14 août 1983 – Arrivée à Lourdes. Rencontre avec le Président de la République
Monsieur le Président, je suis très touché des paroles que vous m’adressez au nom du peuple et du gouvernement français, et je suis sensible à l’hommage que vous rendez à ma mission spirituelle envers l’ensemble des catholiques - de votre pays et de tout l’univers - ainsi qu’aux efforts qu’entraîne cette mission en faveur de la paix et de la justice dans le monde. Je vous remercie tout spécialement d’avoir tenu à venir en personne me saluer et converser avec moi sur d’importantes questions, avant que je ne commence le pèlerinage proprement dit pour lequel je suis venu.
Je remercie également l’Episcopat français qui m’a invité à plusieurs reprises à me rendre à Lourdes, et que je salue ici en la personne de Messieurs les Cardinaux, du Président et du Vice-Président de la Conférence, avant de rencontrer leurs confrères à Lourdes même. Le Seigneur me permet d’accomplir ainsi un v½u qui m’était très cher, depuis des années: un v½u que beaucoup de chrétiens aspirent à réaliser dans leur vie, à plus forte raison un Pape.
Comptant sur la fidélité d’une humble enfant de ce pays à transmettre un message venu d’en haut, la Vierge a fait de ce lieu un rendez-vous mondial de ceux qui croient en l’Evangile, de ceux qui prient, de ceux qui souffrent, de ceux qui veulent être délivrés de leur péché, de ceux qui aspirent à retrouver dans l’Eglise les racines de leur communion de foi et de charité. Je vais donc m’unir à la prière, aux gestes religieux de ces pèlerins de tous pays, réunis chez vous.
Mais je sais que la majorité d’entre eux sera venue de France en coïncidence avec le Pèlerinage National annuel. Je prierai donc tout spécialement avec le peuple chrétien de ce pays, aux intentions de la nation française tout entière et de ceux qui ont la charge de la gouverner et de la servir. Je connais son passé, ses mérites et les efforts de vos concitoyens -chrétiens ou non - aujourd’hui comme hier, pour qu’elle demeure digne de ses traditions de liberté et de fraternité, et de son souci de paix équitable entre les différents pays du monde. Je devine aussi les difficultés qu’elle rencontre et auxquelles chacun doit faire face selon ses responsabilités spirituelles et civiques. Sans nier la complexité des problèmes économiques et sociaux, il convient de mesurer en premier lieu le grave enjeu spirituel qui leur est sous-jacent, comme je le disais il y a à peine deux mois dans mon propre pays: leur solution correcte suppose la fidélité de chacun à sa conscience, une conscience bien formée à discerner le bien et le mal, éprise de justice, d’amour et de vérité; une conscience respectueuse du mystère de Dieu, qui seul donne un sens plénier aux exigences morales comme à l’existence elle-même; une conscience sensible au message de l’Evangile, transmis par l’Eglise de génération en génération au sein de votre nation et qui a marqué de ses valeurs sa culture, son art et ses m½urs. Lourdes est précisément cette source où la conscience devient ou redevient limpide et retrouve son orientation première, avec Marie, si vénérée dans ce pays et depuis si longtemps, que ce soit au Puy, à Fourvière ou en tant d’autres lieux.
C’est donc un moment privilégié que je vais vivre ici, pour le progrès de l’Eglise et pour le bien de la France que je demande à Dieu de bénir par l’intercession de Notre-Dame!
14 août 1983 – Rencontre avec le Maire de Lourdes
Monsieur le Maire,
Vos aimables paroles me touchent profondément, et la remise de cette magnifique médaille d’or de la ville de Lourdes contribuera à me rappeler l’heureux souvenir de cette visite. Je vous exprime ma vive gratitude.
Je vous prie de m’excuser si je ne pousse pas plus avant la visite de votre belle ville, riche de témoignages du passé et d’aménagements modernes. En bon pèlerin, je dois d’abord me rendre dans l’enceinte des sanctuaires et mon court séjour ne me donnera pas le loisir d’en sortir.
Mais je sais ce que les autorités municipales de Lourdes et les différents services de la ville ont su réaliser pour faire face à l’afflux énorme des pèlerins, aujourd’hui comme en d’autres circonstances. Car, sans oublier les autres aspects de la vie de votre cité, on peut dire que la destinée de Lourdes a été substantiellement modifiée depuis que les événements imprévisibles de 1858 ont attiré des foules de croyants, bien portants et malades, de tous pays. L’histoire nous rapporte que, dans sa propre ville, Bernadette Soubirous rencontra, au début, bien des difficultés pour être fidèle à sa mission reçue de Marie; aujourd’hui son témoignage n’en est que mieux attesté, plus émouvant. En tout cas, depuis longtemps, les responsables de la cité ont compris les services que les pèlerins attendaient d’eux. Et je n’ignore pas, Monsieur le Maire, la part active que vous y prenez, avec votre Conseil municipal. Non seulement il vous faut résoudre les multiples problèmes pratiques qui sont posés quotidiennement par les pèlerinages. Mais le fait que votre ville s’est acquis le titre de cité mariale au plan de l’univers requiert que soit facilitée, sous différents aspects, la tâche spirituelle que l’Eglise a à accomplir en ce lieu.
En vous remerciant, je remercie également tous les Lourdais qui concourent à cet accueil, et notamment les hôteliers qui doivent faire preuve, avec leur personnel, d’une grande disponibilité, durant des périodes d’activité très chargée - comme celle-ci - ou au contraire plus ralentie. Ensemble, vous êtes les héritiers d’une tradition d’hospitalité envers les pèlerins qui caractérise la région des Pyrénées et qui remonte sans doute au temps des déplacements des foules vers Saint Jacques de Compostelle. Les pèlerins ne sont pas des touristes comme les autres; beaucoup sont de situation modeste; et surtout ils ont des exigences particulières en ce qui concerne le respect de leur démarche religieuse.
Dieu a donné à cette ville une si noble vocation! Puissent ses habitants, qui en sont légitimement fiers, y répondre toujours aussi noblement! Que la Vierge vous y aide! Et je dis aux Lourdais: que le Seigneur vous bénisse, vous et vos familles!
14 août 1983 – Prière à la Grotte
Dieu soit béni! Oui, Dieu soit béni, Père, Fils et Saint-Esprit, d’avoir préparé ici, pour la Bigorre et les Pyrénées, pour la France, pour l’Eglise entière, un tel lieu de prière, de rassemblements de croyants, de réconciliation! Dieu soit béni d’avoir fait jaillir ici, depuis 125 ans, en même temps que la petite source de Massabielle, une source vive où la foi se retrempe, où les corps et les âmes guérissent, où le sens de l’Eglise se fortifie! Dieu soit béni d’avoir réalisé cela, une fois de plus, par la Vierge Marie, qui attire ici les foules, comme elle a attiré Bernadette, pour les conduire au Christ! Béni soit Notre-Dame, qui nous obtient tant de grâces et qui m’a permis à moi-même, après un attentat dont j’ai été sauvé, de venir enfin jusqu’ici pour puiser à mon tour à la source, et y rassembler les fidèles, selon la mission de Pasteur universel confiée à l’Apôtre Pierre.
Et vous, chers Frères et S½urs, merci d’avoir répondu si nombreux à l’appel de ce pèlerinage, merci de tout ce que vous avez préparé, merci de votre accueil. Au-delà de Monseigneur Donze, le cher Evêque de ce lieu, - que je remercie de son touchant hommage de bienvenue - je salue l’Episcopat de France et tous les Evêques qui se sont joints à eux, de nombreux pays! Je salue les prêtres qui trouvent ici un lieu privilégié pour leur ministère d’éducation de la foi, de la prière, et de la réconciliation, et notamment les chapelains qui animent quotidiennement les pèlerinages. Je salue les religieux, les religieuses, les personnes consacrées, dont le témoignage de gratuité dans l’amour est essentiel au milieu de l’Eglise! Je salue les personnes et les associations qui se dévouent au service des malades-pèlerins dans ce sanctuaire. Je salue tous les fidèles, les pères et mères de famille, les personnes âgées, les infirmes et les malades qui doivent toujours être à l’honneur en ce lieu. Je salue les pauvres de toute sorte pour lesquels la cité mariale de Lourdes doit être particulièrement accueillante, comme l’avait si bien compris Monseigneur Rodhain, fondateur du Secours Catholique et de la cité Saint-Pierre (Cfr. 1 Petr. 2, 11). Je salue les jeunes, en me souvenant de la jeune Bernadette à laquelle la Vierge s’est adressé avec tant de bonté, de respect, de confiance. Je salue tous ceux qui sont venus ici vivre leur foi ou en quête de la foi, d’un supplément d’âme.
Avec vous tous, je me suis fait pèlerin. Sur cette terre, nous sommes toujours, d’une certaine façon, pèlerins et voyageurs, comme disait saint Pierre. Et je vais vivre avec vous une journée typique de pèlerinage, très simplement, à travers des gestes et des manifestations de piété qui font ici, tous les jours, la preuve de leur authenticité évangélique et ecclésiale, de leur adaptation aux personnes et aux foules, de leur fécondité spirituelle. J’avais désiré d’un grand désir ce pèlerinage. Dieu me comble aujourd’hui, au milieu de vous.
Quel message, quelle Bonne Nouvelle, vous dire dès ce soir, pour orienter toutes nos démarches?
Je dirai simplement: La Vierge sans péché vient au secours des pécheurs.
1. La Vierge, Notre-Dame de Lourdes! Demain, nous la célébrerons dans sa gloire de ressuscitée, associée dans son corps et son âme à la vie céleste de son Fils. La femme revêtue de la vie divine comme du soleil et couronnée d’étoiles, pour parler comme l’Apocalypse. A Bernadette Soubirous, elle est bien apparue rayonnante de ce bonheur, mais elle évoquait plutôt la jeune fille de l’Annonciation, jeune, toujours jeune, plus jeune que le péché, comme l’a bien fait comprendre un de vos écrivains, Georges Bernanos. Elle évoquait les préludes de l’Incarnation du Christ, la préparation à sa venue par le baptême et la pénitence, l’Avent. Et surtout elle rappelait la grâce de sa propre conception immaculée, qui avait fait d’elle le signe avant-coureur de l’humanité rachetée par le Christ, la préservant du péché originel, c’est-à-dire de cette séparation d’avec Dieu qui atteint tous les hommes à leur naissance et qui laisse dans leur c½ur une tendance au soupçon, à la méfiance, à la désobéissance, à la révolte, à la rupture avec ce Dieu qui n’a jamais cessé de les aimer. La Vierge a été établie d’emblée dans la relation aimante avec Dieu.
2. Pourquoi donc a-t-elle choisi ce visage et ce nom pour se révéler ici?
Disons-le franchement: notre monde a besoin de conversion.
A toute époque, il en est d’ailleurs ainsi. Au milieu du XIXème siècle, ce besoin se manifestait d’une façon particulière, dans l’incroyance de certains milieux scientistes, devant certaines philosophies, ou dans la vie pratique. Aujourd’hui, le sens même du péché a en partie disparu, parce que le sens de Dieu se perd. On a pensé bâtir un humanisme sans Dieu, et la foi risque sans cesse d’apparaître comme une originalité de quelques-uns, sans rôle nécessaire pour le salut de tous. Les consciences se sont obscurcies, comme lors du premier péché, ne distinguant plus le bien et le mal. Beaucoup ne savent plus ce qu’est le péché, ou n’osent plus le savoir, comme si cette connaissance allait aliéner leur liberté. Et pourtant, que d’efforts admirables nos contemporains ne tentent-ils pas pour épanouir les capacités humaines que Dieu leur a données, et créer de meilleures conditions de vie pour eux et pour les autres! Mais il demeure difficile de convaincre ce monde de la misère de son propre péché, et du salut que Dieu lui offre sans cesse dans la réconciliation acquise par la Rédemption. C’est toute la démarche que l’Eglise a entreprise et cette Année jubilaire de la Rédemption.
Or la Vierge sans péché nous rappelle ici ce besoin primordial: elle nous dit, comme à Bernadette: priez pour les pécheurs, venez vous laver, vous purifier, puiser une nouvelle vie. “Convertissez-vous et croyez à l’Evangile” (Marc. 1, 15). A ces tout premiers mots de Jésus dans l’Evangile, elle donne une nouvelle actualité.
3. Car si Marie représente bien l’ennemi de Satan, le contraire du péché, elle se montre ici l’amie des pécheurs, comme le Christ qui mangeait et vivait au milieu d’eux, lui le “Saint de Dieu”. C’est la Bonne Nouvelle qu’elle redit à ce monde, à chacun de nous. Il est possible, il est bienfaisant, il est vital de trouver, de retrouver le chemin de Dieu.
Oui, la prise de conscience du péché est possible, en même temps que celle de l’amour miséricordieux de Dieu ou plutôt grâce à lui, car c’est lui qui change le c½ur du pécheur, le rend lucide et repentant. Ce n’est pas humiliant, ce n’est pas traumatisant, c’est libérateur. Seul l’orgueil y ferait obstacle. Et Bernadette rappelle, par toute sa vie, ce que Marie avait proclamé dans son “Magnificat”: “Il a jeté les yeux sur son humble servante . . . élevé les humbles” (Luc. 1, 48-52). Apparemment, les obstacles à la conversion, intérieurs et extérieurs, pourraient aujourd’hui sembler insurmontables. Mais tout est possible à Dieu. Il s’agit d’un don de Dieu, que nous allons demander. Il en va comme de la source qui jaillit, imprévue, entre les doigts de Bernadette, et qui ne cessera plus de couler. Il faut s’y laver. “Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige” (Is. 1, 18). Et il faut s’y disposer par l’humilité, les gestes de pénitence, la prière, la demande de pardon: il n’y a pas d’autres voies; c’est ce qu’ont annoncé les prophètes qui ont précédé le Christ, notamment Jean-Baptiste; c’est ce qu’a affirmé le Christ lui-même; c’est ce que répètent l’Eglise et Marie qui nous apportent son message, et Bernadette qui nous le transmet si simplement, si fidèlement.
Cette démarche de conversion et de pénitence est spécialement en harmonie avec cette année sainte, où nous célébrons le jubilé de la Rédemption. Le Christ est mort et ressuscité pour nous arracher à l’état de: pécheurs et nous communiquer une vie nouvelle. Par là, il a redonné Dieu à l’homme et l’homme à Dieu. Lourdes est un lieu où l’on comprend sans doute mieux qu’ailleurs cette Rédemption, et où des millions de pèlerins vivront ce jubilé.
Tout prochainement, à Rome, se tiendra d’ailleurs le Synode des Évêques, que j’ai convoqué sur le thème de la Réconciliation et de la Pénitence, et qui se prépare actuellement dans les diocèses. C’est un événement capital à mes yeux. Et je viens à Lourdes prier pour que ce Synode se déroule au mieux et porte beaucoup de fruits, dans toute l’Eglise. Je confie cette intention à l’Immaculée Conception. Et je la confie aussi à votre prière.
4. Pour l’instant, Frères et S½urs, préparons nos c½urs à la rencontre avec le Seigneur, comme Marie nous y invite; préparons-nous à la fête de l’Assomption. Et remercions Dieu de la grâce qu’il nous fait en ce lieu. Depuis plus d’un siècle, - n’y-a-t-il pas juste cent ans que la première pierre de la basilique ancienne était posée? - le monde entier a les yeux tournés vers Lourdes. Certes, chaque pays a ses sanctuaires célèbres, où la présence de Marie est particulièrement honorée et invoquée. J’en ai déjà visité en pèlerin un certain nombre, car je suis persuadé que l’Eglise doit puiser à ces sources: je pense évidemment à Czstochowa, mais aussi à Guadalupe, à Ephèse, à Fatima, à Knoch en Irlande, à Aparecida au Brésil, à Montserrat et Saragosse en Espagne, à Lorette et Pompei en Italie.
Il me semble qu’il y a une grâce particulière à Lourdes. Le message est sobre et clair mais fondamental. Il a été transmis d’une façon spécialement forte, pure et transparente, par une adolescente à l’âme limpide et courageuse. Les signes sont simples: le vent qui évoque l’Esprit de la Pentecôte, l’eau de la purification et de la vie, la lumière, le signe de la croix, la prière du rosaire. Dès le début, les chrétiens sont invités à y venir en foule, en Eglise. Et de fait, c’est comme si, ici, le respect humain et toutes les réticences - qui trop souvent bloquent la conversion et l’expression religieuse - étaient naturellement surmontés. Ici, on prie, on aime prier, on aime se réconcilier avec Dieu, on aime vénérer l’Eucharistie, on fait une place d’honneur aux pauvres, aux malades. C’est un lieu exceptionnel de grâces. Dieu soit loué.
Louons-le avec les paroles de Marie:
“Magnificat anima mea Dominum!”.
“Mon âme exalte le Seigneur! Il s’est souvenu de son amour”.
Entendons le Seigneur nous dire: “Je t’aime, je n’ai jamais cessé de t’aimer”.
Ecoutons-le nous poser, comme à Pierre, la question toujours fondamentale: “Aimes-tu? M’aimes-tu?”.
Sans lui, sans sa présence, nous serions incapables de répondre. Mais l’Esprit Saint peut vivifier en nous l’amour et la foi: Accueillons l’Esprit qui est venu en Marie en plénitude:
“Le Puissant fit pour moi des merveilles!”.
Magnificat anima mea Dominum.
14 août 1983 – Chapelet - Mystères Glorieux
Avec la simplicité et la ferveur de sainte Bernadette, récitons notre chapelet!
Première dizaine: pour honorer la Résurrection du Seigneur Jésus.
— Bénissons la Mère du Vainqueur de la mort et du péché.
— Avec elle, bénissons le Christ ressuscité.
— Prions Marie d’affermir la foi des communautés chrétiennes de France et de l’univers.
Deuxième dizaine: pour honorer l’Exaltation du Christ dans la gloire divine, le mystère de l’Ascension.
— Réjouissons-nous avec Notre-Dame pour la glorification céleste de son Fils.
— Louons le Christ, nouvel Adam, d’avoir rouvert aux hommes un destin d’immortalité et de vie avec Dieu.
— Confions à Marie les hommes et les peuples qui ont perdu, ou qui ignorent, ou qui combattent l’espérance chrétienne.
Troisième dizaine: pour honorer l’Evénement de la Pentecôte.
— Louons Marie, en qui l’Esprit Saint a donné naissance au Rédempteur du monde.
— Louons Jésus d’avoir envoyé son Esprit aux premiers disciples, comme il le donne à ceux d’aujourd’hui.
— Supplions Marie, parfaitement fidèle à l’Esprit, d’accorder cette même fidélité aux responsables et aux membres de l’Eglise.
Quatrième dizaine: pour honorer l’Assomption de la Vierge Marie.
— Louons Marie de Nazareth, Marie de Bethléem, de la Présentation au Temple, de Cana, du Calvaire, du Cénacle: elle a été glorifiée directement en son âme et en son corps.
— Remercions Jésus d’avoir fait participer sa Mère à sa vie de Ressuscité.
- Prions Marie de nous donner la joie, et l’espérance, de la rejoindre.
Cinquième dizaine: pour honorer le Couronnement de Notre-Dame.
— Saluons, avec toute la Tradition, Marie participant à la royauté spirituelle du Christ Rédempteur.
— Bénissons Jésus d’avoir associé sa Mère à l’extension de son Règne!
O Mère de l’Eglise, ô Reine de l’univers, nous t’en prions, étends à toute la terre ta maternelle protection!
Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien, pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés et ne nous soumets pas à la tentation mais délivre-nous du mal.
Amen.
Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort.
Amen.
Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit
comme il était au commencement, maintenant et toujours
dans les siècles des siècles.
14 août 1983 – Prière à la Grotte
Devant toi, ô Mère du Christ, devant ton c½ur immaculé, je veux aujourd’hui m’unir à nouveau à notre Rédempteur qui s’est consacré pour les hommes, afin de les régénérer par le pardon et de les nourrir de sa Vie. Tu t’es unie, plus que quiconque, à son offrande pour le salut du monde. Et tu nous supplies, par la voix de Bernadette d’accueillir l’invitation à la pénitence, à la conversion, à la prière. Ne permets pas que nous passions notre chemin en oubliant ton appel.
Mère des hommes et des peuples, toi qui connais leurs souffrances et leurs espoirs, qui ressens d’une façon maternelle leurs luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres, écoute notre prière, viens au secours de tes enfants dans l’épreuve. Je te renouvelle à Lourdes pour toute l’Eglise la prière que j’aime t’adresser dans les grands sanctuaires qui te sont dédiés à travers le monde.
Et ici, sur cette terre de France, je confie spécialement à ton amour maternel les et les Elles de ce peuple. Ils n’ont pas cessé de t’honorer, dans leurs traditions, dans l’art de leurs cathédrales, dans leurs pèlerinages, dans la piété populaire comme dans la dévotion des auteurs spirituels, sûrs de demeurer proches du Christ en te contemplant, en t’écoutant, en te priant. Beaucoup ont tenu à se consacrer à toi, y compris des rois, comme l’a fait Louis XIII au nom de son peuple.
Toi-même, tu as donné à Bernadette Soubirous l’expérience de ta douce présence en la chargeant d’un message qui fait écho à la parole de Dieu confiée à l’Eglise. L’offrande que nous faisons de nous-mêmes devant Toi, ô Notre-Dame, doit être l’½uvre personnelle de chacun, de chaque famille, de chaque communauté ecclésiale et il est bon de la renouveler à chaque génération, dans la forme qui exprime au mieux cette remise confiante.
J’accomplis ce geste aujourd’hui avec tous ceux qui le veulent dans ce pays: afin que leur foi chrétienne triomphe de toutes les embûches, qu’elle soit fidèlement transmise et que les jeunes générations l’accueillent vraiment. Afin qu’ils soient assidus à te prier. Afin que se lèvent toujours des chrétiens convaincus, des saints, qui entraînent leurs frères dans une vie brûlante d’amour de Dieu et du prochain, et de zèle missionnaire. Afin que la charité et l’unité, afin que la joie et l’espérance habitent cette Eglise. Afin que son témoignage aide la nation tout entière dans le progrès véritable que tu désires pour elle.
O Marie, Notre-Dame de Lourdes, obtiens pour ces frères et s½urs de France les dons de l’Esprit Saint, afin de donner une nouvelle jeunesse, la jeunesse de la foi, à ces chrétiens et à leurs communautés, que je confie à ton c½ur immaculé, à ton amour maternel.
14 août 1983 – Méditation au terme de la Procession aux Flambeaux
Dans cette nuit paisible, nous veillons. Nous veillons dans l’attente de la célébration de gloire de Marie. Nous prions. Non plus chacun dans le secret, mais comme un immense peuple en marche à la suite de Jésus-Christ ressuscité, nous éclairant les uns les autres, nous entraînant les uns les autres, nous appuyant sur la foi au Christ Jésus, sur ses Paroles qui sont lumière dans nos c½urs. Jésus nous dit: “Tenez vos lampes allumées” (Luc. 12, 35): la lampe de la foi, la lampe de la prière! Que nos prières s’unissent pour monter vers Dieu, comme la flamme de nos cierges; pour lui offrir, avec Marie, une fervente action de grâces; et aussi pour élever ensemble une immense supplication.
Chacun porte ici des intentions personnelles, pour son propre salut, pour sa famille, pour sa communauté, pour son pays. C’est bien. Ce soir nous mettons ensemble tous ces v½ux, pour les confier à notre Père du ciel, par Marie. Et nous élargissons ces intentions au monde entier et à toute l’Eglise, en cherchant ce qui correspond à la volonté de Dieu et non à la nôtre seulement.
Oui, pour le monde entier! Qu’ils aient une place dans notre prière, ces hommes et ces femmes qui, en quelque lieu de l’univers, souffrent de la famine ou d’autres fléaux, des ravages de la guerre, de déplacements de populations; ceux qui sont victimes du terrorisme politique ou non frappant sans scrupule les innocents, de la haine, d’oppressions diverses, d’injustices de toute sorte, enlevés, séquestrés, torturés, condamnés sans garantie de justice; tous ceux qui subissent des atteintes intolérables à leur dignité humaine et à leurs droits fondamentaux, qui sont entravés dans leur juste liberté de penser et d’agir, humiliés dans leurs légitimes aspirations nationales. Afin que change l’attitude des responsables et que les victimes reçoivent réconfort et courage! Pensons aussi à la misère morale de ceux qui sont entraînés dans des corruptions de toute sorte. Prions encore pour ceux qui connaissent de graves difficultés par suite de leur situation d’immigrés, du chômage, de la maladie, de l’infirmité, de la solitude. C’est le Christ, le Fils de l’homme qui souffre en eux. Si je ne développe pas l’exposé de ces misères humaines, c’est que j’ai souvent l’occasion d’en parler.
De même, nous chrétiens, nous prenons spécialement à c½ur dans notre prière les besoins spirituels de l’Eglise universelle, que nous connaissons tous et sur lesquels je reviens souvent: la conversion, la transmission de la foi, la sainteté des âmes consacrées, les vocations, le rayonnement des foyers chrétiens . . . Mais il est une détresse spirituelle particulièrement flagrante sur laquelle nous allons maintenant concentrer notre attention et notre prière, celle de ceux qui souffrent pour leur foi. Nous qui, ici, pouvons exprimer sans aucune entrave notre foi et notre prière, gardons-nous d’oublier ces frères et s½urs! Et surtout en ce sanctuaire de Lourdes vers lequel les chrétiens du monde entier ont les yeux tournés depuis que la Vierge Marie y a fait briller l’espérance! En tant que Pape, portant la sollicitude de toutes les Eglises et souvent informé de leurs situations, je vous invite à méditer avec moi sur ce mystère de la persécution des croyants, en reprenant, avec Marie, les paroles de Jésus.
2. “Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux” (Matth. 5, 11-12).
Cette Béatitude, la dernière des huit indiquées par l’Evangile de Matthieu, je veux la prononcer devant Toi, ô Mère du Christ et Mère de l’Eglise, ici à Lourdes. Et en la prononçant, je désire réunir en ta présence tous ceux qui, où qu’ils se trouvent dans le monde, subissent des persécutions “à cause du Christ” tous ceux qui sont “détestés à cause de mon nom” (Cfr. Marc. 13, 13).
3. A maintes reprises le Christ a parlé des persécutions à ses disciples. Il ne leur cachait pas que la persécution deviendrait souvent le prix du témoignage (Cfr. Luc. 21, 13) qu’ils rendraient devant les hommes.
Laissons retentir en cette heure quelques paroles du maître qui contiennent le véritable évangile de la persécution:
“On vous livrera aux tribunaux et aux synagogues; on vous frappera; on vous traduira devant des gouvernements et des rois à cause de moi; il y aura là un témoignage pour eux . . . Mais celui qui aura persévéré jusqu’au bout, celui-là sera sauvé” (Marc. 13, 9-13). Cependant, “ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme” (Matth. 10, 28).
Telles sont les paroles tirées des Evangiles de Marc et de Matthieu.
L’Evangile de Luc, pour sa part, ayant évoqué ceux qui sont haïs, repoussés, insultés à cause du Fils de l’homme (Cfr. Luc. 6, 22-23), précise: “Quand on vous traduira devant les synagogues, les puissances et les autorités, ne vous tourmentez pas pour savoir comment vous défendre ou comment parler. Car l’Esprit Saint vous enseignera à cette heure même ce qu’il faudra dire” (Ibid. 12, 11-12)
4. On lit encore dans l’Evangile de Jean:
“Si le monde a de la haine contre vous, sachez qu’il en a eu d’abord contre moi.
. . . vous n’appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis en vous prenant dans le monde; voilà pourquoi le monde a de la haine contre vous . . .
Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi . . . Les gens vous traiteront ainsi à cause de moi, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé” (Io. 15, 18-21).
“Je vous ai dit tout cela pour que vous trouviez en moi la paix. Dans le monde, vous trouverez la détresse, mais ayez confiance: moi, je suis vainqueur du monde” (Ibid. 16, 33).
5. Le Christ a donc préparé ses disciples aux persécutions. Et, de ce fait, ils ont été poursuivis par elles depuis qu’ils ont commencé à accomplir la mission qui leur avait été confiée. Déjà à Jérusalem, les Apôtres et ceux qui professaient le Christ subissaient des persécutions. Les trois premiers siècles de l’existence du christianisme dans l’Empire romain ont constitué la période des persécutions, dont la première éclata à Rome, au temps de Néron, dans les années soixante. Parmi les nombreuses victimes, elle atteignit les Apôtres Pierre et Paul. Jusqu’au début du quatrième siècle, de sanglantes persécutions se sont répétées régulièrement. L’Eglise est née sur la Croix du Christ et elle a grandi au milieu des persécutions.
Il en fut ainsi à ses débuts dans l’antiquité romaine.
Il en fut ainsi également plus tard. Au cours des siècles, en divers lieux, ont éclaté des persécutions contre l’Eglise, et ceux qui croyaient au Christ donnaient leur vie pour leur foi et subissaient les pires tortures.
Le martyrologe de l’Eglise a été écrit de siècle en siècle.
6. Aujourd’hui, jour de mon pèlerinage à Lourdes, je voudrais embrasser par la pensée et avec le c½ur de l’Eglise tous ceux qui subissent des persécutions à notre époque. Je voudrais les embrasser tous, à travers le c½ur de l’Eglise, avec le C½ur maternel de la Mère de Dieu que l’Eglise vénère comme sa Mère et comme Reine des martyrs.
Les persécutions pour la foi sont parfois semblables à celles que le Martyrologe de l’Eglise à déjà écrites dans les siècles passés. Elles prennent diverses formes de discrimination des croyants, et de toute la communauté de l’Eglise. Ces formes de discrimination sont parfois appliquées en même temps qu’est reconnu le droit à la liberté religieuse, à la liberté de conscience, et cela aussi bien dans la législation des divers Etats que dans les documents de caractère international.
7. Faut-il préciser?
Dans les persécutions des premiers siècles, les peines habituelles étaient la mort, la déportation et l’exil.
Aujourd’hui, à la prison, aux camps d’internement ou de travail forcé, à l’expulsion de sa propre patrie, se sont ajoutées d’autres peines moins remarquées mais plus subtiles: non pas la mort Sanglante, mais une sorte de mort civile; non seulement la ségrégation dans une prison ou dans un camp, mais la restriction permanente de la liberté personnelle ou la discrimination sociale.
Il y a aujourd’hui des centaines et des centaines de milliers de témoins de la foi, très souvent ignorés ou oubliés de l’opinion publique dont l’attention est absorbée par les faits divers; ils ne sont souvent connus que de Dieu seul. Ils supportent des privations quotidiennes, dans les régions les plus diverses de chaque continent.
Il s’agit de croyants contraints à se réunir clandestinement parce que leur communauté religieuse n’est pas autorisée.
Il s’agit d’évêques, de prêtres, de religieux auxquels il est interdit d’exercer le saint ministère dans des églises ou dans des réunions publiques.
Il s’agit de religieuses dispersées, qui ne peuvent mener leur vie consacrée.
Il s’agit de jeunes gens généreux, empêchés d’entrer dans un séminaire ou dans un lieu de formation religieuse pour y réaliser leur propre vocation.
Il s’agit de jeunes filles aux quelles on ne donne pas la possibilité de se consacrer dans une vie commune vouée à la prière et à la charité envers les frères.
Il s’agit de parents qui se voient refuser la possibilité d’assurer à leurs enfants une éducation inspirée par leur foi.
Il s’agit d’hommes et de femmes, travailleurs manuels, intellectuels ou exerçant d’autres professions, qui, pour le simple fait de professer leur foi, affrontent le risque de se voir privés d’un avenir intéressant pour leurs carrières ou leurs études.
Ces témoignages s’ajoutent aux situations graves et douloureuses des prisonniers, des internés, des exilés, non seulement chez les fidèles catholiques et les autres, chrétiens, mais aussi chez d’autres croyants (Cfr. Ioannis Pauli PP. II Redemptor Hominis, 17). Ils constituent comme une louange qui s’élève continuellement vers Dieu du sanctuaire de leurs consciences, comme une offrande spirituelle certainement agréée par Dieu.
8. Cela ne doit pas nous faire oublier d’autres difficultés pour vivre la foi. Elles ne proviennent pas seulement des restrictions externes de liberté, des contraintes des hommes, des lois ou des régimes. Elles peuvent découler également d’habitudes et de courants de pensées contraires aux m½urs évangéliques et qui exercent une forte emprise sur tous les membres de la société; ou encore il s’agit d’un climat de matérialisme ou d’indifférentisme religieux qui étouffe les aspirations spirituelles, ou d’une conception fallacieuse et individualiste de la liberté qui confond la possibilité de choisir n’importe quoi qui flatte les passions avec le souci de réaliser au mieux sa vocation humaine, sa destinée spirituelle et le bien commun. Ce n’est pas une telle liberté qui fonde la dignité humaine et favorise la foi chrétienne (Cfr. ibid. 12). Aux croyants qui sont immergés dans de tels milieux, il faut aussi un grand courage pour demeurer lucides et fidèles, pour bien user de leur liberté. Pour eux aussi, il faut prier.
9. A toutes époques de son histoire, l’Eglise a entouré d’une attention et d’un souvenir particuliers, d’un amour spécial, ceux qui “souffrent pour le nom du Christ”. Il y a là de la part de l’Eglise un souvenir impérissable et une constante sollicitude.
Notre rencontre d’aujourd’hui, aux pieds de la Mère Immaculée du Christ à Lourdes, nous permet de donner une expression particulière à ce souvenir si durable. Prions pour tous ceux qui, en quelque lieu et de quelque façon que ce soit, sont persécutés en raison de leur foi.
Nous avons rappelé les paroles du Christ lui-même. Puissent ces frères et ces s½urs trouver inspiration et force dans ces paroles! Que l’Esprit Saint soit avec eux, lui qui éclaire les esprits et répand dans le c½ur des confesseurs de la foi une force héroïque. Dans un sens, aux yeux de Dieu, ce sont eux qui brillent comme autant de lumières dispersées dans le monde entier, et dont l’Eglise reçoit mystérieusement une vigueur. Puissent-ils tous garder la paix intérieure et la force d’esprit vraiment chrétienne! Que se consolide en eux le sens de la dignité qui naît à travers la fidélité intérieure à la conscience et à la vérité! Que le Seigneur leur donne la grâce du pardon accordé à leurs persécuteurs et de l’amour pour leurs ennemis!
O Mère du Christ, toi qui te tiens au pied de la Croix de ton Fils, sois proche de tous ceux qui, dans le monde d’aujourd’hui, subissent des persécutions! Que ta présence maternelle les aide à supporter les souffrances et à remporter la victoire par la Croix!
15 août 1983 – Rencontre avec les prêtres
Chers Frères dans le sacerdoce,
1. Ensemble, dans le souvenir personnel et toujours vivant de l’évêque qui nous conféra le pouvoir de pardonner les péchés, rejoignons le Seigneur Jésus lui-même au soir de Pâques. Selon le récit de saint Jean, les disciples étaient encore enfermés au Cénacle par peur des juifs. Et voici que leur Maître se manifeste à eux, leur montre ses plaies de crucifié, leur souhaite la paix à deux reprises. Ils sont bouleversés d’émotion et de joie. Jésus leur délivre alors un message à la fois simple et solennel: “Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie”. Et, ajoutant un geste symbolique qui fait songer au souffle créateur de la Genèse, il répand sur eux un souffle régénérateur et prend bien soin d’en donner la signification: “Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus”.
2. O Christ, ravive en nous, ravive en tous les prêtres du monde, ce don véritablement pascal! Ce don destiné à faire passer l’humanité, toujours portée vers le péché, de la mort à la vie! En ce soir de Pâques, tu voyais déjà, Seigneur, l’usage que nous ferions de ce don jailli de ton c½ur, comme les autres sacrements. Tu savais les heures de fatigue et de joie que nous consacrerions à ce ministère si sublime et si humain. Actuellement il existe des courants de pensée qui relativisent la notion du péché et de ce fait dévaluent le pouvoir, conféré par l’ordination, de le pardonner. Ici, Marie a fait transmettre par Bernadette l’invitation à faire pénitence; et un merveilleux mouvement de conversions n’a cessé de se poursuivre. Combien d’hommes et de femmes, dans la chapelle des confessions, ou ailleurs dans ces sanctuaires, ont retrouvé, grâce à notre ministère, la paix d’un c½ur purifié et le courage de la fidélité à l’Evangile!
O Jésus, toi le “grand prêtre qu’il nous fallait, saint, innocent, immaculé . . . élevé plus haut que les cieux”, prends pitié de ceux qui se laissent aller à des concessions inconsidérées aux idées séduisantes, dénuées de réalisme et périlleuses qui minimisent le péché et le pardon! Tu es venu en ce monde pour “guérir et sauver tous les hommes”. Nous te rendons grâce de nous avoir choisis et conformés à Toi, sacramentellement, afin de continuer ta mission de réconciliation des hommes avec Dieu et entre eux.
3. Cette mission est absolument nécessaire, aujourd’hui comme hier! Elle découle de la mission première, rapportée en saint Matthieu: “Allez donc, de toutes les nations faites des disciples . . .”. Or, être ton disciple, Seigneur, c’est “se revêtir de Toi”: ton apôtre Paul l’a souvent rappelé. Par contre, se laisser aller au péché, c’est se dépouiller de Toi. Selon ton enseignement, et avec toute la tradition de ton Eglise, nous croyons que le péché est personnel, en ce sens qu’il compromet ta croissance en nous. Nous croyons également qu’il est social, en ce sens que, s’infiltrant dans les diverses responsabilités que tu as confiées à ton peuple, dans les communautés ecclésiales, dans la société, le péché bloque l’expansion de ta vie parmi nos frères humains et blesse ton Corps mystique qu’est l’Eglise.
4. O Jésus, toi dont les premiers apôtres ont confessé la divinité jusqu’à l’effusion de leur sang, nous voulons admirer la façon dont ils ont parfaitement compris ta mission de Libérateur du péché qui ravage l’esprit et le c½ur des humains, même après la grâce du baptême. Nous voulons admirer leur souci d’exercer le ministère de la pénitence et de la réconciliation, que tu leur as conféré sans équivoque possible. Les témoignages de l’Eglise primitive sont nombreux. O Rédempteur de tout l’homme et de tous les hommes, persuade-nous profondément que tu nous as appelés et consacrés pour ce ministère de la réconciliation! Toi qui as simplement et divinement expliqué que la pénitence, la réconciliation sont essentiellement une conversion, un retour vers le Père céleste dont on s’est éloigné, et un retour vers des frères dont on s’est coupé, renouvelle spécialement dans l’oraison, nos dispositions et notre zèle pour ce service ecclésial, générateur de paix et de bonheur impossibles à mesurer.
Au terme de cette méditation sous ton regard, nous sentons très fort combien tu as besoin de notre voix, de notre c½ur, de notre geste, enfin de tout notre être sacerdotal, pour accueillir au nom de l’Eglise chacun de nos frères et s½urs désireux et même assoiffés de réconciliation et leur communiquer la réponse de ton Amour miséricordieux et régénérateur; à chacun, à chacune, avec son histoire unique, ses problèmes particuliers et aussi sa place originale dans la communauté des hommes toujours à rétablir, dans l’unité toujours à construire selon ton plan de Salut.
5. Et si hélas, malgré nos efforts pour être disponibles et accueillants, les fidèles sont trop lents à comprendre qui les attend, à travers les gestes miséricordieux de l’Eglise, puissions-nous comprendre le sens de cette épreuve même. Nous sommes évidemment perplexes devant l’abandon du sacrement par beaucoup de fidèles, alors qu’un petit nombre y recourt ou y revient au contraire de façon fructueuse. Nous ferons tout pour instruire et persuader les fidèles du besoin de recevoir le pardon de façon personnelle, fervente, fréquente. Et nous mettrons beaucoup de soin à exercer ce ministère, comme le demande l’Eglise, pour qu’aucun ne s’en écarte, sous prétexte qu’il trouverait formelle ou superficielle la célébration du sacrement. Mais en réalité la négligence à demander le pardon, voire le refus de se convertir, est le propre du pécheur, aujourd’hui comme hier. N’est-ce pas l’action de Dieu qui réconcilie et le pardon qui change le c½ur du pécheur? Le prêtre, qui ressent douloureusement l’éloignement de ses frères des sources du pardon, participe à la passion du Christ, à sa souffrance devant l’endurcissement, à son angoisse pour le salut du monde. Il entre lui-même dans le combat spirituel, et il sait qu’il lui faudra, comme le Curé d’Ars, préparer ou prolonger son ministère de pardon par son propre sacrifice. Il est des démons qu’on ne chasse que par la prière et le jeûne. Nous le savions au jour de notre ordination quand l’évêque nous disait: “Prenez conscience de ce que vous ferez, vivez ce que vous accomplirez, et conformez-vous au mystère de la Croix du Seigneur”.
6. O Marie, Mère du Rédempteur, silencieusement et activement présente en ce sanctuaire de Lourdes comme dans toute l’Eglise, nous nous tournons vers toi. Accorde à tous les prêtres de Jésus-Christ la grâce de donner une importance majeure, un temps généreux, une compétence théologique et spirituelle, et une fidélité quotidienne à l’Esprit Saint pour le sacrement de la réconciliation dont les chrétiens ont tant besoin; car c’est le sacrement où les frères sont réconciliés par Dieu, le sacrement qui prépare à célébrer l’Eucharistie, à vivre en vérité la communion de l’Eglise Corps du Christ!
Frères bien-aimés dans le sacerdoce, je bénis au nom du Seigneur le ministère que vous allez accomplir ici même à Lourdes, et celui que vous accomplirez jusqu’au terme de votre existence sacerdotale.
15 août 1983 – rencontre avec les religieuses
Mes Chères S½urs,
1. Je viens de rappeler aux prêtres leur ministère sublime et exigeant de réconciliation des pécheurs avec Dieu, qui complète leur ministère eucharistique. Vous n’avez pas la vocation de dispenser ces mystères, encore que vous ayez parfois un grand rôle dans la préparation des âmes à les recevoir.
Je rappelle souvent aux laïcs, aux baptisés, leur mission prophétique et royale pour manifester leur foi dans leurs milieux familial, social, professionnel, politique, artistique, scientifique, inscrire les valeurs de l’Evangile au c½ur de ces réalités humaines complexes. Baptisées, vous héritez aussi de ce rôle, surtout si vous êtes des religieuses de vie active. Dans ce dernier cas, on vous dit de plus en plus: vous représentez pour l’Eglise des forces vives considérables; elle compte sur vous pour compléter et soutenir le ministère du prêtre en paroisse, pour remplir une tache éducative, sanitaire et sociale qui correspond si bien à la charité ecclésiale; pour accompagner les chrétiens dans les catéchèses ou les mouvements, pour toute ½uvre missionnaire, etc. . . . Le champ d’apostolat est immense, et vous y apportez une telle disponibilité, une telle compétence!
2. Et pourtant, mes chères S½urs, ce n’est pas cela qui vous définit. Votre vie religieuse est d’abord une vie consacrée à Dieu. Et je dirais qu’une manifestation de cette consécration est la gratuité dans l’amour. Vous êtes d’abord dans le monde les témoins privilégiés de cette gratuité de l’amour, et c’est sans doute ce que Dieu désire le plus pour ce monde, avant de considérer votre “utilité” à la société; c’est cela que l’Eglise attend de vous, pour son témoignage, avant d’envisager vos multiples services utiles et efficaces.
Oui, d’abord la vocation que vous avez ressentie et qui a été éprouvée par votre Congrégation est un don gratuit de l’amour de Dieu. Pourquoi vous, plutôt que votre s½ur ou votre amie? Marie était choisie gratuitement par Dieu. Et Bernadette l’a été pareillement pour porter son message. Est-ce que vous êtes, comme elles, suffisamment reconnaissantes au Seigneur de ce don inouï?
Et votre réponse d’amour au Seigneur doit être également marquée par la gratuité. Par le don de votre vie au Christ, comme à l’Epoux, vous manifestez que le Seigneur mérite d’être aimé pour lui-même, que le Royaume de Dieu selon Jésus - avec son apparente “folie” - mérite qu’on y consacre sa vie, que les réalités de l’au-delà existent si intensément que vous voulez en vivre l’avant-goût.
Si vous êtes contemplatives, cet aspect est évident: la gratuité de votre vie de prière et de pénitence étonne, séduit ou irrite le monde, mais ne le laisse jamais indifférent, surtout aujourd’hui. Mais si vous menez une vie active les gens doivent pouvoir aussi reconnaître facilement Celui auquel vous consacrez votre vie.
3. La gratuité de l’amour doit encore animer les multiples services ou apostolats que vous accomplissez dans l’Eglise. Vous voulez servir les hommes et les femmes qui vous entourent, et beaucoup de vos Congrégations n’ont pas hésité à aller aux plus pauvres, aux plus marginalisés, aux plus atteints dans leur santé, à ceux que beaucoup d’instances dans la société négligent comme non “rentables”, mais que vous aimez, vous, pour eux-mêmes, témoignant que la vie humaine est toujours aimable et digne de respect, parce que le Christ l’aime. Et il en est de même pour toutes celles qui se dévouent sans compter pour que les âmes d’enfants, de jeunes, d’adultes s’ouvrent librement à la foi.
Dans votre vie communautaire aussi, vous vous appliquez à vivre dans une profonde charité entre s½urs qui ne se sont pas choisies.
4. Vos v½ux religieux vous aident précisément à vivre cette gratuité: l’obéissance qui vous rend disponibles à l’autre, la pauvreté qui vous rend désintéressées, la chasteté qui vous libère d’une relation possessive.
Au c½ur de votre vie consacrée, il y a l’Eucharistie, reçue chaque jour et adorée dans un oratoire de votre maison ou proche de chez vous. C’est dans ce sacrement que se nourrissent votre prière de contemplation et votre action apostolique ou charitable. Car de même que l’Esprit Saint transforme les oblats à la messe au corps et au sang du Christ, il doit vous transformer pour faire de vous une offrande à sa gloire, une offrande gratuite. Cette gratuité sera votre joie et votre premier témoignage.
Bien sûr, votre activité sera féconde dans l’Eglise. Et même peut-être la plus féconde! Mais vous n’avez pas à rechercher à tout prix cette fécondité, même apostolique: elle viendra par surcroît. Comme dans la vie de la Vierge Marie. Comme dans la vie de Bernadette. A Bernadette, il a suffi d’aimer. Sa vie religieuse a semblé misérable, pour ce qui est de la santé, et inutile, lorsqu’elle était à Nevers. Et pourtant! En fait le témoignage qu’elle a laissé au monde est singulièrement fort, pur, transparent.
Voilà ce que je vous souhaite. En vous bénissant de grand c½ur, vous et vos Congrégations représentées. Je bénis aussi vos s½urs malades et celles qui n’ont pas pu venir. Allez dans la paix et la joie du Christ!
15 août 1983 – Homélie de la Messe de l’Assomption sur l’esplanade à Lourdes
1. “Un signe grandiose apparut dans le ciel: une Femme, ayant le soleil pour manteau” (Apoc. 12, 1).
Nous sommes venus aujourd’hui en pèlerinage vers ce Signe. C’est la solennité de l’Assomption au ciel: voici que le Signe atteint sa plénitude. Une femme a pour manteau le soleil de l’inscrutable Divinité. Le soleil de l’impénétrable Trinité. “Pleine de grâce”: elle est pleine du Père et du Fils et de l’Esprit Saint lorsqu’ils se donnent à elle comme un seul Dieu, le Dieu de la création et de la révélation, le Dieu de l’Alliance et de la Rédemption, le Dieu du commencement et de la fin. L’alfa et l’oméga. Le Dieu-Vérité. Le Dieu-Amour. Le Dieu-Grâce. Le Dieu-Sainteté.
Une femme ayant le soleil pour manteau.
Nous faisons aujourd’hui le pèlerinage à ce Signe. C’est le Signe de l’Assomption au ciel, qui s’accomplit au-dessus de la terre et en même temps s’élève à partir de la terre. De cette terre dans laquelle s’est greffé le mystère de l’Immaculée Conception. Aujourd’hui se rencontrent ces deux mystères: l’Assomption au ciel et l’Immaculée Conception. Aujourd’hui se révèle leur complémentarité.
Aujourd’hui, pour la fête de l’Assomption au ciel, nous venons en pèlerinage à Lourdes, où Marie dit à Bernadette: “Je suis l’Immaculée Conception” (Que soy era Immaculada Councepciou).
2. Nous sommes venus ici en raison du Jubilé extraordinaire marquant l’Année de la Rédemption. Nous voulons vivre ce Jubilé près de Marie.
Lourdes est le lieu adapté pour un tel voisinage.
Ici, autrefois, “ la Belle Dame ” parlait avec une simple jeune fille de Lourdes, Bernadette Soubirous, elle récitait avec elle le chapelet, elle la chargeait de certains messages. En venant en pèlerinage à Lourdes, nous voulons entrer de nouveau dans le cadre de cette extraordinaire proximité qui, ici, n’a jamais cessé mais s’est au contraire consolidée.
Cette proximité de Marie constitue comme l’âme de ce sanctuaire.
Nous venons en pèlerinage à Lourdes pour être près de Marie.
Nous venons en pèlerinage à Lourdes pour nous rapprocher du mystère de la Rédemption (Luc. 1, 42-45).
Nul plus que Marie n’est immergé au sein du mystère de la Rédemption. Et nul plus qu’elle ne peut rapprocher de nous ce mystère. Elle se trouve au c½ur même du mystère. Nous désirons qu’en l’année du Jubilé extraordinaire batte plus fort en nous le c½ur même du mystère de la Rédemption.
C’est pour cela que nous venons ici.
Nous nous trouvons à Lourdes en la solennité de l’Assomption de Marie au ciel, quand l’Eglise proclame la gloire de sa naissance définitive au ciel. Nous voulons - surtout par la liturgie - participer à cette gloire.
Et nous voulons en même temps - par la gloire de sa naissance au ciel - vénérer le moment bienheureux... de sa naissance sur terre. L’Année de la Rédemption 1983 tourne nos pensées et nos c½urs vers ce moment bienheureux.
3. Mais avant tout: la naissance au ciel, l’Assomption au ciel. On peut dire que la liturgie nous montre l’Assomption de Marie au ciel sous trois aspects. Le premier aspect, c’est, dans la maison de Zacharie, la Visitation.
Elisabeth dit: “Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni... Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles... du Seigneur”.
Marie a cru aux paroles qui lui étaient dites de la part du Seigneur, et Marie a accueilli le Verbe qui a pris chair en elle et qui est le fruit de ses entrailles.
La Rédemption du monde a été fondée sur la foi de Marie, elle a été liée à son “Fiat” au moment de l’Annonciation. Mais elle a commencé à se réaliser par le fait que “le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous” (Jn. 1, 14).
Lors de la Visitation, Marie, au seuil de la maison hospitalière de Zacharie et d’Elisabeth, prononce une phrase qui concernait le début du mystère de la Rédemption. Elle dit: “Le Puissant fit pour moi des merveilles: saint est son nom!” (Luc. 1, 49).
Cette phrase, prise du contexte de la Visitation, s’insère, à travers la liturgie d’aujourd’hui, dans le contexte de l’Assomption. Tout le Magnificat prononcé lors de la Visitation devient, dans la liturgie d’aujourd’hui, l’hymne de l’Assomption de Marie au ciel.
La Vierge de Nazareth a prononcé ces mots alors que, par son ½uvre, le Fils de Dieu devait naître sur terre. Avec quelle force ne devrait-elle pas les prononcer à nouveau alors que, par l’½uvre de son Fils, elle-même va naître au ciel!
4. La liturgie de cette fête solennelle nous révèle le deuxième aspect de l’Assomption par les paroles de saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens.
L’Assomption de la Mère du Christ au ciel fait partie de la victoire sur la mort, de cette victoire dont le commencement se trouve dans la résurrection du Christ: “Le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité” (1Cor. 15, 20).
La mort est l’héritage de l’homme après le péché originel: “Tous meurent en Adam” (1Cor. 15, 22).
La Rédemption accomplie par le Christ a fait dépasser cet héritage: “Tous revivront dans le Christ, mais chacun à son rang: en tête, le Christ, comme prémices, ensuite ceux qui seront au Christ...” (Ibid. 15, 22-23).
Et qui, plus que sa Mère, appartient au Christ? Qui, plus qu’elle, a été racheté par lui? Qui a coopéré à sa Rédemption de plus près qu’elle ne l’a fait elle-même par son “ Fiat ” à l’Annonciation, et par son “ Fiat ” au pied de la Croix?
Ainsi donc, c’est au c½ur même de la Rédemption accomplie par la Croix sur le Calvaire, c’est dans la puissance même de la Rédemption révélée dans la Résurrection, que trouve sa source la victoire sur la mort qu’expérimente la Mère du Rédempteur, c’est-à-dire son Assomption au ciel.
Tel est le deuxième aspect de l’Assomption que nous révèle la liturgie d’aujourd’hui.
5. Le troisième aspect est exprimé par les paroles du psaume responsorial; et c’est le langage poétique de ce psaume qui l’exprime: la fille du roi, vêtue d’étoffes précieuses, entre pour occuper sa place à côté du trône du roi:
“Pour toujours ton trône, ô Dieu, et à jamais!
Sceptre de droiture, le sceptre de ton règne!” (Ps. 44(45), 7).
Dans la Rédemption se renouvelle le Règne de Dieu, commencé par la création même, puis atteint dans le c½ur de l’homme par le péché.
Marie, Mère du Rédempteur, est la première à participer à ce règne de gloire et d’union à Dieu dans l’éternité.
Sa naissance au ciel est le commencement définitif de la gloire que les fils et les filles de cette terre doivent atteindre en Dieu même en vertu de la Rédemption du Christ.
En effet, la Rédemption est le fondement de la transformation de l’histoire du cosmos dans le Règne de Dieu.
Marie est la première des rachetés. En elle aussi, a déjà commencé la transformation de l’histoire du cosmos en Règne de Dieu.
C’est cela qu’exprime le mystère de son Assomption au ciel: la naissance au ciel, avec son âme et son corps.
6. Par l’Assomption de la Mère de Dieu au ciel - sa naissance au ciel -, nous désirons honorer le moment bienheureux de sa naissance sur terre.
Beaucoup se posent la question: quand est-elle née? Quand est-elle venue au monde? Cette question, beaucoup se la posent tout spécialement maintenant, alors que s’approche le deuxième millénaire de la naissance du Christ. La naissance de la Mère devait évidemment précéder dans le temps la naissance de son Fils. Ne serait-il donc pas opportun de célébrer d’abord le deuxième millénaire de la naissance de Marie?
L’Eglise se réfère à l’histoire et aux dates historiques lorsqu’elle célèbre les anniversaires et les jubilés (en respectant les précisions que la science lui apporte). Toutefois, le juste rythme des anniversaires et des jubilés est déterminé par l’histoire du salut. Nous tenons avant tout à nous référer dans le temps aux événements qui ont apporté le salut, et non pas seulement à observer, avec une précision historique, le moment de ces événements.
En ce sens, nous acceptons que le jubilé de la Rédemption de cette année se réfère - après 1950 ans - à l’événements du Calvaire, c’est-à-dire à la mort et à la résurrection du Christ. Mais toute l’attention de l’Eglise est concentrée avant tout sur l’événement salvifique (en plus de la considération de la date), et non sur la seule date historique.
En même temps, nous soulignons constamment que le jubilé extraordinaire de cette année prépare l’Eglise au grand jubilé du second millénaire (l’an deux mille). Sous cet aspect, notre Année de la Rédemption revêt également le caractère d’un Avent: elle nous introduit dans l’attente du jubilé de la venue du Seigneur.
Mais l’Avent est tout particulièrement le temps de Marie. C’est en elle seule que l’attente du genre humain tout entier, en ce qui concerne la venue du Christ, atteint son point culminant. Elle porte cette attente à sa plénitude: la plénitude de l’Avent.
Par le jubilé de la Rédemption de cette année, nous désirons entrer dans cet Avent. Nous désirons participer à l’attente de Marie, Vierge de Nazareth. Nous désirons que, dans le jubilé de cet événement salvifique, qui a un caractère d’Avent, soit présente aussi sa propre venue, sa propre naissance sur terre.
Oui, la venue de Marie dans le monde est le commencement de l’Avent salvifique.
Et c’est pourquoi nous faisons le pèlerinage de Lourdes: non seulement pour honorer, par la solennité de l’Assomption, la naissance de Marie au ciel, mais aussi pour honorer le moment bienheureux de sa naissance sur terre (Apoc. 12, 4).
Nous venons en pèlerinage à Lourdes, où Marie (“la belle Dame”) a dit à Bernadette: “Je suis l’Immaculée Conception” (Que soy era Immaculada Councepciou).
Par ces mots, elle a exprimé le mystère de sa naissance sur terre comme un événement salvifique très étroitement lié à la Rédemption, et lié à l’Avent.
7. Belle Dame!
O Femme qui as le soleil pour manteau!
Reçois notre pèlerinage en cette année d’Avent du jubilé de la Rédemption.
Aide-nous, par la lumière de ce jubilé, à pénétrer ton mystère:
- le mystère de la Vierge Mère,
- le mystère de la Reine Servante,
- le mystère de la Toute puissance qui se fait suppliante.
Aide-nous à découvrir toujours plus pleinement, en ce mystère, le Christ, Rédempteur du monde, Rédempteur de l’homme.
Tu as le soleil pour manteau, le soleil de l’inscrutable Divinité, le soleil de l’impénétrable Trinité. “Pleine de grâce” jusqu’aux limites de l’Assomption au ciel!
Et en même temps...
pour nous qui vivons sur cette terre, pour nous, pauvres fils d’Eve en exil, tu as pour manteau le soleil du Christ depuis Bethléem et Nazareth, depuis Jérusalem et le Calvaire. Tu es revêtue du soleil de la Rédemption de l’homme et du monde par la croix et la Résurrection de ton Fils.
Fais que ce soleil resplendisse sans cesse pour nous sur cette terre!
Fais qu’il ne s’obscurcisse pas dans l’âme des hommes!
Fais qu’il éclaire les chemins terrestres de l’Eglise dont tu es la première figure!
Et que l’Eglise, en fixant le regard sur toi, Mère du Rédempteur, apprenne sans cesse elle-même à être mère!
Regarde! Voici ce que dit le livre de l’Apocalypse: “ Le Dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance ”.
O Mère qui, dans ton Assomption au ciel, as expérimenté la plénitude de la victoire sur la mort de l’âme et du corps, défends les fils et les filles de cette terre contre la mort de l’âme! O Mère de l’Eglise!
Devant l’humanité qui semble toujours fascinée par ce qui est temporel - et alors que la “ domination sur le monde ” cache la perspective du destin éternel de l’homme en Dieu -, sois toi-même un témoin de Dieu!
Toi, sa Mère.
Qui peut résister au témoignage d’une mère?
Toi qui es née pour les fatigues de cette terre: conçue de façon immaculée!
Toi qui es née pour la gloire du ciel! Montée au ciel!
Toi qui es revêtue du soleil de l’insondable Divinité, du soleil de l’impénétrable Trinité, remplie du Père, du Fils et de l’Esprit Saint!
Toi à qui la Trinité se donne comme un seul Dieu, le Dieu de la création et de la Révélation! Le Dieu de l’Alliance et de la Rédemption. Le Dieu du commencement et de la fin. L’alfa et l’oméga. Le Dieu-Vérité. Le Dieu-Amour. Le Dieu-Grâce. Le Dieu-Sainteté. Le Dieu qui surpasse tout et qui embrasse tout. Le Dieu qui est “ tout en tous ”.
Toi qui as pour manteau le soleil! Notre Mère! Sois le témoin de Dieu! . . .
- devant le monde du millénaire qui se termine.
- devant nous, fils d’Eve en exil,
sois le témoin de Dieu!
Amen.
15 août 1983 – Méditation lors de la prière de l’Angelus
Chers Frères et S½urs présents à Lourdes, de toutes nations, car Lourdes a une vocation universelle, où chaque catholique doit se sentir chez lui, près de Marie, nous allons nous recueillir pour la prière de l’Angélus.
Je salue cordialement les pèlerins venus des pays voisins, et particulièrement de l’Espagne, où la Vierge Immaculée a une si grande place.
Amadísimos: En la gran fiesta de la Asunción, tan sentida en España como en América Latina, os invito a confiar siempre en la Virgen Santísima. Que María sea el faro que os lleve a Dios y que a su lado se transformen vuestros corazones y sepáis crear un clima de convivencia fraterna en vuestros hogares y en la sociedad. Con mi profundo agradecimiento por vuestra presencia, os bendigo de corazón.
Ai pellegrini di lingua italiana sempre così numerosi e così devoti va ora il mio particolare saluto. Ogni anno sono molti i pellegrinaggi dei malati organizzati dall’UNITALSI e dall’OFTAL che vengono a Lourdes da Roma come da tutte le diocesi e parrocchie d’Italia tra i quali anche quello dei sacerdoti infermi. Molti sono i gruppi e le famiglie che qui giungono per pregare la Vergine Immacolata. La devozione a Maria sia sempre per voi fonte di profonde consolazioni spirituali e di fiducioso coraggio nel vivere la vostra fede cristiana.
To all the English speaking pilgrims, I offer a special, greeting of grace and peace in our Lord Jesus Christ. May all of you find renewed grace for christian living in realising how much Christ loved his mother whose redemption culminates so magnificiently in the mistery of her assumption. Blesses be Mary’s glorious assumption.
Liebe Pilger deutscher Sprache!
Die Vollendung Marias in der Herrlichkeit ihres Sohnes leuchtet als Zeichen des Trostes und der Hoffnung über diesem Tal der Tränen. Seien wir gesund oder krank: auch unser Leid ist unsichtbar schon jetzt von der himmlischen Herrlichkeit unseres eilandes durchdrungen, Maria starke uns in diesem Glauben!
Serdecznie pozdrawiam Polonię z Francji, Anglii, Belgii i innych krajów, a także współbraci z Ojczyzny. Łączymy się w tym uroczystym dniu z Jasną Górą, i śpiewamy chwałę Wniebowziętej Naszej Pani. Wszystkim “Szczęść Boże”!
Et vous, chers Frères et S½urs de France, ou d’Europe, qui nous regardez à la télévision ou nous écoutez à la radio, vous êtes aussi des nôtres.
Et sans vous oublier, français des départements et territoires d’outremer, lointains par la distance, mais proches à notre c½ur: vous qui contribuez à donner au peuple de France une dimension plus universelle et un nouveau souffle missionnaire . . .
A tous, je souhaite une grande joie,
car nous venons de célébrer à Lourdes Sainte Marie, cette simple femme de Nazareth que toutes les générations depuis deux mille ans disent justement bienheureuse, bénie entre toutes les femmes, mère du Christ Jésus, Fils de l’homme et Fils de Dieu. Aujourd’hui, nous sommes sûrs qu’au ciel, c’est-à-dire dans le rayonnement du Christ, elle brille d’un éclat incomparable, car elle est revêtue de la lumière de Dieu, comme son Fils ressuscité. Elle nous devance tous dans la résurrection. Elle est le prototype de l’Eglise. Et ici même, voilà 125 ans, Bernadette, avant de savoir son nom - “Immaculée Conception” - était saisie de sa beauté, de son bonheur rayonnant, de sa simplicité.
Chers Frères et S½urs, c’est toujours cette Femme qui rappelle l’amour de Dieu à un monde qui l’ignore ou n’ose plus y croire; c’est elle qui nous rappelle que Dieu a donné son Fils unique au monde, le Verbe, qui s’est fait homme, en elle, par elle; qu’Il a habité parmi nous; c’est elle qui nous fait signe d’approcher de Dieu, de son pardon, de sa Vie, sans craindre de lui ouvrir notre porte, de lui soumettre notre vie. Partout où elle est bien invoquée, la foi au Christ se maintient plus vivace ou refleurit.
Vous avez beaucoup d’occasions dans chacun de vos pays; et notamment en France, de vous sentir proches de Marie. Tant de lieux, tant de sanctuaires portent le nom de Notre-Dame! Tant de clochers annoncent trois fois par jour l’“Angelus”, l’annonce faite à Marie. Il est si simple et si beau de lui répéter: “Je vous salue Marie”. Je vais le faire aujourd’hui avec vous, comme je le fais personnellement chaque jour; et chaque dimanche avec les fidèles qui viennent à Rome.
Nous prierons pour vos familles et spécialement pour toutes les femmes de la terre, pour celles qui s’appellent Marie - auxquelles j’offre mes v½ux de fête - et les autres.
Pour que Marie aide les jeunes filles à vivre dans la limpidité avec la force d’âme de Bernadette.
Pour que, dans les familles, les femmes remplissent au mieux leur vocation merveilleuse d’épouses, de mères.
Pour qu’elles tiennent dans l’ensemble de la société le rôle qui leur revient, en témoignant de leur sens de personnes, du respect de la vie, de l’importance de l’amour, du sens du beau.
Pour que, dans leur foi chrétienne, elles soient, au milieu de nous, comme Marie, la “servante du Seigneur”, heureuses de croire en Lui, ardentes à L’aimer et fidèles à Le servir, et qu’elles apprennent ainsi au monde la joie de vivre sous le regard de Dieu.
15 août 1983 – Rencontre avec les jeunes, dans la basilique Saint Pie X
Chers jeunes de France, d’Europe et même d’autres continents,
1. Je suis heureux de poursuivre avec vous cette belle méditation.
Nous avons laissé pénétrer en nous la conviction du prophète Isaïe: “Dieu est toujours Sauveur”. En nous s’inscrit également la vision de la première communauté chrétienne de Jérusalem, si fraternelle, rassemblée autour de l’Apôtre Pierre, et si proche de Marie, la Mère de Jésus. Ces hommes et ces femmes qui nous ont précédés sont nos pères et mères, mais aussi nos contemporains dans la foi. Nos louanges viennent de donner déjà l’écho de nos c½urs aux merveilles de l’Alliance de Dieu avec l’humanité. Alors nous allons pouvoir reprendre le Magnificat, jailli du c½ur très humble et de la foi ardente de Notre-Dame.
Un certain nombre d’entre vous m’ont fait parvenir des questions. Sans les reprendre une à une, je les garderai présentes à l’esprit, tout au long de cette méditation.
2. “Mon âme exalte le Seigneur!” (Cfr. Luc. 1, 46).
Je tiens d’abord à rendre grâce pour notre communion profonde: les jeunes avec le Pape, et le Pape avec vous!
Béni sois-tu, Seigneur, pour tous ces jeunes, venus faire à Lourdes une expérience de prière, d’amitié fraternelle, de service des malades, une expérience d’Eglise.
Béni sois-tu, Seigneur, pour tout ce que tu nous donnes de vivre à Lourdes, lieu d’espérance pour tant de frères souffrants, lieu de conversion pour qui cherche Dieu sincèrement! Cette espérance et cette conversion sont liées à la présence, parmi nous, de Marie. Et elle-même ne nous visite, mystérieusement, que pour dévoiler une autre présence, bouleversante, celle de Dieu même, en la personne de son Fils tant aimé. Elle nous persuade, comme les premiers disciples, d’aller à Lui en toute confiance.
3. “Bienheureuse Marie, toi qui as cru!” (Cfr. ibid. 1, 45).
Marie nous entraîne d’abord à croire.
A croire dans l’amour de Dieu le Père qui nous entoure constamment: ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui a aimé le premier.
A croire dans la puissance du Christ manifestée dans la Rédemption. Il est le Dieu sauveur, pressenti par Isaïe. Il est la source de vie, surabondante. Il est la vérité de Dieu et la vérité de nos pauvres existences. Il est le chemin de Dieu et le chemin de l’homme, le seul homme pleinement conforme à sa vocation.
A croire en l’Esprit Saint que Marie a accueilli sans réserve et qui nous est donné à nous aussi.
Nous sommes sûrs de cet amour du Dieu Trinité; c’est en nous ouvrant à lui par la foi que nous serons, avec Marie, bienheureux, et que nous recevrons à notre tour le goût et la force d’aimer.
Déjà par le baptême, la confirmation, le sacrement de la réconciliation, l’eucharistie, et bien d’autres gestes communautaires de l’Eglise, le Christ est venu à nous, sans mérite de notre part, parfois sans que nous l’ayons d’abord reconnu.
Que Marie nous aide donc à accueillir d’un c½ur simple l’annonce de l’amour de Dieu. A y croire malgré les doutes que la société et notre propre esprit murmurent à notre c½ur! Ne craignons pas! Et si ces difficultés demeurent, nous prierons pour progresser dans la foi, malgré elles ou plutôt grâce à elles, car c’est là que s’éprouve notre confiance, notre fidélité. Notre foi, nous saurons la nourrir par l’étude approfondie de la Parole de Dieu et de la réflexion ininterrompue de l’Eglise, de la Tradition vivante. Et nous chercherons à faire la vérité dans notre vie, pour venir à la lumière.
Puissions-nous avoir la foi limpide et trempée de Bernadette: dès l’aube de ses 15 ans, sûre du message transmis par Marie, elle a eu le courage tenace d’affronter les soupçons du monde adulte pour être fidèle à ce qu’elle avait reçu et en témoigner.
4. “Rien n’est impossible à Dieu!” (Cfr. Luc. 1, 37).
Nous accueillons cette promesse de l’ange à Marie. Nous avons besoin de l’espérance qui prolonge la foi. Beaucoup aujourd’hui sont déconcertés, inquiets, ou désemparés devant les sollicitations de notre époque: quel avenir? quel travail trouvera-t-on? qui pourrait bien surmonter les vices de la société? Quels efforts pourraient apporter une solution aux grands problèmes mondiaux de la faim, de h guerre, des atteintes aux droits de l’homme? Qu’est-ce que notre bonne volonté pour tant de monde? Et finalement quel est le sens de cette vie? Certains se sentent inutiles dans un monde vieilli, incapables de faire quelque chose dans un monde fermé; ils doutent même de la valeur de leur condition de chrétien.
Nous ne serons certes pas dispensés d’imaginer et de réaliser un investissement coûteux et patient de notre liberté: l’espérance ne le remplace pas. Mais Dieu nous indique ce que nous avons d’abord à lui demander: L’Esprit Saint, son Esprit, qui renouvelle la face de la terre, parce qu’il renouvelle notre esprit, notre c½ur. Marie s’est ouverte à l’Esprit Saint. Le Puissant a fait en elle des merveilles. Il fera en nous de grandes choses. Il nous fera suivre le Christ: en s’arrachant aux tentations de la puissance, de la richesse, de l’orgueil, et en s’attachant à l’idéal des béatitudes, n’a-t-il pas inauguré un monde vraiment nouveau? Dans l’espérance, misons sur lui, il ne nous décevra pas.
5. “Marie se rendit en hâte vers la maison de sa cousine Elisabeth!” (Cfr. Luc. 1, 39-40).
La foi et l’espérance conduisent à l’amour du prochain. Toute existence tire sa valeur de la qualité de l’amour. Dis-moi quel est ton amour, et je te dirai qui tu es.
Marie guide notre regard, notre c½ur, nos mains vers les autres, comme dans la maison d’Elisabeth, comme à Cana. Nous ne pouvons nous enfermer dans le cercle étroit de nos intérêts, de nos jugements. Une solidarité fondamentale nous lie à ceux qui nous sont proches, ceux de notre famille, ceux de notre pays, ceux aussi dont on doit se faire le prochain, comme ceux du tiers-monde, car il faut sans cesse nous ouvrir à l’universel. L’amour selon Dieu n’a pas de frontière. Heureux ceux qui font une place à l’enfant qui survient et que certains rejettent. A la personne que la société trouve inutile. A la personne qui souffre dans son corps et dans son esprit. A celle qui a oublié sa dignité humaine.
C’est la même ouverture du c½ur qui vous appelle à vous soucier de tout ce qui améliorera le sort des hommes: le respect de la vie et de la dignité humaine, l’avènement d’une plus grande justice, le partage des biens, la fraternité et la paix entre les peuples et les milieux sociaux, l’accueil des étrangers, l’assainissement des m½urs, la promotion d’une culture digne de ce nom, etc. . . . A vous en soucier, à y travailler, par des engagements concrets, et donc à développer vos talents pour mieux servir l’homme dans toutes ses dimensions, les yeux fixés sur Jésus, seul modèle d’humanité.
A Lourdes, nous apprenons en quoi consiste l’amour de la vie: à la Grotte et dans les hôpitaux; il est dans l’aide apportée aux malades. Là-haut, dans la Chapelle des confessions, il est dans l’écoute de toutes les misères morales, le pardon réconfortant` du Christ. L’amour est inséparable de l’esprit de service, qui donne son prix à la vie; à la vie des jeunes. Cet esprit n’est pas seulement une aide: il est un échange, une communion offerte.
6. Siméon dit à Marie: “Ton enfant doit être un signe en butte à la contradiction” . . . “et Marie se tenait au pied de la Croix!” (Cfr. Luc. 2, 34; Io. 19, 25).
Le chemin de l’amour selon le Christ est un chemin difficile, exigeant. Il nous faut être réalistes. Ceux qui ne vous parlent que de spontanéité, de facilité, vous trompent. La maîtrise progressive de notre vie, apprendre à être celui que Dieu veut, demande déjà un effort patient, une lutte sur nous-mêmes. Soyez des hommes et des femmes de conscience. N’étouffez pas votre conscience, ne la déformez pas, appelez par leur nom le bien et le mal. Inévitablement vous connaîtrez les contradictions d’une société dont on connaît bien les vices. Sans se départir de la charité, mais avec courage, il nous revient de construire d’abord en nous-mêmes, la forme de la société que nous voulons pour demain. La foi est un risque.
Le Christ a été un signe de contradiction. Il a offert, jusque dans sa mort, son amitié à tous, avec Marie debout au pied de la croix. Bernadette aussi a connu la contradiction et la souffrance. Ce n’est pas pour les autres seulement qu’elle avait transmis le mot de la Vierge: “Pénitence”. Et elle avait été avertie par Marie de la dureté du chemin: “Je ne te promets pas d’être heureuse en ce monde, mais dans l’autre”.
Ne craignons pas: répondre à cette exigence nous unit vraiment au Christ qui offre sa vie, c’est une source de joie intérieure et une condition d’efficacité de l’Eglise dans le monde.
7. “Le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle, afin de la sanctifier . . . Il voulait se la présenter sans tache ni ride, mais sainte et immaculée!”(Cfr. Eph. 5, 25-27).
Nous aussi, nous aimons l’Eglise. Comme nous la voudrions plus transparente, plus dégagée de toute compromission! Mais nous sommes l’Eglise! Nous ne pouvons pas la critiquer comme si elle nous était extérieure. Si nous aimons ceux qu’elle rassemble, si nous sommes prêts au service, nous pourrons chercher et trouver avec elle des formes de vie nouvelle, un langage vrai. Nous pourrons inventer des lieux où chacun pourra plus aisément répondre à sa vocation. Nous redécouvrirons aussi que la paroisse est le lieu où nous formons un seul Corps, avec nos frères et s½urs de tous les horizons et de toutes les générations. Avec l’Eglise, nous servirons la cause des hommes. Avec elle, dans l’amour et le respect des autres, nous ne craindrons pas non plus de témoigner, de dire et de crier notre foi, car autrement, comment ce monde indifférent pourrait-il la connaître? Nous contribuerons à rendre à l’Eglise, à chacune de ses paroisses, de ses mouvements, de ses séminaires, la jeunesse de l’Esprit!
“Allez, de toutes les nations, faites des disciples”. Ce commandement du Seigneur a été confié à Pierre et aux autres Apôtres.
Et moi, à mon tour, je vous envoie tous en mission, comme baptisés et confirmés. Et chers jeunes, j’ai une chose importante à vous dire: je souhaite qu’un certain nombre d’entre vous répondent “oui” à l’appel du Seigneur, en investissant toutes leurs forces dans son service exclusif. Ce peut être le lieu et l’heure d’y réfléchir devant Marie.
Marie, la mère de l’Eglise, continue à façonner le corps mystique du Christ! Qu’elle nous apprenne à servir l’Eglise!
8. Aux jours de la Pentecôte,
“les disciples se tenaient dans la chambre haute, et persévéraient dans la prière, avec Marie, mère de Jésus!” (Cfr. Act. 1, 13-14).
Marie, apprends-nous à prier. Comme Marie, laissons-nous habiter par la fougue de l’Esprit Saint. Beaucoup d’entre nous ont redécouvert la joie de la prière: penser à Dieu en l’aimant, le louer ensemble, écouter sa Parole. La prière n’est pas d’abord pour nous satisfaire. Elle est dépossession de nous-mêmes pour nous mettre à la disposition du Seigneur, le laisser prier en nous. Elle est la respiration de l’Eglise et la met au diapason de Dieu. Elle constitue un service essentiel dans l’Eglise, le service de la louange, et le service qui permet aux hommes de s’ouvrir au Rédempteur. Elle est à la source et à l’aboutissement de notre engagement. Puissions-nous ne jamais séparer l’action et la contemplation. Et que nos prières convergent vers l’eucharistie, où le Christ lui-même saisit notre vie pour l’offrir avec la sienne et lui faire porter ses fruits.
9. Tout ce que nous avons évoqué nous permet d’envisager la vie véritable. Le Christ veut que nous aimions la vie, que nous donnions autour de nous le goût de vivre et d’aimer. Il est venu pour que nous ayons la vie en abondance.
O Mère, bénie entre toutes les Mères, je te confie les jeunes ici présents les jeunes de l’univers entier. Je te supplie pour tous et pour chacun: donne-leur la grâce d’aimer la vie, de faire totale confiance à ton Fils Jésus-Christ, de collaborer concrètement en Eglise à sa mission de vérité, de justice et de paix!
Et maintenant, avec vous tous, rendons grâces à Dieu en reprenant les paroles de Marie.
15 août 1983 – Rencontre avec les malades
Bien chers malades,
membres souffrants du Seigneur Jésus,
1. Est-il-besoin de vous rappeler que Jésus de Nazareth - avant de monter à Jérusalem pour consommer, dans l’abandon quasi total des siens, son mystérieux sacrifice de Rédemption universelle - a accordé durant ses années de prédication itinérante, une priorité aux personnes affligées par la souffrance, qu’elle soit physique ou morale? Et l’histoire du christianisme, souvent de manière éclatante, n’a fait qu’illustrer ce service des malades et des plus pauvres, inauguré par son divin Fondateur. Pour sa part, votre pays de France a vu naître tant de congrégations hospitalières! Comment ne pas mentionner les Filles de la Charité, instituées par Vincent de Paul, né dans les Landes, tout près d’ici? Comment oublier que Bernadette Soubirous entra dans la congrégation des S½urs de la Charité et de l’Instruction chrétienne de Nevers, fondée au XVIIème siècle pour les petites écoles, la visite des pauvres et des malades et le service des hôpitaux? Et la ville de Lourdes n’est-elle pas le lieu par excellence où les malades sont vraiment chez eux, au même titre que les bien portants, avec les services et organismes pleinement adaptés à eux?
2. La souffrance est toujours une réalité, une réalité aux mille visages. Je pense aux misères provoquées par certains phénomènes géologiques assez imprévisibles, aux détresses morales se multipliant dans une société qui croyait en venir à bout. Je songe à toutes les infirmités et maladies: les unes guérissables à échéance, d’autres, hélas, encore incurables. Si la souffrance est objective, elle est plus encore subjective, unique, en ce sens que chaque personne, affligée ou malade, réagit devant la même souffrance de manière très différente. C’est le mystère de la sensibilité impondérable de chacun. Il arrive même - dans le domaine secret des consciences - que des personnes souffrent d’inquiétudes ou de remords sans réel fondement.
3. Face à toute souffrance, les bien portants ont un premier devoir: celui du respect, parfois même du silence. N’est-ce pas le Cardinal Pierre Veuillot, Archevêque de Paris, si rapidement emporté par une implacable maladie voici une quinzaine d’années, qui demandait à des prêtres qui le visitaient, de parler de la souffrance avec beaucoup de circonspection? Ni juste, ni injuste, la souffrance demeure, malgré des explications partielles, difficile à comprendre et difficile à accepter même pour ceux qui ont la foi. Celle-ci n’ôte pas la douleur. Elle la relie invisiblement à celle du Christ Rédempteur, l’Agneau sans tache, qui s’est comme immergé dans le péché et la misère du monde, pour en être pleinement solidaire, lui donner une autre signification, sanctifier par avance toutes les épreuves et la mort même qui étreindraient la chair et le c½ur de ses frères humains. “C’est donc par le Christ et dans le Christ que s’éclaire l’énigme de la douleur et de la mort qui, hors de l’Evangile, nous écrase”. Cette affirmation est tirée de l’admirable constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes, 22). Le prophète Isaïe, lu tout à l’heure, avait raison de dire aux gens de son époque: “Prenez courage, ne craignez pas! Voici votre Dieu . . . Il vient lui-même et va vous sauver” (Is. 35, 4). Et Jésus a pu dire en vérité: “Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai” (Matth. 11, 28).
4. Chers malades, je voudrais laisser en vos mémoires et en vos c½urs trois petites lumières qui me semblent précieuses.
Tout d’abord, quelle que soit votre souffrance, physique ou morale, personnelle ou familiale, apostolique, voire ecclésiale, il importe que vous en preniez lucidement conscience sans la minimiser et sans la majorer, et avec tous les remous qu’elle engendre dans votre sensibilité humaine: échec, inutilité de votre vie, etc.
Ensuite, il est indispensable d’avancer sur la voie de l’acceptation. Oui, accepter qu’il en soit ainsi, non par résignation plus ou moins aveugle, mais parce que la foi nous assure que le Seigneur peut et veut tirer le bien du mal. Combien, ici présents, pourraient témoigner que l’épreuve, acceptée dans la foi, a fait renaître en eux la sérénité, l’espérance . . . Si le Seigneur veut tirer le bien du mal, c’est qu’Il vous invite à être vous-mêmes aussi actifs que vous le pouvez, malgré la maladie, et si vous êtes handicapés, à vous prendre vous-mêmes en charge, avec les forces et talents dont vous disposez, malgré l’infirmité. Ceux qui vous entourent de leur affection et de leur entraide, et aussi les associations dont vous faites partie comme les Fraternités des malades, cherchent justement à vous faire aimer la vie, et à l’épanouir encore en vous, autant qu’il est possible, comme un don de Dieu.
Enfin, le plus beau geste reste à faire: celui de l’oblation. L’offrande, effectuée par amour du Seigneur et de nos frères, permet d’atteindre à un degré, parfois très élevé, de charité théologale, c’est-à-dire de se perdre dans l’amour du Christ et de la très sainte Trinité pour l’humanité. Ces trois étapes vécues par chacun des souffrants, selon son rythme et sa grâce, lui apportent une libération intérieure étonnante. N’est-ce pas l’enseignement paradoxal rapporté par les évangélistes: “. . . celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera”? (Matth. 16, 25) N’est-ce pas le mouvement évangélique d’abandon, si profondément expérimenté par Bernadette de Lourdes et Thérère de Lisieux, malades presque toute leur vie? Chers Frères et S½urs souffrants, repartez fortifiés et rénovés pour votre “mission spéciale”! Vous êtes les précieux coopérateurs du Christ dans l’application, à travers le temps et l’espace, de la Rédemption qu’il a acquise une fois pour toutes et au bénéfice de l’humanité entière par les mystères historiques de son incarnation, de sa passion et de sa résurrection. Et Marie, sa Mère, et votre Mère, sera toujours près de vous!
5. Permettez enfin qu’en votre nom, et au nom de l’Eglise, je remercie et encourage l’Hospitalité de Lourdes, ainsi que les Hospitalités diocésaines de France et d’autres nations ici représentées. Je mesure le travail évangélique et les mérites des laïcs et des prêtres engagés au service des pèlerins souffrants. Certains, je le sais, sacrifient même une partie ou la totalité de leurs congés annuels pour être de tout c½ur à votre disposition. Chers aumôniers, religieux et religieuses, médecins et infirmières, brancardiers et autres auxiliaires, rendez grâce pour l’appel entendu un jour à donner votre vie à ceux qui souffrent. Approfondissez sans cesse, dans vos journées diocésaines ou régionales, la spiritualité et la pratique de votre mission d’Eglise. Proposez à de nombreux jeunes de vos rejoindre. Demeurez très unis entre vous, avec les Fraternités catholiques de malades qui existent dans la plupart des diocèses, et, cela va de soi, avec vos évêques.
Je vous assure de ma particulière estime et j’invoque d’abondantes “grâces d’état” sur tous les membres des Hospitalités de Lourdes, de France et du monde!
Et dans quelques instants, c’est le Seigneur lui-même qui va bénir les malades, dans le Saint Sacrement qui rend présent son sacrifice, le don de sa Vie et tout son amour!
15 août 1983 – Aux catholiques de France
I. Ce n’est pas sans regret, ce n’est pas sans nostalgie, que tout pèlerin doit quitter un tel lieu de grâces; à plus forte raison le Successeur de Pierre, qui a pu s’approcher comme Bernadette de l’endroit où l’Immaculée Conception a montré son visage et dit son nom, qui a pu y déposer les lourdes intentions de sa charge universelle et prier avec tout un peuple de croyants. J’en ai éprouvé une joie inexprimable. Oui, je garderai le souvenir de cette fête de l’Assomption comme de l’une des plus belles de mon existence.
“Quid retribuam Domino”:
Que rendrai-je au Seigneur pour m’avoir ainsi comblé! Que rendrai-je à Notre-Dame de Lourdes, qui nous obtient, qui m’a obtenu tant de grâces du Seigneur! A Rome, dans les jardins du Vatican, j’aime à prier devant la reproduction de cette grotte de Massabielle, et chaque année, le 11 février, je célèbre à St Pierre une messe pour les malades de mon diocèse. C’est dire que Lourdes demeure très présent à Rome, et spécialement au c½ur du Pape.
II. Mais mes remerciements chaleureux vont à vous tous, pèlerins venus fêter ici l’Assomption, en famille, en groupes ou avec le pèlerinage national, de toute la France et des pays voisins, et à vous tous, “pèlerins de désir”, qui, sans pouvoir venir, vous êtes unis par le c½ur et la prière aux cérémonies de ces 14 et 15 août. Vous avez réjoui et réconforté le Successeur de l’Apôtre Pierre, heureux de vous voir célébrer Marie avec lui, heureux de savoir votre attachement à l’Eglise catholique, apostolique et romaine. Notre c½ur était ouvert à tous ceux qui partagent la foi au Christ et la vénération pour sa mère, appelés à former l’unique Eglise de Jésus-Christ.
III. Et maintenant, avant de les quitter, je me tourne spécialement vers tous les catholiques de France, pour les encourager encore dans leur foi, dans la qualité morale de leur vie, dans leur unité, dans leur témoignage.
1. Chers Frères et S½urs, vous avez reçu avec le Baptême la marque du Christ et la capacité de croire. “L’½uvre de Dieu, c’est de croire en celui qu’il a envoyé” (Io. 2, 69). Alimentez votre foi à ses véritables sources, en vous mettant à l’écoute de la Parole de Dieu, sans séparer la Bible, la Tradition et le Magistère de l’Eglise auquel ce dépôt a été confie. Ne laissez pas les certitudes de la foi se dissoudre ou s’éteindre au vent d’idéologies athées ou simplement de remises en question systématiques et inconsidérées. Ne laissez pas l’indifférence religieuse se substituer à la foi au Fils du Dieu vivant, ni le matérialisme pratique étouffer l’aspiration vers Dieu dont vous êtes marqués. Sachez démasquer les tentations insidieuses, qui, comme à l’origine de l’histoire humaine, jettent le soupçon sur Dieu, pour vous faire douter de sa Vérité, de son Amour, ou présenter ses exigences comme un obstacle à votre liberté. Jésus lui-même avait averti Pierre et ses frères: “Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment, mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas” (Luc. 22, 31-32), Priez, vous aussi, priez davantage, pour ne pas entrer dans cette tentation, et prenez soin, jeunes et adultes, de nourrir votre foi. L’épreuve de la foi est une épreuve normale; elle est l’épreuve de la fidélité à faire confiance au Christ, à le suivre.
2. Et j’ajoute avec Jésus: Prenez la route resserrée et montante qui mène à la vie (Cfr. Matth. 7, 14). Elle comporte des exigences certaines d’esprit de pauvreté, de fidélité et de chasteté dans l’amour, de justice, de miséricorde, de partage fraternel, de pardon, de paix de participation régulière aux sacrements et à la prière de l’Eglise, d’obéissance aux commandements. “Vous demeurez dans mon amour, dit Jésus, si vous gardez mes commandements” (Io. 15, 9).
Lourdes vous redit l’appel à la sainteté et le besoin de conversion. L’année sainte vous invite à ouvrir vos portes au Rédempteur. Ne vous modelez pas sur les m½urs du monde. Et surtout ne vous découragez pas. La vie selon le Christ est possible, parce que l’Esprit Saint nous est donné.
3. Aux catholiques de France, je dis encore: consolidez votre unité autour de vos évêques, ces Pasteurs que l’Esprit Saint a choisis et sanctifiés spécialement pour assurer cette unité et favoriser votre vitalité ecclésiale. Il y a une diversité légitime de sensibilités et de méthodes; mais ce doit être à l’intérieur de la même foi et des orientations tracées par l’Eglise; les efforts doivent converger et la charité doit vous rendre accueillants et confiants les uns aux autres. Depuis le début de l’Eglise, l’unité avec l’Evêque a été le signe des disciples du Christ et la garantie du progrès spirituel.
4. Enfin ne craignez pas de rendre un témoignage, humble mais visible et ardent, à l’Evangile. Ne laissez pas les. nouvelles générations désemparées par l’ignorance religieuse, mais que votre famille, votre entourage, reconnaissent la fermeté de vos convictions en cohérence avec votre vie. Rendez compte de l’espérance qui est en vous.
Catholiques de France, en tant que Pasteur universel mais solidaire de mes chers Frères dans l’épiscopat, vos Evêques; je vous encourage à vous maintenir en mission. Toute nation a son histoire humaine originale. Mais les peuples qui ont reçu un très riche héritage spirituel doivent le préserver comme la prunelle de leurs yeux. Et concrètement, ces nations ne préservent un tel héritage qu’en le vivant intégralement et en le transmettant courageusement. O terre de France! Terre de saint Pothin et de sainte Blandine, de saint Denis et de sainte Geneviève, de saint Bernard et de saint Louis, de saint Yves de Tréguier et de saint Bertrand de Comminges, de sainte Jeanne d’Arc, de saint François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal, de saint Vincent de Paul et de sainte Louise de Marillac, de saint Jean Eudes et de sainte Marguerite Marie, de sainte Marguerite Bourgeoys et de la bienheureuse Marie de l’Incarnation, de saint François Régis et de saint Louis Marie Grignion de Montfort, de sainte Jeanne Delanoue et de la bienheureuse Jeanne Jugan, de saint Jean Baptiste de la Salle et de saint Benoît Labre, des nombreux missionnaires comme saint Isaac Jogues, le bienheureux Théophane Vénard et saint Pierre Chanel, du saint Curé d’Ars, de sainte Thérèse de Lisieux, de Frédéric Ozanam et de Charles de Foucauld, de saint Michel Garricoïts de cette région, de sainte Bernadette, canonisée voilà juste cinquante ans, au cours de la précédente Année de la Rédemption!
Catholiques de France, vous avez hérité d’un patrimoine considérable de foi et de tradition chrétiennes. C’est ce trésor pour lequel les saints de votre pays ont tout sacrifié, afin de “s’en emparer”, comme le demande l’Evangile, et de le partager avec leurs frères, tellement ils étaient persuadés que l’homme intégral est fait d’ouverture à l’Absolu et de brûlante charité!
IV. Et maintenant, j’étends mon salut cordial et mes v½ux à ceux qui, sans être catholiques, partagent la foi chrétienne: avec eux nous désirons mieux correspondre à la volonté du Christ et poursuivre activement le chemin vers l’unité. Je suis sûr aussi que la foi dans le Dieu unique peut être un puissant ferment d’harmonie et de collaboration entre chrétiens, israélites et musulmans, pour lutter contre des préjugés et des suspicions qui devraient être dépassés.
Dans ce même esprit de respect et d’amitié, je n’hésite pas à m’adresser à tous les habitants de ce pays qui sont incroyants, ou sont habités par le doute devant la foi. Avec eux, nous avons souvent en commun le dévouement loyal aux mêmes causes humanitaires, le souci de la justice, de la fraternité, de la paix, du respect de la dignité humaine, et de l’entraide aux plus défavorisés. Pour eux, pour leurs familles, je forme aussi des souhaits cordiaux.
Et pour eux, comme pour les croyants eux-mêmes, je désire ajouter ceci. Lorsque, partout dans le monde, l’Eglise s’attache aujourd’hui, avec la ténacité que l’on sait, à agir pour le respect de la liberté religieuse, elle a clairement conscience de prendre la tête d’un combat nécessaire pour l’homme, pour sa liberté la plus intime, pour la défense de toutes les autres libertés fondamentales. Et je sais que cette terre de France est singulièrement attachée à une telle lutte pour la liberté, pour la dignité humaine. L’Eglise est convaincue - et l’exemple des saints que j’évoquais tout à l’heure le montre - que l’étincelle de la foi et de la sainteté ne peut jaillir que d’un c½ur libre. Elle est donc, plus que d’autres, attentive au respect que mérite toute démarche loyale.
Il s’agit donc de soustraire l’homme à toute contrainte de la part d’individus, de groupes sociaux ou de quelque pouvoir humain que ce soit, de façon à ce qu’il ne soit jamais empêché d’agir selon sa conscience (Cfr. Dignitatis Humanae, 2). Mais cela n’empêche pas que les hommes sont pressés, par leur nature même, et tenus par obligation morale - c’est-à-dire à l’intime d’eux-mêmes - à chercher la vérité, la vérité tout entière, celle tout d’abord où la religion ouvre un sens plénier à la vie et propose de régler sa conduite selon les exigences de la vérité découverte (Cfr. ibid.). La recherche de la liberté et de la vérité se rejoignent en Dieu.
Le souhait sincère que je forme pour tous, c’est qu’ils trouvent, dans le climat de liberté qui est le leur, par le témoignage de leurs frères, cette “lumière venue d’ailleurs”, mystérieuse certes, puisqu’elle demande la foi, mais qui éclaire l’existence humaine et la comble, sans contraindre, mais au contraire en rendant vraiment libres (Cfr. Io. 8, 32). Je dis cela simplement parce que, dans ma conscience, dans la conscience de l’Eglise, je sais que c’est vrai, et parce que je suis convaincu que l’humanisme lui-même, que nous cherchons tous, ne sera viable et véritable qu’ouvert à l’Absolu, par la reconnaissance de Celui qui est la source et la fin de tout, Dieu, qui, selon l’Evangile, est aussi l’Amour. Il nous faut préparer pour demain un monde qui soit à la hauteur de l’homme, dans toutes ses dimensions.
Ici, j’ai imploré Marie, la Mère du Rédempteur de l’humanité, pour la destinée humaine et spirituelle de tous vos compatriotes et de la nation française.
Ma Bénédiction Apostolique est un témoignage de cette sollicitude. A tous, sans exception, je la donne de grand c½ur, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit!
15 août 1983 – Discours d’au revoir à l’aéroport de Tarbes-Lourdes
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Maire,
Chers Frères dans l’Episcopat,
Mesdames, Messieurs,
Voilà une journée bien remplie!
Je remercie vivement tous ceux qui en ont permis l’heureux déroulement et qui, en ce jour de fête, ont sacrifié un peu de leur repos ou de leurs loisirs familiaux pour accompagner ce premier pèlerinage d’un Pape à Lourdes, de leur présence très appréciée, de leur vigilance ou de leur génie organisateur. Oui, grand merci à tous.
Comme je le disais hier, je suis comblé d’avoir enfin pu ajouter Lourdes à la chaîne des sanctuaires marials qu’il m’est donné de visiter à travers le monde pour y prier avec mes frères chrétiens. Il s’agit d’une dévotion fondamentale dans ma vie et je voudrais entraîner l’Eglise dans la prière, dans la prière mariale. La prière est la première tâche et la première annonce du Pape; elle est la première condition de mon service dans l’Eglise et dans le monde. Et il était bon, pour cela, que je m’agenouille moi aussi devant la grotte de Massabielle, et que je me fasse en tout un pèlerin de Lourdes. J’ai pu en même temps avoir une rencontre fructueuse avec les foules venues de toute la France et d’ailleurs, avec les prêtres, les religieuses, les jeunes, les malades, les familles, et aussi les autorités de ce pays. J’en suis très heureux.
J’estime que la France a beaucoup de chance de posséder en cette région un haut lieu pareil! Non pas à vrai dire de le posséder, car il lui a été donné par pure grâce; et elle n’en dispose pas comme d’un trésor passé, ni comme d’un succès touristique, mais comme d’une source mystérieuse qui attire les âmes pour les renouveler, et qu’elle doit offrir aux passants du monde entier. J’ai été ce passant, et je portais avec moi les mercis et les intentions de toute l’Eglise. J’ai formulé les v½ux les meilleurs pour l’Eglise en France, comme pour tout le peuple de ce pays et pour ceux qui ont de grandes responsabilités au service de son bien commun.
Je souhaite notamment que la nation française assume au mieux le grand destin qu’elle a hérité de l’histoire, qu’elle poursuive un véritable progrès humain et spirituel et qu’elle contribue dans le concert des nations à inspirer des solutions de sagesse, d’équité et de paix.
La France réserve encore pour moi bien d’autres lieux qui m’attirent, et d’autres occasions de visites et de rassemblements, si Dieu me le permet. De toute façon, à de multiples titres, je demeure proche de tous les fils et Elles de cette nation, par le c½ur et par la prière.
Merci encore!
Et que Dieu vous bénisse!