Benoît XVI de A à Z

Saint Charles Borromée

 

 

2010

 

1er novembre 2010 – LUMEN CARITATIS - Message du Pape Benoit XVI à l’archevêque de Milan à l’occasion du IVème centenaire de la canonisation de Saint Charles Borromée

     La lumière de la charité de Saint Charles Borromée a illuminé toute l'Eglise et, renouvelant les prodiges de l'amour du Christ, notre Suprême et Éternel Pasteur, il a apporté une nouvelle vie et une nouvelle jeunesse au troupeau de Dieu, qui traversait des temps douloureux et difficiles. C'est pourquoi je me joins à tout c½ur à la joie de l'Archidiocèse ambrosien pour commémorer le quatrième centenaire de la canonisation de ce grand Pasteur, advenue le 1er Novembre 1610.
     1. L'époque à laquelle Charles Borromée vécut fut très délicate pour la chrétienté. L'archevêque de Milan y donna un exemple splendide de ce que signifie travailler pour la réforme de l'Eglise. Nombreux étaient les désordres à sanctionner, nombreuses les erreurs à corriger, nombreuses les structures à rénover; et pourtant, saint Charles s'employa à une profonde réforme de l'Eglise, en commençant pas sa propre sa vie. C'est envers lui-même, en effet, que le jeune Borromée promut la p

remière et la plus radicale oeuvre de rénovation. Sa carrière avait commencé de manière prometteuse selon les canons de l'époque: pour le fils cadet de la noble famille Borromée s'annonçait un avenir de facilité et de succès, une vie ecclésiastique riche d'honneurs, mais sans fonctions ministérielles; à cela s'ajoutait aussi la possibilité d'assumer la direction de la famille après la mort soudaine de son frère Federico.
     Pourtant, Charles Borromée, illuminé par la Grâce, fut attentif à l'appel par lequel le Seigneur l'attirait à lui et voulait le consacrer service de son peuple. Ainsi, il fut capable d'opérer un détachement radical et héroïque des modes de vie qui étaient caractéristiques de sa dignité mondaine, et de se consacrer entièrement au service de Dieu et de l'Eglise. Dans des temps assombris par de nombreuses épreuves pour la communauté chrétienne, avec des divisions et la confusion doctrinale, avec l'obscurcissement de la pureté de la foi et des moeurs, et le mauvais exemple de différents ministres sacrés, Charles Borromée ne se limita pas à déplorer ou à condamner, ni simplement à souhaiter le changement des autres, mais il commença à réformer sa propre vie, qui, une fois abandonnés les richesses et le confort, devint remplie par la prière, la pénitence et le dévouement aimant à son peuple. Saint Charles vécut de manière héroïque les vertus évangéliques de la pauvreté, de l'humilité et de la chasteté, dans un chemin constant de purification ascétique et de perfection chrétienne.
     Il était conscient qu'une réforme sérieuse et crédible devait commencer par les Pasteurs, afin d'avoir des effets bénéfiques et durables sur l'ensemble du Peuple de Dieu. Dans cette action de réforme, il sut puiser aux sources traditionnelles et toujours vivantes de la sainteté de l'Eglise catholique: la centralité de l''Eucharistie, dans laquelle il reconnut et reproposa la présence adorable du Seigneur Jésus et de son sacrifice d'amour pour notre salut; la spiritualité de la Croix, comme force rénovatrice, capable d'inspirer l'exercice quotidien des vertus évangéliques; la fréquentation assidue des sacrements, dans lesquels accueillir avec foi l'action même du Christ qui sauve et purifie son Eglise; la Parole de Dieu, méditée, lue et interprétée dans le canal de la Tradition; l'amour et la dévotion pour le Souverain Pontife dans l'obéissance prompte et filiale à ses instructions, comme garantie de vraie et pleine communion ecclésiale.
     De sa vie sainte et toujours plus conformée au Christ vient aussi l'extraordinaire oeuvre de réforme que saint Charles réalisa dans les structures de l'Eglise, dans la fidélité totale au mandat du Concile de Trente. Son oeuvre de conduite du Peuple de Dieu, de législateur méticuleux, d'organisateur génial fut admirable. Tout cela, cependant, tirait force et fécondité de l'engagement personnel de pénitence et de sainteté. En tout temps, en effet, c'est cela qui est la nécessité première et la plus urgente dans l'Eglise: que chacun de ses membres se convertisse à Dieu. Aujourd'hui encore, les épreuves et les souffrances ne manquent pas à la communauté cclésiale, et elle montre qu'elle a besoin de purification et de réforme. L'exemple de saint Charles nous incite à toujours partir d'un engagement sérieux de conversion personnelle et communautaire, à transformer les c½urs, croyant avec une ferme conviction dans le pouvoir de la prière et de la pénitence. J'encourage particulièrement les ministres sacrés, les prêtres et les diacres, à faire de leur vie un courageux chemin de sainteté, à ne pas craindre l'ivresse de cet amour confiant au Christ pour lequel l'évêque Charles fut disposé à s'oublier lui-même et à tout quitter. Chers frères dans le ministère, l'Église ambrosienne puisse-telle toujours trouver en vous une foi limpide et une vie sobre et pure, qui renouvelle l'ardeur apostolique qui fut celle de saint Ambroise, saint Charles et beaucoup de vos saints Pasteurs!
     2. Durant l'épiscopat de saint Charles, l'ensemble de son vaste diocèse se sentit contaminé par un courant de sainteté qui se propagea à tout le peuple. Comment cet évêque, si exigeant et rigoureux, réussit-il à fasciner et à conquérir le peuple chrétien? Il est facile de répondre: saint Charles l'éclaira et l'entraîna avec l'ardeur de sa charité. "Deus Caritas Est", et là où il y a l'expérience vivante de l' amour, là se révèle le visage profond de Dieu qui nous attire et nous fait siens.
     La charité de saint Charles Borromée fut par-dessus tout celle du Bon Pasteur, qui est prêt à donner totalement sa vie pour le troupeau qui lui est confié, faisant passer les exigences et les devoirs du ministère avant toute forme d'intérêt personnel, de commodité ou de profit. Ainsi, l'Archevêque de Milan, fidèle aux indications du Concile de Trente, visita à plusieurs reprises l'immense diocèse, jusque dans des endroits les plus reculés, prit soin de son peuple, le nourrissant constamment des Sacrements et de la Parole de Dieu, par une prédication riche et efficace; il n'eut jamais peur de faire face à l'adversité et aux dangers pour défendre la foi des simples et les droits des pauvres.
     Saint Charles, ensuite, fut reconnu comme vrai père, plein d'amour pour les pauvre. La charité le poussa à dépouiller sa propre maison et à donner ses propres biens pour pouvoir aux nécessiteux, soutenir les affamés, vêtir et donner un soulagement aux malades. Il fonda des institutions vouées à l'assistance et au rétablissement des personnes dans le besoin; mais sa charité envers les pauvres et les souffrants brilla d'une manière extraordinaire au cours de la peste de 1576, lorsque le saint Archevêque voulut rester au milieu de son peuple, pour l'encourager, pour le servir et le défendre avec les armes de la prière, de la pénitence et de l'amour.
     La charité, en outre, poussa Borromée à se faire éducateur authentique et entreprenant. Il le fut pour son peuple avec les écoles de doctrine chrétienne. Il le fut pour le clergé avec la création de séminaires. Il le fut pour les enfants et les jeunes avec des initiatives spécifiques adressées à eux et avec l'encouragement à fonder des congrégations religieuses et des confraternités laïques dédiés à la formation de l'enfance et de la jeunesse.
     Toujours la charité était le motif de la dureté avec laquelle saint Charles vivait le jeûne, la pénitence et de mortification. Pour le saint évêque, ce n'étaient pas seulement des pratiques ascétiques adressées à sa propre perfection spirituelle, mais un véritable instrument de ministère pour expier les fautes, invoquer la conversion des pécheurs et intercéder pour les besoins de ses enfants.
     Tout au long de son existence, nous pouvons donc contempler la lumière de la charité évangélique, la charité indulgente, patiente et forte qui «excuse tout, croit tout, espère tout, endure tout» ( 1 Cor 13,7). Je rends grâce à Dieu parce que l'Eglise de Milan a toujours été riche en vocations spécialement consacrées à la charité; je loue le Seigneur pour les splendides fruits d'amour pour les pauvres, de service aux souffrants et d'attention aux jeunes dont elle peut être fière. Puissent l'exemple et la prière de saint Charles obtenir que vous soyez fidèles à cet héritage, de sorte que chaque baptisé sache vivre dans la société d'aujourd'hui cette prophétie fascinante qui, à chaque époque, est la charité du Christ vivant en nous.
     3. On ne pourrait pas comprendre, cependant, la charité de saint Charles Borromée, si on ne connaissait pas sa relation d'amour passionné avec le Seigneur Jésus. Cet amour, il l'a contemplé dans les saints mystères de l'Eucharistie et de la Croix, vénérés en union très étroite avec le mystère de l'Eglise. L'Eucharistie et le Crucifié ont immergé saint Charles dans la charité du Christ, et ceci a transformé et brûlé d'ardeur toute sa vie, a rempli ses nuits passées dans la prière, a animé chacune de ses actions, a inspiré les liturgies solennelles célébrées avec le peuple, a ému son âme souvent jusqu'à lui causer des larmes.
     Le regard contemplatif au saint Mystère de l'Autel et au Crucifié réveille en lui des sentiments de compassion pour les misères des hommes et allume dans son c½ur l'angoisse apostolique d'apporter à tous le message de l'Evangile. D'autre part, nous savons tous qu'il n'y a pas de mission dans l'Église qui ne jaillisse du "rester" dans l'amour du Seigneur Jésus, qui se rend présent à nous dans le sacrifice eucharistique. Mettons-nous à l'école de ce grand Mystère! Faisons de l'Eucharistie le véritable centre de nos communautés et laissons-nous être éduqués et façonnés par cet abîme d'amour! Chaque oeuvre apostolique et de charité prendra de cette source vigueur et fécondité!
     4. La figure splendide de saint Charles me suggère une dernière réflexion s'adressant en particulier aux jeunes. L'histoire de ce grand évêque, en effet, est toute déterminée par plusieurs courageux "oui" prononcés quand il était encore très jeune . À l'âge de 24 ans, il prit la décision de renoncer à diriger sa famille pour répondre avec générosité à l'appel du Seigneur; l'année suivante, il reçut comme une véritable mission divine l'ordination sacerdotale et celle épiscopale. A 27 ans, il prit possession du diocèse ambrosien et se consacra tout entier au ministère pastoral. Dans les années de sa jeunesse, saint Charles comprit que la sainteté était possible et que la conversion de sa vie pourrait vaincre toute habitude adverse. Ainsi, il fit de sa jeunesse un don d'amour au Christ et à l'Eglise, devenant un géant de la sainteté de tous les temps.
     Chers jeunes, permettez-moi de renouveler cet appel, qui me tient beaucoup à c½ur: Dieu veut que vous soyez saints, car il vous connaît en profondeur et vous aime d'un amour qui surpasse toute compréhension humaine. Dieu sait ce qu'il y a dans votre c½ur et attend de voir fleurir et fructifier ce don merveilleux qu'il a placé en vous. Comme saint Charles, vous pouvez vous aussi faire de votre jeunesse une offrande au Christ et à vos frères. Comme lui, vous pouvez décider, en cette saison de votre vie, de «parier» sur Dieu et sur l'Evangile. Vous, chers jeunes, vous n'êtes pas seulement l'espérance de l'Eglise; vous faites déjà partie de son présent! Et si vous avez l'audace de croire à la sainteté, vous serez le plus grand trésor de votre Eglise ambrosienne, qui s'est édifiée sur les Saints.
     Avec joie, je vous confie, Vénérable Frère, ces réflexions, et, tandis que j'invoque la céleste intercession de saint Charles Borromée et la constante protection de la Très Sainte Vierge, je donne de tout c½ur à vous et à l'ensemble de l'Archidiocèse, une Bénédiction apostolique spéciale.



Du Vatican, 1er Novembre 2010, IVe centenaire de la canonisation de saint Charles Borromée.

 

 

 

 

 

2011

 

 

12 février 2011 – Discours de Benoit XVI aux participants à l’Assemblée Générale de la Fraternité Sacerdotale des Missionnaires de Saint Charles Borromée

      C’est avec une grande joie que je vous rencontre, prêtres et séminaristes de la Fraternité Saint-Charles, réunis ici à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa fondation. Je salue et je remercie le fondateur et supérieur général, Mgr Massimo Camisasca, son conseil, et vous tous, parents et amis, qui entourez la communauté. Je salue en particulier l’archevêque de la Mère de Dieu de Moscou, Mgr Paolo Pezzi, et dom Julián Carrón, président de la Fraternité Communion et Libération, qui expriment de façon symbolique les fruits et la racine de l’½uvre de la Fraternité Saint-Charles. Ce moment rappelle à ma mémoire ma longue amitié avec Mgr Luigi Giussani et témoigne de la fécondité de son charisme.

     En cette occasion, je voudrais répondre à deux questions que me suggère notre rencontre: quelle est la place du sacerdoce ordonné dans la vie de l’Eglise? Quelle est la place de la vie communautaire dans l’expérience sacerdotale?

     Votre naissance au sein du mouvement Communion et Libération et votre référence vitale à l’expérience ecclésiale qu’il représente, place devant nos yeux une vérité qui s’est réaffirmée de façon particulièrement claire à partir du XIXe siècle et qui a trouvé ensuite une expression significative dans la théologie du Concile Vatican II. Je veux parler du fait que le sacerdoce chrétien n’est pas une fin en soi. Il a été voulu par Jésus en fonction de la naissance et de la vie de l’Eglise. Chaque prêtre peut donc dire aux fidèles, en paraphrasant saint Augustin: Vobiscum christianus, pro vobis sacerdos. La gloire et la joie du sacerdoce est de servir le Christ et son Corps mystique. Il représente une vocation très belle et très particulière au sein de l’Eglise qui rend présent le Christ, car il participe de l’unique et éternel sacerdoce du Christ. La présence de vocations sacerdotales est un signe certain de la vérité et de la vitalité d’une communauté chrétienne. En effet, Dieu appelle toujours, également au sacerdoce; il n’y a pas de croissance véritable et féconde dans l’Eglise sans une authentique présence sacerdotale qui la soutient et la nourrit. Je suis donc reconnaissant à tous ceux qui consacrent leurs énergies à la formation des prêtres et à la réforme de la vie sacerdotale. Comme toute l’Eglise, en effet, le sacerdoce aussi a besoin de se renouveler continuellement, en retrouvant dans la vie de Jésus les formes les plus essentielles de leur être.

     Les différentes voies possibles de ce renouveau ne peuvent ignorer certains éléments auxquels on ne peut renoncer. Avant tout, une éducation profonde à la méditation et à la prière, vécues comme dialogue avec le Seigneur ressuscité présent dans son Eglise. En deuxième lieu, une étude de la théologie qui permette de rencontrer les vérités chrétiennes sous la forme d’une synthèse liée à la vie de la personne et de la communauté: seul un regard de sagesse peut en effet valoriser la force que la foi possède d’illuminer la vie et le monde, en conduisant continuellement au Christ, Créateur et Sauveur.

     Au cours de sa brève, mais intense existence, la Fraternité Saint-Charles a souligné la valeur de la vie communautaire. J’en ai moi-même parlé à plusieurs reprises dans mes interventions avant et après mon appel au siège de Pierre. «Il est important que les prêtres ne vivent pas isolés, qu’ils soient ensemble au sein de petites communautés, se soutiennent les uns les autres, qu’ils découvrent ainsi la communauté qu’ils forment dans leur action au service du Christ et dans leur renoncement au profit du Royaume céleste — et que cette conscience leur soit redonnée régulièrement» (Lumière du monde, Cité du Vatican, 2010, p. 208). Les urgences du moment sont sous nos yeux à tous. Je pense par exemple au manque de prêtres. La vie communautaire n’est pas avant tout une stratégie pour répondre à ces nécessités. Elle n’est pas non plus, en soi, uniquement une forme d’aide face à la solitude et à la faiblesse de l’homme. Tout cela peut exister, bien sûr, mais uniquement si la vie fraternelle est conçue et vécue comme chemin pour se plonger dans la réalité de la communion. La vie communautaire, en effet, est une expression du don du Christ qui est l’Eglise, et est préfigurée dans la communauté apostolique, qui a donné naissance aux prêtres. En effet, aucun prêtre n’administre quelque chose qui lui est propre, mais participe avec ses autres frères à un don sacramentel qui vient directement de Jésus.

     La vie communautaire exprime donc une aide que le Christ donne à notre existence, en nous appelant, à travers la présence de nos frères, à une configuration toujours plus profonde à sa personne. Vivre avec les autres signifie accepter la nécessité de sa propre conversion permanente, et surtout, découvrir la beauté de ce chemin, la joie de l’humilité, de la pénitence, mais également de la conversation, du pardon réciproque, du soutien mutuel. Ecce quam bonum et quam iucundum habitare fratres in unum (Ps 133, 1).

     Personne ne peut assumer la force régénératrice de la vie commune sans la prière, sans tenir compte de l’expérience et de l’enseignement des saints, en particulier des Pères de l’Eglise, sans une vie sacramentelle vécue avec fidélité. Si l’on entre pas dans le dialogue éternel que le Fils entretient avec le Père dans l’Esprit Saint, aucune vie commune authentique n’est possible. Il faut être avec Jésus pour pouvoir être avec les autres. Tel est le c½ur de la mission. Dans la compagnie de Jésus et de nos frères, chaque prêtre peut trouver les énergies nécessaires pour prendre soin des hommes, pour assumer les besoins spirituels et matériels qu’il rencontre, pour enseigner avec des paroles toujours nouvelles, dictées par l’amour, les vérités éternelles de la foi dont ont soif également nos contemporains.

     Chers frères et amis, continuez d’aller dans le monde entier pour apporter à tous la communion qui naît du c½ur du Christ! Que l’expérience des apôtres avec Jésus soit toujours le phare qui illumine votre vie sacerdotale! En vous encourageant à continuer sur la voie tracée au cours de ces années, je donne avec plaisir ma bénédiction à tous les prêtres et séminaristes de la Fraternité Saint-Charles, à leur famille et amis.

 

 

 

 

publié le : 04 novembre 2024

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