« Je vous aime », « Nous aussi » : seule explication de l'hommage à Jean-Paul II

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Il n'y a pas d'autre explication à l'hommage rendu vendredi place Saint-Pierre à Jean-Paul II que cet échange affectueux entre un homme et des millions d'autres. Il leur a dit, toute sa vie, qu'il les aimait, et eux ont fait le voyage à Rome pour lui témoigner, en retour, une dernière fois, leur amour. C'est beau et simple. Mais dans la société d'aujourd'hui, on a du mal à comprendre et à admettre que la vie est parfois, animée par des choses belles et simples. Celles-ci sont suspectées et moquées. Quand elles ne sont pas salies par des accusations, des injures ou des polémiques déplacées. La beauté et la simplicité sont mal vues en ce bas monde par tous ceux - hélas nombreux, du moins en France, ce qui explique peut-être pourquoi notre pays n'est pas très en forme - qui pensent que rien n'est jamais spontané et naturel, que tout n'est que manigances et mensonges ; que les pèlerins de Rome sont des fanatiques qui enterraient une idole ; que le Pape n'était qu'un vieillard conservateur ; que la religion est toujours l'opium du peuple ; que la République a donc eu tort d'abaisser ses drapeaux tricolores et sa garde laïque. Ceux-là, qui pensent cela, sont à plaindre.

Parler d'amour pour expliquer un événement aussi considérable et mystérieux que cette émotion collective qui a accompagné la mort de Jean-Paul II est, de nos jours, un risque à courir. On peut se voir reprocher, par la cohorte ,des docteurs en intelligence, de manquer d'esprit d'analyse, d'esprit tout court, et de sombrer dans la mièvrerie. La terreur intellectuelle fonctionne sur cette menace qui tente - et souvent réussit - de tuer l'émotion, de freiner les élans, de taire les applaudissements. Au nom de la raison et du raisonnable, il ne faudrait jamais se laisser aller à dire et à écrire que l'amour est le vrai ressort, beau et simple, de la vie. Le dire et l'écrire serait une faute dans la grammaire de l'intelligence qui sanctionne, par un zéro pointé, les mauvais élèves épris de valeurs humaines et sentimentales. Il y a des bonnets d'âne qui valent des couronnes.

L'amour, donc. Comme seule explication raisonnée qui surpasse tous les raisonnements. Jean-Paul II, malgré ses discours et ses prises de position qui pouvaient être jugées trop conservatrices, est salué avec ferveur - et non idolâtrie -, notamment par les plus jeunes, parce qu'il a placé au centre de tout le respect de l'être humain au moment où le mépris et l'indifférence triomphent. Il n'y a pas contradiction entre le conservatisme, présenté de manière caricaturale, de ce Pape et l'unanimité de l'hommage qui lui est rendu, mais distinction entre sa parole d'homme d'une Eglise et la portée universelle de son message, qui passe par-dessus les clochers, les minarets, les coupoles de palais et les frontières des Etats.

Les millions de fidèles, les autres millions de non-croyants ou de croyants en d'autres religions, ces dizaines de millions d'hommes et de femmes se sont inclinés, vendredi, à Rome, en Pologne et partout dans le monde, devant la mémoire d'un grand personnage qui a combattu les inégalités, les injustices, le communisme et le capitalisme, les guerres, toutes les guerres, militaires et économiques. Jean-Paul II incarnait l'amour pour les autres. Comprendre cela, c'est réduire à la mesquinerie les débats sur l'opportunité de mettre les drapeaux français en berne. Ce Pape méritait d'être salué drapeaux et chapeaux bas comme l'ont fait les chefs d'Etat et les rois qui se tenaient au coude à coude sur la place Saint-Pierre autour de son cercueil, l'Américain, l'Iranien, l'Israélien, le Syrien, le Français, tous mêlés au hasard de l'alphabet par la grâce d'un homme de paix.

Sans doute, bien sûr, ces hauts dignitaires de régimes et de religions divers ont-ils vu, pour certains, un intérêt personnel, diplomatique ou électoral à figurer là, dans ce prestigieux parterre. Mais jamais, dans l'Histoire, il n'y eut en même temps, au même endroit, dans le même recueillement, autant de chefs d'Etat et de têtes couronnées ou voilées réunies dans une attitude de prière, sincère ou feinte.

Par sa vie et à sa mort, Jean-Paul II a accompli, le temps d'une grand-messe, ce miracle d'oecuménisme religieux et laïque retransmis sur tous les écrans et vécu dans les coeurs, là où il a laissé beaucoup d'amour.

Peu importe si le dire ou l'écrire est moqué par ceux qui s'acharnent à vouloir détruire les choses belles et simples. Il est honorable de se faire traiter de pauvre d'esprit par des esprits pauvres.

Alain Genestar

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