2005
1er novembre 2005 – Angelus Solennité de Toussaint
Nous célébrons aujourd'hui la solennité de Tous les Saints, qui nous fait goûter la joie d'appartenir à la grande famille des amis de Dieu, ou, comme l'écrit saint Paul, de "partager le sort des saints dans la lumière" (Col 1, 12). La liturgie repropose l'expression remplie d'émerveillement de l'Apôtre Jean: "Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes!" (1 Jn 3, 1). Oui, devenir saints signifie réaliser pleinement ce que nous sommes déjà, ayant été élevés, en Jésus Christ, à la dignité de fils adoptifs de Dieu (cf. Ep 1, 5; Rm 8, 14-17). A travers l'incarnation de son Fils, sa mort et sa résurrection, Dieu a voulu réconcilier l'humanité avec Lui et l'ouvrir à la participation à sa propre vie. Celui qui croit dans le Christ Fils de Dieu renaît "d'en-haut", il est comme régénéré par l'oeuvre de l'Esprit Saint (cf. Jn 3, 1-8). Ce mystère se réalise dans le sacrement du Baptême, à travers lequel la mère Eglise donne le jour à ses "saints".
La vie nouvelle, reçue dans le Baptême, n'est pas sujette à la corruption et au pouvoir de la mort. Pour celui qui vit dans le Christ, la mort est le passage du pèlerinage terrestre à la patrie du Ciel, où le Père accueille tous ses fils, "de toute nation, race, peuple et langue", comme nous le lisons aujourd'hui dans le Livre de l'Apocalypse (7, 9).
2 novembre 2005 – Audience Générale
1. Après avoir célébré hier la fête solennelle de tous les Saints du ciel, nous rappelons aujourd'hui la mémoire de tous les fidèles défunts. La liturgie nous invite à prier pour nos chers disparus, en tournant notre pensée vers le mystère de la mort, héritage commun de tous les hommes.
Eclairés par la foi, nous regardons l'énigme humaine de la mort avec sérénité et espérance. Selon l'Ecriture, en effet, celle-ci est une nouvelle naissance plus qu'une fin, elle est le passage obligatoire à travers lequel ceux qui modèlent leur existence terrestre selon les indications de la Parole de Dieu peuvent atteindre la vie en plénitude.
Le Psaume 111, une composition de type sapientiel, nous présente la figure de ces justes, qui craignent le Seigneur, en reconnaissent la transcendance et adhèrent avec confiance et amour à sa volonté dans l'attente de le rencontrer après la mort.
Une "béatitude" est réservée à ces fidèles: "Heureux l'homme qui craint Yahvé" (v. 1). Le Psalmiste précise immédiatement en quoi consiste cette crainte: elle se manifeste à travers la docilité aux commandements de Dieu. Est proclamé bienheureux celui qui "se plaît fort" à observer ses commandements, trouvant en eux la joie et la paix.
2. La docilité à l'égard de Dieu est, donc, une source d'espérance et d'harmonie intérieure et extérieure. L'observance de la loi morale est source d'une profonde paix de la conscience. Plus encore, selon la vision biblique de la "rétribution", le manteau de la bénédiction divine s'étend même sur le juste, imprimant stabilité et succès à ses oeuvres et à celles de ses descendants: "Sa lignée sera puissante sur la terre, et bénie la race des hommes droits. Opulence et bien-être en sa maison" (vv. 2-3; cf. v. 9). A cette vision optimiste s'opposent cependant les observations amères du juste Job, qui fait l'expérience du mystère de la douleur, se sent injustement puni et soumis à des épreuves apparemment insensées. Job représente de nombreuses personnes justes qui souffrent profondément dans le monde. Il faudra donc lire ce Psaume dans le contexte global de l'Ecriture Sainte, jusqu'à la Croix et à la Résurrection du Seigneur. La Révélation embrasse la réalité de la vie humaine sous tous ses aspects.
La confiance que le Psalmiste veut transmettre et qu'il veut faire ressentir à celui qui a choisi de suivre la voie d'une conduite moralement irréprochable, contre toute alternative d'un succès illusoire obtenu à travers l'injustice et l'immoralité, conserve toutefois toute sa valeur.
3. Le coeur de cette fidélité à la Parole divine consiste en un choix fondamental, celui de la charité envers les pauvres et les indigents: "Bienheureux l'homme qui prend pitié et prête... Il fait largesse, il donne aux pauvres" (vv. 5.9). Le fidèle est donc généreux; respectant la règle biblique, il accorde des prêts à ses frères dans le besoin, sans intérêt (cf. Dt 15, 7-11) et sans tomber dans l'infamie de l'usure, qui anéantit la vie des pauvres.
Le juste, en tenant compte de l'avertissement constant des prophètes, se range du côté des laissés-pour-compte, et les soutient par des aides abondantes. "Il fait largesse, il donne aux pauvres", dit-on dans le verset 9, démontrant ainsi une extrême générosité, totalement désintéressée.
4. Le Psaume 111, aux côtés du portrait de l'homme fidèle et charitable, "bon, miséricordieux et juste", présente également à la fin, en un seul verset (cf. v. 10), le profil de l'homme mauvais. Cet individu assiste au succès de la personne juste en brûlant de rage et d'envie. C'est le tourment de celui qui a mauvaise conscience, à la différence de l'homme généreux dont le coeur est "ferme" et "assuré" (vv. 7-8).
Nous tournons notre regard sur le visage serein de l'homme fidèle qui "fait largesse, il donne aux pauvres" et nous nous en remettons, pour notre réflexion de conclusion, aux paroles de Clément d'Alexandrie, le Père de l'Eglise du II siècle, qui a commenté une affirmation difficile du Seigneur. Dans la parabole sur l'administrateur injuste apparaît l'expression selon laquelle nous devons faire le bien avec l'"argent injuste". De là naît la question: l'argent, la richesse, sont-ils eux-mêmes injustes, ou que veut dire le Seigneur? Clément d'Alexandrie explique très bien ce mot dans son homélie: "Quel riche se sauvera?" et dit: Jésus "déclare injuste par nature toute possession que quelqu'un possède pour lui-même comme un bien propre et qu'il ne met pas en commun pour ceux qui en ont besoin; mais il déclare également que, à partir de cette injustice, il est possible d'accomplir une oeuvre juste et salutaire, en donnant le repos à l'un de ces petits qui ont une demeure éternelle auprès du Père (cf. Mt 10, 42; 18, 10)" (31, 6: Collana di Testi Patristici, CXLVIII, Rome 1999, pp. 56-57).
Et, s'adressant aux lecteurs, Clément avertit: "Tout d'abord, sache qu'il ne t'a pas commandé de te faire prier ni d'attendre d'être supplié, mais il faut que tu cherches toi-même ceux qui sont dignes d'être écoutés, en tant que disciples du Sauveur" (31, 7: ibid, p. 57).
Puis, ayant recours à un autre texte biblique, il commente: "Ce que dit l'Apôtre est donc beau: "Dieu aime qui donne avec joie" (2 Co 9, 7), celui qui se réjouit de donner et qui ne sème pas chichement, pour ne pas recueillir de la même façon, mais qui partage sans regrets ni distinctions ou douleur; c'est là une authentique manière de faire le bien" (31, 8: ibid.).
En ce jour de la commémoration des défunts, comme je l'ai dit au début de notre rencontre, nous sommes tous appelés à nous confronter à l'énigme de la mort et donc à la question de comment vivre bien, comment trouver le bonheur. A cela, le Psaume répond : Heureux l'homme qui donne; heureux l'homme qui n'utilise pas sa vie pour lui-même, mais qui la donne; heureux l'homme qui est miséricordieux, bon et juste; heureux l'homme qui vit dans l'amour de Dieu et du prochain. Ainsi nous vivons bien et ainsi nous ne devons pas avoir peur de la mort, car nous sommes dans le bonheur qui vient de Dieu et qui ne connaît pas de fin.
11 novembre 2005 – Homélie Messe cardinaux et Eveques défunts
Le mois de novembre revêt une connotation spirituelle particulière en raison des deux journées par lesquelles il s'ouvre: la Solennité de la Toussaint et la Commémoration de tous les fidèles défunts. Le mystère de la communion des saints illumine de manière particulière ce mois et toute la partie finale de l'année liturgique, en orientant la méditation sur le destin terrestre de l'homme à la lumière de la Pâque du Christ. Dans celle-ci trouve son fondement cette espérance qui, comme le dit saint Paul, est telle qu'elle "ne déçoit pas" (cf. Rm 5, 5). La célébration d'aujourd'hui se situe précisément dans ce contexte, dans lequel la foi exalte des sentiments profondément inscrits dans l'âme humaine. Lors de ces journées, la grande famille de l'Eglise trouve un temps de grâce et le vit, selon sa vocation, en se rassemblant en prière autour du Seigneur et en offrant son Sacrifice rédempteur à l'intention des fidèles défunts. Aujourd'hui, nous l'offrons de manière particulière pour les Cardinaux et les Evêques qui nous ont quittés au cours de l'année écoulée.
Pendant longtemps, j'ai appartenu au Collège cardinalice, dont j'ai également été le Doyen pendant deux ans et demi. Je me sens donc particulièrement lié à cette communauté spécifique, que j'ai eu l'honneur de présider également pendant les journées inoubliables qui ont suivi la disparition du bien-aimé Pape Jean-Paul II. Il nous a laissé, parmi d'autres exemples lumineux, celui très précieux de la prière, et en ce moment également, nous recueillons son héritage spirituel, conscients que son intercession se poursuit de manière encore plus intense du Ciel. Au cours des douze derniers mois, cinq Vénérés frères Cardinaux sont passés "sur l'autre rive": Juan Carlos Aramburu, Jan Pieter Schotte, Corrado Bafile, Jaime Sin et, il y a moins d'un mois, Giuseppe Caprio. Avec leurs âmes, nous confions aujourd'hui au Seigneur celles des Archevêques et des Evêques qui, au cours de cette même période, ont conclu leur pèlerinage terrestre. Nous élevons ensemble notre prière pour chacun d'eux, dans la lumière de la Parole que Dieu nous a adressée dans cette Liturgie.
Le passage du Livre du Siracide contient tout d'abord une exhortation à la constance dans l'épreuve et donc une invitation à la confiance en Dieu. A l'homme qui traverse les vicissitudes de la vie, la Sagesse recommande: "Attache-toi à lui - au Seigneur -, ne t'éloigne pas, afin d'être exalté à ton dernier jour" (Si 2, 3). Celui qui se place au service du Seigneur et qui donne sa vie dans le ministère ecclésial n'est pas exempté des épreuves, au contraire, il en rencontre de plus insidieuses, comme le démontre largement l'expérience des saints. Mais vivre dans la crainte de Dieu libère le coeur de toute peur et le plonge dans les profondeurs de son amour. "Vous qui craignez le Seigneur, ayez confiance en lui [...] espérez ses bienfaits, la joie éternelle et la miséricorde" (Si 2, 8-9).
Cette invitation à la confiance se rattache directement au début de l'épisode de l'Evangile de saint Jean qui vient d'être proclamé: "Que votre coeur ne se trouble pas! - dit Jésus aux Apôtres lors de la dernière Cène - vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi" (Jn 14, 1). Le coeur humain, toujours inquiet tant qu'il ne trouve pas un refuge sûr dans son pèlerinage, atteint finalement là le roc solide où s'arrêter et se reposer. Celui qui a confiance en Jésus, place sa confiance en Dieu lui-même. En effet, Jésus est un Homme véritable, mais en lui, nous pouvons avoir une foi pleine et inconditionnée, car - comme il l'affirme lui-même peu après en s'adressant à Philippe - il est dans le Père et le Père est en lui (cf. Jn 14, 10). En cela, Dieu est véritablement venu à notre rencontre. Nous, les êtres humains, nous avons besoin d'un ami, d'un frère qui nous prenne par la main et nous accompagne jusqu'à la maison du Père (Jn 14, 2); nous avons besoin de quelqu'un qui connaît bien la route. Et Dieu, dans son amour "surabondant" (Ep 2, 4), a envoyé son Fils, non seulement pour qu'il nous l'indique, mais pour devenir lui-même "le chemin" (Jn 14, 6).
"Nul ne vient au Père que par moi" (Jn 14, 6), affirme Jésus. Ce "nul" n'admet pas d'exceptions; mais, à tout bien considérer, il correspond à une autre parole, que Jésus prononça aussi lors de la dernière Cène lorsque, présentant la coupe, il dit: "Ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés" (Mt 26, 28). Dans la maison, du Père, les "places" sont "nombreuses", au sens où près de Dieu il y a de la place pour "tous" (cf. Jn 14, 2). Jésus est la voie ouverte à "tous"; il n'y en a pas d'autres. Et celles qui semblent "autres", dans la mesure où elles sont authentiques, reconduisent à Lui; autrement, elles ne mènent pas à la vie. Le don que le Père a fait à l'humanité en envoyant son Fils unique est donc inestimable. A ce don correspond une responsabilité, qui est d'autant plus grande qu'est plus étroit le rapport qui en a dérivé avec Jésus. "A qui on aura donné beaucoup - dit le Seigneur - il sera beaucoup demandé, et à qui on aura confié beaucoup on réclamera davantage" (Lc 12, 48). C'est pour cette raison que, alors que nous rendons grâce à Dieu pour tous les bienfaits qu'il a accordés à nos confrères défunts, nous offrons pour eux les mérites de la passion et de la mort du Christ, pour qu'ils comblent les lacunes dues à la fragilité humaine.
Le Psaume responsorial (121/122) et la deuxième Lecture (1 Jn 3, 1-2) ouvrent nos coeurs par l'émerveillement de l'espérance, à laquelle nous avons été appelés. Le Psalmiste nous la fait chanter comme un hymne à Jérusalem, en nous invitant à imiter spirituellement les pèlerins qui "montaient" vers la ville sainte et, après un long chemin, parvenaient remplis de joie à ses portes: "J'étais joyeux que l'on me dise: / Allons à la maison de Yahvé! / Enfin nos pieds s'arrêtent / dans tes portes, Jérusalem!" (Ps 121, 1-2). Dans sa première Lettre, l'Apôtre Jean l'exprime en nous communiquant la certitude, mêlée de gratitude, d'être devenus des fils de Dieu et en même temps en nous rappelant l'attente de la pleine manifestation de cette réalité: "Bien-aimés, dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté... Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est" (1 Jn 3, 2).
Vénérés et chers frères, l'âme tournée vers ce mystère de salut, nous offrons la divine Eucharistie pour les Cardinaux et les Evêques qui nous ont précédés dans le dernier passage vers la vie éternelle. Nous invoquons l'intercession de saint Pierre et de la Bienheureuse Vierge Marie, afin qu'ils les accueillent dans la maison du Père, dans l'espérance confiante de pouvoir un jour nous unir à eux pour jouir de la plénitude de la vie et de la paix. Amen.
2006
1er novembre 2006 – Homélie de la Messe
Notre célébration eucharistique s'est ouverte par l'exhortation "Réjouissons-nous tous dans le Seigneur". La liturgie nous invite à partager l'exultation céleste des saints, à en goûter la joie. Les saints ne constituent pas une caste restreinte d'élus, mais une foule innombrable, vers laquelle la liturgie nous invite aujourd'hui à élever le regard. Dans cette multitude, il n'y a pas seulement les saints officiellement reconnus, mais les baptisés de chaque époque et nation, qui se sont efforcés d'accomplir avec amour et fidélité la volonté divine. Nous ne connaissons pas le visage ni même le nom de la plupart d'entre eux, mais avec les yeux de la foi, nous les voyons resplendir, tels des astres emplis de gloire, dans le firmament de Dieu.
Aujourd'hui, l'Eglise fête sa dignité de "mère des saints, image de la cité céleste" (A. Manzoni), et manifeste sa beauté d'épouse immaculée du Christ, source et modèle de toute sainteté. Elle ne manque certes pas de fils contestataires et rebelles, mais c'est dans les saints qu'elle reconnaît ses traits caractéristiques, et c'est précisément en eux qu'elle goûte sa joie la plus profonde. Dans la première Lecture, l'auteur du Livre de l'Apocalypse les décrit comme "une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue" (Ap 7, 9). Ce peuple comprend les saints de l'Ancien Testament, à partir d'Abel le juste et du fidèle Patriarche Abraham, ceux du Nouveau Testament, les nombreux martyrs du début du christianisme, les bienheureux et saints des siècles successifs, jusqu'aux témoins du Christ de notre époque. Il sont tous unis par la volonté d'incarner l'Evangile dans leur existence, sous l'impulsion de l'éternel animateur du Peuple de Dieu qu'est l'Esprit Saint.
Mais "à quoi sert notre louange aux saints, à quoi sert notre tribut de gloire, à quoi sert cette solennité elle-même?". C'est par cette question que commence une célèbre homélie de saint Bernard pour le jour de la Toussaint. C'est une question que nous pourrions nous poser également aujourd'hui. Et la réponse que le saint nous donne est tout aussi actuelle: "Nos saints - dit-il - n'ont pas besoin de nos honneurs et et ils ne reçoivent rien de notre culte. Pour ma part, je dois confesser que, lorsque je pense aux saints, je sens brûler en moi de grands désirs" (Disc. 2; Opera Omnia Cisterc. 5, 364sqq). Telle est donc la signification de la solennité d'aujourd'hui: en regardant l'exemple lumineux des saints, réveiller en nous le grand désir d'être comme les saints: heureux de vivre proches de Dieu, dans sa lumière, dans la grande famille des amis de Dieu. Etre saint signifie: vivre dans la proximité de Dieu, vivre dans sa famille. Et telle est notre vocation à tous, répétée avec vigueur par le Concile Vatican II, et reproposée aujourd'hui de façon solennelle à notre attention.
Mais comment pouvons-nous devenir saints, amis de Dieu? On peut répondre à cette interrogation tout d'abord par une négation: pour être saint, il n'est pas nécessaire d'accomplir des actions et des oeuvres extraordinaires, ni de posséder des charismes exceptionnels. On peut ensuite répondre par une affirmation: il est nécessaire avant tout d'écouter Jésus, et de le suivre sans se décourager face aux difficultés. "Si quelqu'un me sert - nous avertit-Il - qu'il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera" (Jn 12, 26). Celui qui a confiance en Lui et l'aime d'un amour sincère, comme le grain de blé tombé en terre, accepte de mourir à lui-même. En effet, il sait que celui qui veut garder sa vie pour lui-même la perd, et que celui qui se donne, se perd, et trouve précisément ainsi la vie. (cf. Jn 12, 24-25). L'expérience de l'Eglise démontre que toute forme de sainteté, tout en suivant des parcours différents, passe toujours par le chemin de la croix, le chemin du renoncement à soi-même. Les biographies des saints décrivent des hommes et des femmes qui, dociles aux desseins divins, ont parfois affronté des épreuves et des souffrances indescriptibles, des persécutions et le martyre. Ils ont persévéré dans leur engagement, "ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve - lit-on dans l'Apocalypse - ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau" (v. 14). Leurs noms sont inscrits dans le livre de la vie (cf. Ap 20, 12); leur demeure éternelle est le Paradis. L'exemple des saints est pour nous un encouragement à suivre les mêmes pas, à ressentir la joie de celui qui a confiance en Dieu, car l'unique cause véritable de tristesse et de malheur pour l'être humain est de vivre loin de Lui.
La sainteté exige un effort constant, mais elle est à la portée de tous car, plus que l'oeuvre de l'homme, elle est avant tout un don de Dieu, trois fois Saint (cf. Is 6, 3). Dans la seconde Lecture, l'Apôtre Jean observe: "Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes!" (1 Jn 3, 1). C'est donc Dieu qui nous a aimés en premier et qui, en Jésus, a fait de nous ses fils adoptifs. Dans notre vie, tout est don de son amour: comment demeurer indifférents face à un si grand mystère? Comment ne pas répondre à l'amour du Père céleste par une vie de fils reconnaissants? Dans le Christ, il nous a fait don de tout son être, et nous appelle à une relation personnelle et profonde avec Lui. C'est pourquoi, plus nous imitons Jésus et demeurons unis à Lui, plus nous entrons dans le mystère de la sainteté divine. Nous découvrons qu'Il nous aime de façon infinie, et cela nous pousse à notre tour à aimer nos frères. Aimer implique toujours un acte de renoncement à soi-même, de "se perdre soi-même" et, précisément ainsi, cela nous rend heureux.
Ainsi, nous sommes arrivés à l'Evangile de cette fête, à l'annonce des Béatitudes que nous venons d'entendre retentir dans cette Basilique. Jésus dit: Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, heureux les doux, heureux les affligés, heureux les affamés et les assoiffés de justice, les miséricordieux, heureux les coeurs purs, les artisans de paix, les persécutés pour la justice (cf. Mt 5, 3-10). En vérité, le bienheureux par excellence est uniquement Lui, Jésus. En effet, c'est Lui qui a véritablement une âme de pauvre, l'affligé, le doux, l'affamé et assoiffé de la justice, le miséricordieux, le coeur pur, l'artisan de paix; c'est Lui le persécuté pour la justice. Les Béatitudes nous montrent la physionomie spirituelle de Jésus, et expriment ainsi son mystère, le mystère de Mort et de Résurrection, de Passion, et de joie de la Résurrection. Ce mystère, qui est le mystère de la véritable Béatitude, nous invite à suivre Jésus et, ainsi, à nous acheminer vers elle. Dans la mesure où nous accueillons sa proposition et nous nous plaçons à sa suite - chacun selon ses conditions -, nous aussi, nous pouvons participer à sa béatitude. Avec Lui, l'impossible devient possible et même un chameau peut passer par le trou d'une aiguille (cf. Mc 10, 25); avec son aide, et uniquement avec son aide, il est possible de devenir parfaits comme le Père céleste est parfait (cf. Mt 5, 48).
Chers frères et soeurs, entrons à présent dans le coeur de la Célébration eucharistique, encouragement et aliment de sainteté. Dans quelques instants deviendra présent de la façon la plus élevée le Christ, véritable Vigne, à laquelle, en tant que sarments, sont unis les fidèles qui sont sur terre et les saints du ciel. Ainsi se renforcera la communion de l'Eglise en pèlerinage dans le monde avec l'Eglise triomphante dans la gloire. Dans la Préface, nous proclamerons que les saints sont pour nous des amis et des modèles de vie. Invoquons-les afin qu'ils nous aident à les imiter et engageons-nous à répondre avec générosité, comme ils l'ont fait, à l'appel divin. Invoquons en particulier Marie, Mère du Seigneur et miroir de toute sainteté. Qu'Elle, la Toute Sainte, fasse de nous de fidèles disciples de son fils Jésus Christ!
1er novembre 2006 – Angelus
L'homme moderne attend-il encore cette vie éternelle, ou bien considère-t-il qu'elle appartient à une mythologie désormais dépassée? A notre époque, plus que par le passé, nous sommes tellement occupés par les choses terrestres, qu'il est parfois difficile de penser à Dieu comme le protagoniste de l'histoire et de notre vie elle-même. Toutefois, par sa nature, l'existence humaine est tendue vers quelque chose de plus grand, qui la transcende; le désir de justice, de vérité, et de bonheur complet inscrit dans l'être humain est irrépressible. Face à l'énigme de la mort, sont présents chez de nombreuses personnes le désir et l'espérance de retrouver leurs proches dans l'au-delà. De même qu'il existe la profonde conviction d'un jugement dernier qui rétablisse la justice, et l'attente d'une confrontation finale dans laquelle chacun reçoive ce qui lui est dû.
La "vie éternelle", pour nous, chrétiens, n'indique cependant pas une vie qui dure pour toujours, mais une nouvelle qualité de vie, pleinement plongée dans l'amour de Dieu, qui libère du mal et de la mort et nous place dans une communion sans fin avec tous les frères et les soeurs qui participent du même Amour. C'est pourquoi l'éternité peut être déjà présente au centre de la vie terrestre et temporelle, lorsque l'âme, à travers la grâce, est unie à Dieu, à son fondement ultime. Tout passe, seul Dieu reste immuable. Un Psaume dit: "Et ma chair et mon coeur sont consumés: roc de mon coeur, ma part, Dieu à jamais!" (Ps 73 [72], 26). Tous les chrétiens, appelés à la sainteté, sont des hommes et des femmes qui vivent solidement ancrés à ce "Roc"; ils ont les pieds sur terre, mais le coeur déjà au Ciel, demeure définitive des amis de Dieu.
Chers frères et soeurs, méditons sur ces réalités l'âme tournée vers notre destin ultime et définitif, qui donne un sens aux situations quotidiennes. Ravivons le sentiment joyeux de la communion des saints et laissons-nous attirer vers le but de notre existence: la rencontre face-à-face avec Dieu. Prions afin que cela soit l'héritage de tous les fidèles défunts, non seulement de nos proches, mais également de toutes les âmes, en particulier celles qui sont le plus oubliées et qui ont besoin de la miséricorde divine. Que la Vierge Marie, Reine de Tous les Saints, nous guide pour choisir en tout moment la vie éternelle, la "vie du monde à venir" comme nous le disons dans le Credo; un monde déjà inauguré par la résurrection du Christ, et dont nous pouvons hâter la venue par notre conversion sincère et les oeuvres de charité.
1er novembre 2006 – Aux pèlerins francophones, au terme de l’Angelus
Je salue avec joie les pèlerins de langue française, en particulier les Orphelins Apprentis d'Auteuil, venus nombreux à l'occasion du 140 anniversaire de la Fondation d'Auteuil. Rendant grâce pour l'engagement des éducateurs, j'invite les jeunes à grandir avec confiance sous le regard de Dieu, qui veut les aider à développer le meilleur d'eux-mêmes et à marcher dans la voie de la sainteté, à l'exemple du Bienheureux Daniel Brottier et de tous les saints que nous fêtons aujourd'hui.
4 novembre 2006 – Homélie Messe cardinaux et Evêques défunts
Ces derniers jours, la solennité de la Toussaint et la Commémoration de tous les fidèles défunts nous ont aidés à méditer sur la destination finale de notre pèlerinage terrestre. Dans ce climat spirituel, nous nous retrouvons aujourd'hui autour de l'autel du Seigneur pour célébrer la Messe d'intention pour les Cardinaux et les Evêques que Dieu a appelés à lui au cours de l'année écoulée. Nous revoyons leurs visages qui nous sont familiers, tout en entendant à nouveau les noms des regrettés Cardinaux, qui, au cours des douze derniers mois, nous ont quittés: Leo Scheffczyk, Pio Taofinu'u, Raùl Francisco Primatesta, Angel Suquía Goicoechea, Johannes Willebrands, Louis-Albert Vachon, Dino Monduzzi et Mario Francesco Pompedda. J'aimerais aussi citer chacun des Archevêques et des Evêques, mais la certitude réconfortante, comme le dit un jour Jésus aux Apôtres, que leurs noms "sont inscrits dans les cieux" (Lc 10, 20), nous suffit.
Rappeler les noms de nos frères dans la foi nous renvoie au sacrement du Baptême, qui a marqué pour chacun d'eux, comme pour chaque chrétien, l'entrée dans la communauté des saints. Au terme de la vie, la mort nous prive de tout ce qui est terrestre, mais non de cette Grâce et de ce "caractère" sacramentel en vertu desquels nous avons été associés indissolublement au mystère pascal de notre Seigneur et Sauveur. Dépossédé de tout, mais revêtu du Christ: c'est ainsi que le baptisé passe le seuil de la mort et se présente devant Dieu juste et miséricordieux. Afin que le vêtement blanc, reçu lors du Baptême, soit purifié de tout péché et de toute tache, la communauté des croyants offre le sacrifice eucharistique et d'autres prières d'intention pour ceux que la mort a appelés à passer du temps à l'éternité. Il s'agit d'une noble pratique, que celle de prier pour les défunts, qui présuppose la foi dans la résurrection des morts, selon ce que l'Ecriture Sainte et, de façon parfaite, l'Evangile, nous ont révélé.
Nous venons d'entendre le récit de la vision des ossements desséchés du prophète Ezéchiel (37, 1-14). C'est sans aucun doute l'une des pages bibliques les plus significatives et impressionnantes, qui se prête à une double lecture. Sur le plan historique, il répond au besoin d'espérance des Hébreux déportés à Babylone, découragés et affligés d'avoir dû enterrer leurs proches en terre étrangère. Par la bouche du prophète, le Seigneur leur annonce qu'il les fera sortir de ce cauchemar et les fera rentrer dans le pays d'Israël. L'image très suggestive des ossements qui se réaniment et se mettent en mouvement représente donc ce peuple qui reprend vigueur dans l'espérance pour rentrer dans sa patrie.
Mais le long et complexe oracle d'Ezéchiel, qui exalte la puissance de la Parole de Dieu face à laquelle rien n'est impossible, marque dans le même temps un pas en avant décisif vers la foi dans la résurrection des morts. Cette foi trouvera son accomplissement dans le Nouveau Testament. A la lumière du mystère pascal du Christ, la vision des ossements desséchés revêt la valeur d'une parabole universelle sur le genre humain, en pèlerinage dans l'exil terrestre et soumis au joug de la mort. La Parole divine, incarnée en Jésus, vient habiter dans le monde qui, sous de nombreux points de vue, est une vallée désolée; il devient pleinement solidaire avec tous les hommes et il leur apporte l'annonce joyeuse de la vie éternelle. Cette annonce d'espérance est proclamée jusque dans les profondeurs d'outre-tombe, alors qu'est définitivement ouverte la route qui conduit à la Terre promise.
Dans le passage évangélique, nous avons à nouveau entendu les premiers versets de la grande prière de Jésus rapportée dans le chapitre 17 de saint Jean. Les paroles chaleureuses du Seigneur montrent que la fin dernière de toute l'"oeuvre" du Fils de Dieu incarné consiste à offrir aux hommes la vie éternelle (cf. Jn 17, 2). Jésus dit également en quoi consiste la vie éternelle: "C'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ" (Jn 17, 3). Dans cette expression, on entend résonner la voix en prière de la communauté ecclésiale, consciente que la révélation du "nom" de Dieu, reçue du Seigneur, équivaut au don de la vie éternelle. Connaître Jésus signifie connaître le Père et connaître le Père veut dire entrer en communion réelle avec l'Origine même de la Vie, de la Lumière, de l'Amour.
Chers frères et soeurs, aujourd'hui, nous rendons grâce de manière particulière à Dieu pour avoir fait connaître son nom à ces Cardinaux et Evêques qui nous ont quittés. Ils appartiennent au nombre de ces hommes que le Père - selon l'expression de l'Evangile de Jean - a confiés au Fils "du monde" (cf. Jn 17, 6). A chacun d'eux, le Christ "a donné les paroles" du Père et "ils ont cru", ils ont placé leur confiance dans le Père et le Fils (cf. Jn 17, 8). Pour eux, Il a prié (Jn 17, 9), en les confiant au Père (Jn 17, 15.17.20-21) et en disant en particulier: "Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire" (Jn 17, 24). Nous voulons aujourd'hui unir notre prière d'intention à cette prière du Seigneur, qui est sacerdotale par excellence. Le Christ a rendu concrète son invocation au Père à travers l'oblation de lui-même sur la Croix; quant à nous, nous offrons notre prière en union avec le Sacrifice eucharistique, qui est la représentation réelle et actuelle de cette oblation salvifique unique.
Chers frères et soeurs, c'est dans cette foi qu'ont vécu les vénérés Cardinaux et Evêques défunts que nous rappelons ce matin. Chacun d'eux a été appelé dans l'Eglise à ressentir comme siennes et à tenter de mettre en pratique les paroles de l'Apôtre Paul: "Pour moi, la vie c'est le Christ" (Ph 1, 21), proclamées il y a quelques instants dans la seconde lecture. Cette vocation, reçue dans le Baptême, s'est renforcée en eux à travers le sacrement de la Confirmation et à travers les trois grades de l'Ordre sacré, et elle s'est constamment nourrie dans la participation à l'Eucharistie. A travers cet itinéraire sacramentel, leur "être dans le Christ" s'est constamment consolidé et approfondi, si bien que mourir n'est plus une perte - étant donné qu'ils avaient déjà tout "perdu" de manière évangélique pour le Seigneur et pour l'Evangile (cf. Mc 8, 35) - mais un "gain": celui de rencontrer enfin Jésus, et avec Lui, la plénitude de la vie. Nous demandons au Seigneur qu'il concède à nos chers frères Cardinaux et Evêques défunts d'atteindre la destination tant désirée. Nous le demandons en nous appuyant sur l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie et sur les prières des si nombreuses personnes qui les ont connus lorsqu'ils étaient en vie et ont apprécié leurs vertus chrétiennes. Nous recueillons toutes les actions de grâce et les prières dans cette Eucharistie, au bénéfice de leurs âmes et de celles de tous les défunts, que nous recommandons à la miséricorde divine. Amen.
2007
1er novembre 2007 - Angelus
Aujourd'hui, en la solennité de la Toussaint, notre coeur, franchissant les limites du temps et de l'espace, s'élargit aux dimensions du Ciel. Au début du christianisme, les membres de l'Eglise étaient également appelés les « saints ». Dans la Première Lettre aux Corinthiens, par exemple, saint Paul s'adresse à « vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus, vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint, avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 2). En effet, le chrétien est déjà saint, car le Baptême l'unit à Jésus et à son mystère pascal, mais il doit dans le même temps le devenir, en se conformant à Lui toujours plus profondément. On pense parfois que la sainteté est une condition privilégiée réservée à quelques élus. En réalité, devenir saint est la tâche de chaque chrétien, et nous pourrions même dire de chaque homme ! L'Apôtre écrit que Dieu nous a depuis toujours bénis et choisis dans le Christ « pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard » (Ep 1, 3-4). Tous les êtres humains sont donc appelés à la sainteté qui, en dernière analyse consiste à vivre en enfants de Dieu, dans cette « ressemblance » à Lui, à partir de laquelle il nous a créés.
C'est avec sagesse que l'Eglise a placé en étroite succession la fête de la Toussaint et la Commémoration de tous les fidèles défunts. A notre prière de louange à Dieu et de vénération des esprits bienheureux, que la liturgie nous présente aujourd'hui comme « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues » (Ap 7, 9), s'unit la prière d'intention pour ceux qui nous ont précédés dans le passage de ce monde à la vie éternelle. Demain, nous consacrerons de manière particulière notre prière à ces derniers et nous célébrerons le sacrifice eucharistique pour eux. En vérité, l'Eglise nous invite chaque jour à prier pour eux, en offrant également les souffrances et les difficultés quotidiennes afin que, complètement purifiés, ils soient admis à jouir pour l'éternité de la lumière et de la paix du Seigneur.
Au centre de l'assemblée des saints, resplendit la Vierge Marie, « humble et plus élevée que toute créature » (Dante, Paradis, XXXIII, 2). En mettant notre main dans la sienne, nous nous sentons incités à marcher avec plus d'élan sur le chemin de la sainteté. Nous lui confions notre engagement quotidien et nous la prions aujourd'hui également pour nos chers défunts, avec l'intime espérance de nous retrouver un jour tous ensemble, dans la communion glorieuse des saints.
1er novembre 2007 – Aux francophones, après l’Angelus
En ce jour où nous célébrons la fête de tous les saints, chacun est invité à entendre les Béatitudes, qui constituent comme un carnet de route pour découvrir la voie de la sainteté. Puisse chacun reconnaître dans le Christ celui qui seul peut donner le vrai bonheur et la vie éternelle.
5 novembre 2007 – Homélie Messe cardinaux et Evêques défunts
Après avoir commémoré tous les fidèles défunts lors de leur fête liturgique, nous nous retrouvons, selon la tradition, dans cette Basilique vaticane pour offrir le Sacrifice eucharistique à l'intention des Cardinaux et des Evêques qui, au cours de l'année, appelés par le Seigneur, ont quitté ce monde. Je rappelle avec une affection fraternelle les noms des regrettés prélats: Salvatore Pappalardo, Frédéric Etsou-Nzabi Bamungwabi, Antonio María Javierre, Angelo Felici, Jean-Marie Lustiger, Edouard Gagnon, Adam Kozlowiecki et Rosalio José Castillo Lara. En pensant à la personne et au ministère de chacun d'eux, malgré la douleur de la séparation, nous élevons à Dieu une sincère action de grâce pour le don qu'Il a fait à l'Eglise à travers eux et pour tout le bien qu'ils ont pu accomplir avec son aide. Nous confions également au Père éternel les Patriarches, les Archevêques et les Evêques défunts, en exprimant aussi pour eux notre reconnaissance au nom de la communauté catholique tout entière.
La prière d'intention de l'Eglise s'"appuie", pour ainsi dire, sur la prière de Jésus lui-même, que nous avons écoutée dans le passage évangélique: "Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi" (Jn 17, 24). Jésus se réfère à ses disciples, en particulier aux Apôtres, qui sont à ses côtés au cours de la dernière Cène. Mais la prière du Seigneur s'étend à tous les disciples de tous les temps. En effet, il avait dit peu auparavant: "Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi" (Jn 17, 20). Et s'il demandait à cette occasion qu'ils soient "un... pour que le monde croie" (v. 21), nous pouvons également comprendre ici qu'Il demande au Père de pouvoir avoir avec lui, dans la demeure de sa gloire éternelle, tous les disciples morts sous le signe de la foi.
"Ceux que tu m'as donnés...": il s'agit d'une belle définition du chrétien comme tel, mais on peut bien sûr l'appliquer de manière particulière à ceux que Dieu le Père a élus parmi les fidèles pour les destiner à suivre de plus près son Fils. En ce moment, à la lumière de ces paroles du Seigneur, notre pensée va, en particulier, vers les Vénérés frères pour lesquels nous offrons cette Eucharistie. Ce sont des hommes que le Père "a donnés" au Christ. Il les a enlevés du monde, ce "monde" qui "ne l'a pas reconnu" (Jn 17, 25), et il les a appelés à devenir des amis de Jésus. Cela a été la grâce la plus précieuse de toute leur vie. Ils ont bien sûr été des hommes avec des caractéristiques différentes, que ce soit en raison de leur parcours personnel ou du ministère qu'ils ont exercé; ils ont cependant tous eu en commun la chose la plus grande: l'amitié avec le Seigneur Jésus. Ils l'ont reçue en héritage sur la terre, en tant que prêtres, et à présent, au-delà de la mort, ils partagent dans les cieux cet "héritage qui ne connaît ni destruction, ni souillure" (1 P 1, 4). Au cours de son existence temporelle, Jésus leur a fait connaître le nom de Dieu, en les admettant à participer à l'amour de la Très Sainte Trinité. L'amour du Père pour le Fils est entré en eux, et ainsi, la personne même du Fils, en vertu de l'Esprit Saint, est demeurée en chacun d'eux (cf. Jn 17, 26): une expérience de communion divine qui tend, par sa nature, à occuper l'existence entière, pour la transfigurer et la préparer à la gloire de la vie éternelle.
Il est réconfortant et salutaire, dans la prière pour les défunts, de méditer sur la confiance de Jésus envers son Père et de se laisser ainsi envelopper par la lumière sereine de cet abandon absolu du Fils à la volonté de son "Abbà". Jésus sait que le Père est toujours avec Lui (cf. Jn 8, 29); qu'ensemble, ils ne font qu'un (cf. Jn 10, 30). Il sait que sa propre mort doit être un "baptême", c'est-à-dire une immersion dans l'amour de Dieu (cf. Lc 12, 50), et il va vers celle-ci certain que le Père réalisera en Lui l'antique prophétie, que nous avons écoutée aujourd'hui dans la première Lecture biblique: "après deux jours il nous fera revivre, / le troisième jour il nous relèvera / et nous vivrons en sa présence" (Os 6, 2). Cet oracle du prophète Osée se réfère au peuple d'Israël et exprime la confiance dans l'assistance du Seigneur: une confiance que le peuple n'a malheureusement parfois pas méritée, en raison de son inconstance et de sa superficialité, allant jusqu'à abuser de la bienveillance divine. En la Personne de Jésus, en revanche, l'amour pour Dieu le Père devient pleinement sincère, authentique, fidèle. Il assume en lui toute la réalité de l'antique Israël et la conduit à son accomplissement. Le "nous" du peuple se concentre dans le "moi" de Jésus, en particulier dans ses annonces répétées de la passion, de la mort et de la résurrection, lorsqu'il révèle ouvertement aux disciples ce qui l'attend à Jérusalem: il devra être refusé par les chefs, arrêté, condamné à mort et crucifié, et le troisième jour ressusciter (cf. Mt 16, 21). Cette confiance singulière du Christ nous a été transmise à travers le don de l'Esprit Saint à l'Eglise, dans laquelle nous sommes entrés avec le Sacrement du Baptême. Le "moi" de Jésus devient un nouveau "nous", le "nous" de son Eglise, lorsqu'il se communique à ceux qui sont incorporés à Lui dans le Baptême. Et cette identification est renforcée chez ceux qui, en raison d'un appel spécial du Seigneur, ont été configurés à Lui dans l'Ordre Saint.
Le Psaume responsorial a placé sur nos lèvres le souhait poignant d'un lévite qui, loin de Jérusalem et du Temple, désire y retourner pour être à nouveau aux côtés du Seigneur (cf. Ps 41, 1-3). "Mon âme a soif de Dieu, / le Dieu vivant; quand pourrai-je m'avancer, paraître face à Dieu?" (Ps 42/41, 3). Cette soif contient une vérité qui ne trahit pas, une espérance qui ne déçoit pas. C'est une soif qui, même à travers la nuit la plus obscure, illumine le chemin vers la source de la vie, comme l'a chanté avec des expressions admirables saint Jean de la Croix. Le Psalmiste laisse place aux plaintes de l'âme, mais au centre et à la fin de son admirable hymne, il place un refrain plein de confiance: "Pourquoi t'attristes-tu, mon âme, / pourquoi gémis-tu sur moi? / Espère en Dieu: je pourrai encore le louer, / lui, salut de ma face et mon Dieu" (v. 6). Dans la lumière du Christ et de son mystère pascal, ces paroles révèlent toute leur merveilleuse vérité: la mort elle-même ne peut rendre vaine l'espérance du croyant, car le Christ est entré pour nous dans le sanctuaire du croyant, car le Christ est entré pour nous dans le sanctuaire du ciel, et il veut nous conduire en ce lieu, après nous y avoir préparé une place (cf. Jn 14, 1-3).
C'est avec cette foi et cette espérance que nos chers frères défunts ont récité à d'innombrables reprises ce Psaume. En tant que prêtres, ils ont fait l'expérience de tout son retentissement existentiel, en prenant également sur eux les accusations et les dérisions de ceux qui disent aux croyants dans l'épreuve: "Où est ton Dieu?". A présent, au terme de leur exil terrestre, ils sont arrivés dans leur patrie. En suivant la voie tracée par leur Seigneur Ressuscité, ils ne sont pas entrés dans un temple fait par des mains d'hommes, mais dans le ciel même (cf. He 9, 24). Là, avec la Bienheureuse Vierge Marie, et avec tous les saints, puissent-ils contempler finalement - telle est notre prière - la face de Dieu et chanter pour l'éternité ses louanges. Amen!
2008
1er novembre 2008 – Angelus
Nous célébrons aujourd'hui avec une grande joie la fête de la Toussaint. En visitant un jardin botanique, on reste émerveillé devant la variété des plantes et des fleurs, et on pense spontanément à l'imagination du Créateur qui a transformé la terre en un jardin merveilleux. Un sentiment semblable nous saisit lorsque nous prenons en considération le spectacle de la sainteté: le monde nous apparaît comme un "jardin", où l'Esprit de Dieu a suscité avec une admirable imagination une multitude de saints et de saintes, de tout âge et condition sociale, de chaque langue, peuple et culture. Chacun est différent de l'autre, avec la particularité de sa propre personnalité humaine et de son propre charisme spirituel. Tous portent cependant imprimé le "sceau" de Jésus (cf. Ap 7, 3), c'est-à-dire l'empreinte de son amour, témoigné à travers la Croix. Il sont tous dans l'allégresse, dans une fête sans fin, mais, comme Jésus, ils ont atteint cet objectif en passant à travers les difficultés et l'épreuve (cf. Ap 7, 14), en affrontant chacun leur part de sacrifice pour participer à la gloire de la résurrection.
La solennité de la Toussaint s'est affirmée au cours du premier millénaire chrétien comme une célébration collective des martyrs. En 609, à Rome, le Pape Boniface iv avait déjà consacré le Panthéon, le dédiant à la Vierge Marie et à tous les martyrs. Ce martyre, par ailleurs, nous pouvons l'entendre au sens large, c'est-à-dire comme amour sans réserve pour le Christ, un amour qui s'exprime dans le don total de soi à Dieu et à nos frères. Cet objectif spirituel, auquel tendent tous les baptisés, peut être atteint en suivant la voie des "béatitudes" évangéliques, que la liturgie nous indique en la solennité d'aujourd'hui (cf. Mt 5, 1-12a). C'est cette même voie qu'a tracée Jésus et que les saints et les saintes se sont efforcés de parcourir, tout en étant conscients de leurs limites humaines. Au cours de leur existence terrestre, en effet, ils ont été pauvres d'esprit, attristés par les péchés, doux, affamés et assoiffés de justice, miséricordieux, purs de c½ur, artisans de paix, persécutés pour la justice. Et Dieu leur a communiqué son propre bonheur: ils l'ont déjà goûté en ce monde et, dans l'au-delà, ils en jouissent pleinement. A présent ils sont consolés, héritiers de la terre, rassasiés, pardonnés, ils voient Dieu dont ils sont les fils. En un mot: "le Royaume des cieux est à eux" (cf. Mt 5, 3.10).
En ce jour, nous sentons l'attirance vers le Ciel se faire plus vive en nous, qui nous pousse à hâter le pas de notre pèlerinage terrestre. Nous sentons s'allumer dans nos c½urs le désir de nous unir pour toujours à la famille des saints, dont nous avons déjà à présent la grâce de faire partie. Comme le dit un célèbre chant spiritual: "Lorsque viendra la multitude de tes saints, ô Seigneur, comme je voudrais être parmi eux!". Puisse cette belle aspiration être vive chez tous les chrétiens, et les aider à surmonter chaque difficulté, chaque peur, chaque épreuve! Chers amis, plaçons notre main dans la main maternelle de Marie, Reine de tous les Saints, et laissons-nous conduire par Elle vers la patrie céleste, en compagnie des esprits bienheureux "de toutes nations, races, peuples et langues" (Ap 7, 9).
1er novembre 2008 – Aux pèlerins francophones, au terme de l’Angelus
Aujourd'hui, nous honorons la foule immense de tous ceux qui nous ont précédés et qui ont mis leur foi en Dieu, source de toute sainteté. Les saints nous invitent à vivre la joie profonde qui naît de la foi, de l'espérance et de la charité
2009
1er novembre 2009 – Angelus
la Toussaint invite l'Eglise pèlerine sur la terre à goûter de manière anticipée la fête sans fin de la Communauté céleste, et à raviver l'espérance dans la vie éternelle. Il y a cette année 14 siècles que le Panthéon ― l'un des plus anciens et des plus célèbres monuments romains ― fut destiné au culte chrétien et consacré à la Vierge Marie et à tous les Martyrs: « Sancta Maria ad Martyres ». Le temple de toutes les divinités païennes était ainsi converti à la mémoire de ceux qui, comme le dit le Livre de l'Apocalypse, « viennent de la grande épreuve: ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau » (Ap 7, 14). Par la suite, la célébration de tous les martyrs a été étendue à tous les saints, « une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue » (Ap 7, 9) comme le dit encore saint Jean. En cette Année sacerdotale, je suis heureux de rappeler avec une vénération particulière les saints prêtres, tant ceux que l'Eglise a canonisé, en les proposant toujours comme exemples de vertus spirituelles et pastorales; que ceux ― bien plus nombreux ― qui sont connus du Seigneur. Chacun de nous conserve le souvenir reconnaissant de l'un d'entre eux, qui nous a aidés à grandir dans la foi et nous a fait ressentir la bonté et la proximité de Dieu.
Chers amis, comme est belle et réconfortante la communion des saints! C'est une réalité qui confère une dimension différente à toute notre vie. Nous ne sommes jamais seuls! Nous appartenons à une « compagnie » spirituelle au sein de laquelle règne une profonde solidarité: le bien de chacun est au bénéfice de tous et, inversement, le bonheur commun rayonne sur chaque individu. Dans une certaine mesure, c'est un mystère dont nous pouvons déjà faire l'expérience dans ce monde, dans la famille, dans l'amitié, en particulier dans la communauté spirituelle de l'Eglise. Puisse la Très Sainte Vierge Marie nous aider à marcher d'un pas alerte sur le chemin de la sainteté et être une Mère de miséricorde pour les âmes des défunts.
1er novembre 2009 – Aux pèlerins francophones, au terme de l’Angelus
Que l'exemple des saints soit pour nous un encouragement et que la Vierge Marie nous guide sur les chemins du bonheur éternel! Bonne fête de la Toussaint !
2010
1er novembre 2012 – Angelus
La solennité de la Toussaint, que nous célébrons aujourd’hui, nous invite à élever notre regard vers le Ciel et à méditer sur la plénitude de la vie divine qui nous attend. «Nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement» (1 Jn 3, 2): avec ces mots, l’apôtre Jean nous assure de la réalité de notre lien profond avec Dieu, ainsi que de la certitude de notre destin futur. En tant que fils bien-aimés, nous recevons donc également la grâce pour pouvoir supporter les épreuves de cette existence terrestre — la faim et la soif de justice, les incompréhensions, les persécutions (cf. Mt 5, 3-11) — et, dans le même temps, nous héritons dès à présent de ce qui nous est promis dans les béatitudes évangéliques, «dans lesquelles resplendit la nouvelle image du monde et de l’homme que Jésus inaugure» (Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Milan 2007, p. 95). La sainteté, imprimer le Christ en soi, est le but de la vie du chrétien. Le bienheureux Antonio Rosmini écrit: «Le Verbe s’était imprimé lui-même dans les âmes de ses disciples sous son aspect sensible...et avec ses paroles... il avait donné aux siens cette grâce... avec laquelle l’âme perçoit immédiatement le Verbe» (Anthropologie surnaturelle, Rome 1983, pp. 265-266). Et nous goûtons à l’avance le don et la beauté de la sainteté à chaque fois que nous participons à la liturgie eucharistique, en communion avec la «multitude immense» des esprits bienheureux, qui au Ciel acclament pour l’éternité le salut de Dieu et de l’Agneau (cf. Ap 7, 9-10). «La vie des saints ne comporte pas seulement leur biographie terrestre, mais aussi leur vie et leur agir en Dieu après leur mort. Chez les saints, il devient évident que celui qui va vers Dieu ne s’éloigne pas des hommes, mais qu’il se rend au contraire vraiment proche d’eux» (Enc. Deus caritas est, n. 42).
Réconfortés par cette communion de la grande famille des saints, nous commémorerons demain tous les fidèles défunts. La liturgie du 2 novembre et le pieux exercice de se rendre au cimetière nous rappellent que la mort chrétienne fait partie du chemin d’assimilation à Dieu et qu’il disparaîtra lorsque Dieu sera tout en tous. La séparation des liens d’affection terrestres est assurément douloureuse, mais nous ne devons pas la craindre, car celle-ci, accompagnée par la prière d’intention de l’Eglise, ne peut pas briser le lien profond qui nous unit au Christ. A cet égard, saint Grégoire de Nysse affirmait: «Celui qui a créé chaque chose dans la sagesse, a donné cette disposition douloureuse comme instrument de libération du mal et possibilité de participer aux biens espérés » (De mortuis oratio, IX, 1, Leiden 1967, 68).
L’éternité n’est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité (cf. Enc. Spe salvi, n. 12). Nous confions à la Vierge Marie, guide sûr vers la sainteté, notre pèlerinage vers la patrie céleste, alors que nous invoquons son intercession maternelle pour le repos éternel de tous nos frères et s½urs qui se sont endormis dans l’espérance de la Résurrection.
1er novembre 2010 – Aux pèlerins francophones, au terme de l’Angelus
Hier soir, un très grave attentat dans la cathédrale syro-catholique de Bagdad, a provoqué des dizaines de morts et de blessés, dont deux prêtres et un groupe de fidèles réunis pour la Messe dominicale. Je prie pour les victimes de cette violence absurde, d’autant plus féroce qu’elle a frappé des personnes sans défense, rassemblées dans la maison de Dieu, qui est une maison d’amour et de réconciliation. J’exprime, en outre, ma proximité affectueuse à la communauté chrétienne, à nouveau frappée, et j’encourage les pasteurs et tous les fidèles à être forts et solides dans l’espérance. Devant les épisodes atroces de violence, qui continuent à déchirer les populations du Moyen-Orient, je voudrais enfin renouveler mon appel pressant à la paix: celle-ci est un don de Dieu, mais elle est également le résultat des efforts des hommes de bonne volonté, des institutions nationales et internationales. Que tous unissent leurs efforts afin que cesse toute violence!
La prière de l’Angelus me donne la joie de saluer les pèlerins francophones, particulièrement ceux venus de Poitiers! En la solennité de tous les saints, nous adorons le Dieu trois fois saint, en union avec la foule immense de ceux qui, après avoir mis leurs pas dans ceux du Christ, contemplent sa gloire et intercèdent pour nous. À la suite de tous les saints, puissions-nous marcher résolument sur les chemins de la foi, de l’espérance et de la charité vers la Jérusalem d’en haut. Bonne fête de la Toussaint à tous!
2011
1er novembre 2011 – Angelus
La solennité de tous les saints est une occasion propice pour élever le regard des réalités terrestres, rythmées par le temps, vers la dimension de l’éternité et de la sainteté. La liturgie nous rappelle aujourd’hui que la sainteté est la vocation originelle de chaque baptisé (cf. Lumen gentium, n. 40). En effet, le Christ, qui avec le Père et l’Esprit est le seul Saint (cf. Ap 15, 4), a aimé l’Église comme son épouse et s’est donné lui-même pour elle, dans le but de la sanctifier (cf. Ep 5, 25-26). C’est pour cette raison que tous les membres du peuple de Dieu sont appelés à devenir saints, selon l’affirmation de l’apôtre Paul : « Et voici quelle est la volonté de Dieu : c'est votre sanctification » (1 Th 4, 3). Nous sommes donc invités à regarder l’Église non dans son aspect uniquement temporel et humain, marqué par la fragilité, mais comme le Christ l’a voulue, c’est-à-dire une « communion des saints » (Catéchisme de l’Église catholique, n. 946). Dans le Credo, nous professons l’Église « sainte », sainte en tant que Corps du Christ, en tant qu’instrument de participation aux saints Mystères — en premier lieu l’Eucharistie — et famille des saints, à la protection de laquelle nous sommes confiés le jour du baptême. Aujourd’hui, nous vénérons précisément cette innombrable communauté de tous les saints, qui, à travers leurs différents parcours de vie, nous indiquent différentes voies de sainteté, réunies par un unique dénominateur : suivre le Christ et se conformer à Lui, but ultime de notre existence humaine. En effet, tous les états de vie peuvent devenir, avec l’action de la grâce et avec l’engagement et la persévérance de chacun, des voies de sanctification.
La commémoration des fidèles défunts, à laquelle est consacrée la journée de demain, 2 novembre, nous aide à rappeler nos proches qui nous ont quittés, et toutes les âmes en marche vers la plénitude de la vie, précisément dans l’horizon de l’Église céleste, auquel la solennité d’aujourd’hui nous a élevés. Dès les premiers temps de la foi chrétienne, l’Église terrestre, reconnaissant la communion de tout le corps mystique de Jésus Christ, a cultivé avec une grande piété la mémoire des défunts et leur a offert des prières d’intention. Notre prière pour les morts est donc non seulement utile mais nécessaire, dans la mesure où elle peut non seulement les aider, mais rend, dans le même temps, efficace leur intercession en notre faveur (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 958). La visite aux cimetières, alors qu’elle conserve les liens d’affection avec ceux qui nous ont aimés dans cette vie, nous rappelle également que nous tendons tous vers une autre vie, au-delà de la mort. Les pleurs, dus au détachement terrestre, ne doivent donc pas prévaloir sur la certitude de la résurrection, sur l’espérance de parvenir à la béatitude de l’éternité, « moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité » (Spe salvi, n. 12). L’objet de notre espérance, en effet, est de jouir de la présence de Dieu dans l’éternité. Jésus l’a promis à ses disciples en disant : « Je vous verrai de nouveau et votre c½ur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l'enlèvera » (Jn 16, 22).
Nous confions notre pèlerinage vers la patrie céleste à la Vierge Marie, Reine de tous les saints, alors que nous invoquons pour nos frères et s½urs défunts son intercession maternelle.
2 novembre 2011 – Audience Générale
La solennité de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts nous disent que seul celui qui peut reconnaître une grande espérance dans la mort, peut aussi vivre une vie à partir de l’espérance. Si nous réduisons l’homme exclusivement à sa dimension horizontale, à ce que l’on peut percevoir de manière empirique, la vie elle-même perd son sens profond. L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est trop brève, est trop limitée pour lui. L’homme n’est explicable que s’il existe un Amour qui dépasse tout isolement, même celui de la mort, dans une totalité qui transcende aussi l’espace et le temps. L’homme n’est explicable, il ne trouve son sens profond, que s’il y a Dieu. Et nous savons que Dieu est sorti de son éloignement et s’est fait proche, qu’il est entré dans notre vie et nous dit : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26).
2012
1er novembre 2012 – Angelus
Nous avons aujourd’hui la joie de nous rencontrer en la solennité de la Toussaint. Cette fête nous fait réfléchir sur le double horizon de l’humanité, que nous exprimons de façon symbolique par les mots « terre » et « ciel » : la terre représente le chemin historique, le ciel l’éternité, la plénitude de la vie en Dieu. Et ainsi, cette fête nous fait penser à l’Église dans sa double dimension : l’Église en marche dans le temps et celle qui célèbre la fête sans fin, la Jérusalem céleste. Ces deux dimensions sont unies dans la réalité de la « communion des saints » : une réalité qui commence ici-bas sur la terre et atteint son accomplissement au Ciel. Dans le monde terrestre, l’Église est le début de ce mystère de communion qui unit l’humanité, un mystère entièrement centré sur Jésus Christ : c’est Lui qui a introduit dans le genre humain cette dynamique nouvelle, un mouvement qui la conduit vers Dieu et en même temps vers l’unité, vers la paix au sens profond. Jésus Christ — dit l’Évangile de Jean (11, 52) — est mort « pour rassembler les enfants de Dieu dispersés », et son ½uvre continue dans l’Église qui est inséparablement « une », « sainte » et « catholique ». Être chrétiens, faire partie de l’Église signifie s’ouvrir à cette communion, comme une semence qui, en mourant, s’ouvre dans la terre, et germe en s’élevant vers le haut, vers le ciel.
Les saints — ceux que l’Église proclame, mais aussi tous les saints et les saintes que Dieu seul connaît, et que nous célébrons aussi aujourd’hui — ont vécu intensément cette dynamique. En chacun d’eux, de façon personnelle, le Christ s’est rendu présent, grâce à son Esprit qui agit par la Parole et les sacrements. En effet, le fait d’être unis au Christ, dans l’Église, n’annule pas la personnalité, mais l’ouvre, la transforme par la force de l’amour, et lui confère, déjà sur cette terre, une dimension éternelle. En substance, cela signifie se configurer à l’image du Fils de Dieu (cf. Rm 8, 29), en réalisant le projet de Dieu qui a créé l’homme à son image et ressemblance. Mais cette insertion dans le Christ nous ouvre aussi — comme je le disais — à la communion avec tous les autres membres de son Corps mystique qui est l’Église, une communion qui est parfaite dans le « Ciel », où il n’y a aucun isolement, aucune concurrence, ou séparation. En la fête d’aujourd’hui, nous avons un avant-goût de la beauté de cette vie d’ouverture totale au regard d’amour de Dieu et de nos frères, dans laquelle nous sommes certains d’atteindre Dieu dans l’autre et l’autre en Dieu. Avec cette foi pleine d’espérance, nous vénérons tous les saints, et nous nous préparons à commémorer demain les fidèles défunts. Dans les saints, nous voyons la victoire de l’amour sur l’égoïsme et sur la mort: nous voyons que suivre le Christ conduit à la vie, à la vie éternelle, et donne un sens au présent, à chaque instant qui passe, afin qu’il le remplisse d’amour, d’espérance. Seule la foi dans la vie éternelle nous fait aimer vraiment l’histoire et le présent, mais sans attachements, dans la liberté du pèlerin, qui aime la terre parce qu’il a le c½ur au Ciel.
Que la Vierge Marie nous obtienne la grâce de croire fortement à la vie éternelle, et de nous sentir en vraie communion avec nos chers défunts.