Jean-Paul II de A à Z

Sainte Vierge Marie - Immaculée Conception - Assomption

1978

 

 

29 octobre 1978 – Visite au sanctuaire marial de la Mentorella

 

Dès le début du IIe Concile du Vatican, j’ai pu séjourner plusieurs fois à Rome, pour les travaux du Concile ou pour d’autres tâches qui m’avaient été confiées par le Pape Paul VI.

À l’occasion de ces séjours à Rome, je suis souvent venu au sanctuaire de la Madonna della Mentorella. Ce lieu, caché au milieu des montagnes, m’avait particulièrement fasciné. À partir d’ici on peut se promener et admirer le magnifique paysage italien. J’y étais encore venu quelques jours avant le dernier Conclave. Et si aujourd’hui j’ai désiré y revenir, c’est pour de multiples raisons que je vais vous dire.

Je veux d’abord m’excuser auprès de mes collaborateurs, de l’administration locale et de ceux qui se sont occupés de ce vol, du surcroît de travail que je leur ai donné. En même temps, je salue cordialement tous les habitants de Guadagnolo, près d’ici, et tous ceux des autres localités voisines qui sont venus ici. Je salue les gardiens de ce sanctuaire, les Pères polonais de la Résurrection, et aussi le clergé des environs avec son évêque, Mgr Gugliemo Giaquinta.

Nous lisons dans l’Évangile de saint Luc que Marie, après l’Annonciation, avait traversé les montagnes pour rendre visite à sa parente Élisabeth. Arrivée à Aïn-Karim, elle mit tout son c½ur dans les paroles que l’Église rappelle tous les jours aux vêpres : « Magnificat anima mea Dominum — mon âme exalte le Seigneur. » J’ai voulu venir ici, dans ces montagnes, pour y chanter le Magnificat, à la suite de Marie.

C’est un endroit où, d’une façon particulière, on s’ouvre à Dieu. Loin de tout, mais en même temps en contact avec la nature, on peut y parler tranquillement à Dieu. On y entend au plus intime de soi-même l’appel personnel qu’il adresse à l’homme. Et l’homme doit rendre gloire à Dieu, son Créateur et Rédempteur. Il doit, en quelque sorte, se faire l’interprète de toute la création pour dire en son nom : « Magnificat ». Il doit annoncer les « grandes choses de Dieu », et en même temps s’exprimer lui-même dans cette sublime relation avec Dieu, parce que dans le monde visible lui seul peut le faire.

Pendant mes séjours à Rome, ce lieu m’a beaucoup aidé à prier. C’est pourquoi j’ai voulu y revenir aujourd’hui. La prière, qui exprime de diverses manières la relation de l’homme avec le Dieu vivant, est aussi la première tâche et comme la première annonce du Pape, elle est aussi la première condition de son service dans l’Église et dans le monde.

Pendant ces quelques jours qui se sont écoulés depuis le 16 octobre, j’ai été heureux d’entendre de la bouche de personnes faisant autorité des paroles confirmant le réveil spirituel de l’homme d’aujourd’hui. Ces paroles — et c’est significatif — ont été prononcées surtout par des laïcs qui occupent de hautes charges dans la vie politique de différents pays et peuples. De nombreuses fois, ils ont parlé des besoins de l’esprit humain qui ne sont pas moindres que ceux du corps. Ils ont dit en même temps que l’Église, en premier lieu, était capable de satisfaire ces besoins.

Ce que je dis aujourd’hui veut être une première et humble réponse à tout ce que j’ai entendu : l’Église prie, l’Église veut prier, elle désire être au service du besoin le plus simple et en même temps le plus splendide don de l’esprit humain qui se réalise dans la prière. La prière est en effet la première expression de la vérité intérieure de l’homme, la première condition de la liberté authentique de l’esprit.

L’Église prie et veut prier pour entendre la voix intérieure de l’Esprit divin, afin qu’en nous et avec nous il puisse parler de toute la création avec des gémissements indicibles. L’Église prie et veut prier pour répondre aux besoins du plus profond de l’homme, qui est parfois tellement réduit et limité par les conditions de sa vie quotidienne, par tous les problèmes matériels, par la faiblesse, le péché, le découragement et par une vie qui lui semble ne pas avoir de sens. La prière donne un sens à toute la vie, à chaque instant, en toutes circonstances.

C’est pourquoi le Pape, en tant que Vicaire du Christ sur la terre, désire avant tout s’unir à tous ceux qui tendent à l’union avec le Christ dans la prière en quelque endroit qu’ils soient : le Bédouin dans le désert, la Carmélite ou le Trappiste dans leur monastère, le malade sur son lit d’hôpital dans les souffrances de l’agonie, l’homme actif dans la plénitude de la vie, l’homme opprimé et humilié… partout.

La Mère de Dieu a traversé la montagne pour dire son « Magnificat » Que le Père, le Fils et le Saint-Esprit acceptent la prière du Pape en ce sanctuaire et accordent les dons de l’Esprit à tous ceux qui prient.

 

 

 

 

5 juin 1979 – Angelus depuis le sanctuaire de Czestochowa

      Il y a à Rome un bel usage : chaque dimanche et chaque fête d’obligation, le pape récite l’Angelus Domini avec les fidèles qui s’assemblent pour cela sur la place Saint-Pierre. J’ai hérité de cet usage de mes vénérés prédécesseurs et je le continue avec une grande joie. La prière est précédée par une brève méditation et aussi par un rappel des événements qu’il faut recommander particulièrement a Dieu dans la prière, et elle se termine par la bénédiction.

     Mes compatriotes de Pologne connaissent cet usage romain. Bien plus, à partir du moment où j’ai été appelé à la chaire de saint Pierre, ils ont commencé spontanément à s’unir à moi dans la récitation de l’Angelus de chaque jour, à l’heure fixée, le matin, le midi et le soir. Cette prière est devenue un usage universel, comme le montrent de nombreuses lettres et les échos de la presse. Grâce à l’Angelus, nous sommes spirituellement unis entre nous, nous rappelons mutuellement notre souvenir, nous partageons le mystère du salut et aussi notre c½ur.

     Aujourd’hui, en récitant l’Angélus depuis Jasna Gora, je désire remercier tous mes compatriotes et toute la Pologne pour leur noble initiative. J’ai toujours été profondément ému par la preuve constante de votre souvenir, et aujourd’hui je désire exprimer publiquement ce sentiment.

    Je désire en même temps, chers frères et s½urs, demander avec vous à la Mère très sainte que la prière de l’Angélus rappelle continuellement a chacune et à tous combien la dignité de l’homme est grande. C’est aussi le fruit de cette prière et son but. En rappelant que « le Verbe s’est fait chair », c’est-à-dire que le Fils de Dieu est devenu homme, nous devons réaliser combien chaque homme est devenu grand a travers ce mystère, c’est-à-dire à travers le mystère de l’incarnation du Fils de Dieu — chaque homme ! En effet, le Christ a été conçu dans le sein de Marie et il est devenu homme pour révéler l’amour éternel du Créateur et Père, et pour manifester la dignité de chacun d’entre nous.

     Si nous récitons régulièrement l’Angelus, cette prière doit avoir une influence sur toute notre conduite. Nous ne pouvons pas la réciter seulement avec les lèvres, nous ne pouvons pas répéter la prière de l’Angelus et agir en même temps d’une manière opposée à notre dignité humaine et chrétienne.

     Je ne parlerai pas maintenant en détail de tout ce qui, dans la manière de vivre des Polonais, est contraire à la dignité de « l’image de Dieu et de la ressemblance avec Dieu », à la dignité confirmée de manière nouvelle par le mystère de l’incarnation. Nous connaissons parfaitement les vices qui, parfois, se transforment en véritables plaies menaçant la vie spirituelle et biologique de la nation. Pensez-y bien, chers frères et s½urs. Je vous en prie vivement.

     Je ne peux manquer au cours de mon pèlerinage en Pologne, d’adresser la parole aux malades, qui sont si proches de mon c½ur. Je le sais, chers amis, souvent dans les lettres que vous m’envoyez, vous écrivez que vous offrez à mes intentions cette grande croix de la maladie et de la souffrance, que vous l’offrez pour ma mission papale. Que le Seigneur vous le rende !

      Pendant l’Angelus du matin, du midi et du soir — chaque fois que je récite, je sens, très chers compatriotes, que vous m’êtes spécialement proches. Je m’unis spirituellement a vous tous. D’une façon particulière, je renouvelle cette union spirituelle qui me lie à tout homme qui souffre, à tout malade, à tout homme cloué sur un lit d’hôpital, à tout infirme contraint d’utiliser une petite voiture, à tout homme qui, de quelque façon rencontre la croix.

     Très chers frères et s½urs ! Tout contact avec vous, en quelque lieu que ce soit, dans le passé ou aujourd’hui, est pour moi la source d’une profonde émotion. J’ai toujours senti l’insuffisance des paroles que j’aurais pu vous dire et qui m’auraient servi à exprimer ma compassion humaine. Et aujourd’hui encore, j’ai la même impression. Je l’éprouve toujours. Reste toutefois cette unique dimension, cette unique réalité qui permet à la souffrance humaine de se transformer essentiellement. Cette dimension, cette réalité, c’est la croix du Christ. Sur la croix, le Fils de Dieu a accompli la rédemption du monde. Et à travers le mystère que chaque croix met sur les épaules de l’homme, elle acquiert une dignité humainement impossible à concevoir, elle devient le signe de salut pour celui qui la porte et aussi pour les autres. « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ » (Col 1, 24), a écrit saint Paul.

     Et c’est pourquoi, en m’unissant a vous tous qui souffrez sur toute la terre de Pologne — dans vos maisons, dans les hôpitaux, dans les cliniques, dans les centres de soins et de cure… ou que vous soyez — je vous en prie, utilisez pour le salut cette croix qui est devenue partie intégrante de chacun de vous. Je demande pour vous la grâce de la lumière et de la force spirituelle dans la souffrance, afin que vous ne perdiez pas courage, mais que vous découvriez par vous-mêmes le sens de la souffrance et que vous puissiez, avec la prière et le sacrifice, soulager les autres. Ne m’oubliez pas, n’oubliez pas non plus toute l’Église, ni la cause de l’Évangile et de la paix, que je sers par la volonté du Christ.

     Alors que vous êtes faibles et humainement frappés d’une certaine incapacité, soyez une source de force pour votre frère et père qui est proche de vous par la prière et par le c½ur.

     « Me voici, je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38).

     Ces paroles que Marie prononce à travers tant de lèvres humaines, qu’elles deviennent pour vous tous lumière sur votre chemin !

     Que Dieu vous le rende, très chers frères et s½urs ! Et qu’il récompense tous ceux qui ont soin de vous. A travers toute manifestation de cet empressement à vous servir, le Verbe se fait chair (cf. Jn 1, 14). Le Christ a dit en effet : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est a moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

     Que l’Angélus continue donc en terre polonaise en union avec le pape. Et qu’il porte des fruits dans toute la vie des Polonais, non seulement les jours de fête, mais chaque jour de leur vie !

 

 

 

 

 

 

 

1979

 

 

 

 

 

 

 

1er mai 1979 –Homélie de la Messe au sanctuaire marial du Divino Amore

Je suis heureux de me trouver parmi vous, chers Frères et S½urs, dans une union de foi et de prière sous le regard de la Très Sainte Vierge du Divin Amour qui, de ce sanctuaire suggestif, c½ur de la dévotion mariale du diocèse de Rome et des environs, veille fidèlement sur tous les fidèles qui, durant leur pèlerinage ici-bas, se confient à sa protection et à sa garde.

1. En ce premier jour du mois de mai j'ai voulu, moi aussi, venir avec vous tous en pèlerinage en ce lieu béni pour m'agenouiller aux pieds de l'image miraculeuse qui, depuis des siècles, ne cesse de dispenser grâces et réconfort spirituel ; j'ai voulu venir également pour inaugurer solennellement le mois de Marie qui trouve, dans la piété populaire, des expressions on ne peut plus délicates de vénération et d'affection envers notre très douce Mère. La tradition chrétienne qui nous fait offrir des fleurs, des "fioretti" et de pieux propos à la Toute-Belle à la Toute-Sainte, trouve dans ce sanctuaire qui s'élève au beau milieu de la campagne romaine, riche de lumière et de verdure, le point de référence idéal en ce mois qui lui est consacré. D'autant plus que l'image qui la représente assise sur un trône, l'Enfant Jésus entre les bras, avec la colombe qui descend sur elle pour symboliser 1'Esprit Saint, c'est-à-dire précisément le Divin Amour, nous remet en mémoire les liens doux et purs qui unissent la Vierge Marie à l'Esprit Saint et au Seigneur Jésus, Fleur jaillie de son sein, dans l'½uvre de notre rédemption : admirable tableau autrefois contemplé par le plus grand poète italien qui a fait dire à saint Bernard : "Dans ton sein s'est rallumé l'amour dont la chaleur dans l'éternelle paix a fait germer cette Fleur" (Dante, le Paradis, XXXIII, 7-9).

2. Dans ce climat spirituel de piété mariale se célébrera dimanche prochain la journée de prière pour les vocations ecclésiastiques, tant sacerdotales que simplement religieuses : une journée à laquelle l'Eglise attache grande importance à un moment où le problème des vocations se trouve au centre des plus vives préoccupations et sollicitudes de la pastorale ecclésiale. Qu'il vous plaise de mettre cette intention dans vos prières, durant tout le mois de mai. Aujourd'hui plus que jamais le monde a besoin de prêtres et de religieux, de s½urs, d'âmes consacrées qui viennent à la rencontre des nécessités des hommes : il y a des enfants et des adolescents qui attendent qu'on leur enseigne le chemin du salut ; il y a des hommes et des femmes auxquels le dur labeur quotidien fait éprouver plus vivement le besoin de Dieu ; il y a les vieillards, les malades, ceux qui souffrent, tous ceux qui attendent qu'on se penche sur leurs misères et qu'on leur ouvre l'espérance du ciel. Le peuple chrétien a pour devoir de demander à Dieu, par l'intermédiaire de la Vierge, qu'il envoie de la main-d'½uvre à sa moisson (cf. Mt 9, 38), en faisant entendre à de nombreux jeunes une voix qui stimule leur conscience et les attire vers les valeurs spirituelles, qui leur fasse comprendre et apprécier, dans toute sa beauté, le don d'un appel semblable.

3. Mais je suis venu non seulement pour inaugurer ici le mois de mai, mais aussi, comme Evêque de Rome, pour visiter le centre paroissial qui, à l'ombre de ce sanctuaire, exerce son activité pastorale parmi les populations environnantes, selon les directives du Cardinal Poletti, mon Vicaire général, et de l'Evêque auxiliaire Mgr Riva, et à laquelle se dévouent Monsieur le Curé Silla, les vicaires et les Filles de Notre-Dame du Divin Amour.

Chers Prêtres, je connais votre zèle et les difficultés que vous rencontrez dans votre travail apostolique à cause de la distance et de l'isolement des bourgades et des fermes confiées a vos soins pastoraux. Mais soyez intrépides dans la foi et dans la fidélité à votre ministère pour développer toujours plus parmi les âmes le sens de la paroisse comme communauté de vrais croyants ; pour accroître la pastorale familiale et faire ainsi de chaque maison ou groupe de maisons un lieu d'évangélisation, de catéchèse et de promotion humaine ; et pour réserver l'attention voulue aux enfants et aux jeunes qui représentent l'avenir de l'Eglise. Je vous exprime tous mes encouragements pour cet effort et je vous exhorte "au milieu du Peuple de Dieu qui regarde Marie avec tant d'amour et d'espoir", de recourir à elle dans vos difficultés "avec une espérance et un amour exceptionnels. En effet, vous devez annoncer le Christ qui est son Fils.

Et qui mieux que sa Mère vous transmettra la vérité sur lui ? Vous devez nourrir du Christ le c½ur des hommes. Et qui pourra vous rendre plus conscients de ce que vous faites, sinon celle qui l'a nourri ?" (cf. Lettre aux prêtres pour le Jeudi Saint, n. 11).

4. J'ai déjà parlé de l'attention que cette paroisse réserve aux jeunes : eh bien, c'est précisément aux jeunes qui sous peu recevront le sacrement de la Confirmation que je désire adresser quelques mots de sincère affection et de satisfaction pour la préparation qu'ils ont faite afin de recevoir dignement le don de l'Esprit Saint, qui, le jour de la Pentecôte descendit sur les apôtres pour qu'ils soient parmi les hommes d'intrépides témoins du Christ et de valeureux messagers de la Bonne Nouvelle. Chers enfants, par le sacrement de la Confirmation vous recevrez la vertu de la force et saurez ne pas reculer devant les obstacles qui se dresseront sur le chemin de votre vie chrétienne.

Rappelez-vous que l'imposition des mains et le signe de la croix avec le saint-chrême vous font ressembler plus parfaitement au Christ et qu'ils vous donneront la grâce et le mandat de répandre "sa bonne odeur" parmi les hommes (cf. 2 Co 2, 15).

5. Et maintenant que nous nous apprêtons à célébrer le sacrifice eucharistique dans lequel nous saluons sur l'autel "le vrai corps né de la Vierge Marie" nous ne pouvons manquer d'écouter résonner dans nos âmes les douces expressions de la liturgie de la Parole qui ont exalté Marie comme l'épouse parée pour son époux" (cf. Ac 21,1-5), la "Femme de qui est né le Fils de Dieu" (Ga 4, 4-7) et enfin "la Mère du Fils du Très-Haut" (Lc 1, 26-38).

Vous le savez, la Vierge Marie est liée à Jésus ; elle est pour Jésus ; elle est la Mère de Jésus ; elle introduit Jésus dans le monde ; elle est donc au sommet des destins de l'humanité. C'est elle qui, par la grâce de l'Esprit Saint, c'est-à-dire du Divin Amour, fait de Jésus notre frère en raison de sa maternité divine et, de même qu'elle est la mère du Christ par la chair, elle l'est ainsi, par solidarité spirituelle, du Corps mystique du Christ, c'est-à-dire de nous tous qui sommes ce Corps. C'est pourquoi, tandis que monte vers le Père Céleste, le sacrifice de louanges, nous élevons vers notre très douce Mère, devant son sanctuaire, une prière qui jaillit de notre c½ur de fidèles dévôts : Je te salue, ô Mère, Reine du monde. Tu es la Mère du Bel Amour. Tu es la Mère de Jésus, source de toutes grâces, le parfum de toute vertu, le miroir de toute pureté. Tu es notre joie au milieu des larmes, notre victoire dans la bataille, notre espérance dans la mort. Quelle douce saveur ton nom sur nos lèvres, quelle suave harmonie dans nos oreilles, quelle ivresse dans nos c½urs! Tu es le bonheur de ceux qui souffrent, la couronne des martyrs, la beauté des vierges. Nous t'en supplions, guide-nous après cet exil vers la possession de ton Fils Jésus.

 

 

1987

 

 

 

6 juin 1987 – Veillée Mariale en mondovision depuis la Basilique Sainte Marie Majeure. En direct depuis 15 sanctuaires marials à travers le monde. Une première mondiale en technique de télévision : 16 images sur le même écran. La Messe suivra la Veillée Mariale, Place Saint Pierre. Le lendemain, 7 juin 1987, le Pape se rendra au sanctuaire marial romain, le Divin Amour.

Ave Maria.

     Par les paroles de la salutation de l’ange, nous avons respectueusement invoqué, dans ce Rosaire qui a eu un écho mondial, la Vierge Marie, M ère du Rédempteur et notre Mère spirituelle.

     Ave Maria ! C’est une salutation et une imploration. Une salutation de louange à Celle qui a accepté de coopérer à la naissance dans le temps du Fils éternel de Dieu. Une imploration adressée à Dieu tout-puissant, par l’intercession de celle qui est « pleine de grâces ».

     Ave Maria ! L ’invocation mystique, alternée avec les accents du « Notre Père» et du « Gloria », nous a fait vivre un moment de communion spirituelle profonde que la liaison en mondovision avec quelques-uns des principaux sanctuaires mariaux (1) a rendu particulièrement expressive. Un admirable accord des c½urs, répercuté dans les cinq continents, dans les grandes églises de la chrétienté, dans d’innombrables communautés ecclésiales et religieuses, dans des lieux de souffrance et de soins, d’assistance et de charité, dans de nombreuses familles : un concert cosmopolite d’hommes et de femmes, de jeunes et d’aînés, tous unis dans le langage de la prière.

     Cette basilique romaine de Sainte-Marie-Majeure que mon lointain prédécesseur Sixte III a consacré « à la Bienheureuse Vierge Marie et au Peuple de Dieu », est devenue en cette soirée qui introduit à l’Année mariale, un c½ur vibrant de prière, de communion et de charité.

     Sainte Marie, Mère de Dieu ! Nous avons prié en méditant cinq mystères qui sont liés à l’histoire du salut et à la présence de Marie. Cette méditation a donné un souffle d’une force incalculable aux paroles prononcées par nos lèvres. E n suivant les mystères du Rosaire, nous sommes portés à découvrir le sens profond de l’histoire, intimement parcouru par le dessein providentiel du salut et que l’Esprit-Saint développe à travers le tissu des événements. Il « anime le pèlerinage terrestre de l’homme et fait converger toute la création toute l’histoire — jusqu’à son terme ultime, dans l’océan infini de Dieu » (Enc. Dominum et vivificantem, 64).

     En priant ensemble, nous avons renforcé les liens de solidarité avec la famille humaine toute entière, convaincus qu’il faut affronter, dans une généreuse ouverture à la dimension transcendante, les défis de l’heure difficile vécue actuellement par le monde pour les surmonter à l’avantage de l’homme et de son authentique civilisation.

     L’homme contemporain s’interroge, parfois inconsciemment, parfois avec angoisse, sur la signification de sa marche au long des chemins de l’existence. Même face à des progrès sans précédents, l’homme d’aujourd’hui se sent profondément ébranlé par les contradictions présentes dans le monde et dans les personnes, qui le portent parfois jusqu’à douter de la valeur même de la vie. E t pourtant la route de la rédemption est inscrite dans la profondeur de son c½ur. Là, lorsque se taisent les bruits qui l’égarent, arrive une voix qui éclaire, réconforte et fortifie : la voix de Dieu, Père bon et bienfaisant, sage et prévoyant.

     Voilà, frères et S½urs dispersés d’un extrême à l’autre du globe terrestre, le message que la Vierge fait parvenir à chacun en ce moment particulier : Dieu est amour. Qui que tu sois, quelle que soit la condition où tu vis, Dieu t’aime. Il t’aime totalement.

     L ’homme est appelé à la communion avec le Créateur. Notre aspiration irrésistible à la vérité et au bonheur nous le rappelle continuellement. L ’homme a besoin de Dieu.

     Ave Maria ! Il y a deux mille ans, ces paroles ont ouvert le nouveau cours de l’histoire du salut marquée par la « plénitude du temps ». (Ga 4, 4). Par les mêmes paroles, nous exprimons notre volonté de retourner vers Dieu par l’intermédiaire de Marie. Elle nous conduit en effet au Christ.

     À l’approche du troisième millénaire de l’incarnation, nous voulons raffermir nos relations avec Dieu, condition de nouveaux rapports de vérité et de bonté entre les hommes. Marie est le modèle exemplaire de l’ « humanité nouvelle ». Elle est la femme en qui s’est pleinement réalisé le dessein de Dieu. Elle est en même temps « l’humble servante du Seigneur » et la « pleine de grâces ».

     En parcourant de nouveau les étapes de l’½uvre salvifique du Christ par les mystères du Rosaire, nous découvrons la manière dont Marie a vécu la très riche dimension — transcendante et en même temps humaine — de ces événements destinés à tracer un sillon indélébile sur la route des hommes.

     Ave Maria ! Que cette douce prière retentisse joyeusement dans les lieux de culte et dans les sanctuaires. Qu’elle scande les pas de ceux qui avancent sur les routes du temps, les pas du Peuple de Dieu en marche. Que le Rosaire redevienne la prière habituelle de cette « Église domestique » qu’est la famille chrétienne.

     La prière du Rosaire apportera dans notre monde, avec le sourire de la Vierge Mère, les accents de la tendresse de l’amour de Dieu pour l’humanité audacieuse et inquiète du XXe siècle. C’est le souhait qui jaillit du c½ur au seuil de l’Année mariale. Que cette Année soit un Magnificat que toute l’Église élève vers le Seigneur qui « s’est penché sur son humble servante » et qui fait en elle et par elle « de grandes choses ».

     Que le Magnificat de la Vierge Marie soit notre Magnificat.

     Qu’elle accueille et présente au Père notre plus profonde reconnaissance car, par l’½uvre du Saint-Esprit, il nous a donné, par Marie, son F ils bien-aimé, notre Rédempteur Jésus-Christ. À Lui tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles.

     Amen.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1999

 

4 juillet 1999 – Homélie de la Messe de Dédicace du nouveau sanctuaire de la Vierge du Divino Amore, à Rome.

1. «Ce jour est saint pour notre Seigneur» (Ne 8, 10).

Les paroles que nous avons entendues au cours de la première Lecture s'adaptent bien au moment que nous sommes en train de vivre dans ce Sanctuaire du Divin Amour, si cher aux habitants de Rome et du Latium. Oui, ce jour est saint pour Dieu, et c'est pour- quoi il s'agit d'un jour particulièrement empli de fête et de joie. Le Seigneur nous a rassemblés dans sa maison pour nous faire ressentir de façon plus intense le don de sa présence. Comme le peuple juif, nous aussi, suivant le récit de Néhémie, nous accueillons sa parole par l'acclamation «Amen!, amen!» et nous nous prosternons de tout notre c½ur devant lui, en manifestant une profonde adhésion à sa volonté.

Nous aussi, nous répétons avec le Psaume responsorial: «Tes paroles, Seigneur, sont esprit et vie»!

La parole de Dieu illumine le rite de dédicace de ce nouveau temple marial, où les fidèles, qui se rassembleront ici en prière, en particulier au cours du grand Jubilé, seront aidés à s'ouvrir à l'action rénovatrice de l'Esprit.

Tout, dans ce lieu, doit donc prédisposer à rencontrer le Seigneur; tout doit encourager les croyants à proclamer leur foi dans le Christ, hier, aujourd'hui et à jamais.

2. «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant» (Mt 16, 16).

Telle est la profession de foi de l'Apôtre Pierre, que nous avons écoutée dans la page de l'Evangile d'aujourd'hui. Jésus répond à Pierre, en lui confiant la tâche de soutenir tout l'édifice spirituel de son Eglise: «Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise» (Mt 16, 18).

Le temple dans lequel nous nous trouvons et qui est à présent consacré au culte, est le signe de cette autre Eglise, faite de pierres vivantes, qui sont les croyants dans le Christ, admirablement unis par le «ciment» spirituel de la charité. A travers l'action de l'Esprit Saint, les dons et les charismes de chaque membre de la communauté ec- clésiale n'entravent pas mais, au contraire, enrichissent l'harmonie de l'unique construction spirituelle du Corps du Christ. Ainsi, le temple maté- riel exprime la communion intérieure de ceux qui se rassemblent ici pour qu'on leur enseigne la Parole de Dieu, comme nous l'a rappelé la première Lecture: «Tout le peuple tendait l'oreille au livre de la Loi» (Ne 8, 3). Ici, les fidèles recevront les Sacrements - en particulier le Sacrement de la Réconciliation et celui de l'Eucharistie - et ils pourront exprimer avec davantage d'intensité leur dévotion à la Madone du Divin Amour.

3. «La joie de Yahvé est votre forteresse» (Ne 8, 10).

C'est ainsi que Néhémie saluait l'assemblée des Israélites réunis en un seul lieu pour renouveler l'Alliance avec Dieu. Avec ces mêmes paroles, je désire aujourd'hui vous saluer, vous tous qui êtes ici rassemblés dans ce sanctuaire marial.

Très chers frères et s½urs, je vous remercie de votre présence si nombreuse. Je salue avec affection le Cardinal-Vicaire, auquel va ma reconnaissance pour les sentiments qu'il m'a exprimés au début de la célébration. Je salue également les évêques, les prêtres et les recteurs des autres sanctuaires marials ici présents. Je salue le Recteur-curé du Sanctuaire, Dom Pasquale Silla, qui a tant fait pour que ce jour arrive, et tous les fils et filles de la Madone du Divin Amour, qui gardent ces lieux avec un grand soin. Ils poursuivent l'½uvre méritoire de leur fondateur, Dom Umberto Terenzi, qui avec tenacité voulut construire ici une nouvelle maison pour la Sainte Vierge, celle que nous consacrons précisément aujourd'hui. Une pensée spéciale s'adresse aux paroissiens de ce Sanctuaire-Paroisse, témoins directs de la façon dont le peuple romain aime la Madone du Divin Amour et vient souvent lui rendre visite en pèlerinage, comptant sur son intercession.

Enfin, je salue les concepteurs et les réalisateurs de cette ½uvre: le Père Costantino Ruggeri et l'architecte Luigi Leoni, ainsi que tous les bienfaiteurs, les entreprises et les ouvriers.

4. Avec la dédicace de ce nouveau Sanctuaire est aujourd'hui partiellement accompli un v½u que les Romains, invités par le Pape Pie XII, firent à la Madone du Divin Amour en 1944, lorsque les troupes alliées allaient lancer une attaque décisive sur Rome occupée par les Allemands. Devant l'image de la Madone du Divin Amour, le 4 juin de cette même année, les Romains invoquèrent le salut de Rome, en promettant à Marie de redresser leur conduite morale, de construire le nouveau Sanctuaire du Divin Amour et de réaliser une ½uvre de charité à Castel di Leva. Ce même jour, un peu plus d'une heure après la lecture du v½u, l'armée allemande abandonna Rome sans opposer de résistance, alors que les forces alliées entraient par la Porta San Giovanni et la Porta Maggiore, accueillies par le peuple romain avec de grandes manifestations de joie.

Aujourd'hui, le Sanctuaire est devenu une réalité et l'½uvre de charité va bientôt être terminée: il s'agit d'une maison pour personnes âgées, non loin d'ici. Mais le v½u des Romains comprenait une promesse à la Très Sainte Vierge qui ne connaît pas de fin et qui est beaucoup plus difficile à réaliser: le redressement de la conduite morale, c'est-à-dire l'engagement constant à renouveler la vie et à la rendre toujours plus conforme à celle du Christ. Très chers frères et s½urs, telle est la tâche que nous rappelle l'édifice sacré qui est aujourd'hui consacré à Dieu.

Ces murs qui ceignent l'espace sacré dans lequel nous sommes rassemblés et, encore davantage, l'autel, les grands vitraux polychromes et les autres symboles religieux se présentent comme des signes de la présence de Dieu parmi son peuple. Une présence qui se manifeste de manière réelle dans l'Eucharistie, célébrée chaque jour et conservée dans le Tabernacle; une présence qui se révèle vivante et vivifiante dans l'administration des Sacrements; une présence dont on pourra sans cesse faire l'expérience dans la prière et le recueillement. Que cette présence soit pour tous un rappel constant à la conversion et à la réconciliation fraternelle!

5. Viens, que je te montre la fiancée, l'Epouse de l'Agneau [...] avec en elle la gloire de Dieu» (Ap 21, 9-10).

La grande vision de la Jérusalem céleste, qui clôt le Livre de l'Apocalypse, nous invite à élever le regard de la beauté et de l'harmonie architecturale de ce nouveau temple et à le porter vers la splendeur de l'Eglise céleste, plénitude de l'amour et de la communion avec la Très Sainte Trinité, à laquelle tend toute l'histoire du salut depuis son début.

Comme l'affirme le Concile Vatican II, Marie représente l'image et les prémices de la Jérusalem céleste, vers laquelle nous nous acheminons. «Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l'Eglise en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre elle brille déjà comme un signe d'espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage» (Lumen gentium, n. 68).

Nous tournons nos c½urs pleins de confiance vers Marie et nous invoquons sa protection maternelle sur tous.

A Toi, Mère du Divin Amour, nous confions la communauté diocésaine, la poursuite de la Mission dans la Ville qui s'est terminée il y a quelques semaines, ainsi que cette bien-aimée ville de Rome avec ses problèmes et ses ressources, ses inquiétudes et ses espérances.

A Toi, nous confions les familles, les malades, les personnes âgées et les personnes seules. Nous déposons entre tes mains les fruits de l'Année Sainte et, de façon particulière, les attentes et les espérances des jeunes qui, au cours du Jubilé, viendront à Rome pour la XV e Journée mondiale de la Jeunesse.

Enfin, à Toi, nous confions la requête que je T'ai déjà adressée à l'occasion de ma première visite à ce Sanctuaire: que, par ton intercession, se multiplie le nombre des ouvriers à la moisson du Seigneur et que la jeunesse sache apprécier, dans toute sa beauté, le don de l'appel au sacerdoce et à la vie religieuse, dont le monde a aujourd'hui grand besoin.

Amen!

 

 

 

2002

19 août 2002 – Homélie de la Messe au sanctuaire marial de Kalwaria

"Salut à toi, Reine, Mère de Miséricorde,
notre vie, notre douceur, notre espérance, salut à toi!"

Très chers frères et soeurs!

1. J'arrive aujourd'hui dans ce sanctuaire en pèlerin, comme j'y venais lorsque j'étais enfant puis dans ma jeunesse. Je me présente devant la Madone de Kalwaria comme lorsque je venais en tant qu'Evêque de Cracovie, pour lui confier les problèmes de l'archidiocèse et des personnes que Dieu avait confiées à mes soins pastoraux. Je viens ici et, comme lors, je répète: Salut à toi! Salut à toi, Reine, Mère de Miséricorde!

Combien de fois ai-je fait l'expérience que la Mère du Fils de Dieu pose ses yeux miséricordieux sur les préoccupations de l'homme affligé et obtient pour lui la grâce de résoudre des problèmes difficiles, et que lui, dans la petitesse de ses forces, se remplit d'émerveillement devant la force et la sagesse de la Divine Providence. Mais toutes les générations de pèlerins qui viennent ici depuis quatre cents ans n'en ont-elles pas également fait l'expérience? Si, bien sûr. Sinon la célébration d'aujourd'hui n'aurait pas eu lieu. Vous ne seriez pas ici, vous, très chers frères, qui parcourez les chemins de Kalwaria, en suivant les traces de la Passion et de la Croix du Christ et l'itinéraire de la compassion et de la gloire de sa Mère. De façon admirable, ce lieu aide le coeur et l'esprit à pénétrer le mystère de ce lien qui unit la passion vécue par le Sauveur à la compassion éprouvée par sa Mère. Au centre de ce mystère d'amour, celui qui vient ici se retrouve lui-même, retrouve sa vie, sa vie quotidienne, sa faiblesse et, en même temps, la force de la foi et de l'espérance: cette force qui naît de la conviction que la Mère n'abandonne pas son enfant dans les difficultés, mais le conduit à son Fils et le confie à sa miséricorde.

2. "Or près de la Croix de Jésus se tenaient sa mère et la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala" (Jn 19, 25). Celle qui était liée au Fils de Dieu par les liens du sang et de l'amour maternel, là, au pied de la Croix, vivait cette union dans la souffrance. Elle seule, malgré la douleur de son coeur de mère, savait que cette souffrance avait un sens. Elle avait confiance - confiance malgré tout - qu'il était en train d'accomplir l'antique promesse: "Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon" (Gn 3, 15). Et sa confiance trouva sa confirmation quand le Fils agonisant s'adressa à elle: "Femme!".

Pouvait-elle, à ce moment-là, au pied de la Croix, s'attendre à ce que d'ici peu, trois jours plus tard, la promesse de Dieu serait tenue? Cela restera pour toujours un secret de son coeur. Nous savons toutefois une chose: Elle, la première d'entre tous les êtres humains, participa à la gloire du Fils ressuscité. Elle - comme nous le croyons et le professons - a été élevée au ciel corps et âme pour faire l'expérience de l'union dans la gloire, pour se réjouir aux côtés du Fils des fruits de la Divine Miséricorde et les obtenir pour ceux qui cherchent refuge auprès d'Elle.

3. Le lien d'amour mystérieux. Avec quelle splendeur ce lieu l'exprime-t-il! L'histoire affirme qu'au début du XVII siècle, Mikolaj Zebrzydowski, le fondateur du sanctuaire, posa les fondations afin de construire la chapelle du Golgotha, sur le modèle de l'église de la Crucifixion à Jérusalem. Il désirait de cette façon, avant tout autre chose, rendre plus proche de lui-même et des autres le mystère de la passion et de la mort du Christ. Plus tard toutefois, en projetant de construire les chemins de la Passion du Seigneur, du Cénacle au Sépulcre du Christ, guidé par la dévotion mariale et par l'inspiration de Dieu, il voulut installer sur ce chemin des chapelles évoquant des moments de la vie de Marie. Et c'est ainsi que sont nés d'autres sentiers et une nouvelle pratique religieuse qui, dans un certain sens, complète la Via Crucis: la célébration dite du Chemin de la Compassion de la Mère de Dieu et de toutes ces femmes qui ont souffert à ses côtés. Depuis quatre siècles se succèdent des générations de pèlerins qui reparcourent ici les pas du Rédempteur et de sa Mère, faisant abondamment appel à cet amour qui résista aux souffrances et à la mort, et trouva son couronnement dans la gloire du ciel.

Tout au long de ces siècles, les pèlerins ont été fidèlement accompagnés par les Pères Franciscains, dits "Bernardins", chargés de l'assistance spirituelle du sanctuaire de Kalwaria. Aujourd'hui, je veux leur exprimer ma gratitude pour cette prédilection envers le Christ qui a souffert et sa Mère qui a compati; une prédilection qu'avec ferveur et dévouement, ils transmettent dans le coeur des pèlerins. Très chers Pères et Frères "Bernardins", que le Bon Dieu vous bénisse dans ce ministère, maintenant et à l'avenir!

4. En 1641, le sanctuaire de Kalwaria a été enrichi par un don particulier. La Providence dirigea vers Kalwaria les pas de Stanislaw Paszkowski de Brzezie, pour qu'il confie à la garde des pères "Bernardins" l'image de la Très Sainte Mère, déjà renommée pour ses grâces quand elle se trouvait dans sa chapelle de famille. Depuis lors, et en particulier depuis le jour de son couronnement, auquel a procédé l'Evêque de Cracovie, Albin Sas Dunajewski, en 1887 avec l'approbation du Pape Léon XIII, les pèlerins terminent leur pèlerinage en suivant les chemins en sa présence. Au début, ils venaient ici de toute la Pologne, mais également de Lituanie, de Russie, de Slovaquie, de Bohème, de Hongrie, de Moravie et d'Allemagne. Les habitants de Silésie témoignent d'une affection particulière pour elle, et ont offert la couronne de Jésus; et depuis le jour de son couronnement, ils participent chaque année à la procession qui a lieu le jour de l'Assomp-tion de la Bienheureuse Vierge Marie.

Combien ce lieu a été important pour la Pologne divisée par les partitions successives! Mgr Dunajewski - devenu par la suite Cardinal - l'a bien exprimé, à l'occasion du couronnement, par cette prière: "En ce jour, Marie a été élevée au ciel et y a été couronnée. Pour l'anniversaire de ce jour, tous les saints déposent leurs couronnes au pied de leur Reine, et aujourd'hui, le peuple polonais lui aussi amène les couronnes d'or, afin qu'elles soient posées par les mains de l'Evêque sur le front de Marie sur ces images miraculeuses.

Récompense-nous pour cela, ô Mère, afin que nous soyons tous un entre nous et avec Toi". Il priait ainsi pour l'unité de la Pologne divisée. Aujourd'hui, alors qu'elle a trouvé son unité territoriale et nationale, les paroles de ce Pasteur ne perdent rien de leur actualité, mais acquièrent même une nouvelle signification. Il faut les répéter aujourd'hui, en demandant à Marie qu'elle nous obtienne l'unité de la foi, l'unité de l'esprit et de la pensée, l'unité des familles et l'unité sociale. Dans ce but, je prie aujourd'hui avec vous: fais en sorte, ô Mère de Kalwaria, "que nous soyons tous un entre nous et avec Toi".

5."Ainsi, s'il-te-plaît!
Toi qui est notre Avocate,
porte sur nous
Tes yeux miséricordieux.
Et après cet exil,
montre-nous Jésus,
le fruit béni de tes entrailles.

Ô clémente, ô pieuse,
ô douce Vierge Marie!".
Porte, ô Notre Dame des Grâces,
ton regard vers ce peuple
qui depuis des siècles
est resté fidèle à Toi et à ton Fils.
Tourne ton regard vers cette nation,
qui a toujours répondu
à l'espérance de ton amour de Mère.
Tourne vers nous ton regard,
Tes yeux miséricordieux,
obtiens-nous ce dont Tes fils
ont le plus besoin.
Ouvre les coeurs des riches
aux besoins des pauvres
et des personnes qui souffrent.
Aux chômeurs,
fais rencontrer un employeur.
Aide ceux
qui sont réduits à l'indigence
à trouver une maison.
Aux familles, apporte l'amour
qui fait surmonter
toutes les difficultés.
Aux jeunes, indique la route
et des perspectives pour l'avenir.
Enveloppe les enfants
dans le manteau de ta protection,
pour qu'ils ne soient pas offensés.
Anime les communautés religieuses
de la grâce de la foi,
de l'espérance et de la charité.
Fais que les prêtres
marchent sur les traces de ton Fils
en offrant chaque jour
leur vie pour leurs brebis.
Aux évêques,
obtiens la lumière de l'Esprit Saint,
afin qu'ils guident l'Eglise
qui est sur ces terres
vers le Royaume de ton Fils
sur une voie unique et droite.

Très Sainte Mère,
Notre Dame de Kalwaria,
obtiens pour moi les forces
du corps et de l'esprit,
afin que je puisse
accomplir jusqu'à son terme
la mission
que m'a confiée le Ressuscité.
A Toi, je remets tous les fruits
de ma vie et de mon ministère;
à Toi, je confie le sort de l'Eglise;
à Toi, je confie ma nation;
en Toi, j'ai confiance
et à Toi encore une fois je déclare:

Totus Tuus, Maria!
Totus Tuus. Amen.

Au terme de la Messe, avant de donner sa Bénédiction, le Saint-Père a prononcé les paroles suivantes:

Voici que se conclut mon pèlerinage en Pologne, à Cracovie. Je suis heureux que le couronnement de cette visite ait lieu précisément ici, à Kalwaria, aux pieds de Marie. Une fois de plus, je désire confier à sa protection vous tous réunis ici, l'Eglise qui est en Pologne et tous mes concitoyens. Que son amour soit la source de grâces abondantes pour notre pays et ses habitants.

Lorsque j'ai visité ce Sanctuaire en 1979, je vous ai demandé de prier pour moi, tant que je vivrai, et après ma mort. Aujourd'hui, je vous remercie ainsi que tous les pèlerins de Kalwaria pour ces prières, pour le soutien spirituel que je reçois continuellement. Et je continue à vous demander: ne cessez pas de prier - je le répète une fois de plus - tant que je vivrai et après ma mort. Et moi, comme toujours, je répondrai à votre bienveillance en vous recommandant tous au Christ miséricordieux et à sa mère.

 

 


 

 

publié le : 09 septembre 2024

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