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FAQ

Qu'est-ce que la volonté, comment la forger... Dieu peut-il forcer ma volonté ? - Abbé Ph-M Airaud

 

1- Qu'est-ce que la volonté ?

Quand on cherche ce qui différencie l'homme de l'animal, on pense évidemment aux facultés supérieures qui caractérisent l'être humain. Spontanément, c'est l'intelligence qui se présente. Elle est la capacité à abstraire, c'est-à-dire à tirer, de l'expérience des sens, des idées, des concepts. Mon chat ou mon chien connaît le canapé de mon salon mais il n'a pas l'idée de canapé en général. Ainsi les animaux ne sont pas intelligents au sens strict.

Dans les facultés supérieures de l'homme, on oublie facilement la volonté. « La volonté est un certain appétit rationnel », dit saint Thomas d'Aquin (Somme Théologique, Ia IIae, Q. 8, art. 1, in corp.). Le propre de la volonté est donc de tendre vers le bien. Elle aspire au bien et s'y complaît quand elle l'a obtenu. C'est pourquoi, comme l'intelligence est le siège de la vérité, la volonté est le siège de l'amour.

 

2- Mais quel bien ?

En tant que telle, la volonté aspire par elle-même au bien, elle est mue par lui. Le bien prend des formes différentes : ma santé, mon travail, etc... Mais cet appétit naturel vers le bien que l'on trouve chez les animaux qui n'ont pas de volonté, il rencontre chez l'homme le désir de l'universel, le désir du bien absolu qui porte un nom : Dieu. Parce que cet appétit de la volonté est rationnel, il cherche ce qu'il y a de plus haut. Dans l'être humain, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, se trouve inscrite au plus profond de son âme une double aspiration : à la vérité et au bien.

 

3- La volonté peut-elle tendre au mal ?

Pour se déterminer au bien et aux moyens pour y parvenir, la volonté s'appuie sur ce que lui présente l'intelligence. Celle-ci scrute le réel pour trouver des raisons de vivre, pour l'immédiat et pour le futur. Nous devons nous nourrir au quotidien par exemple, mais également former des projets pour un travail, un état de vie. Cependant l'intelligence subit l'influence de nos sens et du péché. C'est ainsi qu'elle peut porter un mauvais jugement et présenter comme un bien ce qui ne l'est pas. La volonté s'en saisira comme un bien vers lequel aller, alors que c'est un mal. Par exemple, le voleur cherche à s'emparer d'un objet qu'il considère comme nécessaire pour lui. Mais il masque un bien plus fondamental qui est le respect du prochain et de ce qui lui appartient. L'égoïsme l'emporte alors sur l'amour. La volonté a cherché le bien mais un bien dévoyé qui n'a que l'apparence de bien.

 

4- Quel bien chercher donc ?

Le bien ultime, celui qui oriente nos choix et nos options ne peut être que Dieu Lui-même, au risque sinon de se replier sur des biens passagers et limités, incapables de combler le cœur de l'homme. Si je ne mange pas à ma faim, je suis en manque du nécessaire pour mon corps. Si Dieu n'est pas l'horizon vers lequel je marche, mon âme s'en trouve frustrée, consciemment ou inconsciemment. C'est le malheur de notre monde sans Dieu, et donc sans espérance et sans joie.

« L'âme n'a qu'une volonté, dit saint Jean de La Croix. Si elle l'engage ou l'applique à quelque chose de créé, elle perd sa liberté, sa force, son détachement et sa pureté, toutes choses qui sont requises pour arriver à la transformation en Dieu... Malgré cela ces âmes (NB. Il parle à partir d'une citation du Livre des Juges) se sont liées d'amitié et ont contracté des alliances avec ce petit peuple de leurs imperfections, qu'elles n'arrivent jamais à mortifier complètement ; elles vivent dans la négligence et la tiédeur. Aussi Sa Majesté en est irritée et les laisse s'abandonner à leurs tendances qui chaque jour vont de mal en pis » (La Montée du Carmel, Livre I, ch. XI).

 

5- Comment forger ma volonté ?

Les parents s'attachent largement à développer l'intelligence des enfants qui, comme chacun sait, sont tous des petits génies. Et de fait, les moyens ne manquent pas pour ce but. En revanche et bien souvent, ils se préoccupent moins d'éduquer la volonté de leur progéniture. Or, c'est sûrement plus important car les carences de l'intelligence se corrigent plus facilement que celles de la volonté. Éduquer, c'est d'abord apprendre à discerner le vrai bien et renoncer aux biens factices et transitoires. Renoncer aux passions dévoyées par le péché, contrôler les appétits sensibles, voici donc les moyens pour forger une volonté prompte à s'élancer vers les biens essentiels.

La formation est donc déterminante, notamment la formation biblique et catéchétique qui nous établit là où sont les vrais biens. Mais c'est un combat contre le péché qui nécessite la grâce de Dieu et, partant, les sacrements qui nous donnent le vrai Bien pour qu'Il guérisse notre âme malade et affaiblie, et infuse en elle l'amour véritable, la charité qui nous unit à Dieu.

 

6- Le Bien est-il finalement quelque chose ou quelqu'un ?

 Le bien n'est pas seulement pour nous une idée, un concept abstrait. Le Bien est quelqu'un. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie », dit Jésus (Jn 14, 6). Notre intelligence ne peut pleinement s'épanouir que dans la recherche passionnée du Christ, « rayonnement de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être » (He 1, 3). Notre volonté ne peut pleinement se satisfaire que de la recherche du vrai Bien qui est possession de la Vie en plénitude, qui n'est autre que Dieu. « La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant ; la vie de l'homme, c'est de voir Dieu » (Saint Irénée, Adversus Haereses, IV, 20, 7). Le Chemin pour y conduire est Jésus.

 

7- Comment discerner la volonté de Dieu ?

Dieu est notre Bien ultime, c'est pourquoi la sainteté est la vocation fondamentale du chrétien et de tout homme. Être saint, c'est participer de la Sainteté de Dieu. Cependant, pour atteindre ce but, il y a un chemin particulier pour chacun. Ce chemin est dans l'ordre des biens intermédiaires. La vocation de chacun est celle qui correspond le mieux à sa personne, son caractère, son histoire, ses désirs profonds. Elle ne s'impose pas comme Bien absolu mais comme bien adapté au plein épanouissement de chacun. L'appel de Dieu passe par la délibération de l'intelligence qui cherche la meilleure voie et le choix qui permet à la volonté d'orienter le cheminement terrestre selon un état de vie précis. Il faut donc invoquer la grâce de Dieu pour que les passions n'influent pas trop sur le discernement de l'intelligence. « Dilige, et fac quod vis », disait saint Augustin (Tractatus in 1Jn, VII, 8 : « Aime, et fais ce que tu veux »). Ce n'était évidemment pas une invitation à la débauche, mais plutôt l'ajustement de tous nos désirs à Celui qui seul peut les combler, de sorte que les voies secondaires pour y conduire empruntent un vrai chemin de liberté. Fais ce que tu veux, quand ta volonté épouse parfaitement celle de Dieu.

Celui qui vit dans la grâce, en état de grâce, dans une communion étroite avec son Seigneur, se dispose intérieurement à recevoir les inspirations de l'Esprit-Saint pour qu'une sainte indifférence lui permette de pencher vers ce qui sera le meilleur pour lui. Cette sainte indifférence ne porte pas sur la sainteté mais sur les moyens de l'atteindre. Elle n'est pas une attitude passive mais une attention active et priante à la suggestion divine. Dieu sait ce qui est bon pour nous. Mais il est tout aussi important d'appeler le discernement d'un frère plus sage et expérimenté qui aura un regard plus objectif. Notre volonté s'affermit dans ses choix sous l'influence de la grâce et la confirmation des frères.

 

8- Et si je suis toujours indécis ?

Il arrive que des personnes n'ont pas suivi un appel par crainte ou manque de foi. Elles traînent en général une sorte de mélancolie et de regret inavoué. C'est souvent le cas lorsque l'on tient trop à son indépendance, à son autonomie. L'autonomie, littéralement, c'est vivre selon sa propre loi. Par manque de discernement ou par un désir de liberté mal conçue, la personne indépendante ne veut pas s'engager. Pour y remédier, il faut apprendre dès le plus jeune âge le sens de la noble vertu d'obéissance. Elle n'est pas très à la mode mais elle est vitale pour fortifier la volonté. Comme son nom l'indique, l'obéissance est l'écoute attentive de ceux - et d'abord Dieu par ceux qu'Il a mandatés - qui sont revêtus de l'autorité. L'autorité véritable cherche à faire grandir l'autre, qu'elle soit parentale, hiérarchique, ecclésiale ou religieuse. L'apprentissage de l'obéissance est le dépouillement progressif de ma seule façon égocentrique de voir les choses qui s'érige parfois insolemment en norme absolue. L'obéissance n'est non seulement pas contraire à l'intelligence mais elle la requiert pour être un assentiment volontaire à ce que d'autres me font entrevoir et que je peux concevoir comme étant un bien meilleur.

 Dans la perspective chrétienne, elle vise à stimuler la charité qui place l'intérêt du prochain avant le mien. Rappelons-nous que la volonté est le siège de la charité. Plus cette charité est pure et débarrassée des « tendances égoïstes de la chair » (Ga 5, 16), et plus elle purifiera mes intentions. Ainsi ma volonté s'en trouvera mieux orientée, vers ce qui est plus essentiel. Elle n'en sera que plus vigoureuse dans ses choix. Vérité et charité se stimulent mutuellement. Je connais d'autant mieux ce que j'aime, que j'aime d'autant plus ce que je connais. Si Dieu a vraiment la première place dans ma vie en son Fils Jésus-Christ, toutes les petites choses nécessaires de mon existence s'ordonneront d'elles-mêmes à l'unique nécessaire. Sainte Thérèse d'Avila disait qu'on prie très bien Dieu dans les casseroles dans la mesure où, cette humble tâche de faire la cuisine, qui plus est peut-être pour des frères et sœurs, n'est pas étrangère à la croissance de la charité qui est union à Dieu. Dans les petites choses du quotidien, ma volonté grandit à la mesure de l'offrande volontaire que j'en fais « ad maiorem Dei gloriam » (pour la plus grande gloire de Dieu).

 

9- Dieu peut-Il forcer ma volonté ?

Sainte Thérèse d'Avila répond ainsi : « Dieu ne force pas notre volonté ; il prend ce que nous lui donnons. Mais il ne se donne pas complètement, tant que nous ne nous sommes pas, nous aussi, donnés à lui complètement. Voilà un fait certain. Comme cette vérité est extrêmement importante, je ne saurais trop vous la rappeler. Le Seigneur ne peut agir librement dans l'âme que quand il la trouve dégagée de toute créature et toute à lui ; sans cela, je ne sais comment il le pourrait, lui qui est si ami de l'ordre. Or, si nous remplissons notre palais de gens de basse condition et de futilités, comment le Seigneur pourrait-il y trouver place avec sa cour ? C'est déjà beaucoup qu'il daigne venir un instant au milieu de tant d'embarras » (Chemin de la Perfection , chapitre 30).

Le Seigneur ne violente jamais notre volonté mais se propose à nous comme notre seul Bien absolu. Les biens de ce monde ne sont bons et vraiment des biens que dans la mesure où ils ne nous détournent pas de ce Bien auquel la volonté aspire. Il nous faut chercher sans cesse ici-bas les prémices de ce que nous posséderons en plénitude au Ciel. Saint Augustin parle de 'delectatio victrix' (De peccatorum meritis et remissione, II, 19, 32), d'une délectation victorieuse dans le sens où Dieu, contre l'attrait du mal en nous, nous présente le charme du Bien qu'Il est Lui-même au delà et au-dessus de tout. Saurons-nous Le saisir ?

 

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