Soigner

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2007



24 juillet 2007 - Avec les prêtres du diocèse de Belluno
Jésus a dit: soignez les malades, ceux qui se sont égarés, ceux qui en ont besoin. C'est l'amour de l'Eglise pour ceux qui sont exclus, pour ceux qui souffrent. Les personnes riches peuvent être elles aussi intérieurement exclues et souffrir. "Soignez" se réfère à tous les besoins humains, qui sont toujours des besoins qui vont en profondeur vers Dieu. Il est donc nécessaire, comme on dit, de connaître les brebis, d'avoir des relations humaines avec les personnes qui nous sont confiées, d'avoir un contact humain et ne pas perdre l'humanité, car Dieu s'est fait homme et a ainsi confirmé toutes les dimensions de notre être humain. Mais, comme je l'ai dit, l'humain et le divin vont toujours de pair. A ce terme de "soigner" sous ses multiples formes, appartient également, me semble-t-il, le ministère sacramentel. Le ministère de la réconciliation est un acte de soin extraordinaire, dont l'homme a besoin pour être totalement sain. Il y a donc besoin de ces soins sacramentels, en commençant par le Baptême, qui est le renouvellement fondamental de notre existence, en passant par le sacrement de la réconciliation et par l'onction des malades. Dans tous les autres sacrements, également dans l'Eucharistie, il y a naturellement un grand soin des âmes. Nous devons soigner les corps, mais surtout - tel est notre mandat - les âmes. Nous devons penser aux nombreuses maladies, aux besoins moraux, spirituels qui existent et que nous devons affronter, en guidant les personnes à la rencontre du Christ dans le sacrement, en les aidant à découvrir la prière, la méditation, le fait d'être dans l'Eglise en silence avec cette présence de Dieu.



2008



31 janvier 2008, lors de l'Assemblée Plénière de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
Je vous invite en outre à suivre avec une attention particulière les problèmes difficiles et complexes de la bioéthique. En effet, les nouvelles technologies biomédicales concernent non seulement certains médecins et chercheurs spécialisés, mais elles sont divulguées à travers les moyens de communication sociale modernes, suscitant des attentes et des interrogations dans des secteurs toujours plus vastes de la société. Le Magistère de l'Eglise ne peut certainement pas et ne doit pas intervenir sur chaque nouveauté de la science, mais il a pour tâche de réaffirmer les grandes valeurs en jeu et de proposer aux fidèles et à tous les hommes de bonne volonté des principes et des orientations éthiques et moraux au sujet des nouvelles questions importantes. Les deux critères fondamentaux pour le discernement moral dans ce domaine sont a) le respect inconditionné de l'être humain comme personne, de sa conception jusqu'à sa mort naturelle, b) le respect de l'originalité de la transmission de la vie humaine à travers les actes des conjoints eux-mêmes. Après la publication en 1987 de l'Instruction Donum vitae, qui avait énoncé ces critères, de nombreuses personnes ont critiqué le Magistère de l'Eglise, le dénonçant comme s'il constituait un obstacle à la science et au véritable progrès de l'humanité. Mais les nouveaux problèmes qui apparaissent avec, par exemple, la congélation des embryons humains, la réduction embryonnaire, le diagnostic pré-implantatoire, les recherches sur les cellules souches embryonnaires et les tentatives de clonage humain, montrent clairement que, avec la fécondation artificielle extra-corporelle, on a brisé la barrière élevée pour protéger la dignité humaine. Lorsque des êtres humains, au stade le plus faible et le plus fragile de leur existence, sont sélectionnés, abandonnés, tués ou utilisés comme un simple "matériel biologique", comment nier qu'ils ne sont plus traités comme "quelqu'un", mais comme "quelque chose", remettant ainsi en question le concept même de dignité de l'homme ?

L'Eglise apprécie et encourage bien évidemment le progrès des sciences biomédicales qui ouvrent des perspectives thérapeutiques jusqu'à présents inconnues, à travers, par exemple, l'utilisation de cellules souches somatiques ou bien à travers des thérapies en vue de rendre la fertilité ou de soigner les maladies génétiques. Dans le même temps, elle ressent le devoir d'éclairer les consciences de tous, afin que le progrès scientifique soit véritablement respectueux de chaque être humain, à qui doit être reconnue la dignité de personne, étant créé à l'image de Dieu, sinon il ne s'agit pas de véritable progrès. L'étude de ces thèmes, qui de manière particulière a été au centre du travail de votre Assemblée au cours de ces journées, contribuera certainement à promouvoir la formation de la conscience de tant de nos frères, selon ce qu'affirme le Concile Vatican II dans la Déclaration Dignitatis humanae: "Mais les fidèles du Christ, pour se former la conscience, doivent prendre en sérieuse considération la doctrine sainte et certaine de l'Eglise. De par la volonté du Christ, en effet, l'Eglise catholique est maîtresse de vérité; sa fonction est d'exprimer et d'enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l'ordre moral découlant de la nature même de l'homme" (n. 14).



25 février 2008 - Au Congrès de l'Académie Pontificale pour la Vie
Mais ce n'est pas seulement la communauté chrétienne, du fait de ses liens de communion surnaturels particuliers, qui est engagée à accompagner et célébrer en ses membres le mystère de la douleur et de la mort et l'aube de la nouvelle vie. En réalité, c'est toute la société au travers de ses institutions civiles et de santé qui est appelée à respecter la vie et la dignité du malade grave et de la personne en fin de vie. Même si elle a conscience du fait que "ce n'est pas la science qui rachète l'homme" (Benoît XVI, Spe Salvi, n. 26), la société entière et en particulier les secteurs liés à la science médicale sont tenus d'exprimer la solidarité de l'amour, la sauvegarde et le respect de la vie humaine à chaque moment de son développement terrestre, surtout lors de la maladie ou dans la phase terminale de celle-ci. Plus concrètement, il s'agit d'assurer à chaque personne qui en aurait besoin le soutien nécessaire par les thérapies et les interventions médicales appropriées, identifiées et gérées suivant les critères de la proportionnalité médicale, en tenant toujours compte du devoir moral d'administrer (du côté du médecin) et de recevoir (du côté du patient) ces moyens de préservation de la vie qui, dans la situation concrète, résultent "ordinaires". En ce qui concerne, en revanche, les thérapies particulièrement à risques ou qu'il serait prudent de juger "extraordinaires", il faudra considérer comme moralement légitime, mais facultatif, le recours à celles-ci. De plus, il faudra toujours assurer à chaque personne les soins nécessaires qui lui sont dus, ainsi que le soutien aux familles les plus éprouvées par la maladie de l'un des leurs, surtout si elle est grave et prolongée. De même, du côté de la réglementation du travail, on reconnait habituellement des droits spécifiques aux membres de la famille au moment d'une naissance; de la même manière, et particulièrement dans certaines circonstances, des droits similaires devraient être reconnus aux parents proches au moment de la phase terminale de la maladie d'un de leurs parents. Une société solidaire et humanitaire ne peut pas ne pas tenir compte des conditions difficiles des familles qui, parfois pendant de longues périodes, doivent porter le poids des soins à domicile de malades graves non autonomes. Un plus grand respect pour la vie humaine individuelle passe inévitablement par la solidarité concrète de tous et de chacun, ce qui constitue un des défis les plus urgents de notre temps.



5 avril 2008 - Au Congrès "De l'huile sur les blessures de l'avortement et du divorce"
C'est avec une grande joie que je vous rencontre à l'occasion du congrès international « L'huile sur les blessures : une réponse aux blessures de l'avortement et du divorce », organisé par l'Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille, en collaboration avec les Chevaliers de Colomb. Je me réjouis avec vous du sujet qui fait l'objet de vos réflexions durant ces journées, tant il est actuel et complexe, et en particulier pour la référence à la parabole du bon samaritain (Lc 10, 25-37), que vous avez choisi comme clé pour aborder les blessures de l'avortement et du divorce, qui comportent tant de souffrances dans la vie des personnes, des familles et de la société. Oui, de nos jours les hommes et les femmes se trouvent parfois réellement dépouillés et blessés, aux marges des chemins que nous parcourons, souvent sans que personne n'écoute leur appel à l'aide et ne s'approche de leur peine, pour la soulager et la guérir. Dans le débat, souvent purement idéologique, une espèce de conjuration du silence se crée à leur égard. Ce n'est que dans l'attitude de l'amour miséricordieux que l'on peut se rapprocher des victimes pour leur porter secours et leur permettre de se relever et de reprendre le chemin de l'existence.

Dans un contexte culturel marqué par un individualisme grandissant, par l'hédonisme et, trop souvent également, par un manque de solidarité et de soutien social approprié, la liberté humaine, face aux difficultés de la vie, est amenée dans sa fragilité à prendre des décisions contraires à l'indissolubilité du pacte conjugal et au respect dû à la vie humaine à peine conçue et encore protégée dans le sein maternel. Le divorce et l'avortement sont des choix de nature certes différentes, parfois faits dans des circonstances difficiles et dramatiques, qui comportent souvent des traumatismes et qui sont à l'origine de souffrances profondes pour ceux qui les font. Ils font aussi des victimes innocentes : l'enfant à peine conçu et pas encore né, les enfants impliqués dans la rupture des liens familiaux. Tous gardent des blessures qui marquent leur vie de façon indélébile. Le jugement éthique de l'Eglise à l'égard du divorce et de l'avortement est clair et connu de tous : il s'agit de fautes graves qui, dans une mesure différente et exception faite de l'évaluation des responsabilités subjectives, lèsent la dignité de la personne humaine, entraînent une profonde injustice dans les rapports humains et sociaux et offensent Dieu lui-même, garant du pacte conjugal et auteur de la vie. Et cependant l'Eglise, sur l'exemple de son Maître Divin, a toujours face à elle les personnes concrètes, surtout les plus faibles et les plus innocentes, qui sont victimes des injustices et des péchés, et également ces autres hommes et femmes qui, ayant commis ces actes, sont entachés de leurs fautes et en portent les blessures intérieures, cherchant la paix et la possibilité d'une reprise.

L'Eglise a comme premier devoir de se rapprocher de ces personnes avec amour et délicatesse, avec égard et attention maternelle, pour annoncer la proximité miséricordieuse de Dieu en Jésus Christ. C'est en effet lui, comme nous l'enseignent les Pères, le véritable bon samaritain, qui s'est fait notre prochain, qui verse l'huile et le vin sur nos blessures et qui nous conduit à l'auberge, l'Eglise, dans laquelle il nous fait soigner, en nous confiant à ses ministres et en payant en personne à l'avance pour notre guérison. Oui, l'Evangile de l'amour et de la vie est toujours également l'Evangile de la Miséricorde, qui s'adresse à l'homme concret et pécheur que nous sommes, pour le relever après toutes ses chutes, pour le guérir de toutes ses plaies. Mon bien-aimé prédécesseur, le serviteur de Dieu Jean-PauI Il, dont nous venons de célébrer le troisième anniversaire de la mort, dit à l'occasion de l'inauguration du nouveau sanctuaire de la divine miséricorde à Cracovie : «Il n'existe pas pour l'homme d'autre source d'espérance en dehors de la miséricorde de Dieu » (17 août 2002). A partir de cette miséricorde l'Eglise nourrit une confiance énorme dans l'homme et dans sa capacité à se relever. Elle sait que, avec l'aide de la grâce, la liberté humaine est capable du don de soi définitif et fidèle, qui rend possible le mariage d'un homme et d'une femme comme pacte indissoluble, que la liberté humaine, même dans les circonstances les plus difficiles, est capable de gestes extraordinaires de sacrifice et de solidarité pour accueillir la vie d'un nouvel être humain. On peut ainsi voir que les « non » que l'Eglise prononce dans ses indications morales et sur lesquels l'attention de l'opinion publique s'arrête de façon unilatérale, sont en réalité des grands « oui » à la dignité de la personne humaine, à sa vie et à sa capacité d'aimer. Ils sont l'expression de la confiance constante que, malgré leur faiblesse, les êtres humains sont en mesure de répondre à la vocation la plus haute pour laquelle ils ont été créés : celle d'aimer.

A cette même occasion, Jean-Paul II poursuivait : « Il faut transmettre au monde ce feu de la miséricorde. Dans la miséricorde de Dieu, le monde trouvera la paix » (ibid.). Ici se greffe la grande tâche des disciples du Seigneur Jésus, qui se trouvent des compagnons de route dans les nombreux frères, hommes et femmes de bonne volonté. Leur programme, le programme du bon samaritain, est « un coeur qui voit. Ce coeur voit où l'amour est nécessaire et il agit en conséquence » (Encyclique Deus caritas est, 31). En ces jours de réflexion et de dialogue, vous vous êtes penchés sur les victimes touchées par les blessures du divorce et de l'avortement. Vous avez avant tout constaté les souffrances, parfois traumatisantes, qui touchent les « enfants du divorce », marquant leur vie jusqu'à rendre beaucoup plus difficile leur chemin. Quand se rompt le pacte conjugal, ceux qui en souffrent par dessus tout sont inévitablement les enfants, qui sont le signe vivant de son indissolubilité. L'attention solidaire et pastorale devra donc faire en sorte que les enfants ne soient pas les victimes innocentes des conflits des parents qui divorcent, et que soit assurée dans la mesure du possible la continuité du lien avec leurs parents et aussi ce rapport avec leurs origines familiales et sociales indispensable à une croissance équilibrée, psychologique autant qu'humaine.

Vous avez aussi porté votre attention sur le drame de l'avortement, qui laisse des marques profondes, parfois indélébiles sur la femme qui l'accomplit et sur les personnes qui l'entourent, et qui provoque des conséquences dévastatrices dans la famille et dans la société, notamment par la mentalité matérialiste de mépris de la vie qu'il entretient. Combien de complicités égoïstes sont souvent à la racine d'une décision douloureuse que tant de femmes ont dû affronter seules et dont elles gardent une blessure dans l'âme jamais cicatrisée ! Bien que ce qui s'est produit demeure une grave injustice et ne soit pas en soi remédiable, je fais mienne l'exhortation adressée dans l'Encyclique Evangelium vitae aux femmes qui ont eu recours à l'avortement : « Ne vous laissez pas aller au découragement et ne renoncez pas à l'espérance. Sachez plutôt comprendre ce qui s'est passé et interprétez-le en vérité. Si vous ne l'avez pas encore fait, ouvrez-vous avec humilité et avec confiance au repentir : le Père de toute miséricorde vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix dans le sacrement de la réconciliation. [Vous pouvez confier avec espérance votre enfant à ce même Père et à sa miséricorde] » (n.99).

J'exprime ma profonde appréciation pour toutes les initiatives sociales et pastorales qui visent à la réconciliation et au soin des personnes blessées par le drame de l'avortement et du divorce. Elles constituent, avec tant d'autres formes d'engagement, des éléments essentiels pour la construction de cette civilisation de l'amour, dont l'humanité n'a jamais eu autant besoin qu'aujourd'hui.

En implorant le Seigneur Dieu miséricordieux, qu'Il vous invite toujours plus à imiter Jésus, bon samaritain, pour que son Esprit vous enseigne à regarder avec un regard neuf la réalité de nos frères qui souffrent, qu'Il vous aide à réfléchir avec de nouveaux critères et vous pousse à agir dans un élan généreux dans la perspective d'une authentique civilisation de l'amour et de la vie.



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