6 mars 1996 - Enseignement de Jean Paul II lors de l’Audience Générale
1. La maternité est un don de Dieu. « J’ai acquis un homme de par le Seigneur » (Gn 4, 1), s’exclame Ève, après avoir donné le jour à Caïn, son premier-né. Par ces mots, le Livre de la Genèse présente la première maternité de l’histoire de l’humanité comme une grâce et une joie qui viennent de la bonté du Seigneur.
2. La naissance d’Isaac, à l’origine du peuple élu, est présentée de manière analogue.
À Abraham, privé de descendance et désormais avancé an âge, Dieu promet une postérité nombreuse comme les étoiles du ciel (cf. Gn 15, 5). La promesse est accueillie par le patriarche avec cette foi qui révèle à l’homme le dessein de Dieu : « Il crut dans le Seigneur, qui le lui compta comme justice » (Gn 15, 6).
Cette promesse est confirmée par les paroles prononcées par le Seigneur à l’occasion du pacte qu’il établit avec Abraham : « Moi, voici mon alliance avec toi : tu deviendras père d’une multitude de nations » (Gn 17, 4).
Des événements extraordinaires et mystérieux soulignent combien la maternité de Sara est avant tout le fruit de la miséricorde de Dieu, qui donne la vie au-delà de toute prévision humaine : « Je la bénirai et même je te donnerai d’elle un fils ; je la bénirai, elle deviendra des nations, et des rois de peuples viendront d’elle » (Gn 17, 15).
La maternité est présentée comme un don décisif du Seigneur : le patriarche et son épouse recevront un nom nouveau pour signifier la transformation inattendue et merveilleuse que Dieu va réaliser dans leur vie.
3. La visite des trois personnages mystérieux en qui les Pères de l’Église ont vu une préfiguration de la Trinité, annonce à Abraham d’une manière plus concrète l’accomplissement de la promesse : « Le Seigneur lui apparut au Chêne de Mambré, tandis qu’il était assis à l’entrée de la tente, au plus chaud du jour. Ayant levé les yeux, voilà qu’il vit
trois hommes qui se tenaient debout près de lui » (Gn 18, 1-2). Abraham objecte : « Un fils naîtra-t-il à un homme de cent ans, et Sara qui a quatre-vingt-dix ans va-t-elle enfanter ? » (Gn 17, 17 ; cf. 18, 11-13).
L’hôte divin répond : « Y a-t-il rien de trop merveilleux pour le Seigneur ? À la même saison, l’an prochain, je reviendrai chez toi et Sara aura un fils » (Gn 18, 14 ; cf. Lc 1, 37).
Le récit souligne l’effet de la volonté divine qui rend féconde une union conjugale demeurée jusqu’ici stérile. Croyant en la promesse, Abraham devient père contre toute espérance et « père dans la foi » parce que, de sa foi, « descend » celle du peuple élu.
4. La Bible nous rapporte d’autres récits de femmes délivrées de la stérilité et que le Seigneur réjouit du don de la maternité. Il s’agit souvent de situations d’angoisse que l’intervention de Dieu transforme en une expérience de joie, parce qu’il accueille la prière fervente de celui qui, humainement, est sans espérance. Rachel, par exemple, voyant qu’elle-même ne donnait pas d’enfants à Jacob, devint jalouse de sa soeur Lia et dit à Jacob : « Fais-moi aussi avoir des enfants, sinon je meurs! ». Jacob s’emporta contre elle et dit : « Est-ce
que je tiens la place de Dieu, qui t’a refusé la maternité ? » (Gn 30, 1-2).
Mais le texte biblique ajoute aussitôt que « Dieu se souvint de Rachel, il l’exauça et la rendit féconde.
Elle conçut et enfanta un fils » (Gn 30, 22-23). Ce fils, Joseph, jouera un rôle très important pour Israël au moment de l’exil en Égypte.
Dans ce récit, comme dans d’autres, en soulignant la condition de stérilité initiale de la femme, la Bible entend mettre en relief le caractère merveilleux de l’intervention divine en ces cas particuliers, mais laisse comprendre en même temps la dimension de gratuité qui se trouve dans toute maternité.
5. Nous trouvons un processus analogue dans le récit de la naissance de Samson. L’épouse de Manoah, qui n’avait jamais pu avoir d’enfant, reçut l’annonce de l’Ange du Seigneur : « Tu es stérile et tu n’as pas eu d’enfant mais tu vas concevoir et tu enfanteras un fils » (Jg 13, 3). La conception, inattendue et prodigieuse, annonce les grandes choses que le Seigneur accomplira par Samson.
Dans le cas d’Anne, la mère de Samuel, on souligne le rôle particulier de la prière. Anne vit l’humiliation de la stérilité mais est animée par une grande foi en Dieu, à qui elle s’adresse avec insistance pour qu’il l’aide à surmonter cette épreuve. Un jour où elle s’était rendue au Temple, elle fit un voeu : « Seigneur des armées…, si tu voulais considérer la misère de ta servante, ne pas oublier ta servante et lui donner un petit d’homme, alors je le donnerai au Seigneur pour toute sa vie » (1 S 1, 11)
Sa prière est exaucée : « Le Seigneur se souvint d’elle », « elle conçut et elle mit au monde un fils qu’elle nomma Samuel » (1 S 1, 20). Accomplissant son voeu, Anne offrit son fils au Seigneur : « C’est pour cet enfant que je priais et le Seigneur m’a accordé la demande que je lui avais faite À mon tour, je le cède au Seigneur tous les jours de sa vie : il est cédé au
Seigneur » (1 S 1, 27-28). Donné par Dieu à Anne, puis donné par Anne à Dieu, le petit Samuel devient un lien vivant de communion entre Anne et Dieu.
La naissance de Samuel est donc une expérience de joie et une occasion d’action de grâces. Le premier Livre de Samuel rapporte une hymne, que l’on appelle le « Magnificat » d’Anne, qui semble anticiper celui de Marie. « Mon coeur exulte dans le Seigneur, mon front se relève grâce à mon Dieu… » (1 S 2, 1).
La grâce de la maternité accordée par Dieu à Anne à cause de sa prière incessante provoque en elle une nouvelle générosité. La consécration de Samuel est la réponse reconnaissante d’une mère qui, voyant dans son enfant le fruit de la miséricorde
divine, fait à son tour un don en confiant au Seigneur ce fils tant attendu.
6. Dans le récit de la maternité extraordinaire que nous venons de rappeler, il est facile de découvrir la place importante que la Bible assigne aux mères par la mission de leurs enfants. Dans le cas de Samuel, Anne joue un rôle déterminant par sa décision de le donner au Seigneur. Une autre mère, Rebecca, qui fait en sorte que l’héritage passe à son fils Jacob
(Gn 27), joue de même un rôle décisif. Dans cette intervention maternelle que la Bible nous décrit, on peut lire le signe d’une élection pour être un instrument du dessein souverain de Dieu. C’est lui qui choisit le fils le plus jeune, Jacob, comme porteur de la bénédiction et de l’héritage paternels, et donc comme pasteur et guide de son peuple. C’est lui qui, par une décision gratuite et sage, fixe et régit le destin de tout homme (Sg 10, 10-12).
Le message de la Bible sur la maternité révèle des aspects importants et toujours actuels : il met en lumière, en effet, sa dimension de gratuité qui se manifeste surtout dans le cas des femmes stériles, l’alliance particulière de Dieu avec la femme, et le lien spécial entre le destin de la mère et celui de son fils.
En même temps, l’intervention de Dieu qui, en des moments importants de l’histoire de son peuple, rend fécondes certaines femmes stériles, prépare la foi en l’intervention de Dieu qui, dans la plénitude des temps, rendra féconde une Vierge, pour l’Incarnation de son Fils.
20 septembre 1996, lors de la rencontre avec les familles, à Sainte Anne d'Auray
Chers parents, Chers enfants,
« Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde » [1].
1. Le Christ adresse ces paroles aux disciples qui le suivaient et qui l'avaient entendu proclamer les Béatitudes [2]. Aujourd'hui, il vous adresse ce même message, à vous, jeunes familles ici rassemblées. Je suis heureux de vous rencontrer au cours de ma visite. Votre présence nombreuse montre la vitalité des familles françaises.
Certes, la famille, en France comme ailleurs, traverse de multiples difficultés qui parfois la fragilisent. Votre région est particulièrement éprouvée par la situation économique qui provoque le chômage et qui contraint des jeunes à la quitter. Vous rencontrez des problèmes complexes concernant la santé, le logement, le travail des femmes. Je comprends vos inquiétudes pour l'avenir de vos enfants. Comme de nombreux parents, vous êtes confrontés à la question de l'éducation humaine et morale des jeunes, alors qu'autour de vous s'affaiblit le sens spirituel et que sont remises en cause bien des valeurs essentielles comme l'indissolubilité du mariage ou le respect de la vie.
2. Chères familles, je vous redis les paroles du Christ: vous êtes le sel de la terre » et « la lumière du monde ». Le Verbe incarné est le Maître de la parole dont il donne lui-même l'interprétation. Que nous soyons enfant ou adulte, nous pouvons comprendre les deux comparaisons données par Jésus: « Vous êtes le sel de la terre »; nous savons tous que des aliments sans sel n'ont pas de saveur. Un plat correctement assaisonné a du goût et il est agréable à consommer. S'il lui manque du sel, il est fade. Si le sel se dénature et ne peut plus servir à relever les plats, « il n'est plus bon à rien: on le jette dehors et les gens le piétinent » [3].
« Vous êtes la lumière du monde ». Qu'est-ce donc que la lumière? Nous le découvrons aussi par l'expérience: la lumière brille et éclaire. C'est grâce à elle que nos villes et nos rues ne demeurent pas dans l'obscurité. La lumière est vue de loin. Elle chasse les ténèbres et permet de voir le visage de l'autre. Le soir, en famille, dans la lumière du foyer, il est agréable de se rassembler. Avec ces images du sel et de la lumière, le Christ s'adresse aujourd'hui à vous, familles ici rassemblées. Soyez le sel de la terre! Soyez la lumière du monde! Qu'est ce que cela veut dire? Le Seigneur nous l'explique: «Que votre lumière brille devant les hommes; en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » [4].
3. Laissez moi vous redire ces paroles du Seigneur: vous êtes «le sel de la terre» et « la lumière du monde» . L'Église vous fait confiance et compte sur vous, parents, tout spécialement dans la perspective du troisième millénaire, pour que les jeunes puissent connaître le Christ et le suivre généreusement. Par votre façon de vivre, vous témoignez de la beauté de la vocation au mariage. L'exemple quotidien de couples unis nourrit chez les jeunes le désir de les imiter. Les jeunes, en recevant dans leur famille le témoignage de l'amour de Dieu, seront conduits à en découvrir les profondeurs.
La préparation du grand Jubilé passe par chaque personne et par chaque famille, pour que le monde accueille la lumière du Christ, qui, seul, donne le sens ultime de l'existence [5]. Comme le manifestent de nombreux témoignages présentés aujourd'hui, vous êtes porteurs d'un riche dynamisme spirituel. Vos enfants ont dans leur c½ur le désir de faire de leur vie quelque chose de grand. C'est souvent dans des familles à la foi épanouie que naissent aussi les vocations au sacerdoce ou à la vie religieuse.
4. Vous êtes « le sel de la terre » et « la lumière du monde ». Par ces paroles, le Seigneur vous invite à être des témoins et des missionnaires auprès de vos frères. Que votre vie, qui tient son sens du Christ, ait de la saveur pour ceux qui vous entourent! Que votre vie rayonne, car au fond de votre c½ur le Seigneur est présent; il vous aime et il vous appelle à sa joie! C'est bien le fait de se savoir aimé qui permet d'avancer sur la route avec confiance. La vie des baptisés consiste tout d'abord à être relié au Christ, source de la vie, à recevoir de Lui la vie en abondance et à en devenir les témoins. « Le sacerdoce baptismal des fidèles, vécu dans le mariage-sacrement, constitue pour les époux et pour la famille le fondement d'une vocation et d'une mission sacerdotales » [6].
Plusieurs des témoignages que nous avons entendus soulignent la place essentielle de l'Eucharistie. Vous avez raison, car elle est une source à laquelle puisent les époux chrétiens. Dans le sacrifice de la nouvelle Alliance que le Christ scelle avec l'humanité, ils découvrent un modèle pour leur amour, qui est un don gratuit et une action de grâce. La relation conjugale ne peut pas reposer sur les seuls sentiments amoureux; elle se fonde avant tout sur l'engagement définitif clairement voulu, sur l'alliance et sur le don, qui passent par la fidélité. Par leur vie conjugale, les époux témoignent de l'amour vrai, qui intègre toutes les dimensions de la personne, spirituelle, intellectuelle, volontaire, affective et corporelle.
5. La relation amoureuse participe à la croissance du conjoint. Elle est un service de l'autre, prenant exemple sur le Christ serviteur qui a lavé les pieds de ses Apôtres, au soir du Jeudi saint. La vie conjugale n'est jamais exempte d'épreuves, qui font passer par des moments douloureux où l'amour et la confiance en l'autre comme en soi-même semblent vaciller. Les époux puiseront leur force en s'unissant aux sentiments du Christ au cours de la nuit du Vendredi saint. Beaucoup en ont fait l'expérience: la traversée de l'épreuve peut contribuer à purifier l'amour. Mais il y a aussi d'intenses moments de joie, qui proviennent de la communion dans l'amour. Ces instants rappellent que, au-delà de toute souffrance, il y a la lumière éclatante et la victoire définitive du matin de Pâques. Ainsi, le sacrement du mariage a une structure pascale.
La vie conjugale et familiale est un chemin spirituel. En effet, en couple et en famille, toute rencontre nécessite d'accueillir l'autre avec délicatesse. Vous savez la place du dialogue au sein du couple et de la famille. Dans notre monde où le souci de la rentabilité dans toutes les activités laisse peu d'espace aux rencontres gratuites, il est important que les couples et les familles puissent se ménager des temps d'échanges, qui permettent d'affermir leur amour.
6. La vie conjugale passe aussi par l'expérience du pardon, car, que serait un amour qui n'irait pas jusqu'au pardon? Cette forme la plus haute de l'union engage tout l'être qui, par volonté et par amour, accepte de ne pas s'arrêter à l'offense et de croire qu'un avenir est toujours possible. Le pardon est une forme éminente du don, qui affirme la dignité de l'autre en le reconnaissant pour ce qu'il est, au-delà de ce qu'il fait. Toute personne qui pardonne permet aussi à celui qui est pardonné de découvrir la grandeur infinie du pardon de Dieu. Le pardon fait retrouver la confiance en soi et la communion entre les personnes, car il n'y a pas de vie conjugale et familiale de qualité sans conversion. permanente, ni sans dépouillement de ses égoïsmes. C'est en contemplant le Christ en Croix qui pardonne que le chrétien trouve la force du pardon. En 1986, au cours de la Messe des familles à Paray-le-Monial, j'avais montré que l'amour du c½ur de Jésus doit être la source de tout amour humain.
7. Dans la vie conjugale, les relations charnelles sont le signe et l'expression de la communion entre les personnes. Les manifestations de tendresse et le langage du corps expriment le pacte conjugal et représentent le mystère de l'alliance et celui de l'union du Christ et de l'Église. Les moments de profonde communion donnent à chaque membre du foyer une force réelle pour sa mission auprès de ses frères, ainsi que pour son travail quotidien.
Vous êtes invités à manifester au monde la beauté de la paternité et de la maternité, et à favoriser la culture de la vie qui consiste a accueillir les enfants qui vous sont donnés et à les faire grandir. Tout être humain déjà conçu a droit à l'existence, car la vie donnée n'appartient plus à ceux qui l'ont fait naître. Votre présence ici avec vos enfants est un signe du bonheur qu'il y a à. donner la vie de façon généreuse et à vivre dans l'amour.
8. Vous, les jeunes, vous êtes aussi le sel de le terre et la lumière du monde. Pour chacun d'entre vous, la maison est un lieu prive ou vous aimez et où vous êtes aimés. Vos parents vous ont appelés à la vie et désirent vous guider dans votre croissance. Sachez les remercier et rendre grâce au Seigneur! Même dans les moments difficiles, prenez conscience que vos parents veulent vous aider a être heureux, mais que l'accès au bonheur a aussi des exigences! Comme vos parents, vous êtes responsables de la vie en famille et de l'existence d'un climat de plus en plus pacifié, qui laisse à chacun assez d'espace pour donner le meilleur de lui-même et pour épanouir sa personnalité.
Comme nous l'avons entendu précédemment au moment où la vie spirituelle s'éveille chez les enfants et où ils s'interrogent sur Dieu, grâce à eux, des parents retrouvent le chemin de l'Église et de la foi qu'ils avaient laissé s'estomper en eux. Le Seigneur réalise ainsi des merveilles par les tout-petits et confie à chacun, dans sa famille, un rôle d'évangélisation. Certains témoignages précisent que des familles ont un coin de prière que les enfants ont de la joie à décorer et où ils se rendent volontiers pour rencontrer Jésus dans le silence. Je me réjouis de cette place accordée au Christ et à la Vierge Marie dans vos foyers.
9. La société doit reconnaître la haute valeur du rôle des parents, qui prépare l'avenir d'une nation. En effet, vous êtes les premiers responsables de l'éducation humaine et chrétienne de vos enfants. La communauté familiale fondée sur l'amour et la fidélité offre aux enfants la sécurité et la stabilité qui leur permettent d'accéder à la vie adulte. C'est dans un climat d'amour et de tendresse, de don et de pardon, que les personnalités peuvent se forger et se développer harmonieusement.
Dans l'Ouest de la France, l'école catholique a une riche tradition; des communautés religieuses n'ont pas ménagé leurs efforts pour la rendre dynamique. Elle a un projet pédagogique spécifique à développer, pour proposer aux jeunes les valeurs chrétiennes, mais d'abord une découverte de la personne du Christ; car les valeurs non reliées à la source vivante qu'est le Seigneur risquent de se dénaturer. Cela n'empêche pas que des jeunes non catholiques soient largement accueillis et soutenus avec sollicitude dans leurs études par ces établissements scolaires dans le respect des perspectives chrétiennes qui les caractérisent.
Je voudrais saluer également le travail accompli par les aumôneries de l'enseignement public, qui offrent aux jeunes l'éducation religieuse nécessaire au développement de leur vie de foi. Elles sont confrontées aux nombreuses activités parascolaires dans lesquelles les enfants sont engagés et qui laissent peu de place à la catéchèse. Des mouvements remplissent aussi une mission inestimable, tels l'Action catholique de l'Enfance, le Mouvement eucharistique des jeunes ou le Scoutisme.
10. De nombreux couples participent activement à la vie de l'Église, dans les services diocésains, dans les mouvements et dans les paroisses, je rends grâce pour tout le travail accompli et toutes les familles à poursuivre leur action, En particulier, votre expérience vous autorise à proposer à vos contemporains un cheminement sur les questions conjugales et familiales. Dans cet esprit, les centres de préparation au mariage offrent des lieux de réflexion et de formation, pour des jeunes qui se préparent à s'engager définitivement par le sacrement de mariage. Ils proposent avec clarté le message chrétien sur l'amour vrai et sur l'exercice de la sexualité dans la chasteté, qui donne toute sa dignité à la vie conjugale. Les mouvements familiaux stimulent la réflexion et la vie spirituelle des couples. Je salue aussi le travail réalisé par les groupes qui organisent des sessions et des retraites pour les couples, pour les familles et pour les jeunes.
11. Ma pensée rejoint les couples et les familles qui portent de lourdes charges, en particulier les parents qui ont à accueillir un enfant handicapé et les familles qui accompagnent avec dévouement des malades ou des personnes âgées de leur entourage. Je rends grâce au Seigneur pour leur disponibilité et pour la grandeur de leur amour. Ils savent reconnaître en l'être blessé un fils particulièrement aimé de Dieu. Je mesure aussi la souffrance de ceux qui vivent douloureusement l'absence d'enfants. Puissent-ils trouver des personnes attentives au sein de la communauté chrétienne et découvrir la joie de se donner au service de leurs frères! Je ne veux pas oublier non plus ceux qui vivent dans la solitude, parce qu'ils n'ont pas pu réaliser leur projet conjugal. Ils doivent trouver auprès des famines réconfort et amitié.
L'Église a aussi le souci de ceux qui sont séparés, divorcés et divorcés remariés; ils restent membres de la communauté chrétienne. En effet, « ils peuvent et même ils doivent, comme baptisés, participer à sa vie » [7], tout en accueillant dans la foi la vérité dont l'Église est porteuse dans sa discipline du mariage.
Parler de la famille, c'est aussi évoquer les grands-parents. Par la sagesse qui leur vient de leur longue vie en couple, ils sont pour leurs enfants un soutien et pour leurs petits-enfants des points de référence et de stabilité et souvent les premières personnes qui leur parlent du Christ. Le dialogue et la proximité entre les générations demeurent des aspects non négligeables de la vie familiale.
12. La famille est un lieu d'épanouissement incomparable. Puissiez-vous, grâce au Christ et à l'amour qui vous unit, vivre dans la joie! Dans ce lieu de pèlerinage, le peuple chrétien honore sainte Anne, mère de la Vierge Marie, et il vient filialement se mettre sous sa protection. Je confie vos familles à son intercession et je vous accorde de grand c½ur ma Bénédiction Apostolique, ainsi qu'à toutes les personnes qui vous sont chères.
Grand grand merci pour cette grande rencontre. Je veux vous remercier pour votre présence, pour ce que vous êtes comme familles, comme mouvements, comme Église domestique, l'Église-Famille: pour tout ce que vous portez dans la vie de votre nation, de votre patrie, de l'Église en France, de l'Église dans tout le monde. Grand, grand merci. Autour de Sainte-Anne-d'Auray, nous avons vécu une journée d'espérance. Ce matin je ne pouvais pas imaginer, en quittant Tours, que je trouverais ici le soleil, alors nous avons tous beaucoup de raisons pour remercier le Seigneur, remercier pour son amour et les responsabilités que vous incarnez, remercier aussi pour le soleil à Sainte-Anne-d'Auray. En vous remerciant, nous allons vous bénir, vous tous ici présents, vos familles, vos chapelets, vos maisons, votre patrie, tout se qui se crée et se développe à travers votre vie.
[1] Matth. 5, 13-14.
[2] Cfr. ibid. 5, 3-12.
[3] Ibid. 5, 13.
[4] Ibid. 5, 16.
[5] Ioannis Pauli PP. II Tertio Millennio Adveniente, 28.
[6] Eiusdem Familiaris Consortio, 84.
[7] Ibid.
21 septembre 1996 – Homélie de Jean Paul II lors de la rencontre avec les personnes qui souffrent, en la Basilique Saint Martin de Tours
Chaque être humain, aussi démuni soit-il, est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, et rien ne peut lui faire perdre cette dignité. Quelle que soit son origine, quel que soit le poids de son épreuve, refuser de le voir, c'est se condamner à ne rien comprendre à la vie.
22 octobre 1996 – Message du Pape Jean Paul II aux membres de l’Académie Pontificale des Sciences
C'est avec un grand plaisir que je vous adresser un cordial salut, à vous, Monsieur le Président, et à vous tous qui constituez l'Académie pontificale des Sciences, à l'occasion de votre Assemblée plénière. J'adresse en particulier mes v½ux aux nouveaux Académie venus prendre part à vos travaux pour la première fois. Je tiens ä évoquer les Académiciens décédés au cours de l'année écoulée, que je confie au Maître de la vie.
En célébrant le XVème anniversaire de la refondation de l'Académie, il me plaît de rappeler les intentions de mon prédécesseur Pie XI, qui voulut s'entourer d'un groupe choisi de savants en attendant d'eux qu'ils informent le Saint-Siège en toute liberté sur les développements de la recherche scientifique et qu'ils l'aident ainsi dans ses réflexions.
A ceux qu'il aimait appeler le Senatus scientificus de l'Église, il demanda de servir la vérité. C'est la même invitation que je vous renouvelle aujourd'hui, avec la certitude que nous pourrons tous tirer profit de la «fécondité d'un dialogue confiant entre l'Église et la science ».
2. Je me réjouis du premier thème que vous avez choisi, celui de l'origine de la vie et de l'évolution, un thème essentiel qui intéresse vivement l'Église, puisque la Révélation contient, de son côté, des enseignements concernant la nature et les origines de l'homme. Comment les conclusions auxquelles aboutissent les diverses disciplines scientifiques et celles qui sont contenues dans le message de la Révélation se rencontrent-elles? Et si, à première vue, il peut sembler que l'on se heurte à des oppositions, dans quelle direction chercher leur solution? Nous savons en effet que la vérité ne peut pas contredire la vérité. D'ailleurs, pour mieux éclairer la vérité historique, vos recherches sur les rapports de l'Église avec la science entre le XIIème et le XVIIème siècle sont d'une grande importance.
Au cours de cette session plénière, vous menez une «réflexion sur la science à l'aube du troisième millénaire », en commençant par déterminer miner les principaux problèmes engendrés par les sciences, qui ont une incidence sur l'avenir de l'humanité. Par votre démarche, vous jalonnez les voies de solutions qui seront bénéfiques pour toute la communauté humaine. Dans le domaine de la nature inanimée et animée, l'évolution de la science et de ses applications fait naître des interrogations nouvelles. L'Église pourra en saisir la portée d'autant mieux qu'elle en connaîtra les aspects essentiels. Ainsi, selon sa mission spécifique, elle pourra offrir des critères pour discerner les comportements moraux auxquels tout homme est appelé en vue de son salut intégral.
3. Avant de vous proposer quelques réflexions plus spécialement sur le thème de l'origine de las vie et de l'évolution, je voudrais rappeler que le Magistère de l'Église a déjà été amené à se prononcer sur ces matières, dans le cadre de sa propre compétence. Je citerai ici deux interventions.
Dans son encyclique «Humani Generis » (1950), mon prédécesseur Pie XII avait déjà affirmé qu'il n'y avait pas opposition entre l'évolution et la doctrine de la foi sur l'homme et sur sa vocation, à condition de ne pas perdre de vue quelques points fermes!
Pour ma part, en recevant le 31 octobre 1992 les participants à l'Assemblée plénière de votre Académie, j'ai eu l'occasion, à propos de Galilée, d'attirer l'attention sur la nécessité, pour l'interprétation correcte de la parole inspirée, d'une herméneutique rigoureuse. Il convient de bien délimiter le sens propre de l'Écriture, en écartant des interprétations indues qui lui font dire ce qu'il n'est pas dans son intention de dire. Pour bien marquer le champ de leur objet propre, l'exégète et le théologien doivent se tenir informés des résultats auxquels conduisent les sciences de la nature.
4. Compte tenu de l'état des recherches scientifiques à l'époque et aussi des exigences propres de la théologie, l'encyclique « Humani Generis » considérait la doctrine de l'« évolutionnisme » comme une hypothèse sérieuse, digne d'une investigation et d'une réflexion approfondies à l'égal de l'hypothèse opposée. Pie XII ajoutait deux conditions d'ordre méthodologique: qu'on n'adopte pas cette opinion comme s'il s'agissait d'une doctrine certaine et démontrée et comme si on pouvait faire totalement abstraction de la Révélation à propos des questions qu'elle soulève. Il énonçait également la condition à laquelle cette opinion était compatible avec la foi chrétienne, point sur lequel je reviendrai.
Aujourd'hui, près d'un demi-siècle après la parution de l'encyclique, de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l'évolution plus qu'une hypothèse. II est en effet remarquable que cette théorie se soit progressivement imposée à l'esprit des chercheurs, à la suite d'une série de découvertes faites dans diverses disciplines du savoir. La convergence, nullement recherchée ou provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les uns des autres, constitue par elle même un argument significatif en faveur de cette théorie.
Quelle est la portée d'une semblable théorie? Aborder cette question, c'est entrer dans le champ de l'épistémologie. Une théorie est une élaboration méta scientifique, distincte des résultats de l'observation mais qui leur est homogène. Grâce à elle, un ensemble de données et de faits indépendants entre eux peuvent être reliés et interprétés dans une explication unitive. La théorie prouve sa validité clans la mesure où elle est susceptible d'être vérifiée; elle est constamment mesurée à l'étiage des faits; là où elle cesse de pouvoir rendre compte de ceux ci, elle manifeste ses limites et son inadaptation. Elle doit: alors être repensée.
En outre, l'élaboration d'une théorie comme celle de l'évolution, tout en obéissant à l'exigence d'homogénéité avec les données de l'observation, emprunte certaines notions à la philosophie de la nature.
Et, à vrai dire, plus que de la théorie de l'évolution, il convient de parler des théories de l'évolution. Cette pluralité tient, d'une part, à la diversité des explications qui ont été proposées du mécanisme de l'évolution et, d'autre part, aux diverses philosophies auxquelles on se réfère. Il existe ainsi des lectures matérialistes et réductionnistes et des lectures spiritualistes. Le jugement ici est de la compétence propre de la philosophie et, au delà, de la théologie.
5. Le Magistère de l'Église est directement intéressé par la question de l'évolution, car celle-ci touche la conception de l'homme, dont la Révélation nous apprend qu'il a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. La Constitution conciliaire « Gaudium et Spes » a magnifiquement exposé cette doctrine, qui est un des axes de la pensée chrétienne. Elle a rappelé que l'homme est «la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même ». En d'autres termes, l'individu humain ne saurait étai subordonné comme un pur moyen ou un pur instrument ni à l'espèce ni à la société; il a valeur pour lui-même. Il est une personne. Par son intelligence et sa volonté, il est capable d'entrer en relation de communion, de solidarité et de don de soi avec son semblable. Saint Thomas observe que la ressemblance de l'homme avec Dieu réside spécialement dans son intelligence spéculative, car sa relation avec l'objet de sa connaissance ressemble à la relation que Dieu entretient avec son ½uvre. Mais, plus encore, l'homme est appelé à entrer dans une relation de connaissance et d'amour avec Dieu lui-même, relation qui trouvera son plein épanouissement au-delà du temps, dans l'éternité. Dans le mystère du Christ ressuscité nous sont révélées toute la profondeur et toute la grandeur de cette vocation.' C'est en vertu de son âme spirituelle que la personne tout entière jusque dans son corps possède une telle dignité. Pie XII avait souligné ce point essentiel: si le corps humain tient son origine de la matière vivante qui lui préexiste, l'âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu « animas enim a Deo immediate creari catholica fides nos retinere iubet ».
En conséquence, les théories de l'évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l'esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière sont incompatibles avec la vérité de l'homme. Elles sont d'ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne.
6. Avec l'homme, nous nous trouvons donc devant une différence d'ordre ontologique, devant un saut ontologique, pourrait-on dire. Mais poser une telle discontinuité ontologique, n'est ce pas aller à l'encontre de cette continuité physique qui semble être comme le fil conducteur des recherches sur l'évolution, et ceci dès le plan de la physique et de la chimie? La considération de la méthode utilisée dans les divers ordres du savoir permet de mettre en accord deux points de vue qui sembleraient inconciliables. Les sciences de l'observation décrivent et mesurent avec toujours plus de précision les multiples manifestations de la vie et les inscrivent sur la ligne du temps. Le moment du passage au spirituel n'est pas objet d'une observation de ce type, qui peut néanmoins déceler, au niveau expérimental, une série de signes très précieux de la spécificité de l'être humain. Mais l'expérience du savoir métaphysique, de la conscience de soi et de sa réflexivité, celle de la conscience morale, celle de la liberté, ou encore l'expérience esthétique et religieuse, sont du ressort de l'analyse et de la réflexion philosophiques, alors que la théologie en dégage le sens ultime selon les desseins du Créateur.
7. En terminant, je voudrais évoquer une vérité évangélique susceptible d'apporter une lumière supérieure à l'horizon de vos recherches sur les origines et le déploiement de la matière vivante, La Bible, en effet, est porteuse d'un extraordinaire message de vie. Elle nous donne sur la vie, en tant qu'elle caractérise les formes les plus hautes de l'existence, une vision de sagesse. Cette vision m'a guidé dans l'encyclique que j'ai consacrée au respect de la vie humaine et que j'ai intitulée précisément «Evangelium Vitae».
Il est significatif que, dans l'Évangile de saint Jean, la vie désigne la lumière divine que le Christ nous communique. Nous sommes appelés à entrer dans la vie éternelle, c'est-à-dire dans l'éternité de la béatitude divine.
Pour nous mettre en garde contre les tentations majeures qui nous guettent, notre Seigneur cite la grande parole du Deutèronome: « Ce n'est: pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche ce Dieu »,
Bien plus, la vie est un des plus beaux titres que la Bible ait reconnu à Dieu. Il est le Dieu vivant.
De grand c½ur, j'invoque sur vous tous et sur ceux qui vous sont proches, l'abondance des Bénédictions divines.
Du Vatican, le 22 octobre 1996.