24 avril 2005 – Homélie Messe Intronisation
La parabole de la brebis perdue que le berger cherche dans le désert était pour les Pères de l’Église une image du mystère du Christ et de l’Église. L’humanité – nous tous – est la brebis perdue qui, dans le désert, ne trouve plus son chemin. Le Fils de Dieu ne peut pas admettre cela; il ne peut pas abandonner l’humanité à une telle condition misérable. Il se met debout, il abandonne la gloire du ciel, pour retrouver la brebis et pour la suivre, jusque sur la Croix. Il la charge sur ses épaules, il porte notre humanité, il nous porte nous-mêmes. Il est le bon pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis. Le Pallium exprime avant tout que nous sommes portés par le Christ. Mais, en même temps, le Christ nous invite à nous porter les uns les autres. Ainsi, le Pallium devient le symbole de la mission du pasteur, dont parle la deuxième lecture et l’Évangile. La sainte inquiétude du Christ doit animer tout pasteur: il n’est pas indifférent pour lui que tant de personnes vivent dans le désert. Et il y a de nombreuses formes de désert. Il y a le désert de la pauvreté, le désert de la faim et de la soif; il y a le désert de l’abandon, de la solitude, de l’amour détruit. Il y a le désert de l’obscurité de Dieu, du vide des âmes sans aucune conscience de leur dignité ni du chemin de l’homme. Les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands. C’est pourquoi, les trésors de la terre ne sont plus au service de l’édification du jardin de Dieu, dans lequel tous peuvent vivre, mais sont asservis par les puissances de l’exploitation et de la destruction. L’Église dans son ensemble, et les Pasteurs en son sein, doivent, comme le Christ, se mettre en route, pour conduire les hommes hors du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu, vers Celui qui nous donne la vie, la vie en plénitude.
Seulement là où on voit Dieu commence véritablement la vie. Seulement lorsque nous rencontrons dans le Christ le Dieu vivant, nous connaissons ce qu'est la vie. Nous ne sommes
pas le produit accidentel et dépourvu de sens de l'évolution. Chacun de nous est le fruit d'une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun est aimé, chacun est nécessaire.
7 mai 2005 – Messe prise de possession de Saint Jean de Latran
Là où l'Ecriture Sainte est détachée de la voix vivante de l'Eglise, elle tombe en proie aux discussions des experts. Tout ce que ces derniers ont à nous dire est certainement important et précieux; le travail des savants est d'une aide appréciable pour pouvoir comprendre ce processus vivant à travers lequel l'Ecriture a grandi et comprendre ainsi sa richesse historique. Mais la science ne peut pas nous fournir à elle seule une interprétation définitive et faisant autorité; elle n'est pas en mesure de nous donner, dans l'interprétation, la certitude avec laquelle nous pouvons vivre et pour laquelle nous pouvons également mourir. C'est pourquoi, il y a besoin d'un mandat plus grand, qui ne peut pas naître uniquement des capacités humaines. C'est pourquoi il y a besoin de la voix de l'Eglise vivante, de cette Eglise confiée à Pierre et au collège des apôtres jusqu'à la fin des temps.
Le ministère du Pape est la garantie de l'obéissance envers le Christ et envers Sa Parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais se soumettre constamment, ainsi que l'Eglise, à l'obéissance envers la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d'adaptation et d'appauvrissement, ainsi que face à tout opportunisme. C'est ce que fit le Pape Jean-Paul II lorsque, face à toutes les tentatives, apparemment bienveillantes envers l'homme, face aux interprétations erronées de la liberté, il souligna de manière catégorique l'inviolabilité de l'être humain, l'inviolabilité de la vie humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. La liberté de tuer n'est pas une véritable liberté, mais une tyrannie qui réduit l'être humain en esclavage. Le Pape est conscient d'être, dans ses grandes décisions, lié à la grande communauté de foi de tous les temps, aux interprétations faisant autorité qui sont apparues le long du chemin du pèlerinage de l'Eglise. Ainsi son pouvoir ne se trouve pas "au-dessus", mais il est au service de la Parole de Dieu, et c'est sur lui que repose la responsabilité de faire en sorte que cette Parole continue à rester présente dans sa grandeur et à retentir dans sa pureté, de façon à ce qu'elle ne soit pas rendue vaine par les changements continuels des modes.
La première Lecture et l'Evangile du Dimanche de Pentecôte nous présentent deux grandes images de la mission de l'Esprit Saint. La lecture des Actes des Apôtres raconte comment, le jour de la Pentecôte, l'Esprit Saint, sous les signes d'un vent puissant et du feu, fait irruption dans la communauté en prière des disciples de Jésus et donne ainsi origine à l'Eglise. Pour Israël, la Pentecôte, de fête des moissons, était devenue la fête qui faisait mémoire de l'établissement de l'alliance au Sinaï. Dieu avait montré sa présence au peuple à travers le vent et le feu et il lui avait ensuite fait don de sa loi, des dix Commandements. Ce n'est qu'ainsi que l'oeuvre de libération, commencée avec l'Exode de l'Egypte, s'était pleinement accomplie: la liberté humaine est toujours une liberté partagée, un ensemble de libertés.
Ce n'est que dans une harmonie ordonnée des libertés, qui ouvre à chacun son propre domaine, que peut régner une liberté commune. C'est pourquoi le don de la loi sur le Sinaï ne fut pas une restriction ou une abolition de la liberté, mais le fondement de la véritable liberté. Et, étant donné qu'une juste organisation humaine ne peut exister que si elle provient de Dieu et si elle unit les hommes dans la perspective de Dieu, les commandements que Dieu lui-même donne ne peuvent manquer à une organisation ordonnée des libertés humaines. Ainsi, Israël est pleinement devenu un peuple précisément à travers l'alliance avec Dieu au Sinaï. La rencontre avec Dieu au Sinaï pourrait être considérée comme le fondement et la garantie de son existence comme peuple. Le vent et le feu, qui frappèrent la communauté des disciples du Christ rassemblés au Cénacle, constituèrent un développement supplémentaire de l'événement du Sinaï et lui donnèrent une nouvelle envergure. En ce jour, se trouvaient à Jérusalem, selon ce que rapportent les Actes des Apôtres, "des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel" (Ac 2, 5). Et voilà que se manifeste le don caractéristique de l'Esprit Saint, tous comprennent les paroles des Apôtres: "Chacun les entendait parler en son propre idiome" (Ac 2, 6). L'Esprit Saint leur donne de comprendre. En surmontant la rupture initiale de Babel - la confusion des coeurs, qui nous élève les uns contre les autres - l'Esprit ouvre les frontières. Le peuple de Dieu qui avait trouvé au Sinaï sa première forme, est alors élargi au point de ne connaître plus aucune frontière.
Le nouveau peuple de Dieu, l'Eglise, est un peuple qui provient de tous les peuples. L'Eglise est catholique dès le début, telle est son essence la plus profonde. Saint Paul explique et souligne cela dans la deuxième lecture, lorsqu'il dit: "Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit" (1 Co 12, 13). L'Eglise doit toujours redevenir ce qu'elle est déjà: elle doit ouvrir les frontières entre les peuples et abattre les barrières entre les classes et les races. En son sein, il ne peut y avoir de personnes oubliées ou méprisées. Dans l'Eglise, il n'y a que des frères et des soeurs de Jésus Christ libres.
Le vent et le feu de l'Esprit Saint doivent sans relâche ouvrir ces frontières que nous les hommes continuons à élever entre nous; nous devons toujours repasser de Babel, de la fermeture sur nous-mêmes, à la Pentecôte. Nous devons donc prier sans cesse pour que l'Esprit Saint nous ouvre, nous donne la grâce de la compréhension, de façon à devenir le peuple de Dieu issu de tous les peuples - saint Paul nous dit encore davantage: dans le Christ, qui comme unique pain nous nourrit tous dans l'Eucharistie et nous attire à lui dans son corps torturé sur la croix, nous devons devenir un seul corps et un seul esprit.
La deuxième image de l'envoi de l'Esprit, que nous trouvons dans l'Evangile, est beaucoup plus discrète. Mais c'est précisément ainsi qu'elle fait percevoir toute la grandeur de l'événement de la Pentecôte. Le Seigneur Ressuscité entre dans le lieu où se trouvent les disciples en traversant les portes closes et il les salue deux fois en disant: que la paix soit avec vous! Quant à nous, nous fermons sans cesse nos portes; nous voulons sans cesse nous mettre en sécurité et ne pas être dérangés par les autres et par Dieu. C'est pourquoi nous pouvons sans cesse supplier le Seigneur uniquement pour cela, pour qu'il vienne à nous en franchissant nos fermetures et qu'il nous apporte son salut. "Que la paix soit avec vous": ce salut du Seigneur est un pont, qu'il jette entre le ciel et la terre. Il descend sur ce pont jusqu'à nous et nous, nous pouvons monter, sur ce pont de paix, jusqu'à lui. Sur ce pont, toujours avec Lui, nous aussi nous devons arriver à notre prochain, jusqu'à celui qui a besoin de nous. Précisément en nous abaissant avec le Christ, nous nous élevons jusqu'à Lui et jusqu'à Dieu: Dieu est Amour et la descente, l'abaissement, que l'amour demande, est donc en même temps la véritable ascension. Précisément ainsi, en nous abaissant, en sortant de nous-mêmes, nous atteignons la hauteur de Jésus Christ, la véritable hauteur de l'être humain.
Au salut de paix du Seigneur suivent deux gestes décisifs pour la Pentecôte: le Seigneur veut que sa mission se poursuive à travers les disciples: "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" (Jn 20, 21). Après quoi il souffle sur eux et dit: "Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus" (Jn 20, 23). Le Seigneur souffle sur les disciples, et il leur donne ainsi l'Esprit Saint, son Esprit. Le souffle de Jésus est l'Esprit Saint. Nous reconnaissons tout d'abord ici une allusion au récit de la création de l'homme dans la Genèse, où il est dit: "Alors Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie" (Gn 2, 7). L'homme est cette créature mystérieuse, qui provient entièrement de la terre, mais dans laquelle a été placé le souffle de Dieu. Jésus souffle sur les apôtres et leur donne de manière nouvelle, plus grande, le souffle de Dieu.
Chez les hommes, malgré toutes leurs limites, se trouve à présent quelque chose d'absolument nouveau - le souffle de Dieu. La vie de Dieu habite en nous. Le souffle de son amour, de sa vérité et de sa bonté. Ainsi, nous pouvons voir ici également une allusion au baptême et à la confirmation - à cette nouvelle appartenance à Dieu, que le Seigneur nous donne. Le texte de l'Evangile nous invite à cela: à vivre toujours dans l'espace du souffle de Jésus Christ, à recevoir la vie de Lui, de façon à ce qu'il nous insuffle la vie authentique - la vie qu'aucune mort ne peut ôter. A son souffle, au don de l'Esprit Saint, le Seigneur relie le pouvoir de pardonner. Nous avons précédemment entendu que l'Esprit Saint unit, franchit les frontières, conduit les uns vers les autres. La force, qui ouvre et permet de surmonter Babel, est la force du pardon. Jésus peut donner le pardon et le pouvoir de pardonner, car il a lui-même souffert des conséquences de la faute et il les a fait disparaître dans la flamme de son amour. Le pardon vient de la croix; il transforme le monde avec l'amour qui se donne. Son coeur ouvert sur la croix est la porte à travers laquelle la grâce du pardon entre dans le monde. Seule cette grâce peut transformer le monde et édifier la paix.
Si nous comparons les deux événements de la Pentecôte, le vent puissant du 50 jour et le souffle léger de Jésus le soir de Pâques, le contraste entre deux épisodes, qui eurent lieu au Sinaï et dont nous parle l'Ancien Testament, peut nous revenir à l'esprit. D'une part, il y a le récit du feu, du tonnerre et du vent, qui précèdent la promulgation des dix Commandements et l'établissement de l'Alliance (Ex 19sq.); de l'autre, l'on trouve le mystérieux récit d'Elie sur l'Horeb. Après les événements dramatiques du Mont Carmel, Elie avait fui la colère d'Achab et de Jézabel. Suivant le commandement de Dieu, il était ensuite parti en pèlerinage jusqu'au Mont Horeb. Le don de l'alliance divine, de la foi dans le Dieu unique, semblait avoir disparu en Israël. Elie, d'une certaine façon, devait rallumer la flamme de la foi sur le Mont de Dieu et la rapporter à Israël. En ce lieu, il fait l'expérience du vent, d'un tremblement de terre et du feu. Mais Dieu n'est pas présent dans tout cela. Alors il perçoit un doux et léger murmure. Et Dieu lui parle dans ce souffle léger (1 R 19, 11-18). N'est-ce pas ce qui se passe le soir de cette Pâque, lorsque Jésus apparaît à ses Apôtres pour enseigner ce que l'on veut dire ici? Ne pouvons-nous pas voir ici une préfiguration du serviteur de Yahvé, dont Isaïe dit: "Il ne crie pas, il n'élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue" (42, 2)? N'est-ce pas ainsi qu'apparaît l'humble figure de Jésus comme la véritable révélation à travers laquelle Dieu se manifeste à nous et nous parle? L'humilité et la bonté de Jésus ne sont-elles pas la véritable épiphanie de Dieu? Elie, sur le Mont Carmel, avait cherché à combattre l'éloignement de Dieu par le feu et par l'épée, tuant les prophètes de Baal. Mais de cette façon, il n'avait pu rétablir la foi. Sur le Mont Horeb, il doit apprendre que Dieu n'est pas dans le vent, dans un tremblement de terre, dans le feu; Elie doit apprendre à percevoir la voix légère de Dieu et, ainsi, à reconnaître à l'avance celui qui a vaincu le péché, non par la force mais par sa Passion; celui qui, à travers sa souffrance, nous a donné le pouvoir du pardon. Telle est la façon dont Dieu vainc.
Chers ordinands! De cette façon le message de Pentecôte s'adresse à présent directement à vous. La scène de la Pentecôte de l'Evangile de Jean parle de vous et à vous. A chacun de vous, de façon très personnelle, le Seigneur dit: paix à vous - paix à toi! Lorsque le Seigneur dit cela, il ne donne pas quelque chose mais il se donne lui-même. En effet, il est lui-même la paix (Ep 2, 14). Dans ce salut du Seigneur, nous pouvons également entrevoir un rappel du grand mystère de la foi, de la sainte Eucharistie, dans laquelle il se donne sans cesse lui-même et, de la sorte, donne la paix véritable. Ce salut se place ainsi au centre de votre mission sacerdotale: le Seigneur vous confie le mystère de ce sacrement. En son nom vous pouvez dire: ceci est mon corps - ceci est mon sang. Laissez-vous toujours attirer à nouveau dans la Sainte Eucharistie, dans la communion de vie avec le Christ. Considérez comme le centre de chaque journée le fait de pouvoir la célébrer de façon digne. Reconduisez toujours les hommes vers ce mystère. Aidez-les, à partir de celle-ci, à apporter la paix du Christ dans le monde.
Dans l'Evangile que nous venons d'entendre, retentit ensuite une deuxième parole du Ressuscité: "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" (Jn 20, 21). Le Christ dit cela, de façon très personnelle, à chacun de vous. A travers l'ordination sacerdotale, vous vous insérez dans la mission des apôtres. L'Esprit Saint est vent, mais il n'est pas amorphe. C'est un esprit ordonné. Et il se manifeste précisément en ordonnant la mission, dans le sacrement du sacerdoce, avec lequel se poursuit le ministère des apôtres. A travers ce ministère, vous êtes insérés dans la grande assemblée de ceux qui, à partir de la Pentecôte, ont reçu la mission apostolique. Vous êtes insérés dans la communion du presbyterium, dans la communion avec l'Evêque et avec le Successeur de saint Pierre, qui, ici à Rome, est aussi votre Evêque. Nous sommes tous insérés dans le réseau de l'obéissance à la parole du Christ, à la parole de celui qui nous donne la véritable liberté, car il nous conduit dans les espaces libres et dans les amples horizons de la vérité. C'est précisément dans ce lien commun avec le Seigneur que nous pouvons et que nous devons vivre le dynamisme de l'Esprit. De même que le Seigneur est sorti du Père et nous a donné la lumière, la vie et l'amour, la mission doit sans cesse nous remettre en mouvement, nous rendre soucieux d'apporter à celui qui souffre, à celui qui est dans le doute, et également à celui qui est hésitant, la joie du Christ.
Enfin, il y a le pouvoir du pardon. Le sacrement de la pénitence est l'un des trésors précieux de l'Eglise, car ce n'est que dans le pardon que s'accomplit le véritable renouveau du monde. Rien ne peut s'améliorer dans le monde, si le mal n'est pas surmonté. Et le mal ne peut être surmonté qu'avec le pardon. Bien sûr, cela doit être un pardon efficace. Mais seul le Seigneur peut nous donner ce pardon. Un pardon qui n'éloigne pas le mal seulement en paroles, mais qui le détruit réellement. Cela ne peut se produire qu'avec la souffrance et a réellement eu lieu avec l'amour empreint de souffrance du Christ, d'où nous puisons le pouvoir du pardon.
Enfin, chers ordinands, je vous recommande d'aimer la Mère du Seigneur. Faites comme saint Jean, qui l'accueillit au plus profond de son coeur. Laissez-vous renouveler sans cesse par son amour maternel. Apprenez d'Elle à aimer le Christ. Que le Seigneur bénisse votre chemin sacerdotal! Amen
6 juin 2005 – Au Congrès du Diocèse de Rome
Je salue avec affection chacun de vous, Evêques, prêtres, diacres, religieux et religieuses et en particulier vous, laïcs et familles qui assumez de façon consciente ces devoirs d'engagement et de témoignage chrétien qui trouvent leur racine dans le sacrement du baptême et, pour ceux qui sont mariés, dans celui du mariage.
Depuis deux ans, l'engagement missionnaire de l'Eglise de Rome s'est consacré surtout sur la famille, non seulement parce que cette réalité humaine fondamentale est aujourd'hui confrontée à de multiples difficultés et menaces et a donc particulièrement besoin d'être évangélisée et soutenue de façon concrète, mais également parce que les familles chrétiennes constituent une ressource décisive pour l'éducation à la foi, l'édification de l'Eglise comme communion et sa capacité de présence missionnaire dans les situations de vie les plus diverses, ainsi que pour apporter un ferment chrétien à la culture diffuse et aux structures sociales.
Le présupposé dont il faut partir, pour pouvoir comprendre la mission de la famille dans la communauté chrétienne et ses devoirs de formation de la personne et de transmission de la foi, demeure toujours celui de la signification que le mariage et la famille revêtent dans le dessein de Dieu, créateur et sauveur. Cela constituera donc le coeur de ma réflexion de ce soir, en me référant à l'enseignement de l'Exhortation apostolique Familiaris consortio (Deuxième partie, nn. 12-16).
Le fondement anthropologique de la famille
Mariage et famille ne sont pas en réalité une construction sociologique due au hasard, et fruit de situations historiques et économiques particulières. Au contraire, la question du juste rapport entre l'homme et la femme plonge ses racines dans l'essence la plus profonde de l'être humain et ne peut trouver sa réponse qu'à partir de là. C'est-à-dire qu'elle ne peut être séparée de la question ancienne et toujours nouvelle de l'homme sur lui-même: qui suis-je? Qu'est-ce que l'homme? Et cette question, à son tour, ne peut être séparée de l'interrogation sur Dieu: Dieu existe-t-il? Et qui est Dieu? Quel est son visage véritable? La réponse de la Bible à ces deux questions les unit et en fait une conséquence l'une de l'autre: l'homme est créé à l'image de Dieu, et Dieu lui-même est amour. C'est pourquoi la vocation à l'amour est ce qui fait de l'homme l'authentique image de Dieu: il devient semblable à Dieu dans la mesure où il devient quelqu'un qui aime.
De ce lien fondamental entre Dieu et l'homme en découle un autre: le lien indissoluble entre esprit et corps. L'homme est en effet une âme qui s'exprime dans le corps et un corps qui est vivifié par un esprit immortel. Le corps de l'homme et de la femme revêt donc également, pour ainsi dire, un caractère théologique, ce n'est pas uniquement un corps, et ce qui est biologique chez l'homme n'est pas seulement biologique, mais est l'expression et la réalisation de notre humanité. De même, la sexualité humaine n'est pas séparée de notre nature de personne, mais lui appartient. Ce n'est que lorsque la sexualité est intégrée dans la personne qu'elle réussit à acquérir un sens.
Ainsi, des deux liens, celui de l'homme avec Dieu et, dans l'homme, celui du corps avec l'esprit, en découle un troisième: celui entre personne et institution. La totalité de l'homme inclut en effet la dimension du temps, et le "oui" de l'homme est un dépassement du moment présent: dans son intégrité, le "oui" signifie "toujours", et constitue l'espace de la fidélité. Ce n'est qu'au sein de celui-ci que peut croître la foi qui donne un avenir et qui permet que les enfants, fruits de l'amour, croient en l'homme et en son avenir en des temps difficiles. La liberté du "oui" se révèle donc comme une liberté capable d'assumer ce qui est définitif: la plus grande expression de la liberté n'est alors pas la recherche du plaisir, sans jamais parvenir à une véritable décision. En apparence, cette ouverture permanente semble être la réalisation de la liberté, mais ce n'est pas vrai: la véritable expression de la liberté est la capacité à se décider pour un don définitif, dans lequel la liberté, en se donnant, se retrouve pleinement elle-même.
De façon concrète, le "oui" personnel et réciproque de l'homme et de la femme ouvre les portes à l'avenir, à l'authentique humanité de chacun, et, dans le même temps, est destiné au don d'une nouvelle vie. C'est pourquoi ce "oui" personnel ne peut être qu'un "oui" publiquement responsable, à travers lequel les conjoints assument la responsabilité publique de la fidélité qui garantit également l'avenir de la communauté. En effet, aucun de nous n'appartient exclusivement à soi-même: c'est pourquoi chacun est appelé à assumer au plus profond de soi sa responsabilité publique. Le mariage comme institution n'est donc pas une ingérence indue de la société ou de l'autorité, l'imposition d'une forme extérieure dans la réalité la plus privée de la vie; il s'agit au contraire d'une exigence intrinsèque du pacte de l'amour conjugal et de la profondeur de la personne humaine.
Les diverses formes actuelles de dissolution du mariage, comme les unions libres et le "mariage à l'essai", jusqu'au pseudo-mariage entre personnes du même sexe, sont au contraire l'expression d'une liberté anarchique, qui se fait passer à tort pour une libération de l'homme. Une telle pseudo-liberté repose sur une banalisation du corps, qui inclut inévitablement la banalisation de l'homme. Son présupposé est que l'homme peut faire ce qu'il veut de lui-même: son corps devient ainsi une chose secondaire, manipulable du point de vue humain, qui peut être utilisé comme bon lui semble. Le libertinage, qui se fait passer pour la découverte du corps et de sa valeur, est en réalité un dualisme qui rend le corps méprisable, le plaçant pour ainsi dire en dehors de l'être authentique et de la dignité de la personne.
Mariage et famille dans l'histoire du salut
La vérité du mariage et de la famille, qui plonge ses racines dans la vérité de l'homme, a trouvé sa réalisation dans l'histoire du salut, qui a en son centre la parole: "Dieu aime son peuple". La révélation biblique, en effet, est avant tout l'expression d'une histoire d'amour, l'histoire de l'Alliance de Dieu avec les hommes: c'est pourquoi l'histoire de l'amour et de l'union d'un homme et d'une femme dans l'alliance du mariage a pu être assumée par Dieu comme symbole de l'histoire du salut. Le caractère inexprimable, le mystère de l'amour de Dieu pour les hommes, reçoit sa forme linguistique dans le vocabulaire du mariage et de la famille, dans le sens positif et négatif: le rapprochement de Dieu à l'égard de son peuple est en effet présenté à travers le langage de l'amour sponsal, tandis que l'infidélité d'Israël, son idolâtrie, est désignée comme un adultère et une forme de prostitution.
Dans le Nouveau Testament, Dieu radicalise son amour jusqu'à devenir Lui-même, dans son Fils, chair de notre chair, vrai homme. De cette façon, l'union de Dieu avec l'homme a assumé sa forme suprême, irréversible et définitive. Et ainsi est tracée pour l'amour humain également, sa forme définitive, ce "oui" réciproque qui ne peut être révoqué: cette forme n'aliène pas l'homme, mais le libère des aliénations de l'histoire pour le ramener à la vérité de la création. Le caractère sacramentel que le mariage revêt dans le Christ signifie donc que le don de la création a été élevé au niveau de la grâce de la rédemption. La grâce du Christ ne vient pas s'ajouter de l'extérieur à la nature de l'homme, elle ne lui fait pas violence, mais la libère et la restaure, précisément en l'élevant au-delà de ses propres limites. Et, de même que l'incarnation du Fils de Dieu révèle sa véritable signification dans la croix, ainsi, l'authentique amour humain est don de soi, il ne peut exister s'il veut se soustraire à la croix.
Chers frères et soeurs, ce lien profond entre Dieu et l'homme, entre l'amour de Dieu et l'amour humain, trouve une confirmation également dans certaines tendances et développements négatifs, dont nous ressentons le poids. L'avilissement de l'amour humain, la suppression de l'authentique capacité d'aimer se révèle en effet, à notre époque, l'arme la plus adaptée et la plus efficace pour chasser Dieu de l'homme, pour éloigner Dieu du regard et du coeur de l'homme. De façon analogue, la volonté de "libérer" la nature de Dieu conduit à perdre de vue la réalité même de la nature, y compris la nature de l'homme, en la réduisant à un ensemble de fonctions dont on peut disposer à souhait pour édifier un monde supposé meilleur et une humanité supposée plus heureuse; au contraire, on détruit le dessein du Créateur et, ainsi, la vérité de notre nature.
Les enfants
En ce qui concerne la procréation des enfants, le mariage reflète également son modèle divin, l'amour de Dieu pour l'homme. Chez l'homme et chez la femme la paternité et la maternité, comme le corps et comme l'amour, ne se laissent pas cerner par la biologie: la vie n'est donnée entièrement que lorsqu'à la naissance sont également donnés l'amour et le sens qui permettent de dire oui à cette vie. C'est précisément de ce fait qu'apparaît tout à fait clairement combien il est contraire à l'amour humain, à la vocation profonde de l'homme et de la femme, de fermer systématiquement sa propre union au don de la vie, et encore plus de supprimer ou de manipuler la vie qui naît.
Cependant, aucun homme et aucune femme ne peuvent à eux seuls et uniquement avec leurs propres forces donner aux enfants de manière adaptée l'amour et le sens de la vie. En effet, pour pouvoir dire à quelqu'un "ta vie est bonne, bien que je ne connaisse pas ton avenir", une autorité et une crédibilité supérieures à celles que l'individu peut se donner tout seul sont nécessaires. Le chrétien sait que cette autorité est conférée à cette famille plus vaste, que Dieu, à travers son Fils Jésus Christ et le don de l'Esprit Saint, a créée dans l'histoire des hommes, c'est-à-dire à l'Eglise. Il reconnaît ici à l'oeuvre cet amour éternel et indestructible qui assure à la vie de chacun de nous son sens permanent, même si nous ne connaissons pas l'avenir. C'est pour cette raison que l'édification de chaque famille chrétienne se situe dans le contexte de la famille plus vaste de l'Eglise, qui la soutient et la conduit avec elle et qui garantit qu'elle a un sens et qu'à l'avenir également le "oui" du Créateur sera présent sur elle. Et, réciproquement, l'Eglise est édifiée par les familles, "petites Eglises domestiques", comme les a appelées le Concile Vatican II (Lumen gentium, n. 11; Apostolicam actuositatem, n. 11), en redécouvrant une antique expression patristique (Saint Jean Chrysostome, In Genesim serm. VI, 2; VII, 1). Dans la même optique, Familiaris consortio affirme que "le mariage chrétien... constitue le lieu naturel où s'accomplit l'insertion de la personne humaine dans la grande famille de l'Eglise" (n. 15).
La famille et l'Eglise
Une conséquence évidente découle de tout cela: la famille et l'Eglise, de manière concrète les paroisses et les autres formes de communautés ecclésiales, sont appelées à la plus étroite collaboration pour la tâche fondamentale que constituent, de manière indissociable, la formation de la personne et la transmission de la foi. Nous savons bien que pour une oeuvre d'éducation authentique il ne suffit pas d'avoir une théorie juste ou une doctrine à transmettre. Il y a besoin de quelque chose de beaucoup plus grand et humain, de la proximité, quotidiennement vécue, qui est propre à l'amour et qui trouve son milieu le plus propice avant tout dans la communauté familiale, mais ensuite également dans une paroisse, ou un mouvement ou une association ecclésiale, où se rencontrent des personnes qui prennent soin de leurs frères, en particulier des enfants et des jeunes, mais également des adultes, des personnes âgées, des malades, des familles elles-mêmes car elles les aiment dans le Christ. Le grand Patron des éducateurs, saint Jean Bosco, rappelait à ses fils spirituels, que l'"éducation est une chose du coeur et que Dieu seul en est le patron" (Epistolario, 4, 209).
Au centre de l'oeuvre éducative, et en particulier dans l'éducation à la foi, qui est le sommet de la formation de la personne et son horizon le plus adapté, se trouve de manière concrète la figure du témoin: il devient un point de référence précisément dans la mesure où il sait rendre raison de l'espérance qui soutient sa vie (cf. 1 P 3, 15), il est personnellement concerné par la vérité qu'il propose. D'autre part, le témoin ne renvoie jamais à lui-même mais à quelque chose, ou mieux, à Quelqu'un plus grand que lui, qu'il a rencontré et dont il a éprouvé la bonté à laquelle on peut faire confiance. Ainsi, chaque éducateur et témoin trouve son modèle indépassable en Jésus Christ, le grand témoin du Père, qui ne disait rien de lui-même, mais qui parlait comme le Père le lui avait enseigné (cf. Jn 8, 28).
Tel est le motif pour lequel à la base de la formation de la personne chrétienne et de la transmission de la foi se trouve nécessairement la prière, l'amitié personnelle avec le Christ et la contemplation en Lui du visage du Père. Cela vaut évidemment pour tout notre engagement missionnaire, en particulier pour la pastorale de la famille: que la Famille de Nazareth soit donc pour nos familles et pour nos communautés l'objet d'une prière constante et confiante, ainsi qu'un modèle de vie.
Chers frères et soeurs, et en particulier vous, chers prêtres, je connais la générosité et le dévouement avec lesquels vous servez le Seigneur et l'Eglise. Votre travail quotidien pour la formation à la foi des nouvelles générations, en lien étroit avec les sacrements de l'initiation chrétienne, ainsi que pour la préparation au mariage et pour l'accompagnement des familles sur leur chemin souvent difficile, en particulier dans la grande tâche de l'éducation des enfants, est la route fondamentale pour régénérer toujours à nouveau l'Eglise et également pour vivifier le tissu social.
La menace du relativisme
Continuez donc, sans vous laisser décourager par les difficultés que vous rencontrez. Le rapport éducatif est de par sa nature quelque chose de délicat: il met en effet en jeu la liberté de l'autre qui, pour autant que ce soit avec douceur, est cependant toujours invitée à prendre une décision. Ni les parents, ni les prêtres ou les catéchistes, ni les autres éducateurs ne peuvent se substituer à la liberté de l'enfant, de l'adolescent ou du jeune auquel ils s'adressent. Et la proposition chrétienne interpelle de manière particulièrement profonde la liberté, l'appelant à la foi et à la conversion. Aujourd'hui, un obstacle extrêmement menaçant pour l'oeuvre d'éducation est constitué par la présence massive, dans notre société et notre culture, de ce relativisme qui, en ne reconnaissant rien comme définitif, ne laisse comme ultime mesure que son propre moi avec ses désirs, et sous l'apparence de la liberté devient une prison pour chacun, séparant l'un de l'autre et réduisant chacun à se retrouver enfermé dans son propre "Moi". Dans un tel horizon relativiste une véritable éducation n'est donc pas possible: en effet, sans la lumière de la vérité toute personne est condamnée, à un moment ou à un autre, à douter de la bonté de sa vie même et des relations qui la constituent, de la valeur de son engagement pour construire quelque chose en commun avec les autres.
Il est donc clair que nous devons non seulement chercher à surmonter le relativisme dans notre travail de formation des personnes, mais que nous sommes également appelés à nous opposer à sa domination destructrice dans la société et dans la culture. A côté de la parole de l'Eglise, le témoignage et l'engagement public des familles chrétiennes sont donc très importants, en particulier pour réaffirmer le caractère intangible de la vie humaine de sa conception jusqu'à son terme naturel, la valeur unique et irremplaçable de la famille fondée sur le mariage et la nécessité de mesures législatives et administratives qui soutiennent les familles dans leur tâche d'engendrer et d'éduquer les enfants, une tâche essentielle pour notre avenir commun.
13 novembre 2005 – Angelus
Pour les laïcs, la compétence professionnelle, le sens de la famille, le sens civique et les vertus sociales sont d'une grande importance.
19 novembre 205 – Aux participants à la XXème Conférence Internationale sur le génome humain
J'adresse à tous un salut cordial, avec une pensée de gratitude particulière à l'égard du Cardinal Javier Lozano Barragán, pour les aimables paroles de salut qu'il a prononcées au nom des personnes présentes. Je salue de façon particulière les Evêques et les prêtres qui prennent part à cette Conférence, ainsi que les rapporteurs, qui ont assurément offert ces jours-ci une contribution de qualité sur les problèmes soulevés: leurs réflexions et leurs propositions feront l'objet d'un examen attentif de la part des instances ecclésiales compétentes.
En me plaçant dans l'optique pastorale propre au Conseil pontifical qui a organisé cette Conférence, je suis heureux de souligner qu'aujourd'hui, en particulier dans le domaine des nouvelles contributions de la science médicale, a été offerte à l'Eglise une possibilité supplémentaire d'accomplir une oeuvre précieuse d'illumination des consciences, pour faire en sorte que chaque nouvelle découverte scientifique puisse servir au bien intégral de la personne, dans le respect constant de la sa dignité. En soulignant l'importance de ce devoir pastoral, je voudrais avant tout prononcer une parole d'encouragement à tous ceux qui sont chargés de le promouvoir. Le monde actuel est caractérisé par un processus de sécularisation qui, à travers des événements culturels et sociaux complexes, a non seulement revendiqué une juste autonomie de la science et de l'organisation sociale, mais a également souvent effacé le lien existant entre les réalités temporelles et leur Créateur, parvenant également à oublier la protection de la dignité transcendante de l'homme et le respect de sa vie elle-même. Aujourd'hui toutefois, cette sécularisation, sous sa forme de sécularisme radical, ne satisfait plus les esprits les plus conscients et attentifs. Cela signifie que des espaces possibles et peut-être nouveaux s'ouvrent en vue d'un dialogue bénéfique avec la société, et non seulement avec les fidèles, en particulier sur des thèmes importants comme ceux liés à la vie.
Cela est possible car parmi les populations de longue tradition chrétienne, les semences d'un humanisme demeurent présentes, qui n'ont pas encore été touchées par les débats de la philosophie nihiliste, des semences qui tendent, en réalité, à se renforcer au fur et à mesure que les défis deviennent plus graves. Le croyant, du reste, sait bien que l'Evangile possède une harmonie intrinsèque avec les valeurs inscrites dans la nature humaine. L'image de Dieu est si profondément ancrée dans l'âme de l'homme que la voix de la conscience peut difficilement être totalement réduite au silence. A travers la parabole du semeur, Jésus, dans l'Evangile, nous rappelle qu'il existe toujours un terrain fertile dans lequel la semence s'enracine, germe et porte du fruit. Même les hommes qui ne se reconnaissent plus comme membres de l'Eglise ou qui ont même perdu la lumière de la foi, demeurent quoi qu'il en soit attentifs aux valeurs humaines et aux contributions positives que l'Evangile peut apporter au bien personnel et social.
Il est facile de s'en rendre compte en particulier en réfléchissant sur ce qui constitue l'objet de votre Conférence: les hommes de notre temps, rendus encore plus sensibles par les terribles événements qui ont assombri le XX siècle et le début même du nouveau siècle, sont en mesure de bien comprendre la façon dont la dignité de l'homme ne s'identifie pas avec les gènes de son ADN, et ne diminue pas à cause de l'éventuelle présence de différences physiques ou de défauts génétiques. Le principe de "non discrimination", sur la base de facteurs physiques ou génétiques, est profondément entré dans les consciences et il est formellement énoncé dans les Chartes sur les droits de l'homme. Ce principe trouve son fondement le plus authentique dans la dignité inscrite dans chaque homme en vertu du fait d'être créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26). D'ailleurs, l'analyse sereine des données scientifiques conduit à reconnaître la présence de cette dignité dans toutes les phases de la vie humaine, en commençant par le premier moment de la fécondation. L'Eglise annonce et propose ces vérités non seulement avec l'autorité de l'Evangile, mais également à travers la force qui découle de la raison, et précisément pour cela, elle sent le devoir de faire appel à tous les hommes de bonne volonté, dans la certitude que l'accueil de ces vérités ne peut que bénéficier aux personnes et à la société. En effet, il faut éviter le danger d'une science et d'une technologie qui se prétendraient totalement autonomes à l'égard des principes moraux inscrits dans la nature de l'être humain.
Les Organismes professionnels et les Académies capables d'évaluer les nouveautés dans le domaine scientifique, en particulier dans le domaine de la biomédecine ne manquent pas dans l'Eglise; il existe également des Organismes doctrinaux destinés de façon spécifique à identifier les valeurs morales à préserver et à formuler les normes nécessaires pour leur protection efficace; il existe, enfin, des dicastères pastoraux, tels que le Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, auxquels il revient d'élaborer les méthodes opportunes pour assurer une présence incisive de l'Eglise sur le plan pastoral. Ce troisième moment est précieux non seulement en ce qui concerne une humanisation toujours plus adéquate de la médecine, mais également pour assurer une réponse opportune aux attentes, de la part des personnes, d'une aide spirituelle plus efficace. Il faut donc donner un nouvel élan à la pastorale de la santé. Cela nécessite un renouveau et un approfondissement de la proposition pastorale elle-même, qui tienne compte du volume accru de connaissances diffusées par les médias dans la société et du plus haut niveau d'instruction des personnes auxquelles elles s'adressent. On ne peut négliger le fait que, toujours plus souvent, sur des problèmes complexes et difficiles également au niveau scientifique, non seulement les législateurs mais les citoyens eux-mêmes, sont appelés à exprimer leur point de vue. En l'absence d'une instruction adéquate, et même une formation adéquate des consciences, de fausses valeurs ou des informations trompeuses peuvent facilement prévaloir dans l'orientation de l'opinion publique.
Adapter la formation des pasteurs et des éducateurs, pour les rendre capables d'assumer leurs responsabilités de façon cohérente avec leur foi, et dans un dialogue respectueux et loyal avec les non-croyants, tel est le devoir incontournable d'une pastorale renouvelée de la santé. En particulier dans le domaine des applications de la génétique, les familles peuvent aujourd'hui manquer d'informations adaptées et rencontrer des difficultés à maintenir l'autonomie morale nécessaire pour demeurer fidèles à leurs choix de vie. C'est pourquoi, dans ce secteur, une formation claire et approfondie des consciences est nécessaire. Les découvertes scientifiques actuelles touchent la vie des familles, les engageant dans des choix imprévus et délicats, qu'il faut affronter avec responsabilité. La pastorale dans le domaine de la santé a donc besoin de conseillers correctement formés et compétents. Cela laisse entrevoir combien la gestion de ce secteur difficile est aujourd'hui complexe et exigeante.
Face à ces exigences accrues de la pastorale, l'Eglise, tout en continuant à avoir confiance dans la lumière de l'Evangile et dans la force de la Grâce, exhorte les responsables à étudier les méthodes adéquates pour apporter son aide aux personnes, aux familles et à la société, en alliant fidélité et dialogue, approfondissement théologique et capacité de médiation. Dans ce but, elle compte en particulier sur la contribution de tous ceux qui, comme vous tous réunis ici pour prendre part à cette Conférence internationale, ont à coeur les valeurs fondamentales sur lesquelles s'appuie la coexistence humaine. Je profite volontiers de cette circonstance pour exprimer à tous mon appréciation et ma gratitude pour votre contribution dans un secteur si important pour l'avenir de l'humanité. Avec ces sentiments, j'invoque du Seigneur une abondance de lumière pour votre travail et, en signe de témoignage, d'estime et d'affection, je donne à tous ma Bénédiction apostolique.
27 novembre 2005 – Aux francophones, au terme de l’Angelus
Je vous invite à vous tourner davantage vers le Christ, pour vous préparer à vivre spirituellement le mystère de Noël, source de notre joie. Que ce soit une occasion privilégiée de retrouver la prière en famille, pour guider les jeunes vers le Seigneur.
3 décembre – Aux Présidents des Commissions Episcopales pour la Vie et la Famille d’Amérique Latine
Je suis le témoin, avec toute l'Eglise, de la sollicitude avec laquelle le Pape Jean-Paul II s'est consacré à ce thème si important. Pour ma part, je partage cette même préoccupation qui détermine dans une large mesure l'avenir de l'Eglise et des peuples, car, comme l'affirmait mon prédécesseur dans l'Exhortation apostolique Familiaris consortio: "L'avenir de l'humanité passe par la famille! Il est donc indispensable et urgent que tout homme de bonne volonté s'emploie de toutes ses forces à sauvegarder et à promouvoir les valeurs et les exigences de la famille. Je me sens poussé à demander à ce sujet un effort particulier aux fils de l'Eglise. Dans la foi, ils ont une pleine connaissance des merveilleux desseins de Dieu, ils ont donc une raison de plus de prendre à coeur la réalité de la famille, dans ce temps d'épreuve et de grâce qui est le nôtre". Et il ajoutait: "Les chrétiens ont en outre le devoir d'annoncer avec joie et conviction la "bonne nouvelle" sur la famille, laquelle a absolument besoin d'écouter encore et sans cesse, et de comprendre toujours plus profondément les paroles authentiques qui lui révèlent son identité, ses ressources intérieures, l'importance de sa mission dans la cité des hommes et dans celle de Dieu" (n. 86). L'Exhortation susmentionnée, la Lettre aux Familles Gratissimam sane et l'Encyclique Evangelium vitae constituent un triptyque lumineux qui doit inspirer votre tâche de pasteurs.
2. Je désire vous remercier de manière particulière pour votre sollicitude pastorale qui vise à sauvegarder les valeurs fondamentales du mariage et de la famille, menacées par le phénomène actuel de la sécularisation, qui empêche à la conscience sociale de découvrir de manière appropriée l'identité et la mission de l'institution familiale, et tout récemment par la pression de lois injustes qui ignorent ses droits fondamentaux.
Face à cette situation, j'observe avec plaisir la façon dont grandit et se consolide l'oeuvre des Eglises particulières en faveur de cette institution humaine, qui plonge ses racines dans le dessein plein d'amour de Dieu et qui représente le modèle irremplaçable pour le bien commun de l'humanité. De très nombreux foyers domestiques donnent une réponse généreuse au Seigneur et, en outre, se multiplient les expériences pastorales signe d'une nouvelle vitalité à travers lesquelles, grâce à une meilleure préparation au mariage, se renforce l'identité de la famille.
3. Votre devoir de pasteurs consiste à présenter dans toute sa richesse la valeur extraordinaire du mariage qui, en tant qu'institution naturelle, est un "patrimoine de l'humanité". D'autre part, son élévation à la très haute dignité de sacrement doit être considérée avec gratitude et émerveillement, comme je l'ai dit récemment en affirmant que "le caractère sacramentel que le mariage revêt dans le Christ signifie donc que le don de la création a été élevé au niveau de la grâce de la rédemption. La grâce du Christ ne vient pas s'ajouter de l'extérieur à la nature de l'homme, elle ne lui fait pas violence, mais la libère et la restaure, précisément en l'élevant au-delà de ses propres limites" (Discours à l'Ouverture du Congrès ecclésiastique du diocèse de Rome sur famille et communauté chrétienne, 6 juin 2005).
4. L'amour et le don total de soi des conjoints, avec leurs caractéristiques particulières d'exclusivité, de fidélité, de durée dans le temps et d'ouverture à la vie, sont à la base de cette communauté de vie et d'amour qui est le mariage (cf. Gaudium et spes, n. 48). Aujourd'hui, il faut aussi annoncer avec un enthousiasme renouvelé que l'Evangile de la famille est un chemin de réalisation humaine et spirituelle, en ayant la certitude que le Seigneur est toujours présent avec sa grâce. Cette annonce est souvent déformée par de fausses conceptions du mariage et de la famille qui ne respectent pas le projet originel de Dieu. Dans ce sens, on est arrivé à proposer de nouvelles formes de mariage, certaines inconnues à la culture des peuples, dans lesquelles on porte atteinte à sa nature spécifique.
Dans le domaine de la vie aussi sont en train d'apparaître de nouveaux points de vue qui mettent en discussion ce droit fondamental. En conséquence, on facilite l'élimination de l'embryon ou son usage arbitraire au nom du progrès de la science qui, ne reconnaissant pas ses limites et n'acceptant pas tous les principes moraux permettant de sauvegarder la dignité de la personne, devient une menace pour l'être humain lui-même, réduit à un objet ou à un pur instrument. Lorsque l'on parvient à de tels niveaux, la société elle-même s'en ressent et ses fondements en sont ébranlés, avec toutes sortes de risques.
5. En Amérique latine, comme en tout autre lieu, les enfants ont le droit de naître et de grandir au sein d'une famille fondée sur le mariage, où les parents sont les premiers éducateurs de la foi des enfants, et où ceux-ci peuvent atteindre leur pleine maturité humaine et spirituelle. Les enfants sont réellement la richesse la plus grande et le bien le plus précieux de la famille. C'est pourquoi il est nécessaire d'aider toutes les personnes à prendre conscience du mal intrinsèque du crime de l'avortement qui, en portant atteinte à la vie humaine à ses débuts, est également une agression contre la société elle-même. C'est pourquoi les hommes politiques et les législateurs, en tant que serviteurs du bien commun, ont le devoir de défendre le droit fondamental à la vie, fruit de l'amour de Dieu.
6. Pour l'action pastorale, dans un domaine si délicat et complexe, dans lequel interviennent plusieurs disciplines et où l'on affronte des questions fondamentales, il ne fait aucun doute qu'une préparation attentive des agents de pastorale dans les diocèses est nécessaire. C'est pourquoi les prêtres, en tant que collaborateurs directs des Evêques, doivent pouvoir recevoir une solide préparation dans ce domaine, leur permettant d'affronter avec compétence et conviction la problématique qui se présente dans leur activité pastorale. Quant aux laïcs, surtout ceux qui consacrent leurs énergies à ce service des familles, ils ont à leur tour besoin d'une formation valable et approfondie qui les aide à témoigner de la grandeur et de la valeur permanente du mariage dans la société actuelle.
4 décembre 2005 – Aux francophones, après l’Angelus
J'invite chacun à œuvrer toujours davantage en faveur de l'insertion des personnes handicapées dans la société, dans le monde du travail, mais aussi dans la communauté chrétienne, se rappelant que toute vie humaine est digne de respect et doit être protégée dès sa conception et jusqu'à sa fin naturelle.
11 décembre 2005 – Angelus
Dans de nombreuses familles, suivant une belle tradition consolidée, immédiatement après la fête de l'Immaculée, on commence à construire la crèche, comme pour revivre avec Marie ces jours pleins de trépidation qui précédèrent la naissance de Jésus. Construire la crèche dans la maison peut se révéler un moyen simple, mais efficace de présenter la foi pour la transmettre à ses enfants. La crèche nous aide à contempler le mystère de l'amour de Dieu, qui s'est révélé dans la pauvreté et la simplicité de la grotte de Bethléem. Saint François d'Assise fut à ce point frappé par le mystère de l'incarnation qu'il voulut le reproposer à Greccio dans la crèche vivante, devenant de cette façon le précurseur d'une longue tradition populaire qui conserve aujourd'hui encore sa valeur pour l'évangélisation. La Crèche peut en effet nous aider à comprendre le secret du véritable Noël, parce qu'elle parle de l'humilité et de la bonté miséricordieuse du Christ qui, "s'est fait pauvre, de riche qu'il était" (2 Co 8, 9) pour nous. Sa pauvreté enrichit ceux qui l'embrassent et le Noël apporte la joie et la paix à ceux qui, comme les pasteurs de Bethléem, accueillent les paroles de l'Ange: "Et ceci vous servira de signe: vous trouverez un nouveau-né, enveloppé de langes, et couché dans une crèche" (Lc 2, 12). Cela demeure le signe, pour nous aussi, hommes et femmes de l'An 2000. Il n'y a pas d'autre Noël.
Je voudrais invoquer l'aide du Seigneur afin que toutes les familles chrétiennes se préparent à célébrer avec foi les prochaines fêtes de Noël. Que Marie nous aide à entrer dans le véritable esprit de Noël.
24 décembre 2005 – Homélie de la Messe de la Nuit de Noel
Dieu est si grand qu'il peut se faire petit. Dieu est si puissant qu'il peut se faire faible et venir à notre rencontre comme un enfant sans défense, afin que nous puissions l'aimer. Dieu est bon au point de renoncer à sa splendeur divine et descendre dans l'étable, afin que nous puissions le trouver et pour que, ainsi, sa bonté nous touche aussi, qu'elle se communique à nous et continue à agir par notre intermédiaire. C'est cela Noël: «Tu es mon fils; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré». Dieu est devenu l'un de nous, afin que nous puissions être avec Lui, devenir semblables à Lui. Il a choisi comme signe l'Enfant dans la crèche: Il est ainsi. De cette façon nous apprenons à le connaître. Et sur chaque enfant resplendit quelque chose du rayon de cet aujourd'hui, de la proximité de Dieu que nous devons aimer et à laquelle nous devons nous soumettre - sur chaque enfant, même sur celui qui n'est pas encore né.
31 décembre 2005 - Méditation lors du Te Deum dans la Basilique Saint-Pierre
Ce soir, je me fais tout d'abord la voix de l'Eglise de Rome, pour élever vers le Ciel le cantique commun de louange et d'action de grâce. Cette dernière, notre Eglise de Rome, au cours des douze mois écoulés, a été l'objet de la visite de nombreuses autres Eglises et Communautés ecclésiales, venues pour approfondir le dialogue de la vérité dans la charité, qui unit tous les baptisés, et pour éprouver ensemble de manière plus vive le désir de la pleine communion. Mais de nombreux croyants d'autres religions ont également voulu témoigner leur propre estime cordiale et fraternelle à cette Eglise et à son Evêque, conscients que dans la rencontre sereine et respectueuse se trouve l'âme d'une action unanime en faveur de l'humanité tout entière. Et que dire des nombreuses personnes de bonne volonté, qui ont tourné leur regard vers ce Siège pour établir un dialogue fructueux sur les grandes valeurs concernant la vérité de l'homme et de la vie, que l'on doit défendre et promouvoir ?..
J'ai plaisir à m'arrêter brièvement sur le programme pastoral diocésain, qui cette année a fixé son attention sur la famille, en choisissant pour thème: "La famille et la communauté chrétienne: formation de la personne et transmission de la foi". La famille a toujours été au centre de l'attention de mes vénérés Prédécesseurs, en particulier de Jean-Paul II, qui a consacré à son sujet de multiples interventions. Il était persuadé, et il l'a répété en plusieurs occasions, que la crise de la famille constitue un grave préjudice pour notre civilisation elle-même. Pour souligner précisément l'importance dans la vie de l'Eglise et de la société de la famille fondée sur le mariage, j'ai moi aussi voulu offrir ma contribution en intervenant, le soir du 6 juin dernier, au Congrès diocésain à Saint-Jean-de-Latran…. Que le Seigneur veuille que l'effort commun conduise à un authentique renouveau des familles chrétienne…
C'est à Lui que nous remettons notre désir que chaque personne voit accueillie sa dignité de fils de Dieu…
La Mère est celle qui donne la vie, mais également celle qui aide et qui enseigne à vivre. Marie est Mère, la Mère de Jésus à qui elle a donné son sang, son corps. Et c'est Elle qui nous présente le Verbe éternel du Père, venu habiter parmi nous. Nous demandons à Marie d'intercéder pour nous. Que sa protection maternelle nous accompagne aujourd'hui et toujours, pour que le Christ nous accueille un jour dans sa gloire, dans l'assemblée des saints: Aeterna fac cum sanctis tuis in gloria numerari.