2005
1 - Celui qui croit n'est jamais seul - il ne l'est pas dans la vie, et pas même dans la mort. Homélie Intronisation 24.4.2005
2 - L'Eglise reconnaît dans la vie humaine un bien primordial, présupposé de tous les autres biens, et elle demande donc que celle-ci soit respectée, à son début comme à son terme, tout en soulignant le devoir de soins palliatifs adaptés rendant la mort plus humaine…
… J'ai l'assurance que les législateurs … dans leur sagesse, sauront apporter aux problèmes qui viennent d'être évoqués des solutions "humaines", c'est-à-dire respectueuses des valeurs inviolables qui sont en jeu. - Au Président de la République d’Italie 24.6.2005
7 mai 2005 – Messe prise de possession de Saint Jean de Latran
Là où l'Ecriture Sainte est détachée de la voix vivante de l'Eglise, elle tombe en proie aux discussions des experts. Tout ce que ces derniers ont à nous dire est certainement important et précieux; le travail des savants est d'une aide appréciable pour pouvoir comprendre ce processus vivant à travers lequel l'Ecriture a grandi et comprendre ainsi sa richesse historique. Mais la science ne peut pas nous fournir à elle seule une interprétation définitive et faisant autorité; elle n'est pas en mesure de nous donner, dans l'interprétation, la certitude avec laquelle nous pouvons vivre et pour laquelle nous pouvons également mourir. C'est pourquoi, il y a besoin d'un mandat plus grand, qui ne peut pas naître uniquement des capacités humaines. C'est pourquoi il y a besoin de la voix de l'Eglise vivante, de cette Eglise confiée à Pierre et au collège des apôtres jusqu'à la fin des temps.
Le ministère du Pape est la garantie de l'obéissance envers le Christ et envers Sa Parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais se soumettre constamment, ainsi que l'Eglise, à l'obéissance envers la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d'adaptation et d'appauvrissement, ainsi que face à tout opportunisme. C'est ce que fit le Pape Jean-Paul II lorsque, face à toutes les tentatives, apparemment bienveillantes envers l'homme, face aux interprétations erronées de la liberté, il souligna de manière catégorique l'inviolabilité de l'être humain, l'inviolabilité de la vie humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. La liberté de tuer n'est pas une véritable liberté, mais une tyrannie qui réduit l'être humain en esclavage. Le Pape est conscient d'être, dans ses grandes décisions, lié à la grande communauté de foi de tous les temps, aux interprétations faisant autorité qui sont apparues le long du chemin du pèlerinage de l'Eglise. Ainsi son pouvoir ne se trouve pas "au-dessus", mais il est au service de la Parole de Dieu, et c'est sur lui que repose la responsabilité de faire en sorte que cette Parole continue à rester présente dans sa grandeur et à retentir dans sa pureté, de façon à ce qu'elle ne soit pas rendue vaine par les changements continuels des modes.
21 août 2005 – Homélie Messe JMJ à Cologne
Comment Jésus peut-il donner son Corps et son Sang? Faisant du pain son Corps et du vin son Sang, il anticipe sa mort, il l'accepte au plus profond de lui-même et il la transforme en un acte d'amour. Ce qui de l'extérieur est une violence brutale - la crucifixion -, devient de l'intérieur l'acte d'un amour qui se donne totalement. Telle est la transformation substantielle qui s'est réalisée au Cénacle et qui visait à faire naître un processus de transformations, dont le terme ultime est la transformation du monde jusqu'à ce que Dieu soit tout en tous (cf. 1 Co 15, 28). Depuis toujours, tous les hommes, d'une manière ou d'une autre, attendent dans leur coeur un changement, une transformation du monde. Maintenant se réalise l'acte central de transformation qui est seul en mesure de renouveler vraiment le monde: la violence se transforme en amour et donc la mort en vie. Puisque cet acte change la mort en amour, la mort comme telle est déjà dépassée au plus profond d'elle-même, la résurrection est déjà présente en elle. La mort est, pour ainsi dire, intimement blessée, de telle sorte qu'elle ne peut avoir le dernier mot. Pour reprendre une image qui nous est familière, il s'agit d'une fission nucléaire portée au plus intime de l'être - la victoire de l'amour sur la haine, la victoire de l'amour sur la mort. Seule l'explosion intime du bien qui vainc le mal peut alors engendrer la chaîne des transformations qui, peu à peu, changeront le monde. Tous les autres changements demeurent superficiels et ne sauvent pas. C'est pourquoi nous parlons de rédemption: ce qui du plus profond était nécessaire se réalise, et nous pouvons entrer dans ce dynamisme. Jésus peut distribuer son Corps, parce qu'il se donne réellement lui-même.
Cette première transformation fondamentale de la violence en amour, de la mort en vie, entraîne à sa suite les autres transformations. Le pain et le vin deviennent son Corps et son Sang. Cependant, la transformation ne doit pas s'arrêter là, c'est plutôt à ce point qu'elle doit commencer pleinement. Le Corps et le Sang du Christ nous sont donnés afin que, nous-mêmes, nous soyons transformés à notre tour. Nous-mêmes, nous devons devenir Corps du Christ, consanguins avec Lui. Tous mangent l'unique pain, mais cela signifie qu'entre nous nous devenions une seule chose. L'adoration, avons-nous dit, devient ainsi union. Dieu n'est plus seulement en face de nous, comme le Totalement Autre. Il est au-dedans de nous, et nous sommes en Lui. Sa dynamique nous pénètre et, à partir de nous, elle veut se propager aux autres et s'étendre au monde entier, pour que son amour devienne réellement la mesure dominante du monde. Je trouve une très belle allusion à ce nouveau pas que la dernière Cène nous pousse à faire dans les différents sens que le mot "adoration" a en grec et en latin. Le mot grec est proskynesis. Il signifie le geste de la soumission, la reconnaissance de Dieu comme notre vraie mesure, dont nous acceptons de suivre la règle. Il signifie que liberté ne veut pas dire jouir de la vie, se croire absolument autonomes, mais s'orienter selon la mesure de la vérité et du bien, pour devenir de cette façon, nous aussi, vrais et bons. Cette attitude est nécessaire, même si, dans un premier temps, notre soif de liberté résiste à une telle perspective. Il ne sera possible de la faire totalement nôtre que dans le second pas que la dernière Cène nous entrouvre. Le mot latin pour adoration est ad-oratio - contact bouche à bouche, baiser, accolade et donc en définitive amour. La soumission devient union, parce que celui auquel nous nous soumettons est Amour. Ainsi la soumission prend un sens, parce qu'elle ne nous impose pas des choses étrangères, mais nous libère à partir du plus profond de notre être.
1er novembre 2005 – Angelus Solennité de Toussaint
La "communion des saints", que nous professons dans le Credo, est une réalité qui se construit ici-bas, mais qui se manifestera pleinement quand nous verrons Dieu "tel qu'il est" (1 Jn 3, 2). C'est la réalité d'une famille liée par de profonds liens de solidarité spirituelle, qui unit les fidèles défunts à ceux qui sont en pèlerinage dans le monde. Un lien mystérieux mais réel, alimenté par la prière et par la participation au Sacrement de l'Eucharistie. Dans le Corps mystique du Christ, les âmes des fidèles se rencontrent en franchissant la barrière de la mort; elles prient les unes pour les autres, elles réalisent dans la charité un intime échange de dons. Dans cette dimension de foi est également comprise la pratique d'offrir des prières d'intention pour les défunts, en particulier le Sacrifice eucharistique, mémorial de la Pâque du Christ, qui a ouvert aux croyants le passage vers la vie éternelle.
En m'unissant spirituellement à ceux qui se rendent dans les cimetières pour prier pour leurs défunts, moi aussi je me recueillerai en prière demain après-midi dans les Grottes vaticanes auprès des tombes des Papes, qui forment une couronne autour du sépulcre de l'Apôtre Pierre, et j'aurai une pensée spéciale pour le bien-aimé Jean-Paul II. Chers amis, que l'arrêt traditionnel au cours de ces journées sur les tombes de nos défunts constitue une occasion pour penser sans crainte au mystère de la mort et cultiver cette attention permanente qui nous prépare à l'affronter avec sérénité. Pour cela, que nous aide la Vierge Marie, Reine des Saints, à laquelle nous nous adressons à présent avec une confiance filiale.
2 novembre 2005 – Audience Générale
1. Après avoir célébré hier la fête solennelle de tous les Saints du ciel, nous rappelons aujourd'hui la mémoire de tous les fidèles défunts. La liturgie nous invite à prier pour nos chers disparus, en tournant notre pensée vers le mystère de la mort, héritage commun de tous les hommes.
Eclairés par la foi, nous regardons l'énigme humaine de la mort avec sérénité et espérance. Selon l'Ecriture, en effet, celle-ci est une nouvelle naissance plus qu'une fin, elle est le passage obligatoire à travers lequel ceux qui modèlent leur existence terrestre selon les indications de la Parole de Dieu peuvent atteindre la vie en plénitude.
Le Psaume 111, une composition de type sapientiel, nous présente la figure de ces justes, qui craignent le Seigneur, en reconnaissent la transcendance et adhèrent avec confiance et amour à sa volonté dans l'attente de le rencontrer après la mort.
Une "béatitude" est réservée à ces fidèles: "Heureux l'homme qui craint Yahvé" (v. 1). Le Psalmiste précise immédiatement en quoi consiste cette crainte: elle se manifeste à travers la docilité aux commandements de Dieu. Est proclamé bienheureux celui qui "se plaît fort" à observer ses commandements, trouvant en eux la joie et la paix.
2. La docilité à l'égard de Dieu est, donc, une source d'espérance et d'harmonie intérieure et extérieure. L'observance de la loi morale est source d'une profonde paix de la conscience. Plus encore, selon la vision biblique de la "rétribution", le manteau de la bénédiction divine s'étend même sur le juste, imprimant stabilité et succès à ses oeuvres et à celles de ses descendants: "Sa lignée sera puissante sur la terre, et bénie la race des hommes droits. Opulence et bien-être en sa maison" (vv. 2-3; cf. v. 9). A cette vision optimiste s'opposent cependant les observations amères du juste Job, qui fait l'expérience du mystère de la douleur, se sent injustement puni et soumis à des épreuves apparemment insensées. Job représente de nombreuses personnes justes qui souffrent profondément dans le monde. Il faudra donc lire ce Psaume dans le contexte global de l'Ecriture Sainte, jusqu'à la Croix et à la Résurrection du Seigneur. La Révélation embrasse la réalité de la vie humaine sous tous ses aspects.
La confiance que le Psalmiste veut transmettre et qu'il veut faire ressentir à celui qui a choisi de suivre la voie d'une conduite moralement irréprochable, contre toute alternative d'un succès illusoire obtenu à travers l'injustice et l'immoralité, conserve toutefois toute sa valeur.
3. Le coeur de cette fidélité à la Parole divine consiste en un choix fondamental, celui de la charité envers les pauvres et les indigents: "Bienheureux l'homme qui prend pitié et prête... Il fait largesse, il donne aux pauvres" (vv. 5.9). Le fidèle est donc généreux; respectant la règle biblique, il accorde des prêts à ses frères dans le besoin, sans intérêt (cf. Dt 15, 7-11) et sans tomber dans l'infamie de l'usure, qui anéantit la vie des pauvres.
Le juste, en tenant compte de l'avertissement constant des prophètes, se range du côté des laissés-pour-compte, et les soutient par des aides abondantes. "Il fait largesse, il donne aux pauvres", dit-on dans le verset 9, démontrant ainsi une extrême générosité, totalement désintéressée.
4. Le Psaume 111, aux côtés du portrait de l'homme fidèle et charitable, "bon, miséricordieux et juste", présente également à la fin, en un seul verset (cf. v. 10), le profil de l'homme mauvais. Cet individu assiste au succès de la personne juste en brûlant de rage et d'envie. C'est le tourment de celui qui a mauvaise conscience, à la différence de l'homme généreux dont le coeur est "ferme" et "assuré" (vv. 7-8).
Nous tournons notre regard sur le visage serein de l'homme fidèle qui "fait largesse, il donne aux pauvres" et nous nous en remettons, pour notre réflexion de conclusion, aux paroles de Clément d'Alexandrie, le Père de l'Eglise du II siècle, qui a commenté une affirmation difficile du Seigneur. Dans la parabole sur l'administrateur injuste apparaît l'expression selon laquelle nous devons faire le bien avec l'"argent injuste". De là naît la question: l'argent, la richesse, sont-ils eux-mêmes injustes, ou que veut dire le Seigneur? Clément d'Alexandrie explique très bien ce mot dans son homélie: "Quel riche se sauvera?" et dit: Jésus "déclare injuste par nature toute possession que quelqu'un possède pour lui-même comme un bien propre et qu'il ne met pas en commun pour ceux qui en ont besoin; mais il déclare également que, à partir de cette injustice, il est possible d'accomplir une oeuvre juste et salutaire, en donnant le repos à l'un de ces petits qui ont une demeure éternelle auprès du Père (cf. Mt 10, 42; 18, 10)" (31, 6: Collana di Testi Patristici, CXLVIII, Rome 1999, pp. 56-57).
Et, s'adressant aux lecteurs, Clément avertit: "Tout d'abord, sache qu'il ne t'a pas commandé de te faire prier ni d'attendre d'être supplié, mais il faut que tu cherches toi-même ceux qui sont dignes d'être écoutés, en tant que disciples du Sauveur" (31, 7: ibid, p. 57).
Puis, ayant recours à un autre texte biblique, il commente: "Ce que dit l'Apôtre est donc beau: "Dieu aime qui donne avec joie" (2 Co 9, 7), celui qui se réjouit de donner et qui ne sème pas chichement, pour ne pas recueillir de la même façon, mais qui partage sans regrets ni distinctions ou douleur; c'est là une authentique manière de faire le bien" (31, 8: ibid.).
En ce jour de la commémoration des défunts, comme je l'ai dit au début de notre rencontre, nous sommes tous appelés à nous confronter à l'énigme de la mort et donc à la question de comment vivre bien, comment trouver le bonheur. A cela, le Psaume répond : Heureux l'homme qui donne; heureux l'homme qui n'utilise pas sa vie pour lui-même, mais qui la donne; heureux l'homme qui est miséricordieux, bon et juste; heureux l'homme qui vit dans l'amour de Dieu et du prochain. Ainsi nous vivons bien et ainsi nous ne devons pas avoir peur de la mort, car nous sommes dans le bonheur qui vient de Dieu et qui ne connaît pas de fin.
18 décembre 2005 – Homélie Messe dans la paroisse romaine de Casalbertone
« Sois sans crainte ! », Marie nous adresse à nous aussi cette parole… Notre monde est un monde de peurs: peur de la misère et de la pauvreté, peur des maladies et des souffrances, peur de la solitude, peur de la mort. Dans notre monde, il existe un système d'assurances très développé: c'est un bien qu'elles existent. Nous savons cependant qu'au moment de la souffrance profonde, au moment de la dernière solitude de la mort, aucune assurance ne pourra nous protéger. La seule assurance valable en ces moments est celle qui nous vient du Seigneur, qui nous dit à nous aussi: "Sois sans crainte, je suis toujours avec toi". Nous pouvons tomber, mais à la fin, nous tombons entre les mains de Dieu et les mains de Dieu sont de bonnes mains
2006
8 janvier 2006 – Homélie Messe Baptêmes – Chapelle Sixtine
Dans le Baptême chaque enfant est introduit dans une compagnie d'amis qui ne l'abandonnera jamais dans la vie ni dans la mort, parce que cette compagnie d'amis est la famille de Dieu, qui porte en elle la promesse de l'éternité. Cette compagnie d'amis, cette famille de Dieu, dans laquelle à présent l'enfant est introduit, l'accompagnera toujours même aux jours de la souffrance, dans les nuits obscures de la vie ; elle lui donnera consolation, réconfort, lumière. Cette compagnie, cette famille lui donnera la parole de vie éternelle. Paroles de lumière qui répondent aux grands défis de la vie et donnent l'indication juste sur la route à prendre. Cette compagnie offre à l'enfant consolation et réconfort, l'amour de Dieu même au seuil de la mort, dans la vallée obscure de la mort. Elle lui donnera l'amitié, elle lui donnera la vie. Et cette compagnie, absolument fiable, ne disparaîtra jamais. Personne d'entre nous ne sait ce qui adviendra sur notre planète, dans notre Europe, dans les cinquante, soixante, soixante-dix années à venir. Mais nous sommes sûrs d'une chose : la famille de Dieu sera toujours présente et celui qui appartient à cette famille ne sera jamais seul, il aura toujours l'amitié sûre de Celui qui est la vie.
Cette famille de Dieu, cette compagnie d'amis est éternelle, parce qu'elle est communion avec Celui qui a vaincu la mort, qui a entre les mains les clés de la vie. Etre dans la compagnie, dans la famille de Dieu, signifie être en communion avec le Christ, qui est vie et donne l'amour éternel au-delà de la mort. Et si nous pouvons dire qu'amour et vérité sont source de vie, qu'ils sont la vie - et une vie sans amour n'est pas la vie - nous pouvons dire que cette compagnie avec Celui qui est réellement la vie, avec Celui qui est le Sacrement de la vie, répondra à votre attente, à votre espérance.
11 février 2006 – Message pour la Journée Mondiale du Malade
La durée des conflits armés dans différentes régions de la terre, la succession de catastrophes naturelles effroyables, la diffusion du terrorisme, non seulement ont provoqué un nombre impressionnant de morts, mais ont engendré chez de nombreux rescapés des traumatismes psychiques, souvent irréversibles
11 février 2006 – Au terme de la Messe des Malades
En se présentant à Bernadette comme l'Immaculée Conception, la Très Sainte Vierge Marie est venue rappeler au monde moderne, qui risquait de l'oublier, le primat de la Grâce divine, plus forte que le péché et la mort.
12 février 2006 – Angelus
Le Christ est "la main" de Dieu tendue à l'humanité pour qu'elle puisse sortir des sables mouvants de la maladie et de la mort et se remettre debout sur le roc solide de l'amour divin (cf. Ps 39, 2-3).
3 avril 2006 – Homélie Messe 1 an de la mort de Jean Paul II
En ces jours est particulièrement vivante dans l'Eglise et dans le monde la mémoire du Serviteur de Dieu Jean-Paul II, à l'occasion du premier anniversaire de sa mort. Avec la veillée mariale d'hier, nous avons revécu le moment précis où, il y a un an, a eu lieu son pieux départ, tandis que nous nous retrouvons sur cette même Place Saint-Pierre pour offrir le sacrifice eucharistique en mémoire de son âme élue..
Dans la première lecture, tirée du Livre de la Sagesse, il nous a été rappelé quel est le destin final des justes : un destin de bonheur surabondant, qui récompense sans limite pour les souffrances et les épreuves affrontées au cours de la vie. « Dieu les a mis à l'épreuve - affirme l'auteur sacré - et il les a trouvés dignes de lui ; comme l'or au creuset, il les a éprouvés, comme un parfait holocauste, il les a agréés » (3, 5-6). Le terme d'« holocauste » fait référence au sacrifice au cours duquel la victime était entièrement brûlée, consumée par le feu ; il s'agissait donc d'un signe de don total à Dieu. Cette expression biblique nous fait penser à la mission de Jean-Paul II, qui a fait don à Dieu et à l'Eglise de son existence et a vécu la dimension sacrificielle de son sacerdoce en particulier dans la célébration de l'Eucharistie. Parmi les invocations qui lui étaient chères, en figure une, tirée des « Litanies de Jésus Christ Prêtre et Victime », qu'il voulut placer au terme du livre Don et Mystère, publié à l'occasion du 50e anniversaire de son sacerdoce (cf. pp. 113-116). Voici ce que dit cette invocation : « Iesu, Pontifex qui traddisti temetipsum Deo oblationem et hostiam - Jésus, Pontife qui t'offris toi-même à Dieu comme don et victime, prends pitié de nous ». Combien de fois a-t-il répété cette invocation ! Celle-ci exprime bien le caractère profondément sacerdotal de toute sa vie. Il n'a jamais fait mystère de son désir de devenir toujours plus une seule chose avec le Christ Prêtre, à travers le sacrifice eucharistique, source d'inlassable dévouement apostolique.
A la base de ce don total de soi figurait naturellement la foi. Dans la deuxième Lecture, que nous venons d'écouter, saint Pierre utilise lui aussi l'image de l'or éprouvé par le feu et l'applique à la foi (1 P 1, 7). En effet, dans les difficultés de la vie, c'est surtout la qualité de la foi de chacun qui est éprouvée et vérifiée : sa solidité, sa pureté, sa cohérence avec la vie. Eh bien, le regretté Pontife, que Dieu avait doté de multiples dons humains et spirituels, en passant à travers le creuset des difficultés apostoliques et de la maladie, est apparu toujours plus comme un « roc » dans la foi. Ceux qui ont eu l'occasion de le fréquenter de près ont pu presque toucher du doigt sa foi honnête et solide qui, si elle a impressionné le cercle de ses collaborateurs, n'a pas manqué de diffuser, au cours de son long pontificat, son influence bénéfique sur toute l'Eglise, dans un crescendo qui a atteint son point culminant au cours des derniers mois et jours de sa vie. Une foi convaincue, forte et authentique, libre des peurs et des compromis, qui a contaminé le c½ur de tant de personne, grâce également aux nombreux pèlerinages apostoliques dans tant de parties du monde, et en particulier grâce à ce dernier « voyage » qu'a été son agonie et sa mort.
La page de l'Evangile qui a été proclamée nous aide à comprendre un autre aspect de sa personnalité humaine et religieuse. Nous pourrions dire que, en tant que successeur de Pierre, il a imité de façon particulière, parmi les Apôtres, Jean, le « disciple bien-aimé » qui demeura sous la croix auprès de Marie, à l'heure de l'abandon et de la mort du Rédempteur. Les voyant près de la croix - raconte l'évangéliste - Jésus les confia l'un à l'autre : « Femme, voici ton Fils !... Voici ta mère » (Jn 19, 26-27). Ces paroles du Seigneur mourant étaient particulièrement chères à Jean-Paul II. Comme l'apôtre évangéliste, lui aussi a voulu prendre Marie chez lui : « et ex illa hora accepit eam discipulus in sua, dit l'évangéliste - Dès cette heure là, le disciple l'accueillit chez lui » (Jn 19, 27). L'expression accepit eam in sua est particulièrement riche de sens : elle indique la décision de Jean de faire participer Marie à sa vie afin de faire l'expérience que celui qui ouvre son c½ur à Marie, est en réalité accueilli par Elle et devient à elle. La devise inscrite sur le blason du pontificat du pape Jean-Paul II, Totus tuus, résume bien cette expérience spirituelle et mystique, dans une vie totalement tournée vers le Christ à travers Marie: ad Iesum per Mariam.
Chers frères et s½urs, ce soir, notre pensée retourne avec émotion vers le moment de la mort du bien-aimé Pontife, mais dans le même temps, notre c½ur est comme poussé à se tourner vers l'avenir. Nous sentons résonner dans notre âme ses invitations répétées à avancer sans avoir peur sur le chemin de la fidélité à l'Evangile pour être les messagers et les témoins du Christ au cours du troisième millénaire. Ses exhortations incessantes à coopérer généreusement à la réalisation d'une humanité plus juste et plus solidaire, à être des artisans de paix et des bâtisseurs d'espérance nous reviennent à l'esprit. Notre regard reste toujours fixé sur le Christ qui est « le même hier, aujourd'hui et à jamais » (He 13, 8), qui guide solidement son Eglise. Nous avons cru à son amour et c'est la rencontre avec Lui « qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Deus caritas est, n. 1). Que la force de l'Esprit de Jésus soit pour tous, chers frères et s½urs, comme elle le fut pour le pape Jean-Paul II, une source de paix et de joie. Et que la Vierge Marie, Mère de l'Eglise, nous aide à être en toute circonstance, comme lui, des apôtres inlassables de son divin Fils et des prophètes de son amour miséricordieux.
15 avril 2006 – Homélie Messe Nuit de Pâques
Pâques, nous nous réjouissons parce que le Christ n'est pas resté dans le tombeau, son corps n'a pas connu la corruption; il appartient au monde des vivants, non à celui des morts…
Par amour, il pouvait se laisser tuer, mais c'est précisément ainsi qu'il a rompu le caractère définitif de la mort, parce qu'en lui était présent le caractère définitif de la vie. Il était un avec la vie indestructible, de telle manière que celle-là, à travers la mort, jaillisse d'une manière nouvelle. Nous pouvons exprimer encore une fois la même chose en partant d'un autre point de vue. Sa mort fut un acte d'amour. Au cours de la dernière Cène, Il a anticipé sa mort et Il l'a transformée en don de soi. Sa communion existentielle avec Dieu était concrètement une communion existentielle avec l'amour de Dieu, et cet amour est la vraie puissance contre la mort, il est plus fort que la mort. La résurrection fut comme une explosion de lumière, une explosion de l'amour, qui a délié le lien jusqu'alors indissoluble du «meurs et deviens». Elle a inauguré une nouvelle dimension de l'être, de la vie, dans laquelle la matière a aussi été intégrée, d'une manière transformée, et à travers laquelle surgit un monde nouveau.
15 avril 2006 - Message de Pâques Urbi et Orbi
«Il n'est pas ici... il est ressuscité». Les messagers célestes communiquent avant tout que Jésus «n'est pas ici»: le Fils de Dieu n'est pas resté dans le tombeau, parce qu'il ne pouvait pas rester prisonnier de la mort (cf. Ac 2, 24), et le tombeau ne pouvait pas retenir «le Vivant» (Ap 1, 18), qui est la source même de la vie. De même que Jonas est resté dans le ventre du poisson, de même le Christ crucifié est resté englouti au c½ur de la terre (cf. Mt 12, 40), le temps d'un sabbat. Ce fut «vraiment un grand jour que ce sabbat», comme l'écrit l'évangéliste Jean (19, 31): le plus solennel de l'histoire, parce qu'avec lui le «Seigneur du sabbat» (cf. Mt 12, 8) porte à son accomplissement l'½uvre de la création (cf. Gn 2, 1-4a), élevant l'homme et le cosmos tout entier à la liberté de la gloire des fils de Dieu (cf. Rm 8, 21). Une fois cette ½uvre extraordinaire accomplie, le corps sans vie a été traversé par le souffle vital de Dieu et, les barrières du tombeau ayant été rompues, il est ressuscité glorieux. C'est pourquoi les anges proclament «il n'est pas ici»: il ne peut plus se trouver dans le tombeau. Il a marché sur la terre des hommes, il a terminé son chemin dans le tombeau comme tous les hommes, mais il a vaincu la mort, et, de manière absolument nouvelle, par un acte de pur amour, il a ouvert la terre et il l'a ouverte en grand vers le Ciel.
Le prophète Ézéchiel l'avait annoncé: «Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d'Israël» (Ez 37, 12). Le jour de Pâques, ces paroles prophétiques prennent une valeur singulière, parce que, aujourd'hui, s'accomplit la promesse du Créateur; aujourd'hui, également à notre époque marquée par l'inquiétude et l'incertitude, nous revivons l'événement de la résurrection, qui a changé la face de notre existence, qui a changé l'histoire de l'humanité. C'est du Christ ressuscité que les personnes encore opprimées par les liens de la souffrance et de la mort attendent l'espérance, parfois aussi sans le savoir.
16 août 2006 – Audience Générale
Comment faire en sorte alors que ce signe lumineux d'espérance qu’est l’Assomption de Notre-Dame au Ciel, soit perçu toujours plus par nous tous et par la société d'aujourd'hui ? Aujourd'hui, il y a des personnes qui vivent comme si elles ne devaient jamais mourir ou comme si tout devait finir avec la mort ; certains agissent en pensant que l'homme est l'unique artisan de leur destin, comme si Dieu n'existait pas, en arrivant parfois même à nier qu'il y ait une place pour Lui dans notre monde. Les grandes victoires de la technique et de la science, qui ont considérablement amélioré la condition de l'humanité, laissent toutefois sans solution les questions les plus profondes de l'âme humaine. Seule l'ouverture au mystère de Dieu, qui est Amour, peut étancher la soif de vérité et de bonheur de notre coeur; seule la perspective de l'éternité peut conférer une valeur authentique aux événements historiques et surtout au mystère de la fragilité humaine, de la souffrance et de la mort.
En contemplant Marie dans la gloire céleste, nous comprenons que pour nous aussi, la terre n'est pas la patrie définitive et que si nous vivons tournés vers les biens éternels, nous partagerons un jour sa gloire et la terre également deviendra plus belle. C'est pour cela que, même parmi les mille difficultés quotidiennes, nous ne devons pas perdre la sérénité, ni la paix. Le signe lumineux de l'Assomption de la Vierge au ciel resplendit encore plus lorsque semblent s'accumuler à l'horizon des ombres tristes de douleur et de violence. Nous en sommes certains: d'en haut, Marie suit nos pas avec une douce inquiétude, elle nous réconforte à l'heure des ténèbres et de la tempête, elle nous rassure de sa main maternelle. Soutenus par cette conscience, nous poursuivons avec confiance notre chemin d'engagement chrétien là où la Providence nous conduit.
19 octobre 2006 – Discours au Congrès de l’Eglise Italienne, à Verona
La Résurrection a …été comme une explosion de lumière, une explosion de l'amour qui brise les chaînes du péché et de la mort.
19 octobre 2006 – Homélie de la Messe dans le stade de Verona
A partir du jour de la Pentecôte la lumière du Seigneur ressuscité a transfiguré la vie des Apôtres. Ceux-ci avaient désormais la claire perception de ne pas être simplement des disciples d'une doctrine nouvelle et intéressante, mais des témoins choisis et responsables d'une révélation à laquelle était lié le salut de leurs contemporains et de toutes les générations futures. La foi pascale remplissait leur c½ur d'une ardeur et d'un zèle extraordinaires, qui les rendait prêts à affronter chaque difficulté et même la mort, et qui donnait à leurs paroles une irrésistible énergie de persuasion. Ainsi, un groupe de personnes, dépourvues de ressources humaines et uniquement fortes de leur foi, affronta sans peur de dures persécutions et le martyre. L'Apôtre Jean écrit : «Et ce qui nous a fait vaincre le monde, c'est notre foi» (1 Jn 5, 4b)…
Nous sommes… animés par la conscience que seul le Christ peut satisfaire les attentes profondes de chaque c½ur humain et répondre aux interrogations les plus troublantes sur la douleur, l'injustice et le mal, sur la mort et l'au-delà. Notre foi est donc fondée, mais il faut que cette foi devienne vie en chacun de nous.
1er novembre 2006 – Angelus
L'homme moderne attend-il encore cette vie éternelle, ou bien considère-t-il qu'elle appartient à une mythologie désormais dépassée? A notre époque, plus que par le passé, nous sommes tellement occupés par les choses terrestres, qu'il est parfois difficile de penser à Dieu comme le protagoniste de l'histoire et de notre vie elle-même. Toutefois, par sa nature, l'existence humaine est tendue vers quelque chose de plus grand, qui la transcende; le désir de justice, de vérité, et de bonheur complet inscrit dans l'être humain est irrépressible. Face à l'énigme de la mort, sont présents chez de nombreuses personnes le désir et l'espérance de retrouver leurs proches dans l'au-delà. De même qu'il existe la profonde conviction d'un jugement dernier qui rétablisse la justice, et l'attente d'une confrontation finale dans laquelle chacun reçoive ce qui lui est dû.
La "vie éternelle", pour nous, chrétiens, n'indique cependant pas une vie qui dure pour toujours, mais une nouvelle qualité de vie, pleinement plongée dans l'amour de Dieu, qui libère du mal et de la mort et nous place dans une communion sans fin avec tous les frères et les soeurs qui participent du même Amour. C'est pourquoi l'éternité peut être déjà présente au centre de la vie terrestre et temporelle, lorsque l'âme, à travers la grâce, est unie à Dieu, à son fondement ultime. Tout passe, seul Dieu reste immuable. Un Psaume dit: "Et ma chair et mon coeur sont consumés: roc de mon coeur, ma part, Dieu à jamais!" (Ps 73 [72], 26). Tous les chrétiens, appelés à la sainteté, sont des hommes et des femmes qui vivent solidement ancrés à ce "Roc"; ils ont les pieds sur terre, mais le coeur déjà au Ciel, demeure définitive des amis de Dieu.
Chers frères et soeurs, méditons sur ces réalités l'âme tournée vers notre destin ultime et définitif, qui donne un sens aux situations quotidiennes. Ravivons le sentiment joyeux de la communion des saints et laissons-nous attirer vers le but de notre existence: la rencontre face-à-face avec Dieu. Prions afin que cela soit l'héritage de tous les fidèles défunts, non seulement de nos proches, mais également de toutes les âmes, en particulier celles qui sont le plus oubliées et qui ont besoin de la miséricorde divine. Que la Vierge Marie, Reine de Tous les Saints, nous guide pour choisir en tout moment la vie éternelle, la "vie du monde à venir" comme nous le disons dans le Credo; un monde déjà inauguré par la résurrection du Christ, et dont nous pouvons hâter la venue par notre conversion sincère et les oeuvres de charité.
4 novembre 2006 – Homélie Messe pour les Cardinaux défunts
Au terme de la vie, la mort nous prive de tout ce qui est terrestre, mais non de cette Grâce et de ce "caractère" sacramentel en vertu desquels nous avons été associés indissolublement au mystère pascal de notre Seigneur et Sauveur. Dépossédé de tout, mais revêtu du Christ: c'est ainsi que le baptisé passe le seuil de la mort et se présente devant Dieu juste et miséricordieux. Afin que le vêtement blanc, reçu lors du Baptême, soit purifié de tout péché et de toute tache, la communauté des croyants offre le sacrifice eucharistique et d'autres prières d'intention pour ceux que la mort a appelés à passer du temps à l'éternité. Il s'agit d'une noble pratique, que celle de prier pour les défunts, qui présuppose la foi dans la résurrection des morts, selon ce que l'Ecriture Sainte et, de façon parfaite, l'Evangile, nous ont révélé.
Nous venons d'entendre le récit de la vision des ossements desséchés du prophète Ezéchiel (37, 1-14). C'est sans aucun doute l'une des pages bibliques les plus significatives et impressionnantes, qui se prête à une double lecture. Sur le plan historique, il répond au besoin d'espérance des Hébreux déportés à Babylone, découragés et affligés d'avoir dû enterrer leurs proches en terre étrangère. Par la bouche du prophète, le Seigneur leur annonce qu'il les fera sortir de ce cauchemar et les fera rentrer dans le pays d'Israël. L'image très suggestive des ossements qui se réaniment et se mettent en mouvement représente donc ce peuple qui reprend vigueur dans l'espérance pour rentrer dans sa patrie.
Mais le long et complexe oracle d'Ezéchiel, qui exalte la puissance de la Parole de Dieu face à laquelle rien n'est impossible, marque dans le même temps un pas en avant décisif vers la foi dans la résurrection des morts. Cette foi trouvera son accomplissement dans le Nouveau Testament. A la lumière du mystère pascal du Christ, la vision des ossements desséchés revêt la valeur d'une parabole universelle sur le genre humain, en pèlerinage dans l'exil terrestre et soumis au joug de la mort. La Parole divine, incarnée en Jésus, vient habiter dans le monde qui, sous de nombreux points de vue, est une vallée désolée; il devient pleinement solidaire avec tous les hommes et il leur apporte l'annonce joyeuse de la vie éternelle. Cette annonce d'espérance est proclamée jusque dans les profondeurs d'outre-tombe, alors qu'est définitivement ouverte la route qui conduit à la Terre promise. ..
Jésus dit en quoi consiste la vie éternelle: "C'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ" (Jn 17, 3). Dans cette expression, on entend résonner la voix en prière de la communauté ecclésiale, consciente que la révélation du "nom" de Dieu, reçue du Seigneur, équivaut au don de la vie éternelle. Connaître Jésus signifie connaître le Père et connaître le Père veut dire entrer en communion réelle avec l'Origine même de la Vie, de la Lumière, de l'Amour.
20 novembre 2006 – Au Président de la République Italienne, en Visite d’Etat au Vatican
Les fidèles laïcs … en agissant en toute responsabilité et en faisant usage du droit de participation à la vie publique, s'engagent avec les autres membres de la société à "construire un ordre juste dans la société" (Dignitatis Humanae). Par ailleurs, dans leur action, ils s'appuient sur "des valeurs fondamentales et des principes anthropologiques et éthiques enracinés dans la nature de l'être humain" (ibid.), également reconnaissable à travers le juste usage de la raison. Ainsi, lorsqu'ils s'engagent par la parole et par l'action à affronter les grands défis actuels, représentés par les guerres et par le terrorisme, par la faim et par la soif, par l'extrême pauvreté de tant d'êtres humains, par certaines épidémies terribles, mais aussi par la protection de la vie humaine à toutes ses étapes, de la conception à la mort naturelle, et par la promotion de la famille, fondée sur le mariage et première responsable de l'éducation, ils n'agissent pas dans leur propre intérêt particulier ou au nom de principes perceptibles uniquement par ceux qui professent une croyance religieuse déterminée: ils le font au contraire dans le contexte et selon les règles de la coexistence démocratique, pour le bien de toute la société et au nom de valeurs que toute personne ayant une juste sensibilité peut partager.
14 décembre 2006 - Au nouvel Ambassadeur du Lésotho
Dans les visages des personnes malades et mourantes, les chrétiens reconnaissent le visage du Christ, et c'est lui que nous servons lorsque nous apportons notre aide et notre réconfort aux personnes qui souffrent (cf. Mt 25, 31-40).
14 décembre 2006 - Au nouvel Ambassadeur du Danemark
La communauté catholique … désire jouer son rôle, en coopérant avec les autres croyants chrétiens … en ce qui concerne le rôle et la mission fondamentaux de la famille fondée sur le mariage, l'éducation des enfants, le respect pour le don de la vie provenant de Dieu, de la conception à la mort naturelle, et pour la protection responsable de l'environnement.
2007
3 février 2007 – Aux Instituts séculiers
Chaque réalité propre et spécifique vécue par le chrétien, son travail et ses intérêts concrets, tout en conservant leur consistance relative, trouvent leur fin ultime s'ils appartiennent au même objectif pour lequel le Fils de Dieu est entré dans le monde. Sentez-vous donc interpellés par chaque douleur, par chaque injustice, ainsi que par chaque recherche de la vérité, de la beauté et de la bonté, non parce que vous possédez les solutions de tous les problèmes, mais parce que chaque circonstance dans laquelle l'homme vit et meurt constitue pour vous l'occasion de témoigner de l'½uvre salvifique de Dieu.
11 février 2007 - Message pour la Journée Mondiale du Malade
L'Eglise se tourne vers ceux qui souffrent et attire l'attention sur les malades incurables, dont un grand nombre meurent à la suite de maladies en phase terminale. Ils sont présents sur chaque continent, en particulier dans des lieux où la pauvreté et les difficultés sont la cause d'une misère et d'une douleur immenses…
Etre malade comporte inévitablement un moment de crise et une sérieuse confrontation avec sa propre situation personnelle. Les progrès dans les sciences médicales offrent souvent les instruments nécessaires pour affronter ce défi, tout au moins en ce qui concerne ses aspects physiques. Cependant, la vie humaine a ses limites intrinsèques et, tôt ou tard, elle se termine par la mort. Il s'agit d'une expérience à laquelle chaque être humain est appelé et à laquelle il doit être préparé…
L'Eglise désire soutenir les malades incurables et ceux qui sont en phase terminale en exhortant à des politiques sociales équitables, qui puissent contribuer à éliminer les causes de nombreuses maladies et en demandant de manière urgente une meilleure assistance pour les personnes qui meurent et pour lesquelles aucun traitement médical n'est disponible. Il est nécessaire de promouvoir des politiques en mesure de créer des conditions où les êtres humains puissent également supporter des maladies incurables et affronter la mort de manière digne. A ce propos, il est nécessaire de souligner encore une fois la nécessité d'un plus grand nombre de centres pour les soins palliatifs qui offrent une assistance intégrale, fournissant aux malades l'aide humaine et l'accompagnement spirituel dont ils ont besoin. Il s'agit d'un droit qui appartient à chaque être humain et que nous devons tous nous engager à défendre.
L'Eglise, suivant l'exemple du Bon Samaritain, a toujours fait preuve d'une sollicitude particulière pour les malades. A travers chacun de ses membres et ses institutions, elle continue d'être aux côtés de ceux qui souffrent et qui vont mourir, cherchant à préserver leur dignité en ces moments significatifs de l'existence humaine. Un grand nombre de ces personnes, du personnel médical, des agents pastoraux et des volontaires, ainsi que des institutions présentes dans le monde entier, servent inlassablement les malades dans les hôpitaux et dans les unités de soins palliatifs, dans les rues de la ville, dans le cadre des projets d'assistance à domicile et dans les paroisses.
Je m'adresse à vous, chers frères et s½urs qui souffrez de maladies incurables ou en phase terminale. Je vous encourage à contempler les souffrances du Christ crucifié et, en union avec Lui, à vous adresser au Père avec une confiance totale dans le fait que toute la vie, et la vôtre en particulier, est entre ses mains. Sachez que vos souffrances, unies à celles du Christ, se révéleront fécondes pour les besoins de l'Eglise et du monde. Je demande au Seigneur de renforcer votre foi dans Son amour, en particulier au cours de ces épreuves que vous affrontez. Je forme le v½u que, partout où vous êtes, vous trouverez toujours l'encouragement et la force spirituelle nécessaires pour nourrir votre foi et vous conduire plus près du Père de la Vie. A travers ses prêtres et ses collaborateurs pastoraux, l'Eglise désire vous assister et être à vos côtés, en vous aidant à l'heure du besoin et en manifestant ainsi la miséricorde pleine d'amour du Christ envers ceux qui souffrent.
11 février 2007 - Au terme de la Messe en l'honneur de Notre-Dame de Lourdes
Marie, qui avec sa foi a accompagné son Fils jusque sous la croix, Elle qui fut associée par un mystérieux dessein aux souffrances du Christ son Fils, ne se lasse jamais de nous exhorter à vivre et à partager avec une confiance sereine l'expérience de la douleur et de la maladie, en l'offrant avec foi au Père, complétant ainsi ce qui manque dans notre chair aux souffrances du Christ (cf. Col 1, 24). A cet égard, me reviennent en esprit les paroles avec lesquelles mon vénéré prédécesseur Paul VI concluait l'Exhortation apostolique Marialis cultus: "A l'homme d'aujourd'hui souvent tiraillé entre l'angoisse et l'espérance, prostré par le sentiment de ses limites et assailli par des aspirations sans bornes, la Vierge Marie, contemplée dans sa vie terrestre et dans la réalité qu'elle possède déjà dans la Cité de Dieu, offre une vision sereine et une parole rassurante: la victoire de l'espérance sur l'angoisse, de la communion sur la solitude, de la paix sur le trouble, de la joie et de la beauté sur le dégoût et la nausée, des perspectives éternelles sur les perspectives temporelles, de la vie sur la mort" (n. 57). Ce sont des paroles qui éclairent notre chemin, même lorsque semble disparaître le sens de l'espérance et la certitude de la guérison; ce sont des paroles que je voudrais réconfortantes, en particulier pour ceux qui sont frappés par des maladies graves et douloureuses.
Message pour le Carême 2007
C'est dans le mystère de la Croix que se révèle pleinement la puissance irrésistible de la miséricorde du Père céleste. Pour conquérir à nouveau l'amour de sa créature, Il a accepté de payer un très grand prix : le sang de son Fils Unique. La mort qui, pour le premier Adam, était un signe radical de solitude et d'impuissance, a été ainsi transformée dans l'acte suprême d'amour et de liberté du nouvel Adam. Aussi, nous pouvons bien affirmer, avec Maxime le Confesseur, que le Christ « mourut, s'il l'on peut dire, divinement parce que il murut librement » (Ambigua, 91, 1956).
22 avril 2007 – Lors de la visite à l’hôpital de Pavie
"Dans la mesure où vous l'avez fait aux plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25, 40-45). Dans chaque personne frappée par la maladie c'est Lui-même qui attend notre amour. Bien sûr, la souffrance répugne à l'esprit humain; il demeure toutefois toujours vrai que, lorsqu'elle est accueillie avec amour, avec compassion, et qu'elle est illuminée par la foi, elle devient une occasion précieuse qui unit de manière mystérieuse au Christ rédempteur, l'Homme des douleurs qui, sur la Croix, a assumé en lui la douleur et la mort de l'homme. A travers le sacrifice de sa vie, il a racheté la souffrance humaine et il en a fait un moyen fondamental de salut. Chers malades, confiez au Seigneur les difficultés et les peines que vous devez affronter et dans son dessein, elles deviendront des moyens de purification et de rédemption pour le monde entier
10 mai 2007 – Avec les jeunes, au Brésil
J'entends trembler nos c½urs de pasteurs, lorsque nous constatons la situation de notre époque. Nous entendons parler des peurs de la jeunesse d'aujourd'hui. Elles nous révèlent un énorme manque d'espérance: la peur de mourir, au moment où la vie est en train d'éclore et tente de trouver la voie de sa réalisation; la peur d'échouer, pour ne pas avoir découvert le sens de la vie; et la peur de rester à l'écart, face à la rapidité déconcertante des événements et des communications. Nous constatons le pourcentage élevé de morts parmi les jeunes, la menace de la violence, la prolifération déplorable des drogues qui bouleverse jusqu'à sa racine la plus profonde la jeunesse d'aujourd'hui. C'est donc pour cette raison que l'on parle de jeunesse égarée.
12 mai 2007 – Rencontre avec les S½urs Clarisses à la Ferme de l’Espérance, à Guaratingueta, au Brésil.
Lorsque le péché entra dans le monde et, avec lui, la mort, la créature aimée de Dieu - même blessée - ne perdit pas toute sa beauté: au contraire, elle reçut un amour plus grand: "Heureuse faute qui a mérité d'avoir un aussi grand Rédempteur!" - proclame l'Eglise dans la nuit mystérieuse et claire de Pâques (Exultet). C'est le Christ ressuscité qui soigne les blessures et qui sauve les fils et les filles de Dieu, qui sauve l'humanité de la mort, du péché et de l'esclavage des passions. La Pâque du Christ unit le ciel et la terre. Dans cette "Fazenda da Esperança" s'unissent les prières des Clarisses et le dur travail de la médecine et de l'ergothérapie pour vaincre les prisons et briser les chaînes des drogues qui font souffrir les fils bien-aimés de Dieu.
Ainsi se recompose la beauté des créatures qui enchante et émerveille leur Créateur. Tel est le Père tout-puissant, le seul dont l'essence est l'amour et dont la gloire est l'homme vivant, comme le dit saint Irénée. Il "a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique (Jn 3, 16) pour relever celui qui est tombé le long du chemin, assailli et blessé par les voleurs sur la route de Jérusalem à Jéricho. Sur les routes du monde, Jésus "est la main que le Père tend au pécheur; il est le chemin au moyen duquel nous parvient la paix" (anaphore eucharistique). Oui, ici, nous découvrons que la beauté des créatures et l'amour de Dieu sont inséparables.
Il ne faut jamais perdre l'espérance ! Il faut en effet édifier, construire l'espérance, en tissant la toile d'une société qui, en tendant les fils de la vie, perd le sens véritable de l'espérance. Cette perte - selon saint Paul - est une malédiction que la personne humaine s'impose à elle-même: "des personnes sans c½ur" (cf. Rm 1, 31).
Très chères s½urs, soyez celles qui proclament que "l'espérance ne déçoit point" (Rm 5, 5). Que la douleur du Crucifié, qui emplit l'âme de Marie au pied de la Croix, console les si nombreux c½urs maternels et paternels qui pleurent de douleur pour leurs enfants encore toxicomanes. Annoncez par le silence oblatif de la prière, le silence éloquent que le Père écoute: annoncez le message d'amour qui l'emporte sur la douleur, sur la drogue et sur la mort. Annoncez Jésus Christ, être humain comme nous, souffrant comme nous, qui se chargea de nos péchés pour nous en libérer!
7 juin 2007 – Homélie Messe Corpus Domini
Comme la manne pour le peuple d'Israël, ainsi, pour chaque génération chrétienne, l'Eucharistie est la nourriture indispensable qui la soutient tandis qu'elle traverse le désert de ce monde, asséché par les systèmes idéologiques et économiques qui ne promeuvent pas la vie, mais lui portent atteinte; un monde où domine la logique du pouvoir et de l'avoir plutôt que celle du service et de l'amour; un monde où triomphe souvent la culture de la violence et de la mort.
12 août 2007 - Angelus
La solennité de l'Assomption de Marie au ciel est entièrement tournée vers l'avenir, vers le ciel, où la Sainte Vierge nous a précédés dans la joie du paradis. L’Evangile invite les chrétiens de manière particulière les à se détacher des biens matériels en grande partie illusoires, et à accomplir fidèlement leur devoir en se tournant constamment vers le haut. Le croyant demeure éveillé et vigilant pour être prêt à accueillir Jésus lorsqu'il viendra dans sa gloire. A travers des exemples tirés de la vie quotidienne, le Seigneur exhorte ses disciples, c'est-à-dire nous, à vivre dans cette disposition intérieure comme ces serviteurs de la parabole, qui attendent le retour de leur maître. « Bienheureux ces serviteurs, dit-il, que le maître en arrivant trouvera en train de veiller » (Lc 12, 37). Nous devons donc veiller, en priant et en faisant le bien.
Nous sommes tous de passage sur terre, comme nous le rappelle la Lettre aux Hébreux. Elle nous présente Abraham en habit de pèlerin, comme un nomade qui vit sous une tente et s'arrête dans une région étrangère. C'est la foi qui le guide. « Par la foi, écrit l'auteur sacré, Abraham obéit à l'appel de partir vers un pays qu'il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait (He 11, 8). Son véritable but était, en effet, « la ville pourvue de fondations dont Dieu est l'architecte et le constructeur » (11, 10). La ville à laquelle il est fait référence, n'est pas dans ce monde, mais c'est la Jérusalem céleste, le paradis. La première communauté chrétienne était bien consciente de cela, et se considérait ici-bas comme « étrangers et voyageurs » et appelait ses centres d'habitation dans les villes « paroisses », qui signifie précisément colonies d'étrangers [en grec pàroikoi] (cf. 1 P 2, 11). De cette façon, les premiers chrétiens manifestaient la caractéristique la plus importante de l'Eglise, qui est précisément la tension vers le ciel. La liturgie de la Parole de ce jour veut donc nous inviter à penser « à la vie du monde qui viendra » comme nous le répétons chaque fois que nous faisons notre profession de foi à travers le Credo. Une invitation à passer notre existence de façon sage et prévoyante, à considérer attentivement notre destin, c'est-à-dire les réalités que nous appelons ultimes : la mort, le jugement dernier, l'éternité, l'enfer et le paradis. Et ainsi, nous assumons notre responsabilité pour le monde et nous construisons un monde meilleur.
Que la Vierge Marie, qui veille sur nous du ciel, nous aide à ne pas oublier qu'ici, sur terre, nous sommes seulement de passage, et qu'elle nous enseigne à nous préparer à rencontrer Jésus, « assis à la droite de Dieu le Père Tout-Puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts ».
12 août 2007 – Après l’Angelus
Je vous encourage à «rester en tenue de service», vigilants dans l'Espérance, enracinés dans la foi au Christ Sauveur et témoignant de sa charité à tous vos frères.
15 août 2007 – Homélie Messe Solennité de l’Assomption
La femme vêtue de soleil avec la lune sous ses pieds et entourée de douze étoiles. Cette image également revêt plusieurs dimensions. Une première signification est sans aucun doute qu'il s'agit de la Vierge Marie vêtue de soleil, c'est-à dire entièrement de Dieu; Marie qui vit en Dieu, entièrement, entourée et pénétrée de la lumière de Dieu. Entourée de douze étoiles, c'est-à-dire des douze tribus d'Israël, de tout le Peuple de Dieu, de toute la communion des saints, et avec à ses pieds la lune, image de la mort et de la mortalité. Marie a laissé la mort derrière elle; elle est entièrement revêtue de vie, elle est élevée corps et âme dans la gloire de Dieu et ainsi, étant placée dans la gloire, ayant surmonté la mort, elle nous dit: courage, à la fin l'amour est vainqueur! Ma vie consistait à dire: je suis la servante de Dieu, ma vie était le don de moi à Dieu et au prochain. Et cette vie de service débouche à présent dans la vie véritable. Ayez confiance, ayez le courage de vivre ainsi vous aussi, contre toutes les menaces du dragon.
15 août 2007 – Angelus de l’Assomption
Nous célébrons aujourd'hui la solennité de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie. Il s'agit d'une fête ancienne, qui trouve son fondement ultime dans l'Ecriture Sainte : en effet, celle-ci présente la Vierge Marie étroitement unie à son divin Fils et toujours solidaire avec lui. Mère et Fils apparaissent étroitement associés dans la lutte contre l'ennemi infernal jusqu'à la victoire définitive sur lui. Cette victoire s'exprime en particulier dans le dépassement du péché et de la mort, c'est-à-dire dans le dépassement de ces ennemis que saint Paul présente toujours ensemble (cf. Rm 5, 12. 15-21; 1 Co 15, 21-26). C'est pourquoi, de même que la résurrection glorieuse du Christ fut le signe définitif de cette victoire, ainsi, la glorification de Marie, également dans son corps virginal, constitue la confirmation finale de sa pleine solidarité avec le Fils tant dans la lutte que dans la victoire.
16 août 2006 – Audience Générale
Comment faire en sorte alors que ce signe lumineux d'espérance qu’est l’Assomption de Notre-Dame au Ciel, soit perçu toujours plus par nous tous et par la société d'aujourd'hui ? Aujourd'hui, il y a des personnes qui vivent comme si elles ne devaient jamais mourir ou comme si tout devait finir avec la mort ; certains agissent en pensant que l'homme est l'unique artisan de leur destin, comme si Dieu n'existait pas, en arrivant parfois même à nier qu'il y ait une place pour Lui dans notre monde. Les grandes victoires de la technique et de la science, qui ont considérablement amélioré la condition de l'humanité, laissent toutefois sans solution les questions les plus profondes de l'âme humaine. Seule l'ouverture au mystère de Dieu, qui est Amour, peut étancher la soif de vérité et de bonheur de notre coeur; seule la perspective de l'éternité peut conférer une valeur authentique aux événements historiques et surtout au mystère de la fragilité humaine, de la souffrance et de la mort.
En contemplant Marie dans la gloire céleste, nous comprenons que pour nous aussi, la terre n'est pas la patrie définitive et que si nous vivons tournés vers les biens éternels, nous partagerons un jour sa gloire et la terre également deviendra plus belle. C'est pour cela que, même parmi les mille difficultés quotidiennes, nous ne devons pas perdre la sérénité, ni la paix. Le signe lumineux de l'Assomption de la Vierge au ciel resplendit encore plus lorsque semblent s'accumuler à l'horizon des ombres tristes de douleur et de violence. Nous en sommes certains: d'en haut, Marie suit nos pas avec une douce inquiétude, elle nous réconforte à l'heure des ténèbres et de la tempête, elle nous rassure de sa main maternelle. Soutenus par cette conscience, nous poursuivons avec confiance notre chemin d'engagement chrétien là où la Providence nous conduit.
7 septembre 2007 – Rencontre avec les Diplomates, à Vienne, en Autriche
Le débat sur ce qu’on appelle « l’aide active à mourir » constitue aussi pour moi une vive préoccupation. Il est à craindre qu’un jour puisse être exercée une pression non déclarée ou même explicite sur les personnes gravement malades ou âgées pour qu’elles demandent la mort ou pour qu’elles se la donnent elles-mêmes. La réponse juste à la souffrance en fin de vie est une attention pleine d’amour, l’accompagnement vers la mort – en particulier aussi avec l’aide de la médecine palliative – et non une « aide active à mourir ». Pour soutenir un accompagnement humain vers la mort il faudrait mettre en place des réformes structurelles dans tous les domaines du système sanitaire et social, ainsi que des structures d’assistance palliative. Ensuite, il faudrait prendre aussi des mesures concrètes : dans l’accompagnement psychologique et pastoral des personnes gravement malades et des mourants, de leurs parents, des médecins et du personnel soignant. Toutes ces tâches, cependant, ne peuvent leur être déléguées à eux seuls. Beaucoup d’autres personnes doivent être prêtes ou être encouragées à se rendre disponibles, sans regarder au temps ni à la dépense pour se consacrer à l’assistance pleine d’amour aux personnes gravement malades et aux mourants.
21 octobre 2007 – Homélie Messe à Naples
La foi est espérance, elle ouvre la terre à la foi divine, à la force du bien. Ce sont les figures de la veuve que nous rencontrons dans la parabole évangélique et celle de Moïse dont nous parle le livre de l'Exode. La veuve de l'Evangile (cf. Lc 18, 1-8) fait penser aux "petits", aux derniers, mais également à tant de personnes simples et droites, qui souffrent des violences, qui se sentent impuissantes face à la permanence du malaise social et qui sont tentées de se décourager. Jésus répète à celles-ci: observez avec quelle ténacité cette pauvre veuve insiste et obtient à la fin l'attention d'un juge inique! Comment pourriez-vous penser que votre Père céleste, bon et fidèle, et puissant, qui ne désire que le bien de ses enfants, ne vous rende pas justice le moment venu? La foi nous assure que Dieu écoute notre prière et nous exauce au moment opportun, même si l'expérience quotidienne semble démentir cette certitude. En effet, devant certains faits divers ou les nombreuses difficultés quotidiennes de la vie, dont les journaux ne parlent même pas, s'élève spontanément de notre c½ur la supplique de l'antique prophète: "Jusques à quand, Yahvé, appellerai-je au secours sans que tu écoutes, crierai-je vers toi: "A la violence!" sans que tu sauves?" (Ha 1, 2). Il n'y a qu'une seule réponse à cette invocation angoissée: Dieu ne peut pas changer les choses sans notre conversion, et notre véritable conversion commence avec le "cri" de l'âme, qui implore le pardon et le salut. La prière chrétienne n'est donc pas l'expression du fatalisme et de l'inertie, elle est même le contraire d'une fuite de la réalité, d'un intimisme consolateur: elle est une force d'espérance, la plus haute expression de la foi dans la puissance de Dieu qui est Amour et qui ne nous abandonne pas. La prière que Jésus nous a enseignée, qui a atteint son sommet au Gethsémani, possède le caractère de la "compétition", c'est-à-dire de la lutte, car elle se range de manière décidée aux côtés du Seigneur pour combattre l'injustice et vaincre le mal par le bien; elle est l'arme des petits et des pauvres d'esprit, qui refusent tout type de violence. Ils répondent même à celle-ci par la non violence évangélique, en témoignant ainsi que la vérité de l'Amour est plus forte que la haine et que la mort.
1er novembre 2007 - Angelus
C'est avec sagesse que l'Eglise a placé en étroite succession la fête de la Toussaint et la Commémoration de tous les fidèles défunts. A notre prière de louange à Dieu et de vénération des esprits bienheureux, que la liturgie nous présente aujourd'hui comme « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues » (Ap 7, 9), s'unit la prière d'intention pour ceux qui nous ont précédés dans le passage de ce monde à la vie éternelle. Demain, nous consacrerons de manière particulière notre prière à ces derniers et nous célébrerons le sacrifice eucharistique pour eux. En vérité, l'Eglise nous invite chaque jour à prier pour eux, en offrant également les souffrances et les difficultés quotidiennes afin que, complètement purifiés, ils soient admis à jouir pour l'éternité de la lumière et de la paix du Seigneur.
Au centre de l'assemblée des saints, resplendit la Vierge Marie, « humble et plus élevée que toute créature » (Dante, Paradis, XXXIII, 2). En mettant notre main dans la sienne, nous nous sentons incités à marcher avec plus d'élan sur le chemin de la sainteté. Nous lui confions notre engagement quotidien et nous la prions aujourd'hui également pour nos chers défunts, avec l'intime espérance de nous retrouver un jour tous ensemble, dans la communion glorieuse des saints.
5 novembre 2007 – Homélie Messe cardinaux et Evêques défunts
Après avoir commémoré tous les fidèles défunts lors de leur fête liturgique, nous nous retrouvons, selon la tradition, dans cette Basilique vaticane pour offrir le Sacrifice eucharistique à l'intention des Cardinaux et des Evêques qui, au cours de l'année, appelés par le Seigneur, ont quitté ce monde. Je rappelle avec une affection fraternelle les noms des regrettés prélats: Salvatore Pappalardo, Frédéric Etsou-Nzabi Bamungwabi, Antonio María Javierre, Angelo Felici, Jean-Marie Lustiger, Edouard Gagnon, Adam Kozlowiecki et Rosalio José Castillo Lara. En pensant à la personne et au ministère de chacun d'eux, malgré la douleur de la séparation, nous élevons à Dieu une sincère action de grâce pour le don qu'Il a fait à l'Eglise à travers eux et pour tout le bien qu'ils ont pu accomplir avec son aide. Nous confions également au Père éternel les Patriarches, les Archevêques et les Evêques défunts, en exprimant aussi pour eux notre reconnaissance au nom de la communauté catholique tout entière.
La prière d'intention de l'Eglise s'"appuie", pour ainsi dire, sur la prière de Jésus lui-même, que nous avons écoutée dans le passage évangélique: "Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi" (Jn 17, 24). Jésus se réfère à ses disciples, en particulier aux Apôtres, qui sont à ses côtés au cours de la dernière Cène. Mais la prière du Seigneur s'étend à tous les disciples de tous les temps. En effet, il avait dit peu auparavant: "Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi" (Jn 17, 20). Et s'il demandait à cette occasion qu'ils soient "un... pour que le monde croie" (v. 21), nous pouvons également comprendre ici qu'Il demande au Père de pouvoir avoir avec lui, dans la demeure de sa gloire éternelle, tous les disciples morts sous le signe de la foi.
"Ceux que tu m'as donnés...": il s'agit d'une belle définition du chrétien comme tel, mais on peut bien sûr l'appliquer de manière particulière à ceux que Dieu le Père a élus parmi les fidèles pour les destiner à suivre de plus près son Fils. En ce moment, à la lumière de ces paroles du Seigneur, notre pensée va, en particulier, vers les Vénérés frères pour lesquels nous offrons cette Eucharistie. Ce sont des hommes que le Père "a donnés" au Christ. Il les a enlevés du monde, ce "monde" qui "ne l'a pas reconnu" (Jn 17, 25), et il les a appelés à devenir des amis de Jésus. Cela a été la grâce la plus précieuse de toute leur vie. Ils ont bien sûr été des hommes avec des caractéristiques différentes, que ce soit en raison de leur parcours personnel ou du ministère qu'ils ont exercé; ils ont cependant tous eu en commun la chose la plus grande: l'amitié avec le Seigneur Jésus. Ils l'ont reçue en héritage sur la terre, en tant que prêtres, et à présent, au-delà de la mort, ils partagent dans les cieux cet "héritage qui ne connaît ni destruction, ni souillure" (1 P 1, 4). Au cours de son existence temporelle, Jésus leur a fait connaître le nom de Dieu, en les admettant à participer à l'amour de la Très Sainte Trinité. L'amour du Père pour le Fils est entré en eux, et ainsi, la personne même du Fils, en vertu de l'Esprit Saint, est demeurée en chacun d'eux (cf. Jn 17, 26): une expérience de communion divine qui tend, par sa nature, à occuper l'existence entière, pour la transfigurer et la préparer à la gloire de la vie éternelle.
Il est réconfortant et salutaire, dans la prière pour les défunts, de méditer sur la confiance de Jésus envers son Père et de se laisser ainsi envelopper par la lumière sereine de cet abandon absolu du Fils à la volonté de son "Abbà". Jésus sait que le Père est toujours avec Lui (cf. Jn 8, 29); qu'ensemble, ils ne font qu'un (cf. Jn 10, 30). Il sait que sa propre mort doit être un "baptême", c'est-à-dire une immersion dans l'amour de Dieu (cf. Lc 12, 50), et il va vers celle-ci certain que le Père réalisera en Lui l'antique prophétie, que nous avons écoutée aujourd'hui dans la première Lecture biblique: "après deux jours il nous fera revivre, / le troisième jour il nous relèvera / et nous vivrons en sa présence" (Os 6, 2). Cet oracle du prophète Osée se réfère au peuple d'Israël et exprime la confiance dans l'assistance du Seigneur: une confiance que le peuple n'a malheureusement parfois pas méritée, en raison de son inconstance et de sa superficialité, allant jusqu'à abuser de la bienveillance divine. En la Personne de Jésus, en revanche, l'amour pour Dieu le Père devient pleinement sincère, authentique, fidèle. Il assume en lui toute la réalité de l'antique Israël et la conduit à son accomplissement. Le "nous" du peuple se concentre dans le "moi" de Jésus, en particulier dans ses annonces répétées de la passion, de la mort et de la résurrection, lorsqu'il révèle ouvertement aux disciples ce qui l'attend à Jérusalem: il devra être refusé par les chefs, arrêté, condamné à mort et crucifié, et le troisième jour ressusciter (cf. Mt 16, 21). Cette confiance singulière du Christ nous a été transmise à travers le don de l'Esprit Saint à l'Eglise, dans laquelle nous sommes entrés avec le Sacrement du Baptême. Le "moi" de Jésus devient un nouveau "nous", le "nous" de son Eglise, lorsqu'il se communique à ceux qui sont incorporés à Lui dans le Baptême. Et cette identification est renforcée chez ceux qui, en raison d'un appel spécial du Seigneur, ont été configurés à Lui dans l'Ordre Saint.
Le Psaume responsorial a placé sur nos lèvres le souhait poignant d'un lévite qui, loin de Jérusalem et du Temple, désire y retourner pour être à nouveau aux côtés du Seigneur (cf. Ps 41, 1-3). "Mon âme a soif de Dieu, / le Dieu vivant; quand pourrai-je m'avancer, paraître face à Dieu?" (Ps 42/41, 3). Cette soif contient une vérité qui ne trahit pas, une espérance qui ne déçoit pas. C'est une soif qui, même à travers la nuit la plus obscure, illumine le chemin vers la source de la vie, comme l'a chanté avec des expressions admirables saint Jean de la Croix. Le Psalmiste laisse place aux plaintes de l'âme, mais au centre et à la fin de son admirable hymne, il place un refrain plein de confiance: "Pourquoi t'attristes-tu, mon âme, / pourquoi gémis-tu sur moi? / Espère en Dieu: je pourrai encore le louer, / lui, salut de ma face et mon Dieu" (v. 6). Dans la lumière du Christ et de son mystère pascal, ces paroles révèlent toute leur merveilleuse vérité: la mort elle-même ne peut rendre vaine l'espérance du croyant, car le Christ est entré pour nous dans le sanctuaire du croyant, car le Christ est entré pour nous dans le sanctuaire du ciel, et il veut nous conduire en ce lieu, après nous y avoir préparé une place (cf. Jn 14, 1-3).
C'est avec cette foi et cette espérance que nos chers frères défunts ont récité à d'innombrables reprises ce Psaume. En tant que prêtres, ils ont fait l'expérience de tout son retentissement existentiel, en prenant également sur eux les accusations et les dérisions de ceux qui disent aux croyants dans l'épreuve: "Où est ton Dieu?". A présent, au terme de leur exil terrestre, ils sont arrivés dans leur patrie. En suivant la voie tracée par leur Seigneur Ressuscité, ils ne sont pas entrés dans un temple fait par des mains d'hommes, mais dans le ciel même (cf. He 9, 24). Là, avec la Bienheureuse Vierge Marie, et avec tous les saints, puissent-ils contempler finalement - telle est notre prière - la face de Dieu et chanter pour l'éternité ses louanges. Amen!
2008
28 janvier 2008 – Aux participants d’un Congrès sur « L’identité changeante de l’individu ».
L’homme est toujours au-delà de ce que l’on en voit ou de ce que l’on en perçoit par l’expérience. Négliger le questionnement sur l’être de l’homme conduit inévitablement à refuser de rechercher la vérité objective sur l’être dans son intégralité et, de ce fait, à ne plus être capable de reconnaître le fondement sur lequel repose la dignité de l’homme, de tout homme, depuis la période embryonnaire jusqu’à sa mort naturelle.
25 février 2008 – Au Congrès de l’Académie Pontificale pour la Vie
Avec la mort, l'existence terrestre trouve sa fin, mais à travers la mort s'ouvre également, pour chacun de nous, au delà du temps, la vie pleine et définitive. Le Seigneur de la vie est présent aux côtés du malade comme Celui qui vit et donne la vie, Celui qui a dit: "Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on l'ait surabondante." (Jn 10, 10), "Je suis la Résurrection et la Vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra" (Jn 11, 25) et "je le ressusciterai au dernier jour" (Jn 6, 54). Dans ce moment solennel et sacré, tous les efforts faits dans l'espérance chrétienne pour nous améliorer ainsi que le monde qui nous est confié, purifiés par la Grâce, trouvent leur sens et s'enrichissent grâce à l'amour de Dieu Créateur et Père. Quand, au moment de la mort, la relation avec Dieu se réalise pleinement dans la rencontre avec "Celui qui ne meurt pas, qui est Lui-même la Vie et l'Amour, alors nous sommes dans la vie. Alors "nous vivons"" (Benoît XVI, Spe Salvi, n. 27). Pour la communauté des croyants, cette rencontre de la personne en fin de vie avec la Source de la Vie et de l'Amour représente un don qui a une valeur pour tous, qui enrichit la communion de tous les fidèles. Comme tel, cela doit retenir l'attention et la participation de la communauté, non seulement de la famille des parents proches, mais, dans les limites et dans les formes possibles, de toute la communauté qui a été liée à la personne mourante. Aucun croyant ne devrait mourir dans la solitude et dans l'abandon. Mère Teresa de Calcutta recueillait avec une attention particulière les pauvres et les personnes abandonnées, pour qu'au moins, au moment de la mort, ils puissent ressentir, dans le réconfort de leurs s½urs et de leurs frères, la chaleur du Père.
L'effort synergique de la société civile et de la communauté des croyants doit viser à obtenir que tout le monde puisse non seulement vivre en restant digne et responsable, mais aussi traverser le moment de l'épreuve et de la mort dans la situation la meilleure de fraternité et de solidarité, même là où la mort survient dans une famille pauvre ou sur un lit d'hôpital. L'Eglise, avec ses institutions déjà en place et de nouvelles initiatives, est appelée à offrir le témoignage de la charité active, spécialement envers les situations critiques de personnes non autonomes et privées de soutiens familiaux, et envers les malades graves nécessitant des soins palliatifs, en plus d'une assistance religieuse appropriée. D'une part, la mobilisation spirituelle des communautés paroissiales et diocésaines et, de l'autre, la création ou la qualification des structures dépendantes de l'Eglise, pourront animer et sensibiliser tout le milieu social, pour qu'à chaque homme qui souffre et en particulier au moment de la mort, soit offerte et témoignée la solidarité et la charité. La société, de son côté, ne peut manquer d'assurer le soutien dû aux familles qui envisagent de recueillir chez elles, pour des périodes parfois longues, des malades atteints de pathologies dégénératives (tumorales, neuro-dégénératives, etc.) ou nécessitant une assistance particulièrement lourde. Nous demandons d'une manière particulière le concours de toutes les forces vives et responsables de la société pour ces institutions d'assistance spécifique qui mobilisent un personnel nombreux et spécialisé et des équipements particulièrement onéreux. C'est surtout dans ces domaines que la synergie entre l'Eglise et les Institutions peut se révéler particulièrement précieuse pour assurer l'aide nécessaire à la vie humaine dans ses moments de fragilité
9 juin 2008 – Au Congrès du Diocèse de Rome
Je souhaite souligner cette attitude et ce style avec lesquels celui qui place avant tout son espérance en Dieu travaille et s'engage. C'est en premier lieu une attitude d'humilité, qui ne prétend pas toujours réussir, ou être en mesure de résoudre tous les problèmes avec ses propres forces. Mais c'est également, et pour la même raison, une attitude de grande confiance, de ténacité et de courage: le croyant sait en effet que, malgré toutes les difficultés et les échecs, sa vie, son travail et l'histoire dans son ensemble sont protégés par le pouvoir indestructible de l'amour de Dieu; qu'ils ne sont jamais pour cela sans fruit et vides de sens. Dans cette perspective, nous pouvons comprendre plus facilement que l'espérance chrétienne vit également dans la souffrance, et même, que c'est justement la souffrance qui éduque et fortifie de manière particulière notre espérance. Nous devons certainement "faire tout ce qui est possible pour atténuer la souffrance: empêcher, dans la mesure où cela est possible, la souffrance des innocents; calmer les douleurs; aider à surmonter les souffrances psychiques" (Spe salvi, n. 36) et de grands progrès ont été effectivement réalisés, en particulier dans la lutte contre la douleur physique. Nous ne pouvons cependant éliminer complètement la souffrance du monde, parce qu'il n'est pas en notre pouvoir d'en tarir les sources: la finitude de notre être et le pouvoir du mal et de la faute. De fait, la souffrance des innocents ainsi que les malaises psychiques tendent malheureusement à s'accroître dans le monde. En réalité, l'expérience humaine d'aujourd'hui et de toujours, en particulier l'expérience des saints et des martyrs, confirme la grande vérité chrétienne que ce n'est pas la fuite face à la douleur qui guérit l'homme, mais la capacité à accepter ses souffrances et de grandir en elles, en y trouvant un sens à travers l'union au Christ. C'est dans notre rapport avec la souffrance et avec les personnes souffrantes que se détermine la mesure de notre humanité, pour chacun de nous comme pour la société dans laquelle nous vivons. C'est à la foi chrétienne que revient le mérite historique d'avoir suscité en l'homme, d'une manière nouvelle et à une profondeur nouvelle, la capacité de partager intérieurement la souffrance même de l'autre, qui n'est ainsi plus seul dans sa souffrance, et également de souffrir par amour du bien, de la vérité et de la justice: tout cela est bien au delà de nos forces, mais devient possible à partir du compatir de Dieu par amour de l'homme dans la passion du Christ.
Eduquons-nous chaque jour à l'espérance qui fait grandir dans la souffrance. Nous sommes appelés à le faire en premier lieu quand nous sommes personnellement touchés par une maladie grave ou par quelque autre dure épreuve. Mais nous grandirons également dans l'espérance à travers l'aide concrète et la proximité quotidienne à la souffrance des personnes qui nous sont proches ainsi que de notre famille comme de toute autre personne qui est notre prochain, parce que nous l'abordons dans une attitude d'amour. Et encore, nous apprenons à offrir à Dieu riche de miséricorde les petites peines de l'existence quotidienne, en les insérant humblement dans le grand "compatir" de Jésus, dans ce trésor de compassion dont a besoin le genre humain. L'espérance des croyants dans le Christ ne peut, de toutes façons, s'arrêter à ce monde-ci, mais est intrinsèquement orienté vers la communion entière et éternelle avec le Seigneur. C'est pour cela qu'à la fin de mon Encyclique je me suis arrêté sur le Jugement de Dieu comme lieu d'apprentissage et d'exercice de l'espérance. J'ai ainsi tenté, en quelque sorte, de rendre de nouveau familier et compréhensible à l'humanité et à la culture de notre époque le salut qui nous est promis dans le monde au delà de la mort, même si nous ne pouvons pas avoir ici-bas de véritable et propre expérience de ce monde. Pour rendre ses vraies dimensions et sa motivation décisive à l'éducation à l'espérance, nous tous, devons remettre au centre de la proposition de la foi cette grande vérité, qui a ses "prémices" en Jésus Christ ressuscité d'entre les morts (cf. 1 Co 15, 20-23).
17 juillet 2008 – Accueil des jeunes à Sydney
Nous sommes appelés à nous immerger dans l’amour salvifique du Christ qui triomphe du mal et de la mort.
La création de Dieu est unique et elle est bonne. Les préoccupations au sujet de la non-violence, du développement durable, de la justice et de la paix, de la protection de notre environnement sont d’une importance vitale pour l’humanité. Tout cela, cependant, ne peut être compris sans une profonde réflexion sur la dignité innée de toute vie humaine, de la conception jusqu’à la mort naturelle, dignité qui est conférée par Dieu lui-même et qui est, par conséquent, inviolable. Notre monde en a assez de l’avidité, de l’exploitation et de la division, de l’ennui des fausses idoles et des réponses partielles, ainsi que des fausses promesses. Notre c½ur et notre esprit aspirent à une vision de la vie où règne l’amour, où les dons sont partagés, où l’unité se construit, où la liberté trouve sa propre signification dans la vérité, et où l’identité se trouve dans une communion respectueuse.
13 août 2008 – Audience Générale
Celui qui prie ne perd jamais l'espérance, même lorsqu'il en vient à se trouver dans des situations difficiles voire humainement désespérées. C'est ce que nous enseigne la Sainte Ecriture et ce dont témoigne l'histoire de l'Eglise. Combien d'exemples, en effet, pourrions nous apporter de situations où ce fut véritablement la prière qui soutint le chemin des saints et du peuple chrétien! Parmi les témoignages de notre époque je voudrais citer celui de deux saints dont nous célébrons ces jours-ci la mémoire: Thérèse Bénédicte de la Croix, Edith Stein, dont nous avons célébré la fête le 9 août, et Maximilien Marie Kolbe, que nous célébrerons demain, 14 août, veille de la solennité de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie. Tous deux ont conclu leur vie terrestre par le martyre dans le camp d'Auschwitz. Apparemment leurs existences pourraient être considérées comme un échec, mais c'est précisément dans leur martyre que resplendit l'éclair de l'Amour, qui vainc les ténèbres de l'égoïsme et de la haine. A saint Maximilien Kolbe sont attribuées les paroles suivantes qu'il aurait prononcées en pleine fureur de la persécution nazie: "La haine n'est pas une force créatrice: seul l'amour en est une". Et il apporta une preuve héroïque de l'amour en s'offrant généreusement en échange de l'un de ses compagnons de prison, une offrande qui culmina par sa mort dans le bunker de la faim, le 14 août 1941.
Edith Stein, le 6 août de l'année suivante, à trois jours de sa fin dramatique, approchant des cons½urs du monastère de Echt, en Hollande, leur dit: "Je suis prête à tout. Jésus est ici aussi au milieu de nous, jusqu'à présent j'ai pu très bien prier et j'ai dit de tout mon c½ur: "Ave, Crux, spes unica"". Des témoins qui parvinrent à échapper à l'horrible massacre racontèrent que Thérèse Bénédicte de la Croix, tandis qu'elle revêtait l'habit carmélitain, avançait consciemment vers sa mort, elle se distinguait par son comportement empli de paix, par son attitude sereine et par des manières calmes et attentives aux nécessités de tous. La prière fut le secret de cette sainte copatronne de l'Europe, qui "même après être parvenue à la vérité dans la paix de la vie contemplative, dut vivre jusqu'au bout le mystère de la Croix" (Lettre apostolique Spes aedificandi, Enseignements de Jean-Paul II, XX, 2, 1999, p. 511).
"Ave Maria!": ce fut la dernière invocation sur les lèvres de saint Maximilien Marie Kolbe tandis qu'il tendait le bras à celui qui le tuait par une injection d'acide phénique. Il est émouvant de constater comment le recours humble et confiant à la Vierge est toujours une source de courage et de sérénité. Alors que nous nous préparons à célébrer la solennité de l'Assomption, qui est l'une des célébrations mariales les plus chères à la tradition chrétienne, nous renouvelons notre consécration à Celle qui depuis le Ciel veille à tout instant sur nous avec un amour maternel. Tel est en effet ce que nous disons dans la prière familière du "Je vous salue Marie", en lui demandant de prier pour nous "aujourd'hui et à l'heure de notre mort".
3 novembre 2008 – Homélie Messe cardinaux et Eveques défunts
Au lendemain de la commémoration de tous les fidèles défunts, nous nous réunissons aujourd'hui, suivant une belle tradition, pour célébrer le sacrifice eucharistique en hommage à nos frères cardinaux et évêques qui ont quitté ce monde au cours de cette année. Notre prière est animée et confortée par le mystère de la communauté des saints, mystère que, ces derniers jours, nous avons de nouveau contemplé dans l'intention de le comprendre, de l'accueillir et de le vivre de manière toujours plus intense.
Dans cette communion, nous rappelons avec une grande affection Messieurs les cardinaux Stephen Fumio Hamao, Alfons Maria Stickler, Aloisio Lorscheider, Peter Porekuu Dery, Adolfo Antonio Suárez Rivera, Ernesto Corripio Ahumada, Alfonso López Trujillo, Bernardin Gantin, Antonio Innocenti et Antonio José González Zumárraga. Nous les croyons et les pensons vivants dans le Dieu des vivants. Et avec eux nous rappelons également chacun des archevêques et des évêques qui, ces douze derniers mois, sont passés de ce monde à la Maison du Père. Pour chacun d'eux, nous voulons prier, en laissant notre esprit et notre c½ur être illuminés par la Parole de Dieu que nous venons à peine d'écouter.
La première lecture - un extrait du Livre de la Sagesse (4, 7-15) - nous a rappelé que l'âge vraiment vénérable n'est pas seulement le grand âge, mais la sagesse et une existence pure, sans malice. Et si le Seigneur appelle à lui un juste prématurément, c'est qu'il a pour lui un dessein de prédilection qui nous est inconnu: la mort prématurée d'une personne qui nous est chère devient une invitation à ne pas nous attarder à vivre de manière médiocre, mais à tendre au plus vite à la plénitude de la vie. Il y a, dans le texte de la Sagesse, une veine de paradoxe que nous retrouvons également dans le passage évangélique (Mt 11, 25-30). Une opposition ressort des deux lectures entre ce qui apparaît superficiel au regard des hommes et ce que voient en revanche les yeux de Dieu. Le monde considère comme chanceux celui qui vit longtemps, mais Dieu, plus que l'âge, regarde la rectitude du c½ur. Le monde donne du crédit aux "sages" et aux "savants" quand Dieu préfère les "petits". L'enseignement général qui en découle est que la réalité a deux dimensions: une plus profonde, vraie et éternelle, l'autre marquée par la finitude, l'éphémère et l'apparence. A ce point, il est important de préciser que ces deux dimensions ne se succèdent pas dans le temps, comme si la vie véritable ne commençait qu'après la mort. En réalité, la vie véritable, la vie éternelle commence déjà dans ce monde, dans la précarité des vicissitudes de l'histoire; la vie éternelle débute dans la mesure où nous nous ouvrons au mystère de Dieu et que nous l'accueillons parmi nous. Dieu est le Seigneur de la vie et en Lui, "nous avons la vie, le mouvement et l'être" (Ac 17, 28), comme le dit saint Paul à l'Aréopage d'Athènes.
Dieu est la vraie sagesse qui ne vieillit pas, il est la richesse authentique qui ne dépérit pas, il est le bonheur auquel le c½ur de tout homme aspire en profondeur. Cette vérité qui traverse les Livres de la Sagesse et réapparaît dans le Nouveau Testament, trouve son accomplissement dans l'existence et dans l'enseignement de Jésus. Dans la perspective de la sagesse évangélique, la mort elle-même est porteuse d'un enseignement salutaire, parce qu'elle nous contraint à regarder la réalité en face; elle nous pousse à reconnaître la caducité de ce qui apparaît grand et fort aux yeux du monde. Face à la mort, tout motif d'orgueil humain perd de son intérêt et ressort en revanche ce qui a véritablement un prix. Tout se termine, nous sommes tous de passage en ce monde. Seul Dieu a la vie en lui, est la vie. La nôtre est une vie de participation, donée "ab alio", aussi un homme ne peut-il arriver à la vie éternelle que grâce à la relation particulière que lui a donnée son Créateur. Mais Dieu, voyant l'homme s'éloigner de Lui, a fait un pas en avant, a créé une nouvelle relation entre Lui et nous, dont nous parle la seconde lecture de la Liturgie d'aujourd'hui. Lui, le Christ "a donné sa vie pour nous" (1 Jn 3, 16).
Si Dieu - écrit saint Jean - nous a aimé gratuitement, nous aussi pouvons, et donc devons, nous laisser impliquer par ce mouvement oblatif, et faire de nous-mêmes un don gratuit pour les autres. De cette manière, nous connaissons Dieu comme il nous connaît; de cette manière, nous demeurons en Lui comme il a voulu demeurer en nous, et nous passons de la mort à la vie (cf. 1 Jn 3, 14) comme Jésus Christ, qui a vaincu la mort par sa résurrection, grâce à la puissance glorieuse de l'amour du Père céleste.
Chers frères et s½urs, cette Parole de vie et d'espérance nous est d'un grand réconfort devant le mystère de la mort, surtout quand il touche les personnes qui nous sont les plus chères. Le Seigneur nous assure aujourd'hui que nos regrettés frères, pour qui nous prions lors de cette messe, sont passés de la mort à la vie parce qu'ils ont choisi le Christ, ils en ont accueilli le joug aisé (cf. Mt 11, 29) et se sont consacrés au service des leurs frères. Aussi, même s'ils doivent expier leur part des peines dues à la fragilité humaine - qui nous marque tous, nous aidant à rester humbles -, leur fidélité au Christ leur permet d'entrer dans la liberté des enfants de Dieu. Si donc nous sommes tristes d'avoir dû nous détacher d'eux, et si nous ressentons toujours leur absence, la foi nous remplit d'une assurance intime à l'idée que, comme cela fut pour le Seigneur Jésus, et toujours grâce à lui, la mort n'a plus de pouvoir sur eux (cf. Rm 6, 9). En passant, dans cette vie, par le C½ur miséricordieux du Christ, ils ont "trouv[é] le repos" (Sg 4, 7). Et nous avons maintenant plaisir à les imaginer en compagnie des saints, finalement soulagés des amertumes de cette vie, et nous ressentons nous aussi le désir de pouvoir les rejoindre un jour en si heureuse compagnie.
Dans le Psaume responsorial, nous avons répété ces paroles réconfortantes: "Oui, grâce et bonheur me pressent / tous les jours de ma vie; / ma demeure est la maison de Yahvé / en la longueur des jours" (Ps 23[22], 6). Oui, nous aimons espérer que le Bon Pasteur a accueilli nos frères, pour qui nous célébrons le Sacrifice divin, au crépuscule de leur journée terrestre et les a introduits dans sa bienheureuse intimité. L'onction - à laquelle le Psaume fait référence (v. 5) - a été posée trois fois sur leur front et une fois sur leurs mains; la coupe (ibid.) glorieuse de Jésus Prêtre est aussi devenue leur coupe, qu'ils ont levé jour après jour, en louant le nom du Seigneur. Ils ont rejoint les pâturages du ciel, où les signes ont laissé place à la réalité.
Chers frères et s½urs, unissons notre prière commune et élevons-la au Père de toutes bonté et miséricorde afin que, par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, la rencontre avec le feu de son amour purifie rapidement nos amis défunts de toute imperfection et les transforme en louange de sa gloire. Prions également pour que nous, pèlerins sur la terre, conservions toujours le regard et le c½ur tournés vers le but ultime auquel nous aspirons, la Maison du Père, le Ciel. Ainsi soit-il!
30 novembre 2008 – Homélie de la Messe à la Basilique St Laurent Hors les Murs
Chers frères et s½urs, la pensée de la présence du Christ et de son retour certain à l'accomplissement des temps est plus que jamais significative dans votre Basilique qui jouxte le magistral cimetière du Verano, où reposent, dans l'attente de la Résurrection, un grand nombre de nos défunts. Combien de fois dans ce temple sont célébrées des liturgies d'obsèques; combien de fois retentissent pleines de réconfort les paroles de la liturgie: "Dans le Christ ton Fils, notre Sauveur, resplendit devant nous l'espérance de la bienheureuse résurrection, et si la certitude de devoir mourir nous attriste, nous sommes réconfortés par la promesse de l'immortalité future!" (cf. Préface des défunts, I).
2009
11 février 2009 – A l’issue de la Messe pour les malades, Basilique Saint Pierre
Cette journée invite à faire sentir avec une plus grande intensité aux malades la proximité spirituelle de l'Eglise, qui, comme je l'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est, est la famille de Dieu dans le monde, à l'intérieur de laquelle personne ne doit souffrir du manque du nécessaire, et surtout du manque d'amour (cf. n. 25 b). Dans le même temps, nous avons aujourd'hui l'opportunité de réfléchir sur l'expérience de la maladie, de la douleur et, plus en général, sur le sens de la vie à réaliser pleinement, même lorsqu'on est malade. Dans le message pour la célébration d'aujourd'hui, j'ai voulu placer au premier plan les enfants malades, qui sont les créatures les plus faibles et sans défense. C'est vrai! Si l'on reste déjà sans paroles devant un adulte qui souffre, que dire lorsque le mal frappe un petit innocent? Comment percevoir, également dans des situations aussi difficiles, l'amour miséricordieux de Dieu, qui n'abandonne jamais ses enfants dans l'épreuve?
Ce sont des interrogations fréquentes et parfois inquiétantes, qui en vérité sur le plan simplement humain ne trouvent pas de réponses adaptées, car la douleur, la maladie et la mort demeurent, dans leur signification, insondables pour notre esprit. La lumière de la foi nous vient cependant en aide. La Parole de Dieu nous révèle que ces maux aussi sont mystérieusement "embrassés" par le dessein divin de salut; la foi nous aide à considérer la vie humaine belle et digne d'être vécue en plénitude, même lorsqu'elle est affaiblie par le mal. Dieu a créé l'homme pour le bonheur et pour la vie, alors que la maladie et la mort sont entrées dans le monde comme conséquence du péché. Mais le Seigneur ne nous a pas abandonnés à nous-mêmes; Lui, le Père de la vie, est le médecin par excellence de l'homme et il ne cesse de se pencher avec amour sur l'humanité qui souffre. L'Evangile montre Jésus qui "chasse les esprits par sa parole et guérit tous les malades" (Mt 8, 16), indiquant la voie de la conversion et de la foi comme conditions pour obtenir la guérison du corps et de l'esprit, qui est la guérison toujours voulue par le Seigneur. C'est la guérison intégrale, du corps et de l'âme, c'est pourquoi elle chasse les esprits par sa parole. Sa parole est parole d'amour, parole purificatrice: elle chasse les esprits de la peur, de la solitude, de l'opposition à Dieu, pour purifier ainsi notre âme et lui donner la paix intérieure. Ainsi, il nous donne l'esprit de l'amour et la guérison qui naît de l'intérieur même. Mais Jésus n'a pas seulement parlé; il est Parole incarnée. Il a souffert avec nous, et est mort. Avec sa passion et sa mort, Il a assumé et transformé jusqu'au bout notre faiblesse. Voilà pourquoi - selon ce qu'a écrit le serviteur de Dieu Jean-Paul II dans la Lettre apostolique Salvifici doloris - "souffrir signifie devenir particulièrement réceptif, particulièrement ouvert à l'action des forces salvifiques de Dieu, offertes à l'humanité dans le Christ" (n. 23).
Chers frères et s½urs, nous nous rendons compte toujours davantage que la vie de l'homme n'est pas un bien disponible, mais un écrin précieux à conserver et à soigner avec toutes les attentions possibles, de ses débuts jusqu'à sa fin ultime et naturelle. La vie est un mystère qui en soi exige responsabilité, amour, patience, charité, de la part de tous et de chacun. Il est encore plus nécessaire d'entourer d'attentions et de respect ceux qui sont malades et qui souffrent. Cela n'est pas toujours facile; nous savons cependant où pouvoir puiser le courage et la patience pour affronter les vicissitudes de l'existence terrestre, en particulier les maladies et tous types de souffrance. Pour nous chrétiens, c'est dans le Christ que se trouve la réponse à l'énigme de la douleur et de la mort. La participation à la Messe, comme vous venez de la vivre, nous plonge dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. Chaque célébration eucharistique est le mémorial éternel du Christ crucifié et ressuscité, qui a vaincu le pouvoir du mal avec la toute-puissance de son amour. C'est donc à l'"école" du Christ eucharistique qu'il nous est donné d'apprendre à toujours aimer la vie et à accepter notre impuissance apparente face à la maladie et à la mort.
Mon vénéré et bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II a voulu que la Journée mondiale du malade coïncide avec la fête de la Vierge Immaculée de Lourdes. En ce lieu sacré, notre Mère céleste est venue nous rappeler que nous ne sommes que de passage sur cette terre et que la véritable demeure définitive de l'homme est le Ciel. Nous devons tous tendre vers cet objectif. Que la lumière qui vient "d'en-Haut" nous aide à comprendre et à donner un sens et une valeur également à l'expérience de la souffrance et de la mort.
2010
18 février 2010 – Rencontre avec les prêtres de Rome
« Ayant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications » (He 5, 7). Il ne s'agit pas seulement d'une mention de l'heure de l'angoisse sur le Mont des Oliviers, mais c'est un résumé de toute l'histoire de la passion, qui embrasse toute la vie de Jésus. Des larmes: Jésus pleurait devant la tombe de Lazare, il était réellement touché intérieurement par le mystère de la mort, par la terreur de la mort. Des personnes perdent leur frère, comme dans ce cas, leur mère et leur fils, leur ami: tout l'aspect terrible de la mort, qui détruit l'amour, qui détruit les relations, qui est un signe de notre finitude, de notre pauvreté. Jésus est mis à l'épreuve et il se confronte jusqu'au plus profond de son âme avec ce mystère, avec cette tristesse qui est la mort, et il pleure. Il pleure devant Jérusalem, en voyant la destruction de cette belle cité à cause de la désobéissance; il pleure en voyant toutes les destructions de l'histoire dans le monde; il pleure en voyant que les hommes se détruisent eux-mêmes, ainsi que leurs villes dans la violence, dans la désobéissance.
Jésus pleure, en poussant de grands cris. Les Evangiles nous disent que Jésus a crié de la Croix, il a crié: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? » (Mc 15, 34; cf. Mt 27, 46) et, à la fin, il a crié encore une fois. Et ce cri répond à une dimension fondamentale des Psaumes: dans les moments terribles de la vie humaine, de nombreux Psaumes constituent un cri puissant vers Dieu: « Aide-nous, écoute-nous! » Précisément aujourd'hui, dans le bréviaire, nous avons prié dans ce sens: Où es-tu Dieu? « Tu nous traites en bétail de boucherie » (Ps 44, 12). Un cri de l'humanité qui souffre! Et Jésus, qui est le véritable sujet des Psaumes, apporte réellement ce cri de l'humanité à Dieu, aux oreilles de Dieu: « Aide-nous et écoute-nous! ». Il transforme toute la souffrance humaine, en l'assumant en lui-même, en un cri aux oreilles de Dieu.
Et ainsi, nous voyons que précisément de cette manière se réalise le sacerdoce, la fonction du médiateur, en transportant en soi, en assumant en soi la souffrance et la passion du monde, en la transformant en cri vers Dieu, en l'apportant devant les yeux et entre les mains de Dieu, et en l'apportant réellement ainsi au moment de la Rédemption.
En réalité, la Lettre aux Hébreux dit qu'« il offrit des implorations et des supplications », « une clameur et des larmes » (5, 7). C'est une juste traduction du verbe prosphèrein, qui est une parole cultuelle et qui exprime l'acte de l'offrande des dons humains à Dieu, qui exprime précisément l'acte de l'offertoire, du sacrifice. Ainsi, avec ce terme cultuel appliqué aux prières et aux larmes du Christ, elle démontre que les larmes du Christ, l'angoisse du Mont des Oliviers, le cri de la Croix, toute sa souffrance font partie de sa grande mission. Précisément de cette manière, Il offre le sacrifice, il fait le prêtre. La Lettre aux Hébreux, avec cet « il offrit », prosphèrein, nous dit: il s'agit de l'accomplissement de son sacerdoce, il conduit ainsi l'humanité vers Dieu, il devient ainsi le médiateur, il fait ainsi le prêtre.
Disons, précisément, que Jésus n'a pas offert quelque chose à Dieu, mais qu'il s'est offert lui-même et que cet acte de s'offrir lui-même se réalise précisément dans cette compassion, qui transforme en prière et en cri au Père la souffrance du monde. Dans ce sens, notre sacerdoce ne se limite pas lui non plus à l'acte cultuel de la Messe, dans lequel tout est remis entre les mains du Christ, mais toute notre compassion envers la souffrance de ce monde si éloigné de Dieu, est un acte sacerdotal, est prosphèrein, est offrir. C'est pourquoi, il me semble que nous devons comprendre et apprendre à accepter plus profondément les souffrances de la vie pastorale; car précisément là se trouvent l'action sacerdotale, la médiation, le fait d'entrer dans le mystère du Christ, de communiquer avec le mystère du Christ, très réel et essentiel, existentiel et ensuite sacramentel.
Dans ce contexte, un deuxième terme est important. Il est dit que le Christ – à travers cette obéissance – est rendu parfait, en grec teleiothèis (cf. He 5, 8-9). Nous savons que dans toute la Torah, c'est-à-dire dans toute la législation cultuelle, le mot tèleion, ici utilisé, indique l'ordination sacerdotale. La Lettre aux Hébreux nous dit que c'est précisément en accomplissant cela que Jésus a été fait prêtre, que son sacerdoce s'est réalisé. Notre ordination sacerdotale sacramentelle doit être réalisée et concrétisée de manière existentielle, mais également de manière christologique, précisément dans cette manière de porter le monde avec le Christ et au Christ et, avec le Christ, à Dieu: ainsi nous devenons réellement des prêtres, teleiothèis. Le sacerdoce n'est donc pas quelque chose qui dure quelques heures, mais il se réalise précisément dans la vie pastorale, dans ses souffrances et dans ses faiblesses, dans ses tristesses et naturellement également dans ses joies. Nous devenons ainsi toujours plus des prêtres en communion avec le Christ.
La Lettre aux Hébreux résume, enfin, toute cette compassion dans le mot hypakoèn, obéissance: tout cela est obéissance. C'est un mot qui ne nous plaît pas, à notre époque. L'obéissance apparaît comme une aliénation, comme une attitude servile. La personne n'utilise pas sa liberté, sa liberté se soumet à une autre volonté, la personne n'est donc plus libre, mais elle est déterminée par un autre, alors que l'autodétermination, l'émancipation serait la véritable existence humaine. Au lieu du terme « obéissance », nous voulons comme parole-clef anthropologique celle de « liberté ». Mais en considérant de près ce problème, nous voyons que les deux choses vont de pair: l'obéissance du Christ est la conformation de sa volonté à la volonté du Père; c'est une manière de porter la volonté humaine à la volonté divine, à la conformation de notre volonté avec la volonté de Dieu.
Saint Maxime le Confesseur, dans son interprétation du Mont des Oliviers, de l'angoisse exprimée dans la prière de Jésus, « non pas ma volonté mais la tienne », a décrit ce processus, que le Christ porte en lui comme vrai homme, avec la nature, la volonté humaine; dans cet acte – « non pas ma volonté, mais la tienne » – Jésus a résumé tout le processus de sa vie, c'est-à-dire celui de porter la vie naturelle humaine à la vie divine et, de cette manière, celui de transformer l'homme: divinisation de l'homme et ainsi rédemption de l'homme, parce que la volonté de Dieu n'est pas une volonté tyrannique, ce n'est pas une volonté qui est hors de notre être, mais c'est précisément la volonté créatrice, c'est précisément le lieu où nous trouvons notre véritable identité.
Dieu nous a créés et nous sommes nous-mêmes si nous sommes conformes à sa volonté; ainsi seulement nous entrons dans la vérité de notre être et nous ne sommes pas aliénés. Au contraire, l'aliénation naît, précisément, lorsque l'on sort de la volonté de Dieu, parce que ce cette manière, nous sortons du dessein de notre être, nous ne sommes plus nous-mêmes et nous tombons dans le vide. En vérité, l'obéissance à Dieu, c'est-à-dire la conformité, la vérité de notre être, est la vraie liberté, parce que c'est la divinisation. Jésus, en portant l'homme, l'être homme, en lui-même et avec lui-même, conformément à Dieu, dans la parfaite obéissance, c'est-à-dire dans la parfaite conformation entre les deux volontés, nous a rachetés et la rédemption est toujours ce processus de porter la volonté humaine dans la communion avec la volonté divine. C'est un processus sur lequel nous prions chaque jour: « Que ta volonté soit faite ». Et nous voulons prier réellement le Seigneur, pour qu'il nous aide à voir intimement que cela est la liberté, et à entrer, ainsi, avec joie dans cette obéissance et à « recueillir » l'être humain pour le porter – à travers notre exemple, notre humilité, notre prière, notre action pastorale – dans la communion avec Dieu.
En poursuivant la lecture, suit une phrase difficile à interpréter. L'auteur de la Lettre aux Hébreux dit que Jésus a prié, avec une violente clameur et des larmes, Dieu qui pouvait le sauver de la mort et qu'en raison de sa piété, il est exaucé (cf. 5, 7). Ici, nous voudrions dire: « Non, ce n'est pas vrai, il n'a pas été exaucé, il est mort ». Jésus a prié d'être libéré de la mort, mais il n'a pas été libéré, il est mort de manière très cruelle. C'est pourquoi le grand théologien libéral Harnack a dit: « Il manque ici une négation », il faut écrire: « Il n'a pas été exaucé » et Bultmann a accepté cette interprétation. Il s'agit toutefois d'une solution qui n'est pas une exégèse, mais une violence faite au texte. Dans aucun des manuscrits n'apparaît la négation, mais bien « il a été exaucé »; nous devons donc apprendre à comprendre ce que signifie cet « être exaucé », malgré la Croix.
Je vois trois niveaux de compréhension de cette expression. A un premier niveau, on peut traduire le texte grec ainsi: « il a été racheté de son angoisse » et en ce sens Jésus est exaucé. Ce serait donc une allusion à ce que raconte saint Luc, qu'« un ange a réconforté Jésus » (cf. Lc 22, 43), de façon qu'après le moment de l'angoisse, il puisse aller droit et sans crainte vers son heure, comme nous le décrivent les Evangiles, en particulier celui de saint Jean. Il aurait été exaucé, au sens où Dieu lui donne la force de pouvoir porter tout ce poids et il est ainsi exaucé. Mais, pour ma part, il me semble que ce n'est pas une réponse tout à fait suffisante. Exaucé de manière plus profonde – le père Vanhoye l'a souligné – cela veut dire: « il a été racheté de la mort », mais pas en ce moment, pas à ce moment-là, mais pour toujours, dans la Résurrection: la vraie réponse de Dieu à la prière d'être racheté de la mort est la Résurrection et l'humanité est rachetée de la mort précisément dans la Résurrection, qui est la vraie guérison de nos souffrances, du mystère terrible de la mort.
Ici est déjà présent un troisième niveau de compréhension: la Résurrection de Jésus n'est pas seulement un événement personnel. Il semble qu'il peut être utile d'avoir à l'esprit le bref texte dans lequel saint Jean, dans le chapitre 12 de son Evangile, présente et raconte, de manière très synthétique, l'épisode du Mont des Oliviers. Jésus dit: « Mon âme est troublée » (Jn 12, 27), et, dans toute l'angoisse du Mont des Oliviers, que puis-je dire? « Père, sauve-moi de cette heure ou glorifie ton nom » (cf. Jn 12, 27-28). C'est la même prière que celle que nous trouvons dans les Synoptiques: « Si cela est possible, sauve-moi, mais que ta volonté sois faite » (cf. Mt 26, 42; Mc 14, 36; Lc 22, 42) qui, dans le langage johannique, apparaît justement sous la forme: « Père, sauve-moi, Père, glorifie ». Et Dieu répond: « Je t'ai glorifié et de nouveau je te glorifierai » (cf. Jn 12, 28). Telle est la réponse, le v½u exaucé par Dieu: je glorifierai la Croix; c'est la présence de la gloire divine, parce que c'est l'acte suprême de l'amour. Dans la Croix, Jésus est élevé sur toute la terre et attire la terre à lui; dans la croix apparaît à présent le « Kabod », la vraie gloire divine du Dieu qui aime jusqu'à la Croix et transforme ainsi la mort et crée la Résurrection.
1er avril 2010 – Homélie de la Messe chrismale
À travers l’histoire de la colombe avec le rameau d’olivier, qui annonçait la fin du déluge et ainsi la nouvelle paix de Dieu avec le monde des hommes, non seulement la colombe, mais aussi le rameau d’olivier et l’huile même sont devenus symbole de la paix. Les chrétiens des premiers siècles aimaient orner les tombes de leurs défunts avec la couronne de la victoire et le rameau d’olivier, symbole de la paix. Ils savaient que le Christ a vaincu la mort et que leurs défunts reposaient dans la paix du Christ. Ils se savaient, eux-mêmes, attendus par le Christ qui leur avait promis la paix que le monde n’est pas en mesure de donner. Ils se rappelaient que la première parole du Ressuscité aux siens avait été: «La paix soit avec vous» (Jn 20,19)! Il porte lui-même, pour ainsi dire, le rameau d’olivier, il fait entrer sa paix dans le monde. Il annonce la bonté salvifique de Dieu. Il est notre paix. Les chrétiens devraient donc être des personnes de paix, des personnes qui reconnaissent et vivent le mystère de la Croix comme mystère de la réconciliation. Le Christ ne triomphe pas par l’épée, mais par la Croix. Il triomphe en dépassant la haine. Il triomphe par la force de son plus grand amour. La Croix du Christ exprime le ‘non’ à la violence. Et c’est bien ainsi qu’elle est le signe de la victoire de Dieu qui annonce le nouveau chemin de Jésus. Celui qui souffre a été plus fort que les détenteurs du pouvoir. Dans le don de lui-même sur la Croix, le Christ a vaincu la violence. Comme prêtres, nous sommes appelés à être, dans la communion avec Jésus Christ, des hommes de paix, nous sommes appelés à nous opposer à la violence et à avoir confiance au plus grand pouvoir de l’amour.
Le fait que l’huile rende fort pour le combat appartient aussi à son symbolisme. Cela ne s’oppose pas au thème de la paix, mais en fait partie. Le combat des chrétiens consistait et consiste, non dans l’usage de la violence, mais dans le fait qu’ils étaient et sont toujours prêts à souffrir pour le bien, pour Dieu. Il consiste dans le fait que les chrétiens, en bons citoyens, respectent le droit et font ce qui est juste et bon. Il consiste dans le fait qu’ils refusent de faire ce qui, dans les dispositions juridiques en vigueur, n’est pas un droit, mais une injustice. Le combat des martyrs résidait dans leur ‘non’ concret à l’injustice: rejetant toute participation au culte idolâtre, à l’adoration de l’empereur, ils ont refusé de se plier au mensonge, à l’adoration de personnes humaines et de leur pouvoir. Avec leur ‘non’ au mensonge et à toutes ses conséquences, ils ont porté haut le pouvoir du droit et de la vérité. Ainsi, ils ont servi la véritable paix. Aujourd’hui encore, il est important pour les chrétiens de suivre le droit qui est le fondement de la paix. Aujourd’hui encore, il est important pour les chrétiens de ne pas accepter une injustice qui est élevée au rang de droit – par exemple, quand il s’agit du meurtre d’enfants innocents qui ne sont pas encore nés. C’est ainsi que nous servons la paix et c’est ainsi que nous nous mettons à suivre les traces de Jésus Christ dont saint Pierre dit: «Couvert d’insultes, il n’insultait pas; accablé de souffrances, il ne menaçait pas, mais il confiait sa cause à Celui qui juge avec justice. Dans son corps, il a porté nos péchés sur le bois de la croix, afin que nous puissions mourir à nos péchés et vivre dans la justice» (1 P 2, 23ss).
Exhortation Apostolique Verbum Domini, du 30.9.2010,
À Pâques, Dieu se révèle lui-même ainsi que la puissance de l’Amour trinitaire qui anéantit les forces destructrices du mal et de la mort.
Comme le montre la Croix du Christ, Dieu parle aussi à travers son silence. Le silence de Dieu, l’expérience de l’éloignement du Tout-Puissant et du Père est une étape décisive du parcours terrestre du Fils de Dieu, Parole incarnée. Pendu au bois de la croix, il a crié la douleur qu’un tel silence lui causait: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Mc 15, 34; Mt 27, 46). Persévérant dans l’obéissance jusqu’à son dernier souffle de vie, dans l’obscurité de la mort, Jésus a invoqué le Père. C’est à lui qu’il s’en remet au moment du passage, à travers la mort, à la vie éternelle: «Père, entre tes mains je remets mon esprit» (Lc 23, 46).
Cette expérience de Jésus est comparable à la situation de l’homme qui, après avoir écouté et reconnu la Parole de Dieu, doit aussi se mesurer avec son silence. Bien des saints et des mystiques ont vécu une telle expérience qui aujourd’hui encore fait partie du cheminement de nombreux chrétiens. Le silence de Dieu prolonge ses paroles précédemment énoncées. Dans ces moments obscurs, il parle dans le mystère de son silence. C’est pourquoi, dans la dynamique de la Révélation chrétienne, le silence apparaît comme une expression importante de la Parole de Dieu.
25 août 2010 – Audience Générale
Dans la vie de chacun de nous, il y a des personnes très chères, que nous sentons particulièrement proches, certaines sont déjà dans les bras de Dieu, d’autres parcourent encore avec nous le chemin de la vie: ce sont nos parents, notre famille, les éducateurs; ce sont des personnes auxquelles nous avons fait du bien, ou dont nous avons reçu du bien; ce sont des personnes sur lesquelles nous savons pouvoir compter. Il est important, cependant, d’avoir également des «compagnons de route» sur le chemin de notre vie chrétienne: je pense au directeur spirituel, au confesseur, à des personnes avec lesquelles on peut partager sa propre expérience de foi, mais je pense également à la Vierge Marie et aux saints. Chacun devrait avoir un saint qui lui soit familier, pour le sentir proche à travers la prière et l’intercession, mais également pour l’imiter. Je voudrais donc vous inviter à faire davantage connaissance avec les saints, à commencer par celui dont vous portez le nom, en lisant sa vie, ses écrits. Soyez certains qu’ils deviendront de bons guides pour aimer encore davantage le Seigneur et des soutiens sûrs pour votre croissance humaine et chrétienne.
Comme vous le savez, je suis moi aussi lié de manière particulière à certaines figures de saints: parmi celles-ci, outre saint Joseph et saint Benoît dont je porte le nom, ainsi que d’autres, il y a saint Augustin, que j’ai eu le grand don de connaître de près, pour ainsi dire, à travers l’étude et la prière et qui est devenu un bon «compagnon de route» dans ma vie et dans mon ministère. Je voudrais souligner encore une fois un aspect important de son expérience humaine et chrétienne, également actuel à notre époque où il semble que le relativisme soit paradoxalement la «vérité» qui doit guider la pensée, les choix, les comportements.
Saint Augustin est un homme qui n’a jamais vécu de manière superficielle; la soif, la recherche tourmentée et constante de la Vérité est l’une des caractéristiques de fond de son existence; mais pas cependant des «pseudo-vérités» incapables d’apporter une paix durable dans le c½ur, mais de cette Vérité qui donne un sens à l’existence et qui est «la demeure» dans laquelle le c½ur trouve la sérénité et la joie. Son chemin, nous le savons, n’a pas été facile: il a pensé trouver la Vérité dans le prestige, dans la carrière, dans la possession des choses, dans les voix qui lui promettaient un bonheur immédiat; il a commis des erreurs, il a traversé des moments de tristesse, il a affronté des échecs, mais il ne s’est jamais arrêté, il ne s’est jamais contenté de ce qui lui apportait seulement une étincelle de lumière; il a su regarder au plus profond de lui-même et il s’est rendu compte, comme il l’écrit dans les Confessions, que cette Vérité, ce Dieu qu’il cherchait de toutes ses forces était plus proche de lui que lui-même, il avait toujours été à ses côtés, il ne l’avait jamais abandonné, il était dans l’attente de pouvoir entrer de manière définitive dans sa vie (cf. III, 6, 11; X, 27, 38). Comme je le disais en commentant le récent film sur sa vie, saint Augustin a compris, dans sa recherche tourmentée, que ce n’est pas lui qui a trouvé la Vérité, mais que c’est la vérité elle-même, qui est Dieu, qui l’a cherché et qui l’a trouvé (cf. ORLF n. 36 du 8 septembre 2009). Romano Guardini, commentant un passage du troisième chapitre des Confessions, affirme: saint Augustin comprit que Dieu est «gloire qui nous jette à genoux, boisson qui étanche la soif, trésor qui rend heureux, [...il eut] la certitude apaisante de celui qui a finalement compris, mais également la béatitude de l’amour qui sait: Cela est tout et me suffit» (Pensatori religiosi, Brescia 2001, p. 177).
Toujours dans les Confessions, au Livre neuf, notre saint rapporte une conversation avec sa mère, sainte Monique. C’est une très belle scène: sa mère et lui sont à Ostie, dans une auberge, et de la fenêtre, ils voient le ciel et la mer, et ils transcendent le ciel et la mer, et pendant un moment, ils touchent le c½ur de Dieu dans le silence des créatures. Et ici apparaît une idée fondamentale dans le chemin vers la Vérité: les créatures doivent se taire si l’on veut qu’apparaisse le silence dans lequel Dieu peut parler. Cela est toujours vrai également à notre époque: on a parfois une sorte de crainte du silence, du recueillement, de penser à ses propres actions, au sens profond de sa propre vie, on préfère souvent ne vivre que le moment qui passe, en ayant l’illusion qu’il apportera un bonheur durable; on préfère vivre, parce que cela semble plus facile, de manière superficielle, sans penser; on a peur de chercher la Vérité ou on a peut-être peur que la Vérité nous trouve, nous saisisse et change notre vie, comme cela s’est produit pour saint Augustin.
Chers frères et s½urs, je voudrais dire à tous, même à ceux qui sont dans un moment de difficulté dans leur chemin de foi, à ceux qui participent peu à la vie de l’Eglise ou à ceux qui vivent «comme si Dieu n’existait pas», de ne pas avoir peur de la Vérité, de ne jamais interrompre le chemin vers celle-ci, de ne jamais cesser de rechercher la vérité profonde sur soi-même et sur les choses avec le regard intérieur du c½ur. Dieu ne manquera pas de nous donner la Lumière pour nous faire voir et la Chaleur pour faire sentir à notre c½ur qu’il nous aime et qu’il désire être aimé.
Que l’intercession de la Vierge Marie, de saint Augustin et de sainte Monique nous accompagne sur ce chemin.
1er novembre 2010 – Angelus
La solennité de la Toussaint, que nous célébrons aujourd’hui, nous invite à élever notre regard vers le Ciel et à méditer sur la plénitude de la vie divine qui nous attend. «Nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement» (1 Jn 3, 2): avec ces mots, l’apôtre Jean nous assure de la réalité de notre lien profond avec Dieu, ainsi que de la certitude de notre destin futur. En tant que fils bien-aimés, nous recevons donc également la grâce pour pouvoir supporter les épreuves de cette existence terrestre — la faim et la soif de justice, les incompréhensions, les persécutions (cf. Mt 5, 3-11) — et, dans le même temps, nous héritons dès à présent de ce qui nous est promis dans les béatitudes évangéliques, «dans lesquelles resplendit la nouvelle image du monde et de l’homme que Jésus inaugure» (Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Milan 2007, p. 95). La sainteté, imprimer le Christ en soi, est le but de la vie du chrétien. Le bienheureux Antonio Rosmini écrit: «Le Verbe s’était imprimé lui-même dans les âmes de ses disciples sous son aspect sensible...et avec ses paroles... il avait donné aux siens cette grâce... avec laquelle l’âme perçoit immédiatement le Verbe» (Anthropologie surnaturelle, Rome 1983, pp. 265-266). Et nous goûtons à l’avance le don et la beauté de la sainteté à chaque fois que nous participons à la liturgie eucharistique, en communion avec la «multitude immense» des esprits bienheureux, qui au Ciel acclament pour l’éternité le salut de Dieu et de l’Agneau (cf. Ap 7, 9-10). «La vie des saints ne comporte pas seulement leur biographie terrestre, mais aussi leur vie et leur agir en Dieu après leur mort. Chez les saints, il devient évident que celui qui va vers Dieu ne s’éloigne pas des hommes, mais qu’il se rend au contraire vraiment proche d’eux» (Enc. Deus caritas est, n. 42).
Réconfortés par cette communion de la grande famille des saints, nous commémorerons demain tous les fidèles défunts. La liturgie du 2 novembre et le pieux exercice de se rendre au cimetière nous rappellent que la mort chrétienne fait partie du chemin d’assimilation à Dieu et qu’il disparaîtra lorsque Dieu sera tout en tous. La séparation des liens d’affection terrestres est assurément douloureuse, mais nous ne devons pas la craindre, car celle-ci, accompagnée par la prière d’intention de l’Eglise, ne peut pas briser le lien profond qui nous unit au Christ. A cet égard, saint Grégoire de Nysse affirmait: «Celui qui a créé chaque chose dans la sagesse, a donné cette disposition douloureuse comme instrument de libération du mal et possibilité de participer aux biens espérés » (De mortuis oratio, IX, 1, Leiden 1967, 68).
L’éternité n’est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité (cf. Enc. Spe salvi, n. 12). Nous confions à la Vierge Marie, guide sûr vers la sainteté, notre pèlerinage vers la patrie céleste, alors que nous invoquons son intercession maternelle pour le repos éternel de tous nos frères et s½urs qui se sont endormis dans l’espérance de la Résurrection.
29 novembre 2010 – Message du Pape benoit XVI à l’occasion des obsèques de la Memor Domini, Manuel Camagni, de la Famille Pontificale.
J’aurais souhaité présider les obsèques de la chère Manuela Camagni, mais — comme vous pouvez l'imaginer — cela ne m'a pas été possible. Toutefois, la communion dans le Christ nous permet à nous chrétiens une réelle proximité spirituelle, dans laquelle nous partageons la prière et l’affection de l'âme. Dans ce lien profond, je vous salue tous, en particulier les membres de la famille de Manuela, les évêques présents, les prêtres, les Memores Domini, les amis.
Je voudrais ici offrir brièvement mon témoignage sur notre s½ur, qui est partie pour le Ciel. Beaucoup d'entre vous connaissent Manuela depuis longtemps. J'ai pu bénéficier de sa présence et de son service dans l'appartement pontifical, ces cinq dernières années, dans une atmosphère familiale. C'est pourquoi je voudrais rendre grâce au Seigneur pour le don de la vie de Manuela, pour sa foi, pour sa réponse généreuse à la vocation. La Divine Providence l'a conduite à un service discret, mais précieux, dans la maison du Pape. Elle en était heureuse, et participait avec joie aux moments de famille: à la Messe du matin, aux vêpres, aux repas en commun et aux diverses et significatives fêtes de la maison.
Nous séparer d’elle de façon si soudaine, ainsi que la manière dont elle nous a été enlevée, a provoqué une grande douleur, que seule la foi peut consoler. Je trouve un grand soutien dans le nom de sa communauté: Memores Domini. En méditant sur ces mots, sur leur signification, je trouve un sentiment de paix, parce qu’ils renvoient à une relation profonde qui est plus forte que la mort. Memores Domini signifie: «Qui rappellent le Seigneur », c'est-à-dire des personnes qui vivent dans la mémoire de Dieu et de Jésus, et dans cette mémoire quotidienne, pleine de foi et d'amour, les petites actions comme les grands choix, du travail, de l'étude, de la fraternité, trouvent un sens à chaque chose. La mémoire du Seigneur remplit le c½ur d'une joie profonde, comme le dit un antique hymne de l'Eglise: «Jesu dulcis memoria, dans vera cordis gaudia» (Jésus douce mémoire, qui donne la vraie joie du c½ur).
Voilà pourquoi penser que Manuela est une Memor Domini, une personne qui vit dans la mémoire du Seigneur, m'apporte la paix. Cette relation avec Lui est plus profonde que l'abîme de la mort. C'est un lien que rien ni personne ne peut rompre, comme le dit saint Paul: «(Rien) ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8, 39). Oui, si nous faisons mémoire du Seigneur, c'est parce que Lui, le premier, fait mémoire de nous. Nous sommes memores Domini parce qu'Il est Memor nostri, il se souvient de nous avec l'amour d'un Père, d'un Frère, d'un Ami, même au moment de la mort. Même si parfois, il peut nous sembler qu'à ce moment-là, Il est absent, qu'il nous oublie, en réalité nous sommes toujours présents en Lui, nous sommes dans son c½ur. Partout où nous pouvons tomber, nous tombons entre ses mains. Précisément là, où personne ne peut nous accompagner, Dieu nous attend: notre Vie.
Chers frères et s½urs, c’est dans cette foi pleine d'espérance, qui est la foi de Marie auprès de la croix de Jésus, que j'ai célébré la Messe d'intention pour Manuela le matin même de sa mort. Et tout en accompagnant par la prière le rite chrétien de la sépulture, je donne avec affection aux membres de sa famille, à ses cons½urs et à vous tous ma Bénédiction.
2011
1er novembre 2011 – Angelus
La solennité de tous les saints est une occasion propice pour élever le regard des réalités terrestres, rythmées par le temps, vers la dimension de l’éternité et de la sainteté. La liturgie nous rappelle aujourd’hui que la sainteté est la vocation originelle de chaque baptisé (cf. Lumen gentium, n. 40). En effet, le Christ, qui avec le Père et l’Esprit est le seul Saint (cf. Ap 15, 4), a aimé l’Église comme son épouse et s’est donné lui-même pour elle, dans le but de la sanctifier (cf. Ep 5, 25-26). C’est pour cette raison que tous les membres du peuple de Dieu sont appelés à devenir saints, selon l’affirmation de l’apôtre Paul : « Et voici quelle est la volonté de Dieu : c'est votre sanctification » (1 Th 4, 3). Nous sommes donc invités à regarder l’Église non dans son aspect uniquement temporel et humain, marqué par la fragilité, mais comme le Christ l’a voulue, c’est-à-dire une « communion des saints » (Catéchisme de l’Église catholique, n. 946). Dans le Credo, nous professons l’Église « sainte », sainte en tant que Corps du Christ, en tant qu’instrument de participation aux saints Mystères — en premier lieu l’Eucharistie — et famille des saints, à la protection de laquelle nous sommes confiés le jour du baptême. Aujourd’hui, nous vénérons précisément cette innombrable communauté de tous les saints, qui, à travers leurs différents parcours de vie, nous indiquent différentes voies de sainteté, réunies par un unique dénominateur : suivre le Christ et se conformer à Lui, but ultime de notre existence humaine. En effet, tous les états de vie peuvent devenir, avec l’action de la grâce et avec l’engagement et la persévérance de chacun, des voies de sanctification.
La commémoration des fidèles défunts, à laquelle est consacrée la journée de demain, 2 novembre, nous aide à rappeler nos proches qui nous ont quittés, et toutes les âmes en marche vers la plénitude de la vie, précisément dans l’horizon de l’Église céleste, auquel la solennité d’aujourd’hui nous a élevés. Dès les premiers temps de la foi chrétienne, l’Église terrestre, reconnaissant la communion de tout le corps mystique de Jésus Christ, a cultivé avec une grande piété la mémoire des défunts et leur a offert des prières d’intention. Notre prière pour les morts est donc non seulement utile mais nécessaire, dans la mesure où elle peut non seulement les aider, mais rend, dans le même temps, efficace leur intercession en notre faveur (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 958). La visite aux cimetières, alors qu’elle conserve les liens d’affection avec ceux qui nous ont aimés dans cette vie, nous rappelle également que nous tendons tous vers une autre vie, au-delà de la mort. Les pleurs, dus au détachement terrestre, ne doivent donc pas prévaloir sur la certitude de la résurrection, sur l’espérance de parvenir à la béatitude de l’éternité, « moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité » (Spe salvi, n. 12). L’objet de notre espérance, en effet, est de jouir de la présence de Dieu dans l’éternité. Jésus l’a promis à ses disciples en disant : « Je vous verrai de nouveau et votre c½ur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l'enlèvera » (Jn 16, 22).
Nous confions notre pèlerinage vers la patrie céleste à la Vierge Marie, Reine de tous les saints, alors que nous invoquons pour nos frères et s½urs défunts son intercession maternelle
2 novembre 2011 – Audience Générale
L’Eglise nous invite à commémorer tous les fidèles défunts, à tourner notre regard vers les nombreux visages qui nous ont précédés et qui ont conclu leur chemin terrestre. Je voudrais vous proposer quelques pensées simples sur la réalité de la mort qui pour nous, chrétiens, est illuminée par la Résurrection du Christ, et pour renouveler notre foi dans la vie éternelle.
Nous nous rendons ces jours-ci au cimetière pour prier pour les personnes chères qui nous ont quittés, nous allons en quelque sorte leur rendre visite pour leur exprimer, une fois de plus, notre affection, pour les sentir encore proches, en rappelant également, de cette façon, un article du Credo : dans la communion des saints existe un lien étroit entre nous, qui marchons encore sur cette terre, et nos nombreux frères et s½urs qui ont déjà atteint l’éternité.
Depuis toujours, l’homme se préoccupe de ses morts et tente de leur donner une deuxième vie à travers l’attention, le soin, l’affection. D’une certaine façon, on veut conserver leur expérience de vie ; et, paradoxalement, c’est précisément des tombes devant lesquelles se bousculent les souvenirs que nous découvrons la façon dont ils ont vécu, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont craint, ce qu’ils ont espéré, et ce qu’ils ont détesté. Celles-ci représentent presque un miroir de leur monde.
Pourquoi en est-il ainsi ? Car, bien que la mort soit souvent un thème presque interdit dans notre société, et que l’on tente constamment de chasser de notre esprit la seule idée de la mort, celle-ci concerne chacun de nous, elle concerne l’homme de tout temps et de tout lieu. Et devant ce mystère, tous, même inconsciemment, nous cherchons quelque chose qui nous invite à espérer, un signe qui nous apporte un réconfort, qui nous ouvre un horizon, qui offre encore un avenir. Le chemin de la mort, en réalité, est une voie de l’espérance et parcourir nos cimetières, comme lire les inscriptions sur les tombes, signifie accomplir un chemin marqué par l’espérance d’éternité.
Mais nous nous demandons : pourquoi éprouvons-nous de la crainte face à la mort ? Pourquoi une grande partie de l’humanité ne s’est-elle jamais résignée à croire qu’au-delà de la mort, il n’y pas pas simplement le néant ? Je dirais qu’il existe de multiples réponses : nous éprouvons une crainte face à la mort car nous avons peur du néant, de ce départ vers quelque chose que nous ne connaissons pas, qui nous est inconnu. Il existe alors en nous un sentiment de rejet parce que nous ne pouvons pas accepter que tout ce qui a été réalisé de beau et de grand au cours d’une existence tout entière soit soudainement effacé, tombe dans l’abîme du néant. Et surtout, nous sentons que l’amour appelle et demande l’éternité et il n’est pas possible d’accepter que cela soit détruit par la mort en un seul moment.
De plus, nous éprouvons de la crainte à l’égard de la mort car, lorsque nous nous trouvons vers la fin de notre existence, existe la perception qu’un jugement est exercé sur nos actions, sur la façon dont nous avons mené notre vie, surtout sur les zones d’ombre que nous savons souvent habilement éliminer ou que nous nous efforçons d’effacer de notre conscience. Je dirais que c’est précisément la question du jugement qui est souvent à l’origine de la préoccupation de l’homme de tous les temps pour les défunts, de l’attention pour les personnes qui ont compté pour lui et qui ne sont plus à ses côtés sur le chemin de la vie terrestre. Dans un certain sens, les gestes d’affection et d’amour qui entourent le défunt sont une façon de le protéger dans la conviction qu’ils ne demeurent pas sans effet sur le jugement. C’est ce que nous pouvons constater dans la majorité des cultures qui caractérisent l’histoire de l’homme.
Aujourd’hui, le monde est devenu, tout au moins en apparence, beaucoup plus rationnel, ou mieux, la tendance s’est diffusée de penser que chaque réalité doit être affrontée avec les critères de la science expérimentale, et qu’également à la grande question de la mort on ne doit pas tant répondre avec la foi, mais en partant de connaissances expérimentables, empiriques. On ne se rend cependant pas suffisamment compte que, précisément de cette manière, on a fini par tomber dans des formes de spiritisme, dans la tentative d’avoir un contact quelconque avec le monde au-delà de la mort, presque en imaginant qu’il y existe une réalité qui, à la fin, serait une copie de la réalité présente.
Chers amis, la solennité de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts nous disent que seul celui qui peut reconnaître une grande espérance dans la mort, peut aussi vivre une vie à partir de l’espérance. Si nous réduisons l’homme exclusivement à sa dimension horizontale, à ce que l’on peut percevoir de manière empirique, la vie elle-même perd son sens profond. L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est trop brève, est trop limitée pour lui. L’homme n’est explicable que s’il existe un Amour qui dépasse tout isolement, même celui de la mort, dans une totalité qui transcende aussi l’espace et le temps. L’homme n’est explicable, il ne trouve son sens profond, que s’il y a Dieu. Et nous savons que Dieu est sorti de son éloignement et s’est fait proche, qu’il est entré dans notre vie et nous dit : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26).
Pensons un moment à la scène du Calvaire et écoutons à nouveau les paroles que Jésus, du haut de la Croix, adresse au malfaiteur crucifié à sa droite : « En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Pensons aux deux disciples sur la route d’Emmaüs, quand, après avoir parcouru un bout de chemin avec Jésus Ressuscité, ils le reconnaissent et partent sans attendre vers Jérusalem pour annoncer la Résurrection du Seigneur (cf. Lc 24, 13-35). Les paroles du Maître reviennent à l’esprit avec une clarté renouvelée : « Que votre c½ur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l'aurais dit ; je vais vous préparer une place » (Jn 14, 1-2). Dieu s’est vraiment montré, il est devenu accessible, il a tant aimé le monde « qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16), et dans l’acte d’amour suprême de la Croix, en se plongeant dans l’abîme de la mort, il l’a vaincue, il est ressuscité et nous a ouvert à nous aussi les portes de l’éternité. Le Christ nous soutient à travers la nuit de la mort qu’Il a lui-même traversée; il est le Bon Pasteur, à la direction duquel on peut se confier sans aucune crainte, car Il connaît bien la route, même dans l’obscurité.
Chaque dimanche, en récitant le Credo, nous réaffirmons cette vérité. Et en nous rendant dans les cimetières pour prier avec affection et avec amour pour nos défunts, nous sommes invités, encore une fois, à renouveler avec courage et avec force notre foi dans la vie éternelle, ou mieux, à vivre avec cette grande espérance et à la témoigner au monde : derrière le présent il n’y a pas le rien. C’est précisément la foi dans la vie éternelle qui donne au chrétien le courage d’aimer encore plus intensément notre terre et de travailler pour lui construire un avenir, pour lui donner une espérance véritable et sûre.
2 novembre 2011 – Aux francophones, au terme de l’Audience Générale
Que votre foi dans la résurrection du Christ vous donne force et courage pour traverser les épreuves de la vie et qu’elle fasse grandir en vous l’espérance de la vie éternelle ! Que Dieu vous bénisse !
26 novembre 2011 – Rencontre organisée par la Pastorale des services de la santé.
C’est un motif de grande joie de vous rencontrer à l’occasion de la XXVIe Conférence internationale organisée par le Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé, qui a voulu réfléchir sur le thème: La pastorale de la santé au service de la vie à la lumière du magistère du bienheureux Jean-Paul II.
Je suis certain que vos réflexions ont contribué à approfondir l’«Evangile de la Vie», précieux héritage du magistère du bienheureux Jean-Paul II. En 1985, il institua ce Conseil pontifical pour en donner un témoignage concret dans le vaste domaine de la santé. Il y a vingt ans, il institua la célébration de la Journée mondiale du malade; et, enfin, il institua la fondation «Le Bon Samaritain», comme instrument d’une nouvelle action caritative à l’égard des malades les plus pauvres dans divers pays, une fondation pour laquelle je lance un appel afin que l’engagement pour la soutenir soit renouvelé.
Au cours des longues et intenses années de son pontificat, le bienheureux Jean-Paul II a proclamé que le service à la personne malade dans son corps et dans son esprit constitue un engagement constant d’attention et d’évangélisation pour toute la communauté ecclésiale, selon le mandat de Jésus aux Douze de guérir les malades (cf. Lc 9, 2). En particulier, dans la Lettre apostolique Salvifici doloris, du 11 février 1984, mon vénéré prédécesseur affirme: «La souffrance semble appartenir à la transcendance de l'homme; c'est un des points sur lesquels l'homme est en un sens “destiné” à se dépasser lui-même, et il y est appelé d'une façon mystérieuse» (n. 2). Le mystère de la douleur semble voiler la face de Dieu, le rendant presque comme un étranger ou allant même jusqu’à le considérer responsable de la souffrance humaine; mais les yeux de la foi sont capables de regarder ce mystère en profondeur. Dieu s’est incarné, il s’est fait proche de l’homme, même dans les situations les plus difficiles; il n’a pas éliminé la souffrance, mais dans le Crucifié ressuscité, dans le Fils de Dieu qui a souffert jusqu’à la mort et à la mort sur la croix, Il révèle que son amour descend également dans l’abîme le plus profond de l’homme pour lui apporter l’espérance. Le Crucifié est ressuscité, la mort a été illuminée dès le matin de Pâques: «Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3, 16). Dans le Fils «donné» pour le salut de l’humanité, la vérité de l’amour est, dans un certain sens, prouvée à travers la vérité de la souffrance, et l’Eglise, née du mystère de la Rédemption dans la Croix du Christ, «a le devoir de rechercher la rencontre avec l'homme d'une façon particulière sur le chemin de sa souffrance. C'est dans cette rencontre que l'homme “devient la route de l'Eglise” et cette route-là est l'une des plus importantes» (Jean-Paul II, Lett. apos. Salvifici doloris, n. 3).
Chers amis, le service d’accompagnement, de proximité et de soin aux frères malades, seuls, souvent éprouvés par des blessures non seulement physiques, mais également spirituelles et morales, vous place dans une position privilégiée pour témoigner de l’action salvifique de Dieu, de son amour pour l’homme et pour le monde, qui embrasse également les situations les plus douloureuses et terribles. La Face du Sauveur mourant sur la croix, du Fils consubstantiel au Père qui souffre comme un homme pour nous (cf. ibid., n. 17), nous enseigne à conserver et à promouvoir la vie, quelles que soit l’étape ou la condition dans laquelle elle se trouve, en reconnaissant la dignité et la valeur de chaque être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27) et appelé à la vie éternelle.
Cette vision de la douleur et de la souffrance illuminée par la mort et la résurrection du Christ nous a été témoignée par le lent calvaire qui a marqué les dernières années de vie du bienheureux Jean-Paul II et auquel on peut appliquer les paroles de saint Paul: «Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Eglise» (Col 1, 24). Sa foi ferme et sûre a enveloppé sa faiblesse physique, faisant de sa maladie, vécue par amour de Dieu, de l’Eglise et du monde, une participation concrète au chemin du Christ jusqu’à son Calvaire.
La sequela Christi n’a pas épargné au bienheureux Jean-Paul II de prendre sa croix chaque jour jusqu’à la fin, pour être comme son unique Maître et Seigneur, qui de la Croix est devenu un point d’attraction et de salut pour l’humanité (cf. Jn 12, 32; 19, 37) et a manifesté sa gloire (cf. Mc 15, 39). Dans l’homélie de la Messe de béatification de mon vénéré prédécesseur, j’ai rappelé que «le Seigneur l’a dé pouillé petit à petit de tout, mais il est resté toujours un “roc”, comme le Christ l’a voulu. Sa profonde humilité, enracinée dans son union intime au Christ, lui a permis de continuer à guider l’Eglise et à donner au monde un message encore plus éloquent précisément au moment où les forces physiques lui venaient à manquer» (Homélie du 1er mai 2011).
Chers amis, en tirant un enseignement du testament vécu par le bienheureux Jean-Paul II dans sa propre chair, je souhaite que vous aussi, dans l’exercice de votre ministère pastoral et dans votre activité professionnelle, vous puissiez découvrir dans l’arbre glorieux de la Croix du Christ «l'accomplissement et la pleine révélation de tout l'Evangile de la vie» (Lett. enc. Evangelium vitae, n. 50). Dans le service que vous prêtez dans les divers domaines de la pastorale de la santé, puissiez-vous faire l’expérience que «seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer» (Lett. enc. Deus caritas est, n. 18).
2012
3 mai 2012 – A l’Université catholique du Sacré-Coeur.
Religion du Logos, le christianisme ne relègue pas la foi au domaine de l’irrationnel, mais attribue l’origine et le sens de la réalité à la Raison créatrice, qui, dans le Dieu crucifié, s’est manifestée comme amour et qui invite à parcourir la voie du quaerere Deum : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». Saint Thomas d’Aquin commente : « Le terme de ce chemin est la fin du désir humain. Or, l’homme désire avant tout deux choses: premièrement, la connaissance de la vérité, ce qui lui est propre ; en second lieu, la conservation de son être, ce qui est commun à toutes les réalités. Le Christ se trouve dans l’une et dans l’autre... Si donc tu cherches par où passer, accueille le Christ, parce qu’il est lui-même le Chemin » (Commentaire sur saint Jean, chap. 14, lectio 2). L’Évangile de la vie illumine alors le chemin difficile de l’homme, et devant la tentation de l’autonomie absolue, il rappelle que « la vie de l’homme vient de Dieu, c’est son don, son image et son empreinte, la participation à son souffle vital » (Jean-Paul II, Evangelium vitae, n. 39). Et c’est précisément en parcourant le sentier de la foi que l’homme peut entrevoir dans les réalités mêmes de la souffrance et de la mort qui traversent son existence, une possibilité authentique de bien et de vie. Dans la croix du Christ, il reconnaît l’Arbre de la vie, révélation de l’amour passionné de Dieu pour l’homme. Le soin des personnes qui souffrent est alors une rencontre quotidienne avec le visage du Christ, et le dévouement de l’intelligence et du c½ur devient un signe de miséricorde de Dieu et de sa victoire sur la mort.