« Si quelqu'un veut être le premier.... » : Méditation du père Raniero Cantalamessa

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Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 9, 30-37


Si quelqu'un veut être le premier...

« S'étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ». Par ces paroles Jésus condamne-t-il par hasard le désir d'exceller, de faire de grandes choses dans la vie, de donner le meilleur de soi-même, et privilégie-t-il au contraire l'apathie, un esprit de renoncement, la paresse ? C'est ce que pensait le philosophe Friedrich Nietzsche. Il se sentit le devoir de combattre férocement le christianisme, coupable selon lui d'avoir introduit dans le monde le « cancer » de l'humilité et du renoncement. Dans son ouvrage « Ainsi parlait Zarathustra » il oppose à cette valeur évangélique celle de la « volonté de puissance », incarnée par le surhomme, l'homme de la « grande santé », qui veut s'élever et non s'abaisser.

Il est possible que les chrétiens aient parfois mal interprété la pensée de Jésus et donné lieu à ce malentendu. Mais ce n'est certes pas ce que veut nous dire l'Evangile : « Si quelqu'un veut être le premier... ». Il est donc possible de vouloir être le premier, ce n'est pas interdit, ce n'est pas un péché. Jésus non seulement n'interdit pas, par ces paroles, le désir de vouloir être le premier, mais il l'encourage. Il révèle seulement une manière nouvelle et différente pour y parvenir : non pas au détriment des autres, mais en faveur des autres. Il ajoute en effet : « ...qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».

Mais quels sont les fruits de l'une et l'autre manière d'être le premier ? La volonté de puissance conduit à une situation dans laquelle l'un domine et les autres servent ; l'un est rendu « heureux » (s'il peut exister un bonheur en cela), les autres malheureux ; un seul en sort vainqueur, tous les autres vaincus ; l'un domine, les autres sont dominés.

Nous savons avec quels résultats l'idéal du surhomme fut mis en pratique par Hitler. Mais il ne s'agit pas seulement du nazisme ; presque tous les maux de l'humanité viennent de là. Dans la deuxième lecture de ce dimanche, saint Jacques se pose l'éternelle et angoissante question : « D'où viennent les guerres ? » Jésus nous donne la réponse dans l'Evangile : du désir de dominer ! La domination d'un peuple sur un autre, d'une race sur l'autre, d'un parti sur les autres, d'un sexe sur l'autre, d'une religion sur l'autre...

Dans le service en revanche, tous bénéficient de la grandeur de l'un. Celui qui est grand dans le service, est lui-même grand et rend les autres grands ; au lieu de s'élever au-dessus des autres, il élève les autres avec lui. Alessandro Manzoni conclut son évocation poétique des actions de Napoléon par la question : « Fut-ce une vraie gloire ? Aux descendants l'ardue sentence ». Ce doute, si ce fut une vraie gloire, ne se pose pas pour Mère Teresa de Calcutta, Raoul Follereau et tous ceux qui chaque jour servent la cause des pauvres et des blessés de la guerre, souvent au péril de leur propre vie.

Un seul doute demeure. Que faut-il penser de l'antagonisme dans le sport et de la concurrence commerciale ? Ces choses sont-elles également condamnées par la parole du Christ ? Non, lorsqu'elles entrent dans les limites de l'honnêteté sportive et commerciale, ces choses sont bonnes, elles servent à élever le niveau des prestations physiques et... faire baisser les prix dans le commerce. Indirectement, elles servent au bien commun. L'invitation de Jésus a être le dernier ne s'applique certes pas aux courses cyclistes et aux compétitions de Formule un !

Le sport permet précisément de mettre en lumière la limite de cette grandeur par rapport à celle du service. « Dans les courses du stade, tous courent mais un seul obtient le prix », dit saint Paul (1 Co 9, 24). Il suffit de penser à ce qui se passe à la fin d'une finale de 100 mètres : le vainqueur jubile, il est entouré des photographes et porté en triomphe ; tous les autres s'éloignent tristes et humiliés. « Tous courent mais un seul obtient le prix ».

Saint Paul tire cependant des courses d'athlétisme également un enseignement positif : « L'athlète se prive de tout », ne devrions-nous pas nous aussi faire, pour la couronne impérissable de la vie éternelle ce qu'ils font eux pour une couronne périssable ? En avant donc pour la nouvelle course inventée par le Christ, que gagne celui qui se fait le dernier de tous et le serviteur de tous.

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