CONFERENCE DE PRESSE DE SAINTE MERE TERESA AU 9e CONGRES INTERNATIONAL DE LA FAMILLE -
Paris, PALAIS DES CONGRES DE LA PORTE MAILLOT, du 11 au 14 SEPTEMBRE1986.
5000 personnes venues pour entendre 50 conférenciers de 19 pays.
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N.B. Cette transcription de la traduction de la conférence de presse de Mère Téresa est la copie du texte publié dans le livre des actes du 9e Congrès International de la Famille (Paris, Porte Maillot, du 11 au 14 septembre, 1986) :
« 9e Congrès International de la Famille – « La Fécondité de l’Amour », Fayard,
Février 1987.
Mère Téresa fut beatifiée par le Pape Jean Paul II le 19 octobre 2003, et fut canonisée en 2016 par le Pape François,
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Le dimanche 14 septembre 1986, au 9e Cogrès International de la Famille, la dernière intervention fut réservée à la présentation de Mère Téresa de Calcutta, prix Nobel de la Paix (1979) et fondatrice des Missionnaires de la Charité. Avant la conclusion, Mère Teresa a donné une conférence de presse devant une centaine de journalistes. Certaines réponses furent répétées, et sont laissées volontairement dans ce texte. Mère Téresa fut assaillie par les photographes dès sa rentrée dans la salle. Après quelques moments de silence, elle dit : « J’ai fait un pacte avec Dieu. Puisque je n’aime pas les photos, j’ai demandé à Dieu qu’à chaque photo il renvoie au ciel une âme du purgatoire. Le purgatoire sera bientôt vide… ». Cette introduction peu commune dans une conférence de presse fut suivie de nombreux applaudissements, puis des questions. Angela de Malherbe, Présidente et organisatrice du 9e Congrès International de la Famille, tenait le microphone pour Mère Téresa. Elle assura la traduction du français en anglais des questions adressées à Mère Téresa, et ensuite elle traduisait les réponses en français pour les journalistes.
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Que pensez-vous des exercices de Saint Ignace ?
Nous essayons d’aller à Dieu par Jésus, à travers Marie. En faisant cela nous essayons de rendre notre vie religieuse profondément contemplative, intensément eucharistique et vibrante de joie. Dans notre société la prière prend la première place. Le travail n’est pas la prière. La prière n’est pas le travail. Mais nous essayons d’apprendre à prier notre travail en le vivant avec Jésus, pour Jésus. Et cette présence de Jésus dans les plus pauvres des pauvres est ce qui nous rend contemplatives au c½ur du monde. Nous sommes avec Jésus dans ceux qui ont faim, qui sont malades, qui ont froid, qui ne sont pas aimés, dont on ne s’occupe pas. Nous essayons de vivre la vie eucharistique en servant les plus pauvres des pauvres, nous essayons d’aimer le Christ dans un amour et dans une chasteté indivisible, à travers la liberté de la pauvreté. Dans l’obéissance totale. Dans notre congrégation, on forme un quatrième v½u pour rendre service de tout notre c½ur aux plus pauvres des pauvres. Moyennant cette promesse, nous dépendons totalement de la Providence divine. Nous n’acceptons pas l’aide du gouvernement ni de l’Eglise, nous n’acceptons aucun salaire. Nous sommes comme les oiseaux, l’herbe et les fleurs. Nous ne dépendons que de la providence divine. Nous travaillons avec des milliers et des milliers de personnes et nous n’avons jamais été obligés de dire : « Nous n’avons pas. » Dieu a toujours pourvu. Comme il a fait ici à Paris. Et dans les autres trois cent vingt maisons dans soixante-seize pays. Dieu nous a donné beaucoup de vocations.
Le seize Octobre vous devez vous rendre à Cuba. Pouvez-vous nous confirmer votre voyage, et les conditions dans lesquelles vous le faites ?
Nous allons à Cuba le seize Septembre. Je prends quatre s½urs avec moi. (Une française, une italienne et deux indiennes.) Castro nous attend, et je lui ai répondu que nous venions porter l’amour aux plus pauvres des pauvres. Quand je l’ai rencontré, je lui ai dit : « Je prierai pour vous et vous aussi priez pour moi », et il m’a répondu : « Ma prière, c’est de travailler pour les pauvres. »
Pourquoi êtes-vous venue à ce congrès ?
Nous trouvons des pauvres partout où nous allons. On m’a invitée, c’est pour cela que je suis venue. Et j’ai pensé qu’il y a des pauvres partout.
Comprenez-vous les générations qui pensent à l’avortement ?
Je voudrais que les jeunes générations comprennent et se rappellent qu’elles sont aimées par Dieu. Qu’elles ont été créées pour de grandes choses : aimer et être aimées. Les enfants sont si précieux à Dieu que l’Ecriture dit : « Même si une mère pouvait oublier son enfant, jamais je ne vous oublierais. Je vous ai formé dans le creux de ma main. Vous êtes précieux pour moi. Je vous aime. » La jeunesse a faim d’aimer et d’être aimée. C’est pour cela que ce congrès est un don de Dieu. Vous avez pu vous réunir pour trouver des moyens de prouver l’amour tendre de Dieu pour chaque personne. Je vous invite à la lutte contre l’avortement par l’adoption. Nous avons des milliers de petits enfants que nous avons sauvés en les aidant à être adoptés.
Quels moyens peut-on employer pour lutter contre la drogue en particulier dans les familles ?
La meilleure façon de lutter contre la drogue est d’amener la prière en famille. Une famille qui prie ensemble reste ensemble. Si elle reste ensemble, ses membres vont s’aimer comme Dieu nous aime. Beaucoup de jeunes commencent à se droguer parce qu’il y a beaucoup de familles brisées. Dans les familles brisées, il n’y a pas d’amour. J’aimerais que toutes les personnes qui dépensent tant d’argent pour la drogue me donnent cet argent pour que je puisse le donner aux pauvres.
Pouvez-vous nous dire ce qu’est pour vous la famille ?
La famille est le centre de l’amour. Pour pouvoir vivre ensemble, il faut prier ensemble. Parce que le fruit de la prière est l’approfondissement de la foi, et le fruit de la foi est l’amour, et le fruit de l’amour est le service, et le fruit du service est la paix. Si nous avons tant de familles brisées, c’est parce que nous oublions de prier ensemble. La prière donne un c½ur pur. Et un c½ur pur peut voir Dieu et permet de s’aimer les uns les autres.
A quelques jours du voyage du Pape en France, pourriez-vous donner un message d’espérance aux jeunes qui pensent au sacerdoce ?
Gardez vos c½urs purs. C’est le plus grand don qu’un jeune homme puisse faire à Dieu le jour de son ordination. C’est aussi le plus grand don qu’un jeune homme puisse faire à sa fiancée ou qu’une fiancée puisse faire à son fiancé le jour de leur mariage : un c½ur pur et vierge. Le monde et l’Eglise n’ont jamais eu autant besoin de prêtres qu’aujourd’hui parce que la sainteté rapproche les gens. La sainteté n’est pas le luxe de quelques-uns. Elle est pour tout le monde.
Que doit faire un jeune qui n’aurait pas rencontré Dieu, afin de le rencontrer ?
Rappelez-vous ce que Jésus a dit : « Si vous donnez un verre d’eau en mon nom, c’est à moi que vous le donnez. Si vous recevez quelqu’un en mon nom, c’est moi que vous recevez ». Venez voir en Inde. Il y avait dernièrement un
homme dont la figure était toute coupée : c’était Jésus. Venez voir !
Allez vous faire quelque chose pour lutter contre le SIDA ?
La veille de Noël, comme un cadeau pour Jésus le jour de son anniversaire, nous avons ouvert une maison à New York que nous avons appelée « la maison de l’amour », « le don de l’amour », et nous avons maintenant une maison à Manhattan. Ceux qui ont le SIDA sont, comme vous le savez, tous condamnés à mourir et rejetés par la société. Mais quelque chose de très beau est arrivé : l’amour et les tendres soins des s½urs, ainsi que les jeunes gens qui viennent volontairement travailler avec les s½urs, ont apporté une nouvelle vie à ces malades. Plus de treize d’entre eux qui sont morts chez nous sont morts dans la paix de Dieu. Et la plus belle chose du monde pour tout être humain, c’est de mourir en paix avec Dieu.
Quels sont les dangers de l’homosexualité ?
Les enfants qui naissent du SIDA ont le SIDA. Ceux qui naissent de la lèpre ne sont pas lépreux.
Quand je parle de danger, je pense aux dangers moraux. Que pensez-vous de l’idée réactionnaire de Valerie Riches(NB : une des conférencières du Congrès, le 12.9.86 « La jeunesse manipulée par les marchands de rêves ») sur l’homosexualité ?
Certaines personnes pensent que le SIDA est dû aux homosexuels, d’autres aux injections de drogue. Il y a plusieurs façons d’attraper la maladie. Mais peu importe la façon dont ils sont contaminés. En ce qui me concerne, je suis tout à fait prête à apporter la paix à ces personnes.
Est-ce que l’homosexualité est immorale ?
Bien sûr que c’est immoral. C’est contre nature. C’est très important d’apprendre aux gens de ne pas être homosexuels. Il y a un grand besoin d’autocontrôle. Dieu ne nous a pas créés comme cela. L’homosexualité est un péché. Toutefois, nous devons haïr le péché, mais toujours aimer le pécheur.
Nous avons des personnes qui viennent chez nous et qui sont atteintes du SIDA et qui changent complètement de vie parce qu’ils trouvent la paix.
Grâce à votre expérience, pouvez-vous nous dire quelle est la place de Marie dans l’éducation familiale ?
Nous devons prier pour grandir en nous-mêmes. Dans la Sainte Famille, il y a certainement eu un grand amour très tendre. Parce que, quand saint Joseph
s’est rendu compte que la Sainte Vierge était enceinte, il a voulu la répudier : il ne voulait pas l’exposer.
Les mères célibataires en Inde ?
Ce n’est pas un problème. Il y a des difficultés, bien sûr, spécialement parmi les non-catholiques. Mais je peux vous dire une chose : beaucoup de ces familles mettent leur enfant au monde et les laissent après. Mais elles ne tuent jamais leur enfant. Nous avons beaucoup d’endroits en Inde pour les mères célibataires parce que nous luttons contre l’avortement par l’adoption. Il y a beaucoup d’enfants de Calcutta, ici en France, et j’espère bien les voir. (A ce moment-là une journaliste présente dans la salle du Congrès a amené à Mère Teresa une petite Indienne de sept ou huit ans qu’elle avait adoptée. Le regard de Mère Teresa fut bouleversant d’amour.)Si elle avait été française, elle aurait été avortée et serait dans une poubelle. La voilà heureuse à Paris !
Dans votre propre famille, est-ce que vous priiez ?
On priait tous les soirs. Ma mère et mon père ont trouvé leur amour en nous gardant toujours ensemble.
Plus ensemble que par les mots ?
Oui. La réalité de l’amour entre mon père et ma mère a été mon meilleur exemple.
Ne pensez-vous pas qu’il y a trop de gens sur terre ?
Il n’y aura jamais assez. Ce qui est important, c’est de partager. Si on partageait, il n’y aurait pas de pauvreté aujourd’hui. Je crois que, depuis que je travaille avec les plus pauvres des pauvres, j’ai vu un grand changement dans l’attitude des gens. Ils sont plus concernés et ils parlent plus aux pauvres et moins à propos des pauvres. Trois cents familles ont été nourries aujourd’hui.
Nous allons tous les soirs dans les hôtels et nous prenons tout ce qui reste comme nourriture et nos pauvres ont au moins un déjeuner.
Croyez-vous que le monde est surpeuplé ?
Ce n’est pas mon problème. Je prends les gens un par un.Le monde sera surpeuplé si nous oublions de nous aimer. Et nous avons des moyens qui favorisent l’amour : par exemple la méthode de régulation des naissances que nous enseignons aux gens des taudis, aux lépreux, à tous ceux avec qui nous travaillons. Nous avons des milliers de familles qui ont adopté les méthodes naturelles et qui nous en sont très reconnaissantes parce qu’elles disent que leur famille est restée unie, qu’elle est saine et qu’elles peuvent avoir un enfant quand elles veulent. C’est quelque chose de très beau.
Comment expliquez-vous que les méthodes naturelles rencontrent tant d’obstacles en Europe, alors qu’en Inde, il y a beaucoup moins de problèmes ?
Comme vous savez, nos familles sont des familles très pauvres où il y a beaucoup d’enfants. Elles sont contentes de connaître des moyens naturels qui leur permettent en général de réduire le nombre de leurs enfants. Partout où nous avons des s½urs, nous enseignons cette méthode. En Europe, en Amérique du Sud et aux Etats Unis, là où la méthode est connue, elle est acceptée. En Inde, il y a maintenant beaucoup de familles pauvres qui peuvent choisir le nombre de leurs enfants sans rien détruire. C’est pour cela que vous avez beaucoup d’avortements, beaucoup plus que nous en avons en Inde. En Inde, nous avons cet amour et ce respect de l’enfant qui commence à disparaître en Europe. Ils veulent du plaisir et ne veulent pas d’enfants. Je ne donne jamais un enfant à une famille qui a fait quelque chose pour détruire la vie – c’est-à-dire contraception, avortement, stérilisation…
Entre des personnes mariées et sans enfants et des personnes non mariées et avec des enfants, que choisissez-vous ?
Je préfère des personnes qui se marient et qui ont des enfants. Car, si elles ne se marient pas, elles détruisent l’avenir des enfants.
En tant que catholique, je voudrais savoir comment on fait, lorsque l’on est jeune pour évangéliser d’autres jeunes ?
Priez. Il faut qu’ils apprennent de vous à prier. Car la prière donne un c½ur pur. Et un c½ur pur peut donner l’amour aux autres. C’est le début de l’amour (…) Cela donne la pureté, la générosité…Nous avons beaucoup de jeunes dans notre congrégation qui compte trente-cinq nationalités. Quand,
dans leurs lettres, ils nous disent pourquoi ils veulent se joindre à notre congrégation, ils écrivent : « Je veux une vie de pauvreté, une vie de prière, une vie de sacrifice qui m’amènera au service des pauvres. » La pauvreté est très importante pour nous. Et pour pouvoir comprendre les pauvres, nous devons savoir ce qu’est la pauvreté. Le plus grand exemple que vous pouvez donner aux jeunes de votre âge est d’être porteur de l’amour de Dieu.
Quelle est votre opinion au sujet des exercices de Saint Ignace ?
Dans notre congrégation, nous sommes aidés par beaucoup de pères jésuites qui donnent tous les ans à nos s½urs les exercices de saint Ignace de Loyola qui nous sont très utiles. Ces exercices ne sont pas réservés uniquement aux religieux. Mais tout dépend des prêtres qui les prêchent. Il est très important de rester fidèles aux exercices selon la façon de saint Ignace et d’être très prudents.
Avez-vous un message pour les jeunes et les familles ici ?
Aimez-vous les uns les autres comme Dieu vous a aimés. L’amour commence dans la famille. C’est pour cela que vous avez besoin d’un c½ur pur, pour voir Dieu en chacun de nous. Je crois que si l’on prie ensemble on pourra vivre une vie merveilleuse ensemble.
Que pensez-vous de l’athéisme ?
Une personne qui dit : « Je ne crois pas en Dieu », sait qu’il y a un Dieu et qu’elle peut le nier. C’est pourquoi cela dépend de nous, de notre manière et de la façon dont nous démontrons la tendresse de l’amour de Dieu.
Croyez-vous qu’il est important pour faire cesser les avortements de montrer le film « Le Cri Silencieux » ?
Je crois que ce film qu’on montre a aidé beaucoup de personnes, mais je pense qu’il y aura moins d’avortements si nous aidons les gens à vivre en paix les uns avec les autres. Second point, il faut encourager la pureté et le mariage parce que la plupart des avortements viennent de gens qui ne sont pas mariés.
Est-ce que vous avez d’autres projets pour établir des maisons à Paris ?
Nous n’avons pas été demandées à le faire. Mais nous avons une maison à Marseille. Nous n’avons pas été invitées à Paris à avoir d’autres maisons. Mais il y a beaucoup de pays qui nous demandent des s½urs. Alors je choisis toujours l’endroit où le besoin est le plus grand. Nous avons des s½urs, des frères et des prêtres.
Pensez-vous qu’un gouvernement puisse efficacement défendre les droits de l’homme et admettre la possibilité d’avortement légal ?
Les deux ne vont pas ensemble. Parce que tout enfant a le droit de naître.
Dans l’Evangile, il y a le rôle de Marthe (active) et le rôle de Marie (la contemplative). Ne pensez-vous pas que vous jouez plutôt celui de Marthe ?
Je joue le rôle de Marthe et celui de Marie. Je ne serais pas capable de faire ce que je fais si je n’avais pas une prière très profonde. C’est pourquoi nous commençons la journée par une heure entière de prière, la Messe et la Sainte Communion. Puis nous la terminons avec une heure d’adoration. Entre-temps nous prions aussi. Nous essayons de faire de notre communauté une communauté profondément contemplative, très intensément eucharistique et vibrante de joie. Si vous regardez nos s½urs, elles irradient la joie.
En 1987, il y aura le premier synode pour les laïcs. Pourquoi pensez-vous que c’est très important ?
C’est très important parce que les laïcs sont la famille. Ni l’Eglise ni le monde ne peuvent vivre sans la famille. Les laïcs ont un rôle important dans l’Eglise parce que leur vocation dépend de la famille.