduit les chrétiens à croître et à mûrir comme des frères, fils du même Dieu et Père. Je sais que vous avez une grande soif de Dieu. Je sais que vous suivez Jésus, qui dit:  "Nul ne vient au Père que par moi" (Jn 14, 6). Le Pape veut donc vous dire à tous:  l'Eglise est notre Maison! C'est notre Maison! Dans l'Eglise catholique, nous trouvons tout ce qui est bon, tout ce qui est un motif de certitude et de réconfort! Celui qui accepte le Christ, "Chemin, Vérité et Vie" dans sa totalité, est assuré d'avoir la paix et le bonheur, dans cette vie et dans l'autre! C'est pourquoi, le Pape est venu ici pour prier et confesser avec vous tous:  Il vaut la peine d'être fidèles, il vaut la peine de persévérer dans sa propre foi! La cohérence dans la foi exige cependant également une solide formation doctrinale  et spirituelle, contribuant ainsi à l'édification d'une société plus juste, plus humaine et chrétienne. Le Catéchisme de l'Eglise catholique, également dans sa version plus réduite, publiée sous le titre de Compendium, sera utile pour acquérir de claires notions à propos de notre foi. Demandons, dès à présent, que la venue de l'Esprit Saint soit pour tous comme une nouvelle Pentecôte, afin qu'il illumine nos c½urs et notre foi par la lumière qui vient d'en-haut.

 

13 mai 2007 – Homélie Messe inauguration Vème Conf. Générale de l’épiscopat Latino-Américain – Aparecida – Brésil

         La Jérusalem céleste,  la  Cité sainte, "descendait du ciel, de chez Dieu, avec en elle la gloire de Dieu" (Ap 21, 10). Mais la gloire de Dieu est l'Amour; la Jérusalem céleste est donc une icône de l'Eglise tout entière sainte et glorieuse, sans tache ni ride (cf. Ep 5, 27), où rayonne en son centre et dans chacune de ses parties la présence de Dieu Charité. Elle est appelée "épouse", "l'Epouse de l'Agneau" (Ap 21, 9), parce que la figure nuptiale qui traverse du début à la fin la révélation biblique trouve son accomplissement dans celle-ci. La Cité-Epouse est la patrie de la pleine communion de Dieu avec les hommes; en elle, il n'y a besoin d'aucun temple ni d'aucune source extérieure de lumière, parce que la présence de Dieu et de l'Agneau est immanente et l'éclaire de l'intérieur.

     Cette merveilleuse icône a une valeur eschatologique:  elle exprime le mystère de la beauté qui constitue déjà la forme de l'Eglise, même si elle n'est pas encore parvenue à sa plénitude. C'est la destination de notre pèlerinage, la patrie qui nous attend et à laquelle nous aspirons. La voir avec les yeux de la foi, la contempler et la désirer, ne doit pas constituer un motif d'évasion de la réalité historique où l'Eglise vit en partageant les joies et les espérances, les douleurs et les angoisses de l'humanité contemporaine, en particulier des plus pauvres et de ceux qui souffrent (cf. Const.  Gaudium  et spes, n. 1). Si la beauté de la Jérusalem céleste est la gloire de Dieu, c'est-à-dire son amour, c'est précisément et uniquement dans la charité que nous pouvons nous approcher de celle-ci et, dans une certaine mesure, déjà y habiter. Celui qui aime le Seigneur Jésus et observe sa parole fait l'expérience déjà dans ce monde de la mystérieuse présence de Dieu Un et Trine :  "Nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui" (Jn 14, 23). Chaque chrétien, par conséquent, est appelé à devenir une pierre vivante de cette splendide "demeure de Dieu avec les hommes". Quelle magnifique vocation!

    Une Eglise tout entière animée et mue par la charité du Christ, Agneau immolé par amour, est l'image historique de la Jérusalem céleste, l'anticipation de la Cité sainte, resplendissante de la gloire de Dieu. Elle libère une force missionnaire irrésistible, qui est la force de la sainteté.

 

 

7 juin 2007 – Homélie Messe Corpus Domini

   Nous marchons sur les routes du monde en sachant qu'Il est à nos côtés, soutenus par l'Espérance de pouvoir un jour le voir à visage découvert dans la rencontre définitive.

 

 

12 août 2007 - Angelus

     La solennité de l'Assomption de Marie au ciel, est entièrement tournée vers l'avenir, vers le ciel, où la Sainte Vierge nous a précédés dans la joie du paradis. L’Evangile invite les chrétiens de manière particulière les à se détacher des biens matériels en grande partie illusoires, et à accomplir fidèlement leur devoir en se tournant constamment vers le haut. Le croyant demeure éveillé et vigilant pour être prêt à accueillir Jésus lorsqu'il viendra dans sa gloire. A travers des exemples tirés de la vie quotidienne, le Seigneur exhorte ses disciples, c'est-à-dire nous, à vivre dans cette disposition intérieure comme ces serviteurs de la parabole, qui attendent le retour de leur maître. « Bienheureux ces serviteurs, dit-il, que le maître en arrivant trouvera en train de veiller » (Lc 12, 37). Nous devons donc veiller, en priant et en faisant le bien.

    Nous sommes tous de passage sur terre, comme nous le rappelle la Lettre aux Hébreux. Elle nous présente Abraham en habit de pèlerin, comme un nomade qui vit sous une tente et s'arrête dans une région étrangère. C'est la foi qui le guide. « Par la foi, écrit l'auteur sacré, Abraham obéit à l'appel de partir vers un pays qu'il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait (He 11, 8). Son véritable but était, en effet, « la ville pourvue de fondations dont Dieu est l'architecte et le constructeur » (11, 10). La ville à laquelle il est fait référence, n'est pas dans ce monde, mais c'est la Jérusalem céleste, le paradis. La première communauté chrétienne était bien consciente de cela, et se considérait ici-bas comme « étrangers et voyageurs » et appelait ses centres d'habitation dans les villes « paroisses », qui signifie précisément colonies d'étrangers [en grec pàroikoi] (cf. 1 P 2, 11). De cette façon, les premiers chrétiens manifestaient la caractéristique la plus importante de l'Eglise, qui est précisément la tension vers le ciel. La liturgie de la Parole de ce jour veut donc nous inviter à penser « à la vie du monde qui viendra » comme nous le répétons chaque fois que nous faisons notre profession de foi à travers le Credo. Une invitation à passer notre existence de façon sage et prévoyante, à considérer attentivement notre destin, c'est-à-dire les réalités que nous appelons ultimes : la mort, le jugement dernier, l'éternité, l'enfer et le paradis. Et ainsi, nous assumons notre responsabilité pour le monde et nous construisons un monde meilleur.

     Que la Vierge Marie, qui veille sur nous du ciel, nous aide à ne pas oublier qu'ici, sur terre, nous sommes seulement de passage, et qu'elle nous enseigne à nous préparer à rencontrer Jésus, « assis à la droite de Dieu le Père Tout-Puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts ».

 

15 août 2007 – Angelus de l’Assomption

     Chers frères et s½urs, élevée au ciel, Marie ne s'est pas éloignée de nous, mais demeure encore plus proche de nous et sa lumière se projette sur notre vie et sur l'histoire de toute l'humanité. Attirés par la splendeur céleste de la Mère du Rédempteur, ayons recours avec confiance à Celle qui, d'en haut, nous regarde et nous protège. Nous avons tous besoin de son aide et de son réconfort pour affronter les épreuves et les défis de chaque jour ; nous avons besoin de la sentir mère et s½ur dans les situations concrètes de notre existence. Et pour pouvoir partager un jour nous aussi pour toujours son même destin, imitons-la dès à présent en nous plaçant docilement à la suite du Christ et au service généreux de nos frères. Cela est l'unique façon d'anticiper, déjà au cours de notre pèlerinage terrestre, la joie et la paix que vit en plénitude celui qui parvient à la destination immortelle du Paradis.


2 septembre 2007 – Homélie Messe sanctuaire m            arial de Lorette, en présence de 500 000 jeunes

     L'humilité que le Seigneur nous a enseignée et dont les saints ont témoigné, chacun selon leur vocation originale, n'est en aucune manière une façon de vivre dans le renoncement. Regardons en particulier Marie:  à son école, nous aussi, comme elle, nous pouvons faire l'expérience de ce oui de Dieu à l'humanité, dont jaillissent tous les oui de notre vie. C'est vrai, les défis que vous devez affronter sont nombreux et importants. Mais le premier demeure toutefois celui de suivre le Christ jusqu'au bout, sans réserve ni compromis. Et suivre le Christ signifie se sentir une partie vivante de son corps, qui est l'Eglise. On ne peut pas se dire disciples de Jésus si l'on n'aime pas et si l'on ne suit pas son Eglise. L'Eglise est notre famille, dans laquelle l'amour pour le Seigneur et pour les frères, en particulier dans la participation à l'Eucharistie, nous fait ressentir la joie d'avoir à présent un avant-goût de la vie à venir qui sera totalement illuminée par l'Amour. Que notre engagement quotidien soit de vivre ici-bas comme si nous étions déjà là-haut.

 

9 septembre 2007 – Homélie Messe Cathédrale Saint Etienne, à Vienne

       Dans l'oraison de ce dimanche, nous rappelons tout d'abord que Dieu, à travers son fils, nous a rachetés et adoptés comme des fils bien-aimés. Ensuite, nous le prions de poser un regard bienveillant sur les croyants dans le Christ et de nous donner la vraie liberté et la vie éternelle. Nous prions pour le regard de bonté de Dieu. Nous-mêmes avons besoin de ce regard de bonté, au-delà du Dimanche, jusque dans la vie de chaque jour. En priant, nous savons que ce regard nous a déjà été donné, et nous savons même que Dieu nous a adoptés comme fils, Il nous a accueillis véritablement dans la communion avec Lui-même. Etre fils signifie - l'Eglise primitive le savait très bien - être une personne libre, pas un esclave, mais quelqu'un qui appartient personnellement à la famille. Et cela signifie être un héritier. Si nous appartenons à ce Dieu qui est le pouvoir au-dessus de tous les pouvoirs, alors nous sommes sans peur et libres, et alors nous sommes des héritiers. L'héritage qu'il nous a laissé c'est Lui-même, son Amour. Oui, le Seigneur fait que cette conscience pénètre profondément dans notre âme et que nous apprenons ainsi la joie des rachetés.

 

 

 

23 septembre 2007 – Homélie de la Messe célébrée dans la cathédrale de Velletri

        Grâce aux richesses terrestres, nous devons nous procurer celles qui sont véritables et éternelles:  si l'on trouve en effet des gens prêts à tout type de malhonnêtetés à condition de s'assurer un bien-être matériel toujours aléatoire, nous chrétiens devrions d'autant plus nous soucier de nous occuper de notre bonheur éternel avec les biens de cette terre. Or l'unique manière de faire fructifier pour l'éternité nos dons et nos capacités personnelles tout comme les richesses que nous possédons est de les partager avec nos frères, en nous montrant de cette manière de bons intendants de ce que Dieu nous confie. Jésus dit:  "Qui est fidèle en très peu de choses est fidèle aussi en beaucoup, et qui est malhonnête en très peu est malhonnête aussi en beaucoup" (Lc 16, 10-11).

 

 

30 septembre 2007 - Angelus

     L'Evangile de Luc présente la parabole de l'homme riche et du pauvre Lazare (Lc 16, 19-31). Le riche incarne l'utilisation injuste des richesses de la part de qui les utilise pour un luxe effréné et égoïste, pensant uniquement à sa propre satisfaction, sans se soucier le moins du monde du mendiant qui se trouve à sa porte. Le pauvre en revanche incarne la personne dont seul Dieu s'occupe : contrairement au riche, il a un nom, Lazare, abréviation de Eleazare qui signifie précisément « Dieu l'aide ». Dieu n'oublie pas celui qui est oublié de tous ; celui qui ne vaut rien aux yeux des hommes est précieux aux yeux du Seigneur. Le récit montre comment l'iniquité terrestre est renversée par la justice divine : après la mort, Lazare est accueilli « dans le sein d'Abraham », c'est-à-dire dans la béatitude éternelle, alors que le riche finit en enfer, « en proie à la torture ». Il s'agit d'un nouvel état de chose sans appel et définitif. C'est donc pendant sa vie qu'il faut se repentir. Le faire après ne sert à rien.
 

 

1er novembre 2007 - Angelus

     Aujourd'hui, en la solennité de la Toussaint, notre coeur, franchissant les limites du temps et de l'espace, s'élargit aux dimensions du Ciel. Au début du christianisme, les membres de l'Eglise étaient également appelés les « saints ». Dans la Première Lettre aux Corinthiens, par exemple, saint Paul s'adresse à « vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus, vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint, avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 2). En effet, le chrétien est déjà saint, car le Baptême l'unit à Jésus et à son mystère pascal, mais il doit dans le même temps le devenir, en se conformant à Lui toujours plus profondément. On pense parfois que la sainteté est une condition privilégiée réservée à quelques élus. En réalité, devenir saint est la tâche de chaque chrétien, et nous pourrions même dire de chaque homme ! L'Apôtre écrit que Dieu nous a depuis toujours bénis et choisis dans le Christ « pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard » (Ep 1, 3-4). Tous les êtres humains sont donc appelés à la sainteté qui, en dernière analyse consiste à vivre en enfants de Dieu, dans cette « ressemblance » à Lui, à partir de laquelle il nous a créés.
 

    C'est avec sagesse que l'Eglise a placé en étroite succession la fête de la Toussaint et la Commémoration de tous les fidèles défunts. A notre prière de louange à Dieu et de vénération des esprits bienheureux, que la liturgie nous présente aujourd'hui comme « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues » (Ap 7, 9), s'unit la prière d'intention pour ceux qui nous ont précédés dans le passage de ce monde à la vie éternelle. Demain, nous consacrerons de manière particulière notre prière à ces derniers et nous célébrerons le sacrifice eucharistique pour eux. En vérité, l'Eglise nous invite chaque jour à prier pour eux, en offrant également les souffrances et les difficultés quotidiennes afin que, complètement purifiés, ils soient admis à jouir pour l'éternité de la lumière et de la paix du Seigneur.

     Au centre de l'assemblée des saints, resplendit la Vierge Marie, « humble et plus élevée que toute créature » (Dante, Paradis, XXXIII, 2). En mettant notre main dans la sienne, nous nous sentons incités à marcher avec plus d'élan sur le chemin de la sainteté. Nous lui confions notre engagement quotidien et nous la prions aujourd'hui également pour nos chers défunts, avec l'intime espérance de nous retrouver un jour tous ensemble, dans la communion glorieuse des saints.
 

1er novembre 2007 – Aux francophones, après l’Angelus

     En ce jour où nous célébrons la fête de tous les saints, chacun est invité à entendre les Béatitudes, qui constituent comme un carnet de route pour découvrir la voie de la sainteté. Puisse chacun reconnaître dans le Christ celui qui seul peut donner le vrai bonheur et la vie éternelle.

 

 

7 novembre 2007 – Audience Générale

     Les opinions humaines vont et viennent. Ce qui est très moderne aujourd'hui sera très vieux demain. La Parole de Dieu, au contraire, est une Parole de vie éternelle, elle porte en elle l'éternité, ce qui vaut pour toujours. En portant en nous la Parole de Dieu, nous portons donc en nous l'éternel, la vie éternelle.
 

 

 

2008

 

 

28 janvier 2008 – Aux participants d’un Congrès sur « L’identité changeante de l’individu ».

     L’homme n’est pas le fruit du hasard, ni d’un faisceau de convergences, ni de déterminismes, ni d’interactions physico-chimiques; il est un être jouissant d’une liberté qui, tout en prenant en compte sa nature, transcende cette dernière et qui est le signe du mystère d’altérité qui l’habite. C’est dans cette perspective que le grand penseur Pascal disait que «l’homme passe infiniment l’homme». Cette liberté, qui est le propre de l’être-homme, fait que ce dernier peut orienter sa vie vers une fin, qu’il peut, par les actes qu’il pose, se diriger vers le bonheur auquel il est appelé pour l’éternité. Cette liberté fait apparaître que l’existence de l’homme a un sens. Dans l’exercice de son authentique liberté, la personne réalise sa vocation; elle s’accomplit; elle donne forme à son identité profonde. C’est aussi dans la mise en ½uvre de sa liberté qu’elle exerce sa responsabilité propre sur ses actes. En ce sens, la dignité particulière de l’être humain est à la fois un don de Dieu et la promesse d’un avenir.

 

     L’homme porte en lui une capacité spécifique: discerner ce qui est bon et bien. Mise en lui par le Créateur comme un sceau, la syndérèse le pousse à faire le bien. Mû par elle, l’homme est appelé à développer sa conscience par la formation et par l’exercice, pour se diriger librement dans l’existence, en se fondant sur les lois essentielles que sont la loi naturelle et la loi morale. À notre époque où le développement des sciences attire et séduit par les possibilités offertes, il importe plus que jamais d’éduquer les consciences de nos contemporains, pour que la science ne devienne pas le critère du bien, et que l’homme soit respecté comme le centre de la création et qu’il ne soit pas l’objet de manipulations idéologiques, ni de décisions arbitraires ni non plus d’abus des plus forts sur les plus faibles. Autant de dangers dont nous avons pu connaître les manifestations au cours de l’histoire humaine, et en particulier au cours du vingtième siècle.

 

 

      

 

 

25 février 2008 – Au Congrès de l’Académie Pontificale pour la Vie

      Quand une vie s'éteint qu'elle soit d'un âge avancé, ou au contraire à l'aube d'une existence terrestre, ou dans la pleine fleur de l'âge pour des raisons imprévues, on ne doit pas y voir seulement un processus biologique qui s'épuise, ou une biographie qui s'achève, mais plutôt une nouvelle naissance et une existence renouvelée, offerte par le Ressuscité à qui ne s'est pas opposé à son Amour. Avec la mort, l'existence terrestre trouve sa fin, mais à travers la mort s'ouvre également, pour chacun de nous, au delà du temps, la vie pleine et définitive. Le Seigneur de la vie est présent aux côtés du malade comme Celui qui vit et donne la vie, Celui qui a dit: "Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on l'ait surabondante." (Jn 10, 10), "Je suis la Résurrection et la Vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra" (Jn 11, 25) et "je le ressusciterai au dernier jour" (Jn 6, 54). Dans ce moment solennel et sacré, tous les efforts faits dans l'espérance chrétienne pour nous améliorer ainsi que le monde qui nous est confié, purifiés par la Grâce, trouvent leur sens et s'enrichissent grâce à l'amour de Dieu Créateur et Père. Quand, au moment de la mort, la relation avec Dieu se réalise pleinement dans la rencontre avec "Celui qui ne meurt pas, qui est Lui-même la Vie et l'Amour, alors nous sommes dans la vie. Alors "nous vivons"" (Benoît XVI, Spe Salvi, n. 27). Pour la communauté des croyants, cette rencontre de la personne en fin de vie avec la Source de la Vie et de l'Amour représente un don qui a une valeur pour tous, qui enrichit la communion de tous les fidèles. Comme tel, cela doit retenir l'attention et la participation de la communauté, non seulement de la famille des parents proches, mais, dans les limites et dans les formes possibles, de toute la communauté qui a été liée à la personne mourante. Aucun croyant ne devrait mourir dans la solitude et dans l'abandon. Mère Teresa de Calcutta recueillait avec une attention particulière les pauvres et les personnes abandonnées, pour qu'au moins, au moment de la mort, ils puissent ressentir, dans le réconfort de leurs s½urs et de leurs frères, la chaleur du Père.

 

 

 

 

9 juin 2008 – Au Congrès du Diocèse de Rome

     L'espérance de celui qui croit dans le Dieu qui a ressuscité Jésus d'entre les morts s'avance totalement vers ce bonheur et cette joie pleine et totale que nous appelons vie éternelle, mais justement pour cela investit, anime et transforme notre existence quotidienne terrestre, donne une orientation et une signification non éphémère à nos petites espérances comme aux efforts que nous accomplissons pour changer et rendre moins injuste le monde dans lequel nous vivons. De la même manière, l'espérance chrétienne concerne certes d'une manière personnelle chacun d'entre nous, le salut éternel de notre moi et sa vie dans ce monde, mais elle est également une espérance communautaire, une espérance pour l'Eglise et pour toute la famille humaine, elle est donc "toujours essentiellement aussi espérance pour les autres; c'est seulement ainsi qu'elle est vraiment espérance pour moi" (ibid., n. 48).

    

     Eduquons-nous chaque jour à l'espérance qui fait grandir dans la souffrance. Nous sommes appelés à le faire en premier lieu quand nous sommes personnellement touchés par une maladie grave ou par quelque autre dure épreuve. Mais nous grandirons également dans l'espérance à travers l'aide concrète et la proximité quotidienne à la souffrance des personnes qui nous sont proches ainsi que de notre famille comme de toute autre personne qui est notre prochain, parce que nous l'abordons dans une attitude d'amour. Et encore, nous apprenons à offrir à Dieu riche de miséricorde les petites peines de l'existence quotidienne, en les insérant humblement dans le grand "compatir" de Jésus, dans ce trésor de compassion dont a besoin le genre humain. L'espérance des croyants dans le Christ ne peut, de toutes façons, s'arrêter à ce monde-ci, mais est intrinsèquement orienté vers la communion entière et éternelle avec le Seigneur. C'est pour cela qu'à la fin de mon Encyclique je me suis arrêté sur le Jugement de Dieu comme lieu d'apprentissage et d'exercice de l'espérance. J'ai ainsi tenté, en quelque sorte, de rendre  de  nouveau  familier et compréhensible à l'humanité et à la culture de notre époque le salut qui nous est promis dans le monde au delà de la mort, même si nous ne pouvons pas avoir ici-bas de véritable et propre expérience de ce monde. Pour rendre ses vraies dimensions et sa motivation décisive à l'éducation à l'espérance, nous tous, devons remettre au centre de la proposition de la foi cette grande vérité, qui a ses "prémices" en Jésus Christ ressuscité d'entre les morts (cf. 1 Co 15, 20-23).

    

 

 

 

1er novembre 2008 – Angelus

     Nous célébrons aujourd'hui avec une grande joie la fête de la Toussaint. En visitant un jardin botanique, on reste émerveillé devant la variété des plantes et des fleurs, et on pense spontanément à l'imagination du Créateur qui a transformé la terre en un jardin merveilleux. Un sentiment semblable nous saisit lorsque nous prenons en considération le spectacle de la sainteté:  le monde nous apparaît comme un "jardin", où l'Esprit de Dieu a suscité avec une admirable imagination une multitude de saints et de saintes, de tout âge et condition sociale, de chaque langue, peuple et culture. Chacun est différent de l'autre, avec la particularité de sa propre personnalité humaine et de son propre charisme spirituel. Tous portent cependant imprimé le "sceau" de Jésus (cf. Ap 7, 3), c'est-à-dire l'empreinte de son amour, témoigné à travers la Croix. Il sont tous dans l'allégresse, dans une fête sans fin, mais, comme Jésus, ils ont atteint cet objectif en passant à travers les difficultés et l'épreuve (cf. Ap 7, 14), en affrontant chacun leur part de sacrifice pour participer à la gloire de la résurrection.

     La solennité de la Toussaint s'est affirmée au cours du premier millénaire chrétien comme une célébration collective des martyrs. En 609, à Rome, le Pape Boniface iv avait déjà consacré le Panthéon, le dédiant à la Vierge Marie et à tous les martyrs. Ce martyre, par ailleurs, nous pouvons l'entendre au sens large, c'est-à-dire comme amour sans réserve pour le Christ, un amour qui s'exprime dans le don total de soi à Dieu et à nos frères. Cet objectif spirituel, auquel tendent tous les baptisés, peut être atteint en suivant la voie des "béatitudes" évangéliques, que la liturgie nous indique en la solennité d'aujourd'hui (cf. Mt 5, 1-12a). C'est cette même voie qu'a tracée Jésus et que les saints et les saintes se sont efforcés de parcourir, tout en étant conscients de leurs limites humaines. Au cours de leur existence terrestre, en effet, ils ont été pauvres d'esprit, attristés par les péchés, doux, affamés et assoiffés de justice, miséricordieux, purs de c½ur, artisans de paix, persécutés pour la justice. Et Dieu leur a communiqué son propre bonheur:  ils l'ont déjà goûté en ce monde et, dans l'au-delà, ils en jouissent pleinement. A présent ils sont consolés, héritiers de la terre, rassasiés, pardonnés, ils voient Dieu dont ils sont les fils. En un mot:  "le Royaume des cieux est à eux" (cf. Mt 5, 3.10).

     En ce jour, nous sentons l'attirance vers le Ciel se faire plus vive en nous, qui nous pousse à hâter le pas de notre pèlerinage terrestre. Nous sentons s'allumer dans nos c½urs le désir de nous unir pour toujours à la famille des saints, dont nous avons déjà à présent la grâce de faire partie. Comme le dit un célèbre chant spiritual:  "Lorsque viendra la multitude de tes saints, ô Seigneur, comme je voudrais être parmi eux!". Puisse cette belle aspiration être vive chez tous les chrétiens, et les aider à surmonter chaque difficulté, chaque peur, chaque épreuve! Chers amis, plaçons notre main dans la main maternelle de Marie, Reine de tous les Saints, et laissons-nous conduire par Elle vers la patrie céleste, en compagnie des esprits bienheureux "de toutes nations, races, peuples et langues" (Ap 7, 9).

 

 

 

3 novembre 2008 – Homélie Messe cardinaux et Eveques défunts

     Au lendemain de la commémoration de tous les fidèles défunts, nous nous réunissons aujourd'hui, suivant une belle tradition, pour célébrer le sacrifice eucharistique en hommage à nos frères cardinaux et évêques qui ont quitté ce monde au cours de cette année. Notre prière est animée et confortée par le mystère de la communauté des saints, mystère que, ces derniers jours, nous avons de nouveau contemplé dans l'intention de le comprendre, de l'accueillir et de le vivre de  manière toujours plus intense.

     Dans cette communion, nous rappelons avec une grande affection Messieurs les cardinaux Stephen Fumio Hamao, Alfons Maria Stickler, Aloisio Lorscheider, Peter Porekuu Dery, Adolfo Antonio Suárez Rivera, Ernesto Corripio Ahumada, Alfonso López Trujillo, Bernardin Gantin, Antonio Innocenti et Antonio José González Zumárraga. Nous les croyons et les pensons vivants dans le Dieu des vivants. Et avec eux nous rappelons également chacun des archevêques et des évêques qui, ces douze derniers mois, sont passés de ce monde à la Maison du Père. Pour chacun d'eux, nous voulons prier, en laissant notre esprit et notre c½ur être illuminés par la Parole de Dieu que nous venons à peine d'écouter.

     La première lecture - un extrait du Livre de la Sagesse (4, 7-15) - nous a rappelé que l'âge vraiment vénérable n'est pas seulement le grand âge, mais la sagesse et une existence pure, sans malice. Et si le Seigneur appelle à lui un juste prématurément, c'est qu'il a pour lui un dessein de prédilection qui nous est inconnu:  la mort prématurée d'une personne qui nous est chère devient une invitation à ne pas nous attarder à vivre de manière médiocre, mais à tendre au plus vite à la plénitude de la vie. Il y a, dans le texte de la Sagesse, une veine de paradoxe que nous retrouvons également dans le passage évangélique (Mt 11, 25-30). Une opposition ressort des deux lectures entre ce qui apparaît superficiel au regard des hommes et ce que voient en revanche les yeux de Dieu. Le monde considère comme chanceux celui qui vit longtemps, mais Dieu, plus que l'âge, regarde la rectitude du c½ur. Le monde donne du crédit aux "sages" et aux "savants" quand Dieu préfère les "petits". L'enseignement général qui en découle est que la réalité a deux dimensions:  une plus profonde, vraie et éternelle, l'autre marquée par la finitude, l'éphémère et l'apparence. A ce point, il est important de préciser que ces deux dimensions ne se succèdent pas dans le temps, comme si la vie véritable ne commençait qu'après la mort. En réalité, la vie véritable, la vie éternelle commence déjà dans ce monde, dans la précarité des vicissitudes de l'histoire; la vie éternelle débute dans la mesure où nous nous ouvrons au mystère de Dieu et que nous l'accueillons parmi nous. Dieu est le Seigneur de la vie et en Lui, "nous avons la vie, le mouvement et l'être" (Ac 17, 28), comme le dit saint Paul à l'Aréopage d'Athènes.

     Dieu est la vraie sagesse qui ne vieillit pas, il est la richesse authentique qui ne dépérit pas, il est le bonheur auquel le c½ur de tout homme aspire en profondeur. Cette vérité qui traverse les Livres de la Sagesse et réapparaît dans le Nouveau Testament, trouve son accomplissement dans l'existence et dans l'enseignement de Jésus. Dans la perspective de la sagesse évangélique, la mort elle-même est porteuse d'un enseignement salutaire, parce qu'elle nous contraint à regarder la réalité en face; elle nous pousse à reconnaître la caducité de ce qui apparaît grand et fort aux yeux du monde. Face à la mort, tout motif d'orgueil humain perd de son intérêt et ressort en revanche ce qui a véritablement un prix. Tout se termine, nous sommes tous de passage en ce monde. Seul Dieu a la vie en lui, est la vie. La nôtre est une vie de participation, donée "ab alio", aussi un homme ne peut-il arriver à la vie éternelle que grâce à la relation particulière que lui a donnée son Créateur. Mais Dieu, voyant l'homme s'éloigner de Lui, a fait un pas en avant, a créé une nouvelle relation entre Lui et nous, dont nous parle la seconde lecture de la Liturgie d'aujourd'hui. Lui, le Christ "a donné      sa vie pour nous" (1 Jn 3, 16).

     Si Dieu - écrit saint Jean - nous a aimé gratuitement, nous aussi pouvons, et donc devons, nous laisser impliquer par ce mouvement oblatif, et faire de nous-mêmes un don gratuit pour les autres. De cette manière, nous connaissons Dieu comme il nous connaît; de cette manière, nous demeurons en Lui comme il a voulu demeurer en nous, et nous passons de la mort à la vie (cf. 1 Jn 3, 14) comme Jésus Christ, qui a vaincu la mort par sa résurrection, grâce à la puissance glorieuse de l'amour du Père céleste.

     Chers frères et s½urs, cette Parole de vie et d'espérance nous est d'un grand réconfort devant le mystère de la mort, surtout quand il touche les personnes qui nous sont les plus chères. Le Seigneur nous assure aujourd'hui que nos regrettés frères, pour qui nous prions lors de cette messe, sont passés de la mort à la vie parce qu'ils ont choisi le Christ, ils en ont accueilli le joug aisé (cf. Mt 11, 29) et se sont consacrés au service des leurs frères. Aussi, même s'ils doivent expier leur part des peines dues à la fragilité humaine - qui nous marque tous, nous aidant à rester humbles -, leur fidélité au Christ leur permet d'entrer dans la liberté des enfants de Dieu. Si donc nous sommes tristes d'avoir dû nous détacher d'eux, et si nous ressentons toujours leur absence, la foi nous remplit d'une assurance intime à l'idée que, comme cela fut pour le Seigneur Jésus, et toujours grâce à lui, la mort n'a plus de pouvoir sur eux (cf. Rm 6, 9). En passant, dans cette vie, par le C½ur miséricordieux du Christ, ils ont "trouv[é] le repos" (Sg 4, 7). Et nous avons maintenant plaisir à les imaginer en compagnie des saints, finalement soulagés des amertumes de cette vie, et nous ressentons nous aussi le désir de pouvoir les rejoindre un jour en si heureuse compagnie.

     Dans le Psaume responsorial, nous avons répété ces paroles réconfortantes:  "Oui, grâce et bonheur me pressent / tous les jours de ma vie; / ma demeure est la maison de Yahvé / en la longueur des jours" (Ps 23[22], 6). Oui, nous aimons espérer que le Bon Pasteur a accueilli nos frères, pour qui nous célébrons le Sacrifice divin, au crépuscule de leur journée terrestre et les a introduits dans sa bienheureuse intimité. L'onction - à laquelle le Psaume fait référence (v. 5) - a été posée trois fois sur leur front et une fois sur leurs mains; la coupe (ibid.) glorieuse de Jésus Prêtre est aussi devenue leur coupe, qu'ils ont levé jour après jour, en louant le nom du Seigneur. Ils ont rejoint les pâturages du ciel, où les signes ont laissé place à la réalité.

     Chers frères et s½urs, unissons notre prière commune et élevons-la au Père de toutes bonté et miséricorde afin que, par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, la rencontre avec le feu de son amour purifie rapidement nos amis défunts de toute imperfection et les transforme en louange de sa gloire. Prions également pour que nous, pèlerins sur la terre, conservions toujours le regard et le c½ur tournés vers le but ultime auquel nous aspirons, la Maison du Père, le Ciel. Ainsi soit-il!

 

 

 

 

 

 

2009

 

11 février 2009 – A l’issue de la Messe pour les malades, Basilique Saint Pierre

     Les enfants malades, sont les créatures les plus faibles et sans défense. C'est vrai! Si l'on reste déjà sans paroles devant un adulte qui souffre, que dire lorsque le mal frappe un petit innocent? Comment percevoir, également dans des situations aussi difficiles, l'amour miséricordieux de Dieu, qui n'abandonne jamais ses enfants dans l'épreuve?

     Ce sont des interrogations fréquentes et parfois inquiétantes, qui en vérité sur le plan simplement humain ne trouvent pas de réponses adaptées, car la douleur, la maladie et la mort demeurent, dans leur signification, insondables pour notre esprit. La lumière de la foi nous vient cependant en aide. La Parole de Dieu nous révèle que ces maux aussi sont mystérieusement "embrassés" par le dessein divin de salut; la foi nous aide à considérer la vie humaine belle et digne d'être vécue en plénitude, même lorsqu'elle est affaiblie par le mal. Dieu a créé l'homme pour le bonheur et pour la vie, alors que la maladie et la mort sont entrées dans le monde comme conséquence du péché. Mais le Seigneur ne nous a pas abandonnés à nous-mêmes; Lui, le Père de la vie, est le médecin par excellence de l'homme et il ne cesse de se pencher avec amour sur l'humanité qui souffre. L'Evangile montre Jésus qui "chasse les esprits par sa parole et guérit tous les malades" (Mt 8, 16), indiquant la voie de la conversion et de la foi comme conditions pour obtenir la guérison du corps et de l'esprit, qui est la guérison toujours voulue par le Seigneur. C'est la guérison intégrale, du corps et de l'âme, c'est pourquoi elle chasse les esprits par sa parole. Sa parole est parole d'amour, parole purificatrice:  elle chasse les esprits de la peur, de la solitude, de l'opposition à Dieu, pour purifier ainsi notre âme et lui donner la paix intérieure. Ainsi, il nous donne l'esprit de l'amour et la guérison qui naît de l'intérieur même. Mais Jésus n'a pas seulement parlé; il est Parole incarnée. Il a souffert avec nous, et est mort. Avec sa passion et sa mort, Il a assumé et transformé jusqu'au bout notre faiblesse. Voilà pourquoi - selon ce qu'a écrit le serviteur de Dieu Jean-Paul II dans la Lettre apostolique Salvifici doloris - "souffrir signifie devenir particulièrement réceptif, particulièrement ouvert à l'action des forces salvifiques de Dieu, offertes à l'humanité dans le Christ" (n. 23).

     Chers frères et s½urs, nous nous rendons compte toujours davantage que la vie de l'homme n'est pas un bien disponible, mais un écrin précieux à conserver et à soigner avec toutes les attentions possibles, de ses débuts jusqu'à sa fin ultime et naturelle. La vie est un mystère qui en soi exige responsabilité, amour, patience, charité, de la part de tous et de chacun. Il est encore plus nécessaire d'entourer d'attentions et de respect ceux qui sont malades et qui souffrent. Cela n'est pas toujours facile; nous savons cependant où pouvoir puiser le courage et la patience pour affronter les vicissitudes de l'existence terrestre, en particulier les maladies et tous types de souffrance. Pour nous chrétiens, c'est dans le Christ que se trouve la réponse à l'énigme de la douleur et de la mort. La participation à la Messe, comme vous venez de la vivre, nous plonge dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. Chaque célébration eucharistique est le mémorial éternel du Christ crucifié et ressuscité, qui a vaincu le pouvoir du mal avec la toute-puissance de son amour. C'est donc à l'"école" du Christ eucharistique qu'il nous est donné d'apprendre à toujours aimer la vie et à accepter notre impuissance apparente face à la maladie et à la mort.

     Mon vénéré et bien-aimé prédécesseur Jean-Paul ii a voulu que la Journée mondiale du malade coïncide avec la fête de la Vierge Immaculée de Lourdes. En ce lieu sacré, notre Mère céleste est venue nous rappeler que nous ne sommes que de passage sur cette terre et que la véritable demeure définitive de l'homme est le Ciel. Nous devons tous tendre vers cet objectif. Que la lumière qui vient "d'en-Haut" nous aide à comprendre et à donner un sens et une valeur également à l'expérience de la souffrance et de la mort. Nous demandons à la Vierge de tourner son regard maternel sur chaque malade et sur sa famille, pour les aider à porter avec le Christ le poids de la Croix. A Elle, Mère de l'humanité, nous confions les pauvres, les personnes qui souffrent, les malades du monde entier, avec une pensée spéciale pour les enfants malades

 

1er novembre 2009 – Angelus

     la Toussaint invite l'Eglise pèlerine sur la terre à goûter de manière anticipée la fête sans fin de la Communauté céleste, et à raviver l'espérance dans la vie éternelle. Il y a cette année 14 siècles que le Panthéon ― l'un des plus anciens et des plus célèbres monuments romains ― fut destiné au culte chrétien et consacré à la Vierge Marie et à tous les Martyrs: « Sancta Maria ad Martyres ». Le temple de toutes les divinités païennes était ainsi converti à la mémoire de ceux qui, comme le dit le Livre de l'Apocalypse, « viennent de la grande épreuve: ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau » (Ap 7, 14). Par la suite, la célébration de tous les martyrs a été étendue à tous les saints, « une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue » (Ap 7, 9) comme le dit encore saint Jean. En cette Année sacerdotale, je suis heureux de rappeler avec une vénération particulière les saints prêtres, tant ceux que l'Eglise a canonisé, en les proposant toujours comme exemples de vertus spirituelles et pastorales; que ceux ― bien plus nombreux ― qui sont connus du Seigneur. Chacun de nous conserve le souvenir reconnaissant de l'un d'entre eux, qui nous a aidés à grandir dans la foi et nous a fait ressentir la bonté et la proximité de Dieu.

     Demain aura lieu la commémoration de tous les fidèles défunts. Je voudrais inviter à vivre ce jour selon l'authentique esprit chrétien, c'est-à-dire dans la lumière qui vient du Mystère pascal. Le Christ est mort et ressuscité et il nous a ouvert le passage à la maison du Père, le Royaume de la vie et de la paix. Celui qui suit Jésus dans cette vie est accueilli où Il nous a précédés. Au cours de nos visites dans les cimetières, par conséquent, rappelons-nous que là, dans les tombes, ne reposent que les dépouilles mortelles de nos proches dans l'attente de la résurrection finale. Leurs âmes ― comme le dit l'Ecriture ― sont déjà « dans la main de Dieu » (Sg 3, 1). Aussi le moyen le plus approprié et efficace de leur rendre hommage est-il de prier pour eux, en offrant des actes de foi, d'espérance et de charité. En union au Sacrifice eucharistique, nous pouvons intercéder pour leur salut éternel, et faire l'expérience de la communion la plus profonde, dans l'attente de nous retrouver ensemble, pour jouir à jamais de l'Amour qui nous a créés et rachetés.

     Chers amis, comme est belle et réconfortante la communion des saints! C'est une réalité qui confère une dimension différente à toute notre vie. Nous ne sommes jamais seuls! Nous appartenons à une « compagnie » spirituelle au sein de laquelle règne une profonde solidarité: le bien de chacun est au bénéfice de tous et, inversement, le bonheur commun rayonne sur chaque individu. Dans une certaine mesure, c'est un mystère dont nous pouvons déjà faire l'expérience dans ce monde, dans la famille, dans l'amitié, en particulier dans la communauté spirituelle de l'Eglise. Puisse la Très Sainte Vierge Marie nous aider à marcher d'un pas alerte sur le chemin de la sainteté et être une Mère de miséricorde pour les âmes des défunts.

 

 

1er novembre 2009 – Aux pèlerins francophones, au terme de l’Angelus

     Que l'exemple des saints soit pour nous un encouragement et que la Vierge Marie nous guide sur les chemins du bonheur éternel! Bonne fête de la Toussaint !

 

 

 

 

 

 

 

2010

 

11 février 2010 – Homélie de la Messe pour les malades

    Lorsque la Parole de Dieu parle de guérison, de salut, de santé du malade, elle conçoit ces concepts de façon intégrale en ne séparant jamais l'âme du corps:  un malade guéri par la prière du Christ, à travers l'Eglise, est une joie sur la terre et au ciel, les prémisses de vie éternelle.

 

18 février 2010 – Aux prêtres de Rome

      « Père, sauve-moi, Père, glorifie ». Et Dieu répond: « Je t'ai glorifié et de nouveau je te glorifierai » (cf. Jn 12, 28). Telle est la réponse, le v½u exaucé par Dieu: je glorifierai la Croix; c'est la présence de la gloire divine, parce que c'est l'acte suprême de l'amour. Dans la Croix, Jésus est élevé sur toute la terre et attire la terre à lui; dans la croix apparaît à présent le « Kabod », la vraie gloire divine du Dieu qui aime jusqu'à la Croix et transforme ainsi la mort et crée la Résurrection.

     La prière de Jésus a été exaucée, au sens où, réellement, sa mort devient vie, devient le lieu d'où racheter l'homme, d'où il attire l'homme à lui. Si la réponse divine, chez Jean, dit: « je te glorifierai », cela signifie que cette gloire transcende et traverse toute l'histoire toujours et à nouveau: depuis ta Croix, présente dans l'Eucharistie, transforme la mort en gloire. Telle est la grande promesse qui se réalise dans la Sainte Eucharistie, qui ouvre toujours à nouveau le ciel.

 

 

Exhortation Apostolique Verbum Domini, du 30.9.2010

     C’est un don et une tâche incontournable de l’Église de communiquer la joie qui vient de la rencontre avec la Personne du Christ, Parole de Dieu présente au milieu de nous. Dans un monde qui souvent considère Dieu comme superflu ou lointain, nous confessons comme Pierre que lui seul a «les paroles de la vie éternelle» (Jn 6, 68). Il n’existe pas de priorité plus grande que celle-ci: ouvrir à nouveau à l’homme d’aujourd’hui l’accès à Dieu, au Dieu qui parle et qui nous communique son amour pour que nous ayons la vie en abondance (cf. Jn 10, 10).

 

     Comme le montre la Croix du Christ, Dieu parle aussi à travers son silence. Le silence de Dieu, l’expérience de l’éloignement du Tout-Puissant et du Père est une étape décisive du parcours terrestre du Fils de Dieu, Parole incarnée. Pendu au bois de la croix, il a crié la douleur qu’un tel silence lui causait: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Mc 15, 34; Mt 27, 46). Persévérant dans l’obéissance jusqu’à son dernier souffle de vie, dans l’obscurité de la mort, Jésus a invoqué le Père. C’est à lui qu’il s’en remet au moment du passage, à travers la mort, à la vie éternelle: «Père, entre tes mains je remets mon esprit» (Lc 23, 46).

     Cette expérience de Jésus est comparable à la situation de l’homme qui, après avoir écouté et reconnu la Parole de Dieu, doit aussi se mesurer avec son silence. Bien des saints et des mystiques ont vécu une telle expérience qui aujourd’hui encore fait partie du cheminement de nombreux chrétiens. Le silence de Dieu prolonge ses paroles précédemment énoncées. Dans ces moments obscurs, il parle dans le mystère de son silence. C’est pourquoi, dans la dynamique de la Révélation chrétienne, le silence apparaît comme une expression importante de la Parole de Dieu.

 

1er novembre 2012 – Angelus

     La solennité de la Toussaint, que nous célébrons aujourd’hui, nous invite à élever notre regard vers le Ciel et à méditer sur la plénitude de la vie divine qui nous attend. «Nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement» (1 Jn 3, 2): avec ces mots, l’apôtre Jean nous assure de la réalité de notre lien profond avec Dieu, ainsi que de la certitude de notre destin futur. En tant que fils bien-aimés, nous recevons donc également la grâce pour pouvoir supporter les épreuves de cette existence terrestre — la faim et la soif de justice, les incompréhensions, les persécutions (cf. Mt 5, 3-11) — et, dans le même temps, nous héritons dès à présent de ce qui nous est promis dans les béatitudes évangéliques, «dans lesquelles resplendit la nouvelle image du monde et de l’homme que Jésus inaugure» (Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Milan 2007, p. 95). La sainteté, imprimer le Christ en soi, est le but de la vie du chrétien. Le bienheureux Antonio Rosmini écrit: «Le Verbe s’était imprimé lui-même dans les âmes de ses disciples sous son aspect sensible...et avec ses paroles... il avait donné aux siens cette grâce... avec laquelle l’âme perçoit immédiatement le Verbe» (Anthropologie surnaturelle, Rome 1983, pp. 265-266). Et nous goûtons à l’avance le don et la beauté de la sainteté à chaque fois que nous participons à la liturgie eucharistique, en communion avec la «multitude immense» des esprits bienheureux, qui au Ciel acclament pour l’éternité le salut de Dieu et de l’Agneau (cf. Ap 7, 9-10). «La vie des saints ne comporte pas seulement leur biographie terrestre, mais aussi leur vie et leur agir en Dieu après leur mort. Chez les saints, il devient évident que celui qui va vers Dieu ne s’éloigne pas des hommes, mais qu’il se rend au contraire vraiment proche d’eux» (Enc. Deus caritas est, n. 42).

     Réconfortés par cette communion de la grande famille des saints, nous commémorerons demain tous les fidèles défunts. La liturgie du 2 novembre et le pieux exercice de se rendre au cimetière nous rappellent que la mort chrétienne fait partie du chemin d’assimilation à Dieu et qu’il disparaîtra lorsque Dieu sera tout en tous. La séparation des liens d’affection terrestres est assurément douloureuse, mais nous ne devons pas la craindre, car celle-ci, accompagnée par la prière d’intention de l’Eglise, ne peut pas briser le lien profond qui nous unit au Christ. A cet égard, saint Grégoire de Nysse affirmait: «Celui qui a créé chaque chose dans la sagesse, a donné cette disposition douloureuse comme instrument de libération du mal et possibilité de participer aux biens espérés » (De mortuis oratio, IX, 1, Leiden 1967, 68).

     L’éternité n’est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité (cf. Enc. Spe salvi, n. 12). Nous confions à la Vierge Marie, guide sûr vers la sainteté, notre pèlerinage vers la patrie céleste, alors que nous invoquons son intercession maternelle pour le repos éternel de tous nos frères et s½urs qui se sont endormis dans l’espérance de la Résurrection.

 

1er novembre 2010 – Aux pèlerins francophones, au terme de l’Angelus

     Nous adorons le Dieu trois fois saint, en union avec la foule immense de ceux qui, après avoir mis leurs pas dans ceux du Christ, contemplent sa gloire et intercèdent pour nous. À la suite de tous les saints, puissions-nous marcher résolument sur les chemins de la foi, de l’espérance et de la charité vers la Jérusalem d’en haut. 

 

 

2011

 

 

11 février 2011 – Message pour la Journée Mondiale du Malale

     Souvent, la Passion, la Croix de Jésus, font peur parce qu'elles apparaissent comme étant la négation de la vie. En réalité, c'est exactement le contraire ! La Croix est le "Oui" de Dieu à l'homme, l'expression la plus haute et la plus intense de Son amour, et la source d'où jaillit la vie éternelle. Cette vie divine a jailli du c½ur transpercé de Jésus. Il est le seul qui soit capable de libérer le monde du mal et de faire se diffuser son Royaume de justice, de paix et d'amour auquel nous aspirons tous (cf. Message pour la Journée Mondiale des Jeunes 2011, 3).

 

13 juin 2011 – Au Congrès du Diocèse de Rome

     Depuis leur plus jeune âge, les enfants ont besoin de Dieu, car dès le début, l’homme a besoin de Dieu et ils ont la capacité de percevoir sa grandeur; ils savent apprécier la valeur de la prière — du dialogue avec ce Dieu — et des rites, de même que percevoir la différence entre le bien et le mal. Sachez, alors, les accompagner dans la foi, dans cette connaissance de Dieu, dans cette amitié avec Dieu, dans cette connaissance de la différence entre le bien et le mal. Accompagnez-les dans la foi dès leur plus jeune âge.

     De plus, comment cultiver le germe de la vie éternelle au fur et à mesure que l’enfant grandit? Saint Cyprien nous le rappelle: «Personne ne peut avoir Dieu pour Père, s’il n’a pas l’Eglise pour Mère». C’est pourquoi, nous ne disons pas mon Père, mais Notre Père, car ce n’est que dans le «nous» de l’Eglise, des frères et s½urs, que nous sommes des fils. Depuis toujours, la communauté chrétienne a accompagné la formation des enfants et des jeunes, en les aidant non seulement à comprendre à travers l’intelligence les vérités de la foi, mais également à vivre des expériences de prière, de charité et de fraternité. La parole de la foi risque de demeurer muette si elle ne trouve pas une communauté qui la met en pratique, en la rendant vivante et attirante, comme une expérience de la réalité de la vie véritable.

 

 

 

1er novembre 2011 – Angelus

     La solennité de tous les saints est une occasion propice pour élever le regard des réalités terrestres, rythmées par le temps, vers la dimension de l’éternité et de la sainteté. La liturgie nous rappelle aujourd’hui que la sainteté est la vocation originelle de chaque baptisé (cf. Lumen gentium, n. 40). En effet, le Christ, qui avec le Père et l’Esprit est le seul Saint (cf. Ap 15, 4), a aimé l’Église comme son épouse et s’est donné lui-même pour elle, dans le but de la sanctifier (cf. Ep 5, 25-26). C’est pour cette raison que tous les membres du peuple de Dieu sont appelés à devenir saints, selon l’affirmation de l’apôtre Paul : « Et voici quelle est la volonté de Dieu : c'est votre sanctification » (1 Th 4, 3). Nous sommes donc invités à regarder l’Église non dans son aspect uniquement temporel et humain, marqué par la fragilité, mais comme le Christ l’a voulue, c’est-à-dire une « communion des saints » (Catéchisme de l’Église catholique, n. 946). Dans le Credo, nous professons l’Église « sainte », sainte en tant que Corps du Christ, en tant qu’instrument de participation aux saints Mystères — en premier lieu l’Eucharistie — et famille des saints, à la protection de laquelle nous sommes confiés le jour du baptême. Aujourd’hui, nous vénérons précisément cette innombrable communauté de tous les saints, qui, à travers leurs différents parcours de vie, nous indiquent différentes voies de sainteté, réunies par un unique dénominateur : suivre le Christ et se conformer à Lui, but ultime de notre existence humaine. En effet, tous les états de vie peuvent devenir, avec l’action de la grâce et avec l’engagement et la persévérance de chacun, des voies de sanctification.

     La commémoration des fidèles défunts, à laquelle est consacrée la journée de demain, 2 novembre, nous aide à rappeler nos proches qui nous ont quittés, et toutes les âmes en marche vers la plénitude de la vie, précisément dans l’horizon de l’Église céleste, auquel la solennité d’aujourd’hui nous a élevés. Dès les premiers temps de la foi chrétienne, l’Église terrestre, reconnaissant la communion de tout le corps mystique de Jésus Christ, a cultivé avec une grande piété la mémoire des défunts et leur a offert des prières d’intention. Notre prière pour les morts est donc non seulement utile mais nécessaire, dans la mesure où elle peut non seulement les aider, mais rend, dans le même temps, efficace leur intercession en notre faveur (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 958). La visite aux cimetières, alors qu’elle conserve les liens d’affection avec ceux qui nous ont aimés dans cette vie, nous rappelle également que nous tendons tous vers une autre vie, au-delà de la mort. Les pleurs, dus au détachement terrestre, ne doivent donc pas prévaloir sur la certitude de la résurrection, sur l’espérance de parvenir à la béatitude de l’éternité, « moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité » (Spe salvi, n. 12). L’objet de notre espérance, en effet, est de jouir de la présence de Dieu dans l’éternité. Jésus l’a promis à ses disciples en disant : « Je vous verrai de nouveau et votre c½ur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l'enlèvera » (Jn 16, 22).

     Nous confions notre pèlerinage vers la patrie céleste à la Vierge Marie, Reine de tous les saints, alors que nous invoquons pour nos frères et s½urs défunts son intercession maternelle

 

2 novembre 2011 – Audience Générale

     L’Eglise nous invite à commémorer tous les fidèles défunts, à tourner notre regard vers les nombreux visages qui nous ont précédés et qui ont conclu leur chemin terrestre. Je voudrais vous proposer quelques pensées simples sur la réalité de la mort qui pour nous, chrétiens, est illuminée par la Résurrection du Christ, et pour renouveler notre foi dans la vie éternelle.

     Nous nous rendons ces jours-ci au cimetière pour prier pour les personnes chères qui nous ont quittés, nous allons en quelque sorte leur rendre visite pour leur exprimer, une fois de plus, notre affection, pour les sentir encore proches, en rappelant également, de cette façon, un article du Credo : dans la communion des saints existe un lien étroit entre nous, qui marchons encore sur cette terre, et nos nombreux frères et s½urs qui ont déjà atteint l’éternité.

     Depuis toujours, l’homme se préoccupe de ses morts et tente de leur donner une deuxième vie à travers l’attention, le soin, l’affection. D’une certaine façon, on veut conserver leur expérience de vie ; et, paradoxalement, c’est précisément des tombes devant lesquelles se bousculent les souvenirs que nous découvrons la façon dont ils ont vécu, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont craint, ce qu’ils ont espéré, et ce qu’ils ont détesté. Celles-ci représentent presque un miroir de leur monde.

     Pourquoi en est-il ainsi ? Car, bien que la mort soit souvent un thème presque interdit dans notre société, et que l’on tente constamment de chasser de notre esprit la seule idée de la mort, celle-ci concerne chacun de nous, elle concerne l’homme de tout temps et de tout lieu. Et devant ce mystère, tous, même inconsciemment, nous cherchons quelque chose qui nous invite à espérer, un signe qui nous apporte un réconfort, qui nous ouvre un horizon, qui offre encore un avenir. Le chemin de la mort, en réalité, est une voie de l’espérance et parcourir nos cimetières, comme lire les inscriptions sur les tombes, signifie accomplir un chemin marqué par l’espérance d’éternité.

     Mais nous nous demandons : pourquoi éprouvons-nous de la crainte face à la mort ? Pourquoi une grande partie de l’humanité ne s’est-elle jamais résignée à croire qu’au-delà de la mort, il n’y pas simplement le néant ? Je dirais qu’il existe de multiples réponses : nous éprouvons une crainte face à la mort car nous avons peur du néant, de ce départ vers quelque chose que nous ne connaissons pas, qui nous est inconnu. Il existe alors en nous un sentiment de rejet parce que nous ne pouvons pas accepter que tout ce qui a été réalisé de beau et de grand au cours d’une existence tout entière soit soudainement effacé, tombe dans l’abîme du néant. Et surtout, nous sentons que l’amour appelle et demande l’éternité et il n’est pas possible d’accepter que cela soit détruit par la mort en un seul moment.

     De plus, nous éprouvons de la crainte à l’égard de la mort car, lorsque nous nous trouvons vers la fin de notre existence, existe la perception qu’un jugement est exercé sur nos actions, sur la façon dont nous avons mené notre vie, surtout sur les zones d’ombre que nous savons souvent habilement éliminer ou que nous nous efforçons d’effacer de notre conscience. Je dirais que c’est précisément la question du jugement qui est souvent à l’origine de la préoccupation de l’homme de tous les temps pour les défunts, de l’attention pour les personnes qui ont compté pour lui et qui ne sont plus à ses côtés sur le chemin de la vie terrestre. Dans un certain sens, les gestes d’affection et d’amour qui entourent le défunt sont une façon de le protéger dans la conviction qu’ils ne demeurent pas sans effet sur le jugement. C’est ce que nous pouvons constater dans la majorité des cultures qui caractérisent l’histoire de l’homme.

     Aujourd’hui, le monde est devenu, tout au moins en apparence, beaucoup plus rationnel, ou mieux, la tendance s’est diffusée de penser que chaque réalité doit être affrontée avec les critères de la science expérimentale, et qu’également à la grande question de la mort on ne doit pas tant répondre avec la foi, mais en partant de connaissances expérimentables, empiriques. On ne se rend cependant pas suffisamment compte que, précisément de cette manière, on a fini par tomber dans des formes de spiritisme, dans la tentative d’avoir un contact quelconque avec le monde au-delà de la mort, presque en imaginant qu’il y existe une réalité qui, à la fin, serait une copie de la réalité présente.

     Chers amis, la solennité de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts nous disent que seul celui qui peut reconnaître une grande espérance dans la mort, peut aussi vivre une vie à partir de l’espérance. Si nous réduisons l’homme exclusivement à sa dimension horizontale, à ce que l’on peut percevoir de manière empirique, la vie elle-même perd son sens profond. L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est trop brève, est trop limitée pour lui. L’homme n’est explicable que s’il existe un Amour qui dépasse tout isolement, même celui de la mort, dans une totalité qui transcende aussi l’espace et le temps. L’homme n’est explicable, il ne trouve son sens profond, que s’il y a Dieu. Et nous savons que Dieu est sorti de son éloignement et s’est fait proche, qu’il est entré dans notre vie et nous dit : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26).

     Pensons un moment à la scène du Calvaire et écoutons à nouveau les paroles que Jésus, du haut de la Croix, adresse au malfaiteur crucifié à sa droite : « En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Pensons aux deux disciples sur la route d’Emmaüs, quand, après avoir parcouru un bout de chemin avec Jésus Ressuscité, ils le reconnaissent et partent sans attendre vers Jérusalem pour annoncer la Résurrection du Seigneur (cf. Lc 24, 13-35). Les paroles du Maître reviennent à l’esprit avec une clarté renouvelée : « Que votre c½ur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l'aurais dit ; je vais vous préparer une place » (Jn 14, 1-2). Dieu s’est vraiment montré, il est devenu accessible, il a tant aimé le monde « qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16), et dans l’acte d’amour suprême de la Croix, en se plongeant dans l’abîme de la mort, il l’a vaincue, il est ressuscité et nous a ouvert à nous aussi les portes de l’éternité. Le Christ nous soutient à travers la nuit de la mort qu’Il a lui-même traversée; il est le Bon Pasteur, à la direction duquel on peut se confier sans aucune crainte, car Il connaît bien la route, même dans l’obscurité.

     Chaque dimanche, en récitant le Credo, nous réaffirmons cette vérité. Et en nous rendant dans les cimetières pour prier avec affection et avec amour pour nos défunts, nous sommes invités, encore une fois, à renouveler avec courage et avec force notre foi dans la vie éternelle, ou mieux, à vivre avec cette grande espérance et à la témoigner au monde : derrière le présent il n’y a pas le rien. C’est précisément la foi dans la vie éternelle qui donne au chrétien le courage d’aimer encore plus intensément notre terre et de travailler pour lui construire un avenir, pour lui donner une espérance véritable et sûre.

 

2 novembre 2011 – Aux francophones, au terme de l’Audience Générale

     Que votre foi dans la résurrection du Christ vous donne force et courage pour traverser les épreuves de la vie et qu’elle fasse grandir en vous l’espérance de la vie éternelle ! Que Dieu vous bénisse !

 

26 novembre 2011 – Rencontre organisée par la Pastorale des services de la santé.

     La Face du Sauveur mourant sur la Croix, du Fils consubstantiel au Père qui souffre comme un homme pour nous (cf. ibid., n. 17), nous enseigne à conserver et à promouvoir la vie, quelles que soit l’étape ou la condition dans laquelle elle se trouve, en reconnaissant la dignité et la valeur de chaque être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27) et appelé à la vie éternelle.

 

 

 

 

2012

 

11 février 2012 – Message pour la Journée Mondiale du Malade

    Durant sa vie, Jésus annonce et rend présente la miséricorde du Père. Il est venu non pour condamner mais pour pardonner et sauver, pour donner de l’espérance même dans les ténèbres les plus profondes de la souffrance et du péché, pour donner la vie éternelle ; ainsi dans le sacrement de la Pénitence, dans « le remède de la confession », l’expérience du péché ne dégénère pas en désespoir mais rencontre l’Amour qui pardonne et transforme (cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique postsynodale Reconciliatio et Paenitentia, n°31).

 

 

26 mai 2012 – Audience au Renouveau charismatique

      Ne vous lassez pas de vous tourner vers le Ciel: le monde a besoin de prière. On a besoin d’hommes et de femmes qui se sentent attirés par le Ciel dans leur vie, qui fassent de la louange du Seigneur un style de vie nouvelle. Je vous confie tous à la Très Sainte Vierge Marie, présente au Cénacle lors de l’événement de la Pentecôte. Persévérez avec elle dans la prière, marchez guidés par la lumière de l’Esprit Saint, en vivant et en proclamant l’annonce du Christ.

 

 

 

11 juin 2012 – au Congrès du Diocèse de Rome.

     « Renoncez-vous aux séductions du mal pour ne pas vous laisser dominer par le péché ? ». Que sont ces séductions du mal ? Dans l’Église antique, et encore pendant des siècles, il y avait l’expression : « Renoncez-vous aux pompes du diable ? », et aujourd’hui, nous savons ce que l’on entendait par cette expression « pompes du diable ». Les pompes du diable étaient surtout les grands spectacles sanglants, où la cruauté devient divertissement, où tuer des hommes devient quelque chose de spectaculaire : le spectacle devient la vie et la mort d’un homme.  Ces spectacles sanglants, ce divertissement du mal sont les « pompes du diable », où il apparaît sous une apparente beauté mais en réalité, il apparaît sous toute sa cruauté. Mais au-delà de cette signification immédiate de la parole « pompes du diable », on voulait parler d’un type de culture, d’un way of life, d’un mode de vivre où ne compte plus la vérité mais l’apparence, où l’on ne recherche pas la vérité, mais l’effet, la sensation, et, sous le prétexte de la vérité, en réalité, on détruit les hommes, on veut détruire et ne se créer que soi-même comme vainqueurs. Ce renoncement était donc très réel : c’était le renoncement à un type de culture qui est une anti-culture, contre le Christ et contre Dieu. On décidait contre une culture qui, dans l’Évangile de saint Jean, est appelée « kosmos houtos », « ce monde ». Avec « ce monde », naturellement, Jean et Jésus ne parlent pas de la Création de Dieu, de l’homme en tant que tel, mais parlent d’une certaine créature qui est dominante, qui s’impose comme si c’était cela le monde, et comme si c’était cela la façon de vivre qui s’impose. Je laisse à présent à chacun de vous le soin de réfléchir sur ces « pompes du diable », sur cette culture à laquelle nous disons « non ». Être baptisés signifie précisément en substance s’émanciper, se libérer de cette culture. Nous connaissons également aujourd’hui un type de culture dans laquelle la vérité ne compte pas; même si apparemment, on veut faire apparaître toute la vérité, seule la sensation compte et l’esprit de calomnie et de destruction. Une culture qui ne recherche pas le bien, dont le moralisme est, en réalité, un masque pour tromper, créer la confusion et la destruction. Contre cette culture, dans laquelle le mensonge se présente sous la forme de la vérité et de l’information, contre cette culture qui ne recherche que le bien-être matériel et nie Dieu, nous disons « non ». Nous connaissons bien également à partir de nombreux Psaumes cette opposition entre une culture dans laquelle on semble intouchable contre tous les maux du monde, on se place au-dessus de tous, en particulier de Dieu, alors qu’au contraire, c’est une culture du mal, une domination du mal. Et ainsi, la décision du baptême, cette partie du chemin néocatéchuménal qui dure toute notre vie, est précisément ce « non », prononcé et réalisé à nouveau chaque jour, même à travers les sacrifices qu’exige le fait de s’opposer à la culture dominante en grande partie dominante, même si elle s’imposait comme si elle était le monde, ce monde : ce n’est pas vrai. Et il y a également de nombreuses personnes qui désirent vraiment la vérité.

     Ainsi, nous arrivons au premier renoncement : « Renoncez-vous au péché pour vivre dans la liberté des fils de Dieu ? ». Aujourd’hui, liberté et vie chrétienne, observance des commandements de Dieu, vont dans des directions opposées; être chrétiens serait comme un esclavage; la liberté signifie s’émanciper de la foi chrétienne, s’émanciper — en fin de compte — de Dieu. Le terme de péché apparaît à de nombreuses personnes presque ridicule, car elles disent : « Mais comment! Nous ne pouvons pas offenser Dieu ! Dieu est si grand, cela ne l’intéresse pas si je commets une petite erreur ! Nous ne pouvons pas offenser Dieu, son intérêt est trop grand pour que nous l’offensions ». Cela semble vrai, mais ce n’est pas vrai. Dieu s’est fait vulnérable. Dans le Christ crucifié, nous voyons que Dieu s’est fait vulnérable, il s’est fait vulnérable jusqu’à la mort. Dieu s’intéresse à nous parce qu’il nous aime et l’amour de Dieu est vulnérabilité, l’amour de Dieu est intérêt de l’homme, l’amour de Dieu signifie que notre première préoccupation doit être ne pas blesser, ne pas détruire son amour, ne rien faire contre son amour car sinon, nous vivons aussi contre nous-mêmes et contre notre liberté. Et, en réalité, cette apparente liberté dans l’émancipation de Dieu devient immédiatement un esclavage de nombreuses dictatures du temps, qui doivent être suivies pour être considérées à la hauteur du temps.

     Et enfin : « Renoncez-vous à Satan ? ». Cela nous dit qu’il y a un « oui » à Dieu et un « non » au pouvoir du Malin qui coordonne toutes ces activités et veut se faire le dieu de ce monde, comme nous le dit encore saint Jean. Mais il n’est pas Dieu, il n’est que l’adversaire, et nous ne nous soumettons pas à son pouvoir ; nous disons «non» parce que nous disons « oui », un « oui » fondamental, le « oui » de l’amour et de la vérité. Ces trois renoncements, dans le rite du baptême, dans l’antiquité, étaient accompagnés de trois immersions : immersion dans l’eau comme symbole de la mort, d’un « non » qui est réellement la mort d’un type de vie et la résurrection à une autre vie. Nous y reviendrons. Puis la confession en trois questions : « Croyez-vous en Dieu le Père tout-puissant, Créateur ; en Jésus Christ et, enfin, en l’Esprit Saint et en l’Église ?» Cette formule, ces trois parties, ont été développées à partir de la Parole du Seigneur « baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » ; ces paroles sont concrétisées et approfondies : que veut dire Père, que veut dire Fils — toute la foi dans le Christ, toute la réalité du Dieu fait homme — et que veut dire croire, être baptisés dans l’Esprit Saint, c’est-à-dire toute l’action de Dieu dans l’histoire, dans l’Église, dans la communion des saints. Ainsi, la formule positive du baptême est aussi un dialogue : elle n’est pas simplement une formule. Surtout, la confession de la foi n’est pas seulement une chose à comprendre, une chose intellectuelle, une chose à mémoriser — même si c’est aussi cela, bien sûr — elle touche aussi à l’intelligence, elle touche aussi avant tout à notre existence. Et cela me semble très important. Ce n’est pas quelque chose d’intellectuel, une pure formule. C’est un dialogue de Dieu avec nous, une action de Dieu avec nous, et notre réponse, c’est un chemin. La vérité du Christ ne peut se comprendre que si sa voie est comprise. Ce n’est que si nous acceptons le Christ comme une voie en commençant réellement à être dans la voie du Christ que nous pouvons aussi comprendre la vérité du Christ. La vérité qui n’est pas vécue ne s’ouvre pas; seule la vérité vécue, la vérité acceptée comme mode de vie, comme chemin, s’ouvre aussi comme vérité dans toute sa richesse et sa profondeur. Cette formule est donc une voie, c’est une expression de notre conversion, d’une action de Dieu. Et nous voulons réellement que cela soit présent dans toute notre vie également: que nous sommes en communion de chemin avec Dieu, avec le Christ. Et ainsi, nous sommes en communion avec la vérité : en vivant la vérité, la vérité devient la vie et en vivant cette vie, nous trouvons aussi la vérité.

     À présent, passons à l’élément matériel: l’eau. Il est très important de voir les deux significations de l’eau. D’une part, l’eau fait penser à la mer, et surtout à la Mer Rouge, à la mort dans la Mer Rouge. À travers la mer est représentée la force de la mort, la nécessité de mourir pour arriver à une nouvelle vie. Cela me semble très important. Le baptême n’est pas seulement une cérémonie, un rituel introduit il y a longtemps, et il ne consiste pas non plus seulement à se laver, ce n’est pas une opération cosmétique. C’est bien plus que se laver: il est mort et vie, il est mort d’une certaine existence et renaissance, résurrection à une vie nouvelle. C’est la profondeur de l’être chrétien, non seulement c’est quelque chose qui s’ajoute, mais c’est une nouvelle naissance. Après avoir traversé la Mer Rouge, nous sommes renouvelés. Ainsi la mer, dans toutes les expériences de l’Ancien Testament, est-elle devenue pour les chrétiens le symbole de la Croix. Parce que c’est uniquement à travers la mort, un renoncement radical dans lequel on meurt à un certain type de vie, que l’on peut réaliser la renaissance et qu’il peut réellement y avoir une nouvelle vie. C’est une partie de la symbolique de l’eau: elle symbolise — surtout dans les immersions de l’antiquité — la Mer Rouge, la mort, la Croix. Ce n’est qu’à partir de la Croix que l’on parvient à la nouvelle vie et cela se réalise chaque jour. Sans cette mort toujours renouvelée, nous ne pouvons pas renouveler la vraie vitalité de la nouvelle vie du Christ.

     Mais l’autre symbole est celui de la source. L’eau est l’origine de toute la vie; au-delà de la symbolique de la mort, elle est aussi le symbole de la nouvelle vie. Toute vie vient aussi de l’eau, de l’eau qui vient du Christ comme la vraie vie nouvelle qui nous accompagne vers l’éternité.

     Enfin, il reste une question — quelques mots seulement — du baptême des enfants. Est-il juste de le faire, ou serait-il plus nécessaire de faire d’abord le chemin catéchuménal pour arriver à un baptême vraiment réalisé ? Et l’autre question qui se pose toujours est : « Mais pouvons-nous imposer à un enfant quelle religion il veut vivre ou non ? Ne devons-nous pas laisser le choix à cet enfant ? ».    Ces questions montrent que nous ne voyons plus dans la foi chrétienne la vie nouvelle, la vraie vie, mais que nous voyons un choix parmi d’autres, plus encore, un poids qu’il ne faudrait pas imposer sans avoir eu l’assentiment du sujet. La réalité est différente. La vie elle-même nous est donnée sans que nous puissions choisir si nous voulons vivre au non ; on ne peut demander à personne : « Veux-tu être né ou pas ? ». La vie elle-même nous est donnée par nécessité sans assentiment préalable, elle nous est donnée ainsi et nous ne pouvons pas décider avant « oui ou non, je veux vivre ou non ». Et, en réalité, la vraie question est : « Est-il juste de donner la vie dans ce monde sans avoir eu un assentiment — veux-tu vivre ou non ? Peut-on réellement anticiper la vie, donner la vie sans que le sujet ait eu la possibilité de décider ? ». Je dirais : cela est possible et cela est juste uniquement si, avec la vie, nous pouvons donner aussi la garantie que la vie, avec tous les problèmes du monde, est bonne, qu’il est bon de vivre, qu’il y a une garantie que cette vie est bonne, qu’elle est protégée par Dieu et qu’elle est un don véritable. Seule l’anticipation du sens justifie l’anticipation de la vie. Et par conséquent, le baptême, comme garantie du bien de Dieu, comme anticipation du sens, du « oui » de Dieu qui protège cette vie, justifie aussi l’anticipation de la vie. Par conséquent, le baptême des enfants n’est pas contre la liberté; il est précisément nécessaire de donner cela, pour justifier aussi le don — autrement discutable — de la vie. Seule la vie qui est entre les mains de Dieu, entre les mains du Christ, immergée dans le nom du Dieu trinitaire, est assurément un bien que l’on peut donner sans scrupule. Et ainsi sommes-nous reconnaissants à Dieu qui nous a donné ce don, qui lui-même s’est donné à nous. Et notre défi est de vivre ce don, de vivre réellement, dans un chemin post-baptismal, tout autant les renoncements que le «oui» et de vivre toujours dans le grand «oui» de Dieu, et ainsi de vivre bien.

 

 

 

 

22 juillet 2012 - Angelus

     La Parole de Dieu de ce dimanche nous repropose un thème fondamental et toujours fascinant de la Bible: elle nous rappelle que Dieu est le pasteur de l’humanité. Cela signifie que Dieu veut pour nous la vie, il veut nous guider vers de bons pâturages où nous pouvons nous nourrir et nous reposer. Il ne veut pas que nous nous perdions et que nous mourrions, mais que nous parvenions au but de notre chemin, qui est justement la plénitude de la vie. C’est ce que tout père et toute mère désire pour ses enfants: le bien, le bonheur, la réalisation. Dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus se présente comme un Pasteur des brebis égarées de la maison d’Israël. Son regard sur les gens est un regard pour ainsi dire «pastoral». Par exemple, dans l’Evangile de ce dimanche, il est dit qu’«en débarquant, il vit une foule nombreuse et il en eut pitié, parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger, et il se mit à les enseigner longuement» (Mc 6, 34). Jésus incarne le Dieu Pasteur avec sa façon de prêcher et avec ses ½uvres, en prenant soin des malades et des pécheurs, de ceux qui sont «égarés» (cf. Lc 19, 10), pour les ramener en sécurité, dans la miséricorde du Père.

     Parmi les «brebis égarées» que Jésus a conduites en sécurité, il y a aussi une femme nommée Marie, originaire du village de Magdala, sur le Lac de Galilée, et appelée pour cela Madeleine. C’est aujourd’hui sa mémoire liturgique dans le calendrier de l’Eglise. L’évangéliste Luc dit que Jésus fit sortir d’elle sept démons (cf. Lc 8, 2), c’est-à-dire qu’il l’a sauvée d’un asservissement total au malin. En quoi consiste cette guérison profonde que Dieu opère au moyen de Jésus? Elle consiste en une paix vraie, complète, fruit de la réconciliation de la personne en elle-même et dans toutes ses relations: avec Dieu, avec les autres, avec le monde. En effet, le malin cherche toujours à gâcher l’½uvre de Dieu, en semant la division dans le c½ur de l’homme, entre corps et âme, entre l’homme et Dieu, dans les rapports interpersonnels, sociaux, internationaux, et aussi entre l’homme et la création. Le malin sème la guerre; Dieu crée la paix. Plus encore, comme saint Paul l’affirme, le Christ «est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu'un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine» (Ep 2, 14). Pour accomplir cette ½uvre de réconciliation radicale, Jésus, le Bon Pasteur, a dû devenir l’Agneau, «l’Agneau de Dieu… qui enlève le péché du monde» (Jn 1, 29). Ce n’est qu’ainsi qu’il a pu réaliser l’étonnante promesse du psaume: «Oui, grâce et bonheur me pressent tous les jours de ma vie; ma demeure est la maison du Seigneur en la longueur des jours» (Ps 22/23, 6).

     Chers amis, ces paroles font vibrer notre c½ur, parce qu’elles expriment notre désir le plus profond, elles disent ce pour quoi nous sommes faits: la vie, la vie éternelle! Ce sont les paroles de qui, comme Marie Madeleine, a fait l’expérience de Dieu dans sa vie, et connaît sa paix. Des paroles plus vraies que jamais sur les lèvres de la Vierge Marie, qui vit déjà pour toujours dans les pâturages du Ciel, où l’a conduite l’Agneau Pasteur. Marie, Mère du Christ notre paix, prie pour nous!

 

 

 

 

 

 

 

 

5 aout 2012 - Angelus

     Jésus veut aider les personnes à aller au-delà de la satisfaction immédiate de leurs propres nécessités matérielles, même importantes. Il veut ouvrir à un horizon de l’existence qui n’est pas simplement celui des préoccupations quotidiennes de se nourrir, de s’habiller, de faire carrière. Jésus parle d’une nourriture qui ne dépérit pas, qu’il est important de chercher et d’accueillir. Il affirme: «Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'homme» (Jn 6, 27).

     La foule ne comprend pas, elle croit que Jésus demande l’observance de préceptes pour pouvoir obtenir la continuation de ce miracle, et elle demande: «Que devons-nous faire pour travailler aux ½uvres de Dieu?» (v. 28). La réponse de Jésus est claire: «L'½uvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé» (v. 29). Le centre de l’existence, ce qui donne un sens et une ferme espérance au chemin souvent difficile de la vie est la foi en Jésus, la rencontre avec le Christ. Nous aussi nous demandons: «Que devons-nous faire pour avoir la vie éternelle?». Et Jésus dit: «Croyez en moi». La foi est ce qui est fondamental. Il ne s’agit pas ici de suivre une idée, un projet, mais de rencontrer Jésus comme une Personne vivante, de se laisser interpeller totalement par Lui et par son Evangile. Jésus invite à ne pas s’arrêter à un horizon purement humain et à s’ouvrir à l’horizon de Dieu, à l’horizon de la foi. Il exige une seule ½uvre: accueillir le dessein de Dieu, c’est-à-dire «croire en celui qu’il a envoyé» (v. 29). Moïse avait donné la manne à Israël, le pain du ciel, avec lequel Dieu lui-même avait nourri son peuple. Jésus ne donne pas quelque chose, il Se donne lui-même: c’est Lui «le véritable pain descendu du ciel», Lui la Parole vivante du Père; dans la rencontre avec Lui nous rencontrons le Dieu vivant.

     «Que devons-nous faire pour travailler aux ½uvres de Dieu?» (v. 28) demande la foule, prête à agir, afin que le miracle du pain se poursuive. Mais Jésus, véritable pain de vie qui rassasie notre faim de sens, de vérité, ne peut pas être «gagné» avec le travail humain; il vient à nous uniquement comme don de l’amour de Dieu, comme ½uvre de Dieu à demander et accueillir.

 

 

 

15 août 2012 – Homélie de la Messe de Benoit XVI en la Solennité de l’Assomption, célébrée dans l’église paroissiale de Castelgandolfo

      Foi et espérance se rejoignent. On parle beaucoup aujourd’hui d’un monde meilleur qui devrait venir : ce serait cela notre espérance. Si et quand ce monde meilleur doit venir, nous ne le savons pas, je ne le sais pas. Mais il est sûr qu’un monde qui s’éloigne de Dieu ne devient pas meilleur, mais pire. Seule la présence de Dieu peut garantir également un monde bon. Mais ne parlons pas de cela. Il y a une chose, une espérance qui est certaine : Dieu nous attend, nous n’avançons pas dans le vide, nous sommes attendus. Dieu nous attend et, en allant dans l’autre monde, nous trouvons la bonté de la Mère, nous retrouvons nos proches, nous trouvons l’Amour éternel. Dieu nous attend : voilà la grande joie et la grande espérance qui naît précisément de cette fête. Marie nous rend visite, elle est la joie de notre vie et la joie est espérance.

     Que dire de plus ? Un c½ur grand, la présence de Dieu dans le monde, une place pour Dieu en nous et une place en Dieu pour nous, l’espérance, être attendus : voilà la symphonie de cette fête, l’indication que nous donne la méditation de cette solennité. Marie est l’aurore et la splendeur de l’Eglise triomphante ; elle est consolation et espérance pour le peuple encore en chemin, dit la Préface de ce jour. Confions-nous à son intercession maternelle, afin qu’elle nous obtienne du Seigneur la grâce de renforcer notre foi dans la vie éternelle ; qu’elle nous aide à bien vivre dans l’espérance le temps que Dieu nous donne. Une espérance chrétienne, qui n’est pas seulement une nostalgie du Ciel, mais un désir de Dieu vivant et actif, ici, dans le monde, un désir de Dieu qui fait de nous des pèlerins infatigables et qui alimente en nous le courage et la force de la foi, qui sont dans le même temps le courage et la force de l’amour.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

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