1998
13 septembre 1998 - A l’occasion du millénaire de l’institution de la Commémoraison des fidèles défunts, Jean-Paul II a adressé un message à Mgr Raymond Séguy, Evêque d’Autun, Chalon-sur-Saône et Mâcon, et Abbé de Cluny :
« En cette année où l’on célèbre le millénaire de la commémoraison des fidèles défunts instaurée par saint Odilon, cinquième Abbé de Cluny, le centenaire de la fondation par votre prédécesseur le Cardinal Perraud, de l’Archiconfrérie de Notre-Dame de Cluny, chargée de Prier pour les âmes du Purgatoire, et le quarantième anniversaire du bulletin Lumière et vie, qui promeut la Prière pour les défunts, je m’associe volontiers par la pensée à tous ceux qui, au cours de cette année, participeront à des Célébrations offertes pour ceux qui nous ont précédés.
En effet, au lendemain de la Fête de tous les Saints où l’Eglise Célèbre dans la Joie la Communion des Saints et le Salut des hommes, saint Odilon a voulu exhorter ses moines à Prier de manière particulière pour les morts, contribuant ainsi mystérieusement à leur accès à la Béatitude; à partir de l’abbaye de Cluny, l’usage s’est peu à peu répandu d’intercéder solennellement pour les défunts par une Célébration que saint Odilon a appelée la Fête des Morts, pratique qui est aujourd’hui en vigueur dans l’Eglise universelle.
En priant pour les morts, l’Eglise contemple avant tout le mystère de la Résurrection du Christ qui, par sa Croix, nous obtient le Salut et la Vie éternelle.
Aussi, avec saint Odilon, pouvons-nous redire sans cesse : »La Croix m’est un refuge, la Croix m’est voie et vie [...]. La Croix est mon arme invincible. La Croix repousse tout mal. La Croix dissipe les ténèbres ».
La Croix du Seigneur nous rappelle que toute vie est habitée par la Lumière Pascale, qu’aucune situation n’est totalement perdue, car Le Christ a vaincu la mort et nous ouvre le chemin de la vraie Vie.
La Rédemption « se réalise par le Sacrifice du Christ, grâce auquel l’homme rachète la dette du péché et s’est réconcilié avec Dieu » (Tertio millennio adveniente, n. 7)...
Dans l’attente de voir la mort définitivement vaincue, des hommes « continuent sur terre leur pèlerinage; d’autres, ayant achevé leur vie, se Purifient encore; d’autres enfin sont dans la Gloire et Contemplent la Trinité dans la pleine Lumière » (Conc. oecum. Vatican II, Lumen gentium, n.49; cf. Eugène IV, bulle Laetantur coeli).
Unie aux mérites des Saints, notre Prière fraternelle vient au secours de ceux qui sont en attente de la vision Béatifique.
Selon les Commandements Divins, l’intercession pour les morts obtient des mérites qui servent au plein accomplissement du Salut.
C’est une expression de la Charité fraternelle de l’unique famille de Dieu, par laquelle « nous répondons à la vocation profonde de l’Eglise » (Lumen gentium, n.51); « sauver des âmes qui aimeront Dieu éternellement » (Thérèse de Lisieux, Prières, 6; cf. Manuscrit A 77, r°).
Pour les âmes du Purgatoire, l’attente du Bonheur éternel, de la rencontre avec le Bien-Aimé, est source de souffrances à cause de la peine due au péché qui maintient loin de Dieu; Mais il y a aussi la certitude que, le temps de Purification achevé, l’âme ira à la rencontre de Celui qu’elle désire (cf. Ps 42; 62)...
J’encourage donc les Catholiques à Prier avec ferveur pour les défunts, pour ceux de leurs familles et pour tous nos frères et s½urs qui sont morts, afin qu’ils obtiennent la rémission des peines dues à leurs péchés et qu’ils entendent l’appel du Seigneur...
En confiant à l’intercession de Notre-Dame, de saint Odilon et de saint Joseph, patron de la bonne mort, les fidèles qui prieront pour les morts, je leur accorde de grand c½ur ma Bénédiction apostolique, ainsi qu’aux membres de la communauté diocésaine d’Autun, à ceux qui sont engagés dans l’Archiconfrérie de Notre-Dame de Cluny et aux lecteurs du bulletin Lumière et vie.
Je l’étends volontiers à tous ceux qui, au cours de l’année du millénaire, prieront à l’intention des âmes du Purgatoire, qui participeront à l’Eucharistie, et qui offriront des Sacrifices pour les défunts... »
1999
LA MORT COMME RENCONTRE AVEC LE PÈRE
Jean Paul II, à l'Audience Générale du 2 juin 1999
(Lecture : Ap 14, 13)
I. Après avoir réfléchi sur le destin commun de l'humanité, tel qu'il se réalisera à la fin des temps, nous voulons aujourd'hui tourner notre attention vers un autre thème qui nous touche de près: la signification de la mort. Aujourd'hui, il est devenu difficile de parler de la mort car la société du bien-être à tendance à occulter cette réalité, dont la seule pensée procure de l'angoisse. En effet, comme l'a observé le Concile, "en face de la mort l'énigme de la condition humaine atteint son sommet" (Gaudium et spes, n. 18). Mais, sur cette réalité, la Parole de Dieu nous offre une lumière qui éclaire et réconforte, même si c'est de façon progressive.
Dans l'Ancien Testament les premières indications sont offertes par l'expérience commune des mortels, qui n'est pas encore illuminée par l'espérance d'une vie bienheureuse après la mort. On pensait, tout au plus, que l'existence humaine se concluait dans le "sheól", lieu d'ombres, incompatible avec la vie en plénitude. A ce propos, les paroles du Livre de Job sont très significatives: "Et ils durent si peu les jours de mon existence! Cesse donc de me fixer, pour me permettre un peu de joie, avant que je m'en aille sans retour au pays des ténèbres et de l'ombre épaisse, où règnent l'obscurité et le désordre, où la clarté même ressemble à la nuit sombre" (Jb 10, 20-22).
2. Dans cette vision dramatique de la mort la révélation de Dieu se fait lentement jour, et la réflexion humaine s'ouvre à un nouvel horizon qui recevra une pleine lumière du Nouveau Testament.
On comprend tout d'abord que, si la mort est l'ennemi inexorable de l'homme, qui tente de le vaincre et de le reconduire sous son pouvoir, Dieu ne peut pas l'avoir créée, car il ne peut pas se réjouir de la perte des vivants (cf. Sg I, 13). Le projet originel de Dieu était différent, mais il fut contrarié par le péché commis par l'homme sous l'influence du démon, comme l'explique le Livre de la Sagesse: "Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature; c'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde: ils en font l'expérience, ceux qui lui appartiennent? (Sg 2, 23-24). Jésus reprend également cette conception (cf. Jn 8, 44) et
c'est sur elle que se fonde l'enseignement de saint Paul sur la rédemption du Christ, nouvel Adam (cf. Rm 5, 12.17; I Co 15, 21). Par sa mort et sa résurrection, Jésus a vaincu le péché et la mort qui en est la conséquence.
3. A la lumière de ce que Jésus a accompli, on comprend l'attitude de Dieu le Père face à la vie et à la mort de ses créatures. Le Psalmiste avait déjà eu l'intuition que Dieu ne peut pas abandonner ses fidèles serviteurs dans le sépulcre, ni permettre que son saint voie la corruption (cf. Ps 16, 190). Isaïe parle d'un avenir où Dieu éliminera la mort pour toujours, en essuyant "les pleurs sur tous les visages" (Is 25, 8) et en ressuscitant les morts à une vie nouvelle: "Tes morts revivront, tes cadavres ressusciteront. Réveillez-vous et chantez, vous qui habitez la poussière, car ta rosée est une rosée lumineuse, et le pays va enfanter des ombres" (ibid., 26, 19). Ainsi, à la mort comme réalité obligatoire pour tous les vivants, vient se superposer l'image de la terre qui, en tant que mère, s'apprête à la naissance d'un nouvel être vivant et donne le jour au juste, destiné à vivre en Dieu. C'est pourquoi, même si les justes "ont, au yeux des hommes subis des châtiments, leur espérance était pleine d'immortalité" (Sg 3, 4).
L'espérance de la résurrection est magnifiquement affirmée dans le second Livre des Maccabées par sept frères et par leur mère, au moment de subir le martyre. L'un d'eux déclare: "C'est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise et c'est de lui que j'espère les recouvrer de nouveau" (2 M 7, 11); un autre, "sur le point d'expirer s'exprima de la sorte "Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l'espoir d'être ressuscité par lui" (Ibid., 7, 14). De façon héroïque, leur mère les encourageait à affronter la mort avec cette espérance (cf. ibid., 7, 29).
4. Dans la perspective de l'Ancien Testament les prophètes invitaient déjà à attendre "le jour du Seigneur" avec une âme droite, sinon celui-ci serait "ténèbre et non lumière" (cf. Am 5, I8.20). Dans la plénitude de la révélation du Nouveau Testament, il est souligné que tous seront soumis au jugement (cf. i P 4, 5; Rm 14, 10). Mais face à celui-ci, les justes ne devront rien, craindre, car ils sont les élus destinés à recevoir l'héritage promis; ils seront placés à la droite du Christ qui les appellera les "bénis de mon Père" (Mt 25, 34; cf. 22, 14; 24, 22.24).
La mort, dont le croyant fait l'expérience en tant que membre du Corps mystique, ouvre la voie vers le Père, qui nous a en effet démontré son amour dans la mort du Christ, "victime d'expiation pour nos péchés" (1 Gn 4, 10; cf. Rm 5, 7). Comme l'affirme le Catéchisme de l'Église catholique, la mort "pour ceux qui meurent dans la grâce du Christ, est une participation à la mort du Seigneur, pour pouvoir également avoir part à sa résurrection" (n. 1006).
Jésus "nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang .... il a fait de nous une royauté de prêtre pour son Dieu et Père" (Ap 1, 5-6). Il faut certes passer à travers la mort, mais désormais avec la certitude que nous rencontrerons le Père lorsque "cet être corruptible aura revêtu l'incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l'immortalité" (1 Co 15, 54). Alors on verra clairement que "la mort a été engloutie dans la victoire" (Ibid.) et on pourra l'interpeller avec une attitude de défi, sans peur: "Où est-elle, ô mort, ta victoire? Où est-il, ô mort, ton aiguillon?" (Ibid., 55).
C'est précisément en raison de cette vision chrétienne de la mort que saint François d'Assise pouvait s'exclamer dans le Cantique des Créatures: "Loué soit mon Seigneur, pour notre s½ur la mort corporelle" (Sources franciscaines, n. 263). Face à cette perspective réconfortante, on comprend la béatitude annoncée par le Livre de l'Apocalypse, presque comme un couronnement des béatitudes évangéliques: "Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur; dès maintenant - oui, dit l'Esprit - qu'ils se reposent de leurs fatigues, car leurs ½uvres les accompagnent" (Ap 14, 13).