Le Pape de la Vie

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« Merci. Quand un homme a allumé la lumière dans une maison mal éclairée, quand il a apporté du beau là où la laideur tapissait les murs, quand il a dit des mots d'amour qui restent accrochés dans les coeurs, quand il a décoré nos vies en dessinant des repères, on se doit de le remercier en le raccompagnant sur le pas de la porte. Jean-Paul II a tout donné. Les chrétiens catholiques sont dans la prière, les autres, presque tous les autres, éprouvent une émotion envers ce beau personnage qu'ils aimaient ou respectaient. C'est rare une telle peine collective. Le Pape était devenu un intime. Nous l'avons vu, pendant un long quart de siècle, parcourir des continents, embrasser la terre et des enfants, discuter ans des stades immenses avec la foule qui l'écoutait, priait avec lui, riait et applaudissait. Il était là, présent sur les tribunes et dans nos salons, à la télévision et dans les pages de nos magazines. Jusqu'au bout, jusqu'aux limites dépassées de ses forces, il s'est montré, nous offrant la représentation naturelle de la souffrance. Cette image, la dernière d'un épais album, est le symbole de ce sublime message qu'il a porté du premier jour à sa fin : 'N'ayez pas peur.' Jean-Paul II, malade, épuisé, écrasé dans son fauteuil par la douleur, ne livrait pas un combat contre la mort mais pour la vie. C'est pour elle qu'il a voulu libérer les peuples de leurs oppresseurs, pour elle qu'il a construit ou rétabli ces repères essentiels qui s'estompaient dans la confusion brumeuse des sociétés modernes fondées sur les fausses valeurs de l'agent, de la cupidité et de la facilité. Pour elle encore qu'il a combattu l'avortement et jamais prêché la contraception, même en Afrique, malgré le sida, provoquant ainsi les critiques et un déchaînement de polémiques. Jean-Paul II étant dans sa logique, celle du chef suprême d'une religion dont le premier dogme repose sur le caractère sacré de la vie.
Toute loi est par nature contestable. Jean-Paul II, rappelant avec autorité les lois fondatrices de son Eglise, divisée lors de son accession au trône de saint Pierre, était donc forcément contesté. Mais on peut comprendre son acharnement à défendre la vie, toutes les vies, même celle d'un embryon d'enfant dans le ventre d'une femme. Un pape ne négocie pas avec le sacré. C'est cette volonté de ne jamais abandonner la vie, de poursuivre son combat pour elle, qui apparaissait sur ces images douloureuses de Pâques, à la fenêtre de sa chambre. Là encore, il y eut polémique. Ce Pape, mourant, continuait à susciter des débats, à faire réagir une opinion mondiale qui, quoi qu'il dise ou fasse, même quand il n'avait plus la force de dire ou de faire, se sentait concernée, le prenait en bon exemple ou dénonçait son exemple. Jean-Paul II ne laissait personne indifférent. Sa vie appartenait à tous, croyants et non-croyants. Jamais, je crois, un homme n'a été aussi proche de ses contemporains. On semblait le connaître intimement à force de le voir, de l'écouter ou de le contredire. C'est étrange, ce sentiment de proximité avec un personnage immense qui a changé l'Histoire. Il a créé une relation étroite avec les peuples, prenant les gens à témoin, les enrôlant dans sa lutte pacifique pour abattre le Mur, sermonner les dictateurs, tendre la main aux opprimés, aux enfants esclaves, aux femmes martyrisées, aux prisonniers, aux malades, pour qu'ils se redressent, se libèrent et vivent. La vie, toujours la vie, cette force de vie, de millions de vies, autant de divisions plus nombreuses et efficaces que les chars et tous les armements. Jean-Paul II, par son charisme et son exceptionnelle dimension médiatique, était à la tête de ce combat livré partout sur la planète ; un infatigable voyageur dégageant autour de lui, où qu'il aille, l'enthousiasme, l'envie de sourire et de vivre. La joie de vivre, l'arme atomique du Pape. Je me souviens, il y a juste un an, à Rome, au Vatican, le voir, dans son fauteuil roulant, avancer sur la scène de la grande salle Paul VI, saluer l'assemblée, parler à ces centaines de pèlerins du monde entier dans un éboulement de mots qui se bousculaient dans sa gorge, les recevoir, un à un, bénir les médailles, les croix, les photos de famille échanger avec eux juste un regard. Le regard du Pape sur les autres était une lueur qui éclairait les visages et transmettait une parole d'amour, de douceur et de vie. Cette vie qu'il nous laisse, telle une lampe allumée posée sur la table. Jamais elle ne s'éteindra. C'est cela l'héritage éternel de Jean-Paul II, que l'on croie ou non en Dieu : il nous a offert sa vie pour donner un sens à la nôtre. »
5 avril (Paris Match - Editorial, Alain Genestar)

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