Q : Sainteté, qu'est-ce que ça signifie devenir grands ? Qu'est-ce que je dois faire pour grandir en suivant Jésus ? Qui peut m'aider ?
Benoit XVI : Chers amis de l'Action catholique italienne, je suis vraiment heureux de vous rencontrer, aussi nombreux, sur cette belle place et je vous remercie de tout cœur pour votre affection ! Je vous souhaite à tous la bienvenue. Je salue en particulier le président, le Pr. Franco Miano, et l'assistant général, Mgr Domenico Sigalini. Je salue le cardinal Angelo Bagnasco, président de la Conférence épiscopale italienne, les autres évêques, les prêtres, les éducateurs et les parents qui ont bien voulu vous accompagner.
Alors, j'ai écouté la question du jeune de l'Action catholique. La réponse la plus belle à qu'est-ce que cela signifie de devenir grands, est inscrite sur vos T-shirts, sur vos casquettes, sur vos panneaux : « Il y a un plus ». Cette devise qui est la vôtre et que je ne connaissais pas, me fait réfléchir. Que fait un enfant pour voir s'il grandit ? Il compare sa taille à celle de ses compagnons ; il imagine qu'il devient plus grand, pour se sentir plus grand. Quand j'étais enfant, quand j'avais votre âge, j'étais un des plus petits de la classe, et cela me donnait un désir d'autant plus grand de devenir un jour très grand ; et pas seulement grand en taille. Je voulais faire quelque chose de grand, de plus, dans ma vie, même si je ne connaissais pas cette expression « c'è di più » (il y a un plus). Grandir en taille implique ce « il y a un plus ». Votre cœur vous le dit, ce cœur qui désire avoir tant d'amis, qui est heureux quand il se comporte bien, quand il sait donner de la joie à papa et maman, mais surtout quand il rencontre un ami comme Jésus qui dépasse tous les autres, qui est extrêmement bon et unique. Vous savez combien Jésus aimait les enfants et les jeunes !
Un jour, de nombreux enfants comme vous se sont approchés de Jésus parce qu'une belle entente s'était établie entre eux, et dans son regard ils voyaient le reflet de l'amour de Dieu ; mais il y avait aussi des adultes qui se sentaient en revanche dérangés par ces enfants. Cela vous arrive à vous aussi parfois, quand vous jouez, quand vous vous amusez avec vos amis, que les grandes personnes vous disent de ne pas les déranger... Eh bien, Jésus réprimande précisément ces adultes et leur dit : laissez là tous ces enfants car ils ont le secret du Royaume de Dieu dans le cœur. Jésus a ainsi enseigné aux adultes que vous aussi êtes « grands » et qu'ils doivent préserver cette grandeur, qui est celle d'avoir un cœur qui aime Jésus. Chers enfants, chers jeunes : être « grands » signifie aimer beaucoup Jésus, l'écouter et lui parler dans la prière, le rencontrer dans les sacrements, dans la messe, dans la confession ; cela veut dire le connaître toujours mieux et le faire connaître aussi aux autres, cela veut dire passer du temps avec vos amis, y compris les plus pauvres, les malades, pour grandir ensemble. Et l'ACR (Azione Cattolica Ragazzi) fait justement partie de ce « plus », parce que vous n'êtes pas seuls à aimer Jésus - vous êtes nombreux, on le voit aussi ce matin ! - mais vous vous entraidez, parce que vous ne voulez pas qu'un de vos amis soit seul, mais vous voulez dire à tous d'une voix forte que c'est beau d'avoir Jésus comme ami, que c'est beau d'être les amis de Jésus ; et c'est beau de l'être ensemble, avec l'aide de vos parents, des prêtres, des animateurs ! De cette façon vous devenez vraiment grands, non seulement parce que vous grandissez en taille mais parce que votre cœur s'ouvre à la joie et à l'amour que Jésus vous donne. Et ainsi, il s'ouvre à la vraie grandeur qui est de demeurer dans le grand amour de Dieu qui est aussi toujours amour des amis. Espérons et prions pour grandir dans ce sens, pour trouver le « plus » et pour être vraiment des personnes avec un grand cœur, avec un grand Ami qui nous donne sa grandeur, à nous aussi. Merci.
Q : Sainteté, nos éducateurs de l'Action catholique nous disent que pour devenir grands il faut apprendre à aimer mais souvent, nous nous perdons et nous souffrons dans nos relations, dans nos amitiés, dans nos premiers amours. Qu'est-ce que cela signifie aimer jusqu'au bout ? Comment peut-on apprendre à aimer vraiment ?
Benoit XVI : Une grande question. C'est très important - je dirais fondamental - d'apprendre à aimer, à aimer vraiment, d'apprendre l'art de l'amour authentique ! A l'adolescence on s'arrête devant le miroir et on s'aperçoit qu'on est en train de changer. Mais tant qu'on ne cesse pas de se regarder, on ne devient jamais grands ! Vous devenez grands quand vous ne laissez plus le miroir être l'unique vérité sur vous-mêmes, mais quand vous laissez ceux qui sont vos amis la dire. Vous devenez grands si vous êtes capables de faire de votre vie un don aux autres, non de vous chercher vous-mêmes mais de vous donner aux autres : voilà l'école de l'amour. Mais cet amour doit se donner dans ce « plus » que vous criez aujourd'hui à tous. « Il y a encore quelque chose » ! Comme je vous l'ai déjà dit, moi aussi, quand j'étais jeune, je voulais quelque chose de plus que ce que me présentaient la société et la mentalité de l'époque. Je voulais respirer de l'air pur, je voulais surtout un monde beau et bon, comme notre Dieu, le Père de Jésus, l'avait voulu pour tous. Et j'ai compris toujours davantage que le monde devient beau et devient bon si l'on connaît cette volonté de Dieu et si le monde est en harmonie avec cette volonté de Dieu qui est la vraie lumière, la beauté, l'amour qui donne un sens au monde.
C'est vrai : vous ne pouvez pas et vous ne devez pas vous conformez à un amour qui se réduit à une marchandise que l'on échange, que l'on consomme sans égard pour soi et pour les autres, incapable de chasteté et de pureté. Ce n'est pas ça la liberté. Une grande partie de l' « amour » proposé par les médias, sur Internet, n'est pas de l'amour mais de l'égoïsme, un repli sur soi. Il vous donne l'illusion d'un moment mais ne vous rend pas heureux, il ne vous fait pas grandir, il vous lie comme une chaîne qui étouffe les pensées et les sentiments les plus beaux, les vrais élans du cœur, cette force impossible à supprimer qui est l'amour et qui trouve en Jésus son expression la plus grande et dans l'Esprit Saint la force et le feu qui embrase vos vies, vos pensées, vos liens d'affection. Certes, vivre l'amour de façon vraie suppose aussi des sacrifices - sans renoncements on n'arrive pas à cette route - mais je suis sûr que vous n'avez pas peur des exigences d'un amour qui vous engage et qui est authentique. C'est le seul qui, en définitive, donne la vraie joie ! Il y a une façon de vérifier si votre amour grandit bien : si vous n'excluez pas les autres de votre vie, surtout vos amis qui souffrent et qui sont seuls, les personnes en difficulté, et si vous ouvrez votre cœur au grand Ami qui est Jésus. L'Action catholique aussi vous enseigne les chemins pour apprendre l'amour authentique : la participation à la vie de l'Eglise, de votre communauté chrétienne, le fait d'aimer vos amis du groupe de l'ACR, de l'AC, la disponibilité aux jeunes de votre âge que vous rencontrez à l'école, en paroisse ou dans d'autres milieux, la compagnie de la Mère de Jésus, Marie qui sait garder votre cœur et vous guider sur le chemin du bien. D'ailleurs, dans l'Action catholique, vous avez beaucoup d'exemples d'amour authentique, beau, vrai : le bienheureux Pier Giorgio Frassati, le bienheureux Alberto Marvelli ; un amour qui va aussi jusqu'au sacrifice de sa propre vie, comme la bienheureuse Pierina Morosini et la bienheureuse Antonia Mesina.
Jeunes de l'Action catholique, aspirez à de grandes choses, parce que Dieu vous en donne la force. Le « plus » c'est être des adolescents et des jeunes qui décident d'aimer comme Jésus, d'être des acteurs de leur propre vie, des acteurs dans l'Eglise, des témoins de la foi parmi les jeunes de leur âge. Le « plus » c'est la formation humaine et chrétienne que vous recevez dans l'Action catholique, qui unit la vie spirituelle, la vie fraternelle, le témoignage public de la foi, la communion ecclésiale, l'amour pour l'Eglise, la collaboration avec les évêques et les prêtres, l'amitié spirituelle. « Grandir ensemble » souligne l'importance de faire partie d'un groupe et d'une communauté qui vous aident à grandir, à découvrir votre vocation et à apprendre le véritable amour. Merci.
Q : Sainteté, que signifie aujourd'hui être éducateurs ? Comment pouvons-nous affronter les difficultés que nous rencontrons dans notre service ? Et comment faire en sorte que tous prennent soin du présent et de l'avenir des nouvelles générations ? Merci.
Benoit XVI : Une question importante. Nous le voyons dans cette situation du problème de l'éducation. Je dirais qu'être éducateurs signifie avoir la joie dans le cœur et la communiquer à tous pour rendre la vie belle et bonne ; cela signifie offrir des raisons et des objectifs au chemin de la vie, offrir la beauté de la personne de Jésus et faire que l'on devienne amoureux de Lui, de son style de vie, de sa liberté, de son grand amour plein de confiance en Dieu le Père. Cela signifie surtout garder toujours haute la barre de toute vie, vers ce « plus » qui vient de Dieu. Cela demande une connaissance personnelle de Jésus, un contact personnel, quotidien, amoureux, avec Lui dans la prière, dans la méditation de la Parole de Dieu, dans la fidélité aux sacrements, à l'Eucharistie, à la confession ; cela demande de communiquer la joie d'être dans l'Eglise, d'avoir des amis avec qui partager non seulement les difficultés mais aussi la beauté et les surprises de la vie de foi.
Vous savez bien que vous n'êtes pas patrons des jeunes, mais serviteurs de leur joie au nom de Jésus, que vous êtes des guides vers Lui. Vous avez reçu le mandat de l'Eglise pour cette tâche. Quand vous adhérez à l'Action catholique vous vous dites à vous-mêmes et vous dites à tous que vous aimez l'Eglise, que vous êtes disposés à être coresponsables avec les pasteurs, de sa vie et de sa mission, dans une association qui se prodigue pour le bien des personnes, pour leurs chemins de sainteté et le vôtre, pour la vie des communautés chrétiennes dans le quotidien de leur mission. Vous êtes de bons éducateurs si vous savez impliquer toute personne pour le bien des plus jeunes. Vous ne pouvez pas être auto-suffisants, mais vous devez faire sentir l'urgence de l'éducation des jeunes générations à tous les niveaux. Sans la présence de la famille, par exemple, vous risquez de construire sur le sable ; sans une collaboration avec l'école on ne peut pas former une intelligence profonde de la foi ; sans un engagement des différentes agents du temps libre et de la communication, votre œuvre patiente risque de ne pas être efficace, de ne pas avoir d'influence sur la vie quotidienne. Je suis certain que l'Action catholique est bien enracinée sur le territoire et a le courage d'être le sel et la lumière. Votre présence ici, ce matin, me dit non seulement à moi mais à tous qu'il est possible d'éduquer, que c'est difficile mais beau de donner de l'enthousiasme aux enfants et aux adolescents. Ayez le courage, je dirais l'audace de faire qu'aucun milieu ne soit privé de Jésus, de sa tendresse que vous faite vivre à tous, y compris à ceux qui en ont le plus besoin, qui sont abandonnés, à travers votre mission d'éducateurs.
Chers amis, je vous remercie enfin d'avoir participé à cette rencontre. J'aimerais pouvoir rester plus longtemps avec vous parce que quand je suis au milieu de tant de joie et d'enthousiasme, je suis moi aussi rempli de joie, je me sens rajeuni ! Mais malheureusement le temps passe vite, d'autres m'attendent. Mais mon cœur est avec vous et reste avec vous ! Je vous invite, chers amis, à poursuivre votre route, à être fidèles à l'identité et la finalité de l'Action catholique. La force de l'amour de Dieu peut faire de grandes choses en vous. Je vous assure tous de mon souvenir dans la prière et je vous confie à l'intercession maternelle de la Vierge Marie, Mère de l'Eglise, afin que, comme elle, vous puissiez témoigner qu'« il y a un plus », la joie de la vie remplie de la présence du Seigneur. Merci de tout cœur à vous tous !