3 mars 1988 – Discours de Jean Paul ii à l’Assemblée Plénière de la Commission Pontificale pour les Moyens de Communications Sociales. ORLF 22.3.1988
Chaque journaliste catholique dans les médias ne doit pas avoir peur de présenter et de défendre la vérité, même si cette vérité peut être impopulaire à un moment donné ou dans un lieu donné. Le nombre d'enfants délibérément éliminés avant la naissance est un terrible scandale dans un monde qui se prétend civilisé. C'est un scandale qui peut facilement être ignoré, à moins que des personnes travaillant dans les médias ne fassent connaître cette tragédie persistante.
14 mars 1988 - Congrès international sur la famille d'Afrique et d'Europe, tenu à Rome, à l'occasion des 20 ans d'Humanae Vitae
C'est avec une grande joie que je vous accueille pour cette audience spéciale que j'ai volontiers réservée à votre représentation qualifiée, à l'occasion du Congrès international convoqué pour rappeler le 20e anniversaire de l'Encyclique Humanae vitae. En vous adressant mon cordial salut, avec une pensée particulière pour le professeur Bausola que je remercie de son allocution, je désire exprimer ma vive satisfaction aux responsables du « Centre d'études et de recherches sur la régulation naturelle de la fertilité » de l'Université catholique du Sacré-C½ur qui ont pris cette initiative, qui se renouvellera dans quelques jours à Bologne.
La continuité sans interruption avec laquelle l'Église l'a proposé naît de sa responsabilité envers le vrai bien de la personne humaine. De la personne humaine des conjoints, en tout premier lieu. En effet, l'amour conjugal est leur bien le plus précieux. La communion interpersonnelle qui s'établit entre deux baptisés en vertu de cet amour est le symbole réel de l'amour du Christ pour son Église. La doctrine exposée dans l'Encyclique Humanae vitae constitue donc la nécessaire défense de la dignité et de la vérité de l'amour conjugal.
Comme envers toute valeur éthique, l'homme a une grave responsabilité à l'égard de l'amour conjugal. Les conjoints sont les premiers responsables de leur amour conjugal, en ce sens qu'ils sont appelés à le vivre dans sa vérité entière.
L'Église les aide dans cette tâche en éclairant leur conscience et en leur assurant, par les sacrements, la force qui est nécessaire à la volonté pour qu'elle choisisse le bien et évite le mal.
Je ne peux cependant passer sous silence le fait que beaucoup aujourd'hui n'aident pas les conjoints en cette grave responsabilité qui est la leur, mais au contraire leur créent des obstacles notables.
A cet égard, tout homme qui a perçu la beauté et la dignité de l'amour conjugal ne peut demeurer indifférent devant des tentatives qui se font jour pour assimiler, à tous les effets, le lien conjugal et la simple cohabitation de fait. C'est là une égalisation injuste, destructrice d'une des valeurs fondamen¬tales de toute convivialité civile - l'estime du mariage - et peu éducative pour les jeunes générations, tentées ainsi d'avoir une conception et de faire une expérience de liberté qui se révèlent déformées à leur racine même.
De plus, les conjoints peuvent rencontrer de sérieux obstacles dans leurs efforts pour vivre correctement l'amour conjugal à cause d'une certaine mentalité hédoniste courante, des moyens de communication sociale, des idéologies et des pratiques contraires à l'Évangile. Mais cela peut aussi arriver, et avec des conséquences réellement graves et désagrégatrices, quand la doctrine enseignée par l'Encyclique est mise en discussion, comme cela est arrivé, même de la part de certains théologiens et pasteurs d'âmes. Cette attitude, en fait, peut insinuer le doute sur un enseignement qui, pour l'Église, est certain, obscurcissant ainsi la perception d'une vérité qui ne peut être discutée. Ce n'est pas là un signe de « compréhension pastorale » mais d'incompréhension du vrai bien des personnes. La vérité ne peut être mesurée d'après l'opinion de la majorité.
La préoccupation, que vous avez eue dans votre Congrès, d'insérer la réflexion de caractère plus spécifiquement technique et scientifique sur le contrôle naturel de la fertilité dans le contexte de larges réflexions théologiques, philosophiques et éthiques, doit être soulignée et louée. Une autre manière d'affaiblir chez les conjoints leur sentiment qu'ils sont responsables de leur amour conjugal est, en effet, de diffuser l'information sur les méthodes naturelles sans qu'elle s'accompagne de la nécessaire formation des consciences. La technique ne résout pas les problèmes éthiques, tout simplement parce qu'elle n'est pas en mesure de rendre meilleure la personne. L'éducation à la chasteté est un moment que rien ne peut remplacer. S'aimer comme des conjoints, cela n'est possible qu'à l'homme et à la femme qui sont arrivés à une véritable harmonie au plus profond de leur personnalité.
Vingt ans après la publication de l'Encyclique, on peut voir clairement que la norme morale qu'elle enseigne n'est pas seulement une défense de la bonté et de la dignité de l'amour conjugal, et donc du bien de la personne des conjoints. Elle a une portée éthique encore plus vaste. En effet, la logique profonde de l'acte contraceptif, sa racine ultime, que Paul VI avait déjà identifiées de manière prophétique, sont maintenant manifestes. Quelle logique ? Quelle racine ?
La logique anti-vie : au cours des ces vingt dernières années, de nombreux États ont renoncé à leur dignité d'être les défenseurs de la vie humaine innocente, par des législations favorables à l'avortement. Un véritable massacre d'innocents s'accomplit chaque jour dans le monde.
Quelle racine ? C'est la rébellion contre Dieu créateur, unique Seigneur de la vie et de la mort des personnes humaines ; c'est la non-reconnaissance de Dieu comme Dieu ; c'est la tentative, intrinsèquement absurde, de construire un monde où Dieu soit totalement étranger.
Dans l'Encyclique Humanae vitae, Paul VI exprimait sa certitude de contribuer, en défendant la morale conjugale, à l'instauration d'une civilisation véritablement humaine (cf. n. 18). Vingt ans après la publication de ce document, les confirmations du bien-fondé de cette conviction font vraiment pas défaut. Et ce sont des confirmations que peuvent vérifier non seulement les croyants mais aussi tout homme soucieux du destin de l'humanité : chacun peut voir à quelles conséquences on en est arrivé en n'obéissant pas à la sainte loi de Dieu. Votre engagement - comme celui de tant d'autres personnes de bonne volonté - est un signe d'espérance non seulement pour l'Église mais pour toute l'humanité. En invitant cordialement chacun d'entre vous à persévérer avec générosité sur la route commencée, je vous accorde à tous ma bénédiction, en gage de l'aide céleste.
16 mai 1988 – Discours de Jean Paul II au Président de la République, aux Autorités et au Corps Diplomatique au Paraguay
C’est pourquoi le message évangélique doit se projeter sur ces réalités pour les éclairer, contribuant à résoudre toujours de la meilleure manière tous les problèmes et à réaliser des objectifs qui favorisent le bien commun. Et nous constatons ainsi que les valeurs religieuses de la foi chrétienne rendent dignes les relations entre les personnes et les groupes, consolident la famille, favorisent la coexistence et enseigne à vivre en liberté dans un climat de justice et de respect mutuel. S’il est cohérent avec son engagement chrétien, chaque croyant devra se faire défenseur décidé de la justice de la paix, de la liberté et de l’honnêteté dans les milieux publics et privés : défenseur de la vie et de tous les droits de la personne humaine.
Le respect des droits humains, on le sait, n’est pas une question de convenance politique : il découle de la dignité de la personne humaine en vertu de sa condition de créature de Dieu, appelée à un destin transcendant. C’est pourquoi toute offense à un être humain est également une offense au Créateur. L’exigence inéluctable des valeurs morales doit conditionner la gestion des pouvoirs publics dans l’option pour la vérité et la justice dans la liberté qui doit se refléter sur les instruments institutionnels et légaux qui règlent la vie civile.
On ne saurait édifier une vie authentiquement humaine, dans l’ordre matériel, contre la loi de Dieu. La défense de la moralité publique acquiert donc au sein de vos taches une importance fondamentale. Tout ce qui alimente le refus de la violence, le respect et la vénération de la vie et favorise l’unité et la stabilité familiales, la dignité de l’épouse et la stabilité des m½urs mérite une toute particulière attention.
26 mai 1988 - Discours du Pape Jean Paul II à un groupe de Parlementaires Européens. (extrait)
Je suis heureux de vous accueillir à l’occasion de la session que tient à Rome la Commission de l’énergie, de la recherche et de la technologie du Parlement européen.
Dans le champ très large de vos compétences, vous êtes appelés à traiter des questions qui intéressent directement l’Eglise, car elles touchent à l’être même de l’homme, à son pouvoir de procréation. Les recherches menées dans les domaines de la biologie humaine, certaines pratiques, parfois développées sans en mesurer suffisamment les implications d’ordre étiques, ne manquent pas de susciter la réflexion des responsables politiques que vous êtes.
La brièveté nécessaire de notre rencontre ne me permet pas d’entrer plus avant dans l’analyse de ces préoccupations. Mais vous savez que le Saint-Siège a tenu récemment à préciser les positions de l’Eglise, en particulier sur le respect de la vie humaine à son origine. Il est à souhaiter que les jugements et les actes des responsables dans la société tiennent compte des exigences d’ordre moral et spirituel qu’il est du devoir des chrétiens de manifester et de défendre. …
8 octobre 1988 - Au Conseil de l'Europe (extrait)
La famille est sans doute la réalité où l’interaction de la responsabilité personnelle avec les conditions sociales apparaît le plus. L’évolution récente de la société européenne a rendu plus difficile l’équilibre et la stabilité des familles. En ce sens jouent des facteurs d’ordre économique en rapport avec le travail – notamment celui de la femme –, le logement, les déplacements des personnes, les migrations volontaires et les exils forcés. D’autre part, on voit se répandre des conceptions qui dévalorisent l’amour, isolent la sexualité de la communion de vie qu’elle exprime, affaiblissent les liens stables auxquels un amour vraiment humain engage. Il y a là un réel danger, car la famille se déstabilise et se désagrège. Les courbes démographiques descendantes sont un signe d’une crise de la famille qui suscite l’inquiétude.
Dans cette situation, il faut que les Européens se ressaisissent et redonnent à la famille sa valeur d’élément premier dans la vie sociale. Qu’ils sachent créer les conditions qui favorisent sa stabilité, qui permettent d’y accueillir et d’y donner la vie généreusement! Que l’on reprenne conscience de la dignité des responsabilités exercées par chaque être humain dans son foyer pour le soutien et le bonheur d’autrui! La famille comme telle est un sujet de droits, cela doit être admis plus nettement.
Je ne puis ici qu’évoquer brièvement ces préoccupations. Vous savez combien l’Eglise catholique y attache d’importance, au point d’avoir proposé une «Charte des Droits de La Famille». Tout ce qui concerne la famille est un souci que les communautés chrétiennes approfondissent à la lumière de leur foi, mais qu’elles partagent avec toute personne qui a le souci de la dignité humaine.
7. L’un des aspects les plus impressionnants du développement scientifique concerne les disciplines biologiques et médicales. Souvent, dans vos instances, vous avez à connaître des interrogations que suscitent les possibilités nouvelles d’intervenir aux divers stades de la vie, en dépassant les limites des thérapeutiques habituellement pratiquées. Les processus génétiquespeuvent être favorisés, mais aussi altérés. Des processus biogénétiques en viennent à briser la filiation naturelle. Le diagnostic d’une pathologie prénatale conduit trop facilement à l’avortement, alors que son but légitime est d’ordre thérapeutique.
L’expérimentation pratiquée sur des embryons humains ouvre la voie à des manipulations abusives. Il arrive aussi que de graves interventions soient acceptées du seul fait que les progrès scientifiques les rendent réalisables.
Votre Assemblée est fréquemment amenée à réfléchir à ces questions qui sont de nature fondamentalement éthique. Il est nécessaire que le respect de la dignité humaine ne soit jamais perdu de vue, depuis le moment même de la conception, jusqu’aux stades ultimes de la maladie ou aux états les plus graves d’obscurcissement des facultés mentales. Vous comprendrez que je redise ici la conviction de l’Eglise: l’être humain garde à jamais sa valeur comme personne, car la vie est un don de Dieu. Les plus faibles ont le droit à la protection, aux soins, à l’affection, de la part de leurs proches et de la part de la société solidaire. L’insistance de l’Eglise pour sauvegarder toute vie dès la conception ne s’inspire de rien d’autre que d’une exigence éthique qui résulte de ce qu’est l’homme même et qui ne saurait être étrangère à aucune conscience libre et éclairée. L’Eglise connaît la gravité des dilemmes qui se présentent à de nombreux couples ainsi qu’aux médecins ou aux divers conseillers de santé; elle n’ignore pas leur souffrance et leurs doutes; elle voudrait demander cependant que l’on n’en vienne pas à déformer les consciences et que la fraternité authentiquement humaine ne fasse jamais défaut. Elle accueille favorablement les progrès accomplis pour protéger la vie de l’enfant à naître, pour préserver l’intégrité de son patrimoine génétique naturel, pour développer des thérapies efficaces.
En plaçant des bornes d’ordre éthique à l’action de l’homme sur l’homme, votre Institution accomplira son rôle de conscience critique au service de la communauté.
7 novembre 1988 - A l'Initiative du Conseil pontifical pour la famille, un colloque a réuni à Rome, les 7 et 8 novembre 1988, une soixantaine d'évêques présidents des Commissions épiscopales pour la famille.
1. Avec une très grande joie, je vous adresse mon salut affectueux, à vous tous, frères dans l'épiscopat, ainsi qu'aux si nombreux frères que vous représentez.
J'ajoute à ce salut ma reconnaissance pour votre disponibilité à consacrer une partie de votre temps et toute votre charité pastorale à réfléchir sur un sujet d'une importance toute particulière pour la vie et la mission de l'Église. Je dois en outre adresser un merci spécial au Conseil pontifical pour la famille, qui a organisé cette rencontre et y participe.
L'Église, signe de contradiction
2. Le motif de cette rencontre est le vingtième anniversaire de l'encyclique Humanae vitae que Paul VI publia, le 25 juillet 1968, sur le grave problème de la juste régulation des naissances. Dans l'allocution du mercredi qui suivit la publication de l'encyclique, le même Paul VI confia aux fidèles les sentiments qui l'avaient guidé dans l'accomplissement de son mandat apostolique. Il disait : « Ce fut d'abord la conscience de notre très grave responsabilité. Elle nous a fait entrer et demeurer au c½ur de la question durant les quatre années consacrées à l'étude et à l'élaboration de cette encyclique. Nous vous confierons que ce sentiment nous a fait beaucoup souffrir spirituellement. Jamais nous n'avons senti comme en cette circonstance le poids de notre charge. Nous avons étudié, lu, discuté autant que nous avons pu, et nous avons aussi beaucoup prié... Invoquant les lumières de l'Esprit-Saint, nous avons mis notre conscience dans la pleine et libre disposition à la voix de la vérité, cherchant à interpréter la règle divine que nous voyons surgir de l'exigence intrinsèque de l'amour humain authentique, des structures essentielles de l'institution du mariage, de la dignité personnelle des époux, de leur mission au service de la vie, comme aussi de la sainteté du mariage chrétien. Nous avons réfléchi sur les éléments stables de la doctrine traditionnelle de l'Église, spécialement sur les enseignements du récent Concile. Nous avons pesé les conséquences de l'une et de l'autre décision, et nous n'avons plus eu de doute sur notre devoir de Nous prononcer dans les termesexpriméspar la présente encyclique. » (Cf. Insegnamenti di Raolo VI, vol. VI, 1968, p. 870-871.) (1)
Tout le monde connaît les réactions, parfois âpres et même méprisantes, qui, jusque dans certains milieux de la communauté ecclésiale elle-même, ont accueilli la publication de l'encyclique Humanae vitae. Mon vénéré prédécesseur les avait clairement prévues. Il écrivait en effet dans l'encyclique : « On peut prévoir que cet enseignement ne sera peut-être pas facilement accueilli par tout le monde : trop de voix - amplifiées par les moyens modernes de propagande - s'opposent à la voix de l'Eglise. Celle-ci, à vrai dire, ne s'étonne pas d'être, à la ressemblance de son divin Fondateur, un « signe de contradiction », mais elle ne cesse pas pour autant de proclamer, avec une humble fermeté, toute la loi morale, tant naturelle qu'évangélique. » (N. 18.)
Par ailleurs, Paul VI a toujours eu une profonde confiance dans la capacité des hommes d'aujourd'hui à accueillir et à comprendre la doctrine de l'Église quant au principe du « lien indissoluble que Dieu a voulu, et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal : union et procréation » (n. 12). « Nous pensons, écrivait-il, que les hommes de notre temps sont particulièrement en mesure de comprendre le caractère profondément raisonnable et humain de ce principe fondamental. » (N. 12.)
La signification prophétique de l'encyclique
3. En réalité, les années qui ont suivi l'encyclique, malgré la persistance de critiques injustifiées et de silences inacceptables, ont montré, avec une clarté toujours plus grande, combien le document de Paul VI était, non seulement toujours d'une brûlante actualité, mais aussi porteur d'une riche signification prophétique. Les évêques du Synode de 1980 en ont donné un témoignage particulièrement éloquent en écrivant dans leur 22e proposition : « Ce saint Synode, réuni dans l'unité de la foi avec le successeur de Pierre, tient fermement ce qui a été enseigné par le Concile Vatican II (cf. Gaudium et spes, 50) et ensuite par l'encyclique Humanae vitae, et en particulier le fait que l'amour conjugal doit être pleinement humain, exclusif et ouvert à une nouvelle vie. » (Humanae vitae, 11 ; cf. 9 et 12.) (2)
Par la suite, dans le contexte plus vaste de la vocation et de la mission de la famille, j'ai moi-même proposé une nouvelle fois, dans mon exhortation postsynodale Familiaris consortio (3), la perspective anthropologique et morale d'Humanae vitae sur la transmission de la vie humaine (n. 28-35). De même, au cours des audiences du mercredi, j'ai consacré mes dernières catéchèses « sur l'amour humain dans le plan de Dieu » à confirmer et éclairer le principe éthique fondamental de l'encyclique de Paul VI, à savoir le lien indissoluble entre union et procréation dans l'acte conjugal, interprété à la lumière de la signification sponsale du corps humain (4).
Parmi les fruits du Synode des évêques consacré à la mission de la famille dans le monde d'aujourd'hui, il faut rappeler la création de deux organismes ecclésiaux importants, destinés, ! l'un à stimuler l'activité pastorale concernant le mariage et I la famille, et l'autre à promouvoir la réflexion scientifique.
Le premier de ces organismes est le Conseil pontifical pour la famille (5), qui a renouvelé profondément l'ancien Comité pontifical pour la famille voulu par Paul VI. Dans mon -« exhortation Familiaris consortio, j'ai indiqué le sens et la finalité de ce nouvel organisme : il devait être « un signe de i l'importance que j'attribue à la pastorale de la famille dans le monde et, en même temps, un instrument efficace pour aider à sa promotion à tous les niveaux » (n. 73).
Le second organisme est L'Institut Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille (6). Il a été fondé « pour que l'on mette davantage en lumière, selon une méthode scientifique, la vérité du mariage et de la famille, et afin que les laïcs, les religieux et les prêtres puissent acquérir en ce domaine une formation scientifique, aussi bien philosophique et théologique que dans les sciences humaines, de sorte que leur ministère pastoral et ecclésial s'exerce de la manière la plus adéquate et la plus efficace, pour le bien du Peuple de Dieu » (Const. ap. Magnum matrimonii, 7 octobre 1982, n. 3). Cet organisme, créé et actif depuis déjà quelques années près l'Université pontificale du Latran, a obtenu la reconnaissance juridique en 1982 et a continué ses louables efforts, élargissant son activité à d'autres pays. Ces jours-ci, cet Institut a programmé son second Congrès international de théologie morale sur le thème : « Humanae vitae : vingt ans plus tard », avec des réflexions et des analyses qui vont dans la ligne des préoccupations pastorales qui sont aussi celles de votre rencontre. La gravité des problèmes soulevés aujourd'hui dans le domaine du mariage et de la famille rend toujours plus nécessaire qu'à l'intérieur des Conférences episcopales nationales ou régionales, et parfois aussi en chaque diocèse, soient créés et se mettent à l'½uvre des organismes similaires à ceux que je viens de mentionner : c'est seulement de cette manière que les problèmes peuvent trouver, avec l'approfondissement doctrinal nécessaire, des réponses pastorales valables, qui soient coordonnées de manière opportune avec les initiatives d'autres organismes ecclésiaux.
La « crise » de la morale conjugale
4. Cette rencontre revêt une importance particulière déjà par le fait qu'elle se déroule entre évêques, venus ici en tant que représentants des Conférences episcopales de leurs pays respectifs qui leur ont confié une mission spécifique dans ce secteur de la pastorale. La problématique théologique et pastorale suscitée par l'encyclique Humanae vitae et par l'exhortation Familiaris consortio, vénérés frères, représente sans aucun doute un chapitre fondamental de votre sollicitude de maîtres et de pasteurs de la vérité évangélique et humaine sur le mariage et la famille.
Cette rencontre peut être pour vous une occasion précieuse pour que, par l'échange d'expériences, on puisse mieux décrire et analyser la situation actuelle de l'Église, en faisant connaître les développements liés à la thématique d'Humanae vitae, comme aussi en fournissant des informations sur la réponse qui a été donnée à cet égard dans les diverses situations sociales et culturelles.
La méthode de vos travaux et les résultats qui les couronneront pourront peut-être suggérer aussi qu'il serait opportun de renouveler à l'avenir des rencontres semblables. Elles se situent en effet dans le contexte d'une collaboration déjà en acte entre le Conseil pontifical pour la famille et les épiscopats des divers pays, surtout à l'occasion de la visite ad limina. Les multiples difficultés auxquelles la famille doit faire face dans le monde contemporain, conduisent à souhaiter le renforcement ultérieur de cette collaboration afin d'offrir aux époux toute l'aide possible pour mieux correspondre à la vocation qui est la leur.
5. Par de nombreux aspects, la référence à l'encyclique Humanae vitae est liée, presque automatiquement, à l'idée de la « crise » qui a affecté et continue d'affecter la morale conjugale. Sans doute, on doit reconnaître les difficultés multiples et parfois graves que les prêtres et les couples rencontrent en ce domaine, les uns dans l'annonce de la vérité intégrale sur l'amour conjugal et les autres quand il s'agit de la vivre. D'autre part, les difficultés au niveau moral sont le fruit et le signe d'autres difficultés plus graves, qui touchent aux valeurs essentielles du mariage en tant que « communauté intime de vie et d'amour conjugal » (Gaudium et spes, 48).
La diminution de l'estime portée à l'enfant en tant que « don très précieux du mariage » [ibid., 50), le refus catégorique de transmettre la vie, parfois à cause d'une conception erronée de la procréation responsable, de même qu'une interprétation tout à fait subjective et relativiste de l'amour conjugal, souvent très répandue dans notre société et notre culture, sont le signe évident de la crise actuelle du mariage et de la famille.
Aux racines de la « crise », l'exhortation Familiaris consortio a identifié une corruption du concept et de l'expérience de la liberté, « celle-ci étant comprise non pas comme la capacité de réaliser la vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille, mais comme une force autonome d'affirmation de soi, assez souvent contre les autres, pour son bien-être égoïste » (n. 6).
Plus radicalement encore, il faut noter une vision immanentiste et sécularisante du mariage, de ses valeurs et de ses exigences : le refus de reconnaître la source divine d'où découlent l'amour et la fécondité des époux expose le mariage et la famille à se dissoudre aussi comme expérience humaine.
Aspects positifs de la situation actuelle
Dans le même temps, la situation actuelle présente aussi des aspects positifs, parmi lesquels il faut noter surtout la redécouverte des « ressources » dont disposent l'homme et la femme pour vivre l'amour conjugal dans sa vérité intégrale.
La ressource première et fondamentale est le sacrement de mariage, Jésus-Christ lui-même qui se rend présent et agissant par l'intermédiaire de son Esprit, qui rend les époux chrétiens participants à son amour pour l'humanité rachetée. Ce « sacrement » manifeste pleinement et porte à son suprême achèvement le « sacrement primordial de la création » pour lequel, dès le commencement, l'homme et la femme ont été créés par Dieu à son image et à sa ressemblance, appelés à l'amour et à la communion. Ainsi l'homme et la femme, lorsqu'ils réalisent leur « humanité » selon la vocation au mariage, sont mis au service non seulement de leurs enfants mais aussi de l'Église et de la société.
La période qui a suivi le Concile a marqué un progrès dans la prise de conscience de la signification ecclésiale et sociale du mariage et de la famille : c'est là le lieu le plus habituel et, en même temps, fondamental, où s'exprime la mission des laïcs dans l'Église. La « Charte des droits de la famille » (7), publiée par le Saint-Siège en 1983 à la demande du Synode des évêques, constitue un moment d'une particulière importance pour la prise de conscience de la signification sociale et politique de la vie de couple et de famille. Le couple et la famille ne sont pas seulement les destinataires mais vraiment les « protagonistes » d'une « politique » au service du bien commun de la famille.
6. Devant les difficultés et les ressources de la famille d'aujourd'hui, l'Église se sent appelée à renouveler sa prise de conscience de la mission qu'elle a reçue du Christ à l'égard de ce bien précieux : le mariage et la famille ; elle a reçu la mission de l'annoncer dans sa vérité, de le célébrer dans son mystère et de le faire vivre dans l'existence quotidienne par « ceux que Dieu appelle à le servir dans le mariage » (Humanae vitae, 25).
Mais comment accomplir cette mission dans les conditions actuelles de l'Église et de la société?
L'échange d'idées et d'expériences au cours de votre rencontre permettra certainement de trouver quelques réponses importantes.
Il peut être de toute façon opportun, au début de vos travaux, de vous offrir quelques suggestions et de formuler quelques propositions.
L'amour conjugal, don de l'Esprit-Saint
Plus que jamais, il est urgent de raviver la prise de conscience de l'amour conjugal comme don : c'est le don que, par le sacrement de mariage, l'Esprit-Saint qui, dans l'ineffable mystère de la Trinité, est la Personne-don (cf. Dominum et vivificantem, 10), répand dans le c½ur des époux chrétiens. Ce don est la « loi nouvelle » de leur existence, la racine et la force de la vie morale du couple et de la famille. Et, en réalité, leur ethos consiste à vivre toutes les dimensions du don :
- La dimension conjugale, qui demande aux époux de devenir toujours davantage un seul c½ur et une seule âme, révélant ainsi dans l'histoire le mystère de la communion qui existe en Dieu, un et trine ;
- La dimension religieuse, par laquelle le couple et la famille répondent au don de Dieu et, dans la foi, l'espérance et la charité, font de toute leur vie un « sacrifice spirituel agréable à Dieu par Jésus-Christ » (cf. 1 P 2, 5). Sans négliger des enseignements qui ont eux aussi leur importance, comme ceux qui concernent les aspects anthropologiques et psychologiques de la sexualité et du mariage, l'effort pastoral de l'Église doit mettre résolument au premier plan la diffusion et l'approfondissement de la conscience que l'amour conjugal est un don de Dieu confié à la responsabilité de l'homme et de la femme : c'est dans cette ligne que doivent aller la catéchèse, la réflexion théologique, l'éducation morale et spirituelle.
De plus, il est plus que jamais urgent que se renouvelle chez tous, prêtres, religieux et laïcs, la conscience de l'absolue nécessité de la pastorale familiale comme partie intégrante de la pastorale de l'Église, Mère et Maîtresse. Je renouvelle avec une grande conviction l'appel lancé par Familiaris consortio : « Chaque Église locale et, en termes plus particuliers, chaque communauté paroissiale, doit permettre une plus vive conscience de la grâce et de la responsabilité qu'elle reçoit du Seigneur en vue de promouvoir la pastorale de la famille. Tout plan de pastorale organique, à quelque niveau que ce soit, ne peut jamais omettre de prendre en considération la pastorale de la famille. » (N. 70.)
La famille, Église en miniature
L'exigence absolue que la foi devienne culture doit trouver son lieu de réalisation premier et fondamental dans le couple et la famille. Le but de la pastorale familiale consiste non seulement à rendre les communautés ecclésiales plus soucieuses du bien chrétien et humain des couples et de la famille, en particulier de celles qui sont les plus pauvres et en difficulté, mais aussi et surtout à susciter V « engagement » propre et irremplaçable des couples et des familles elles-mêmes dans l'Église et la société.
Pour une pastorale familiale efficace et incisive, il faut compter sur la formation de ceux qui travaillent dans ce domaine vital pour l'Église et pour le monde, et susciter aussi des vocations à l'apostolat. Les paroles de Jésus : « La moisson est immense mais les ouvriers sont peu nombreux » (Le 10, 2), valent aussi pour le domaine de la pastorale familiale. Il faut des « ouvriers » qui ne craignent pas les difficultés et les incompréhensions quand ils présentent le projet de Dieu sur le mariage, qui soient disposés à « semer dans les larmes », dans l'assurance de « moissonner dans la joie » (cf. Ps 125-126, 5).
7. Dieu veut que chaque famille devienne en Jésus-Christ une « Église domestique » (cf. Lumen gentium, 11) : de cette « Église en miniature », comme saint Jean Chrysostome aime à appeler la famille (cf. par exemple In Genesim serm. VI, 2 ; VII, 1), dépend principalement l'avenir de l'Église et de sa mission évangélisatrice.
L'avenir d'une société plus humaine, parce que inspirée et soutenue par la civilisation de l'amour et de la vie, dépend lui aussi en grande partie de la « qualité » morale et spirituelle du mariage et de la famille ; il dépend de leur « sainteté ».
C'est là le but suprême de l'action pastorale de l'Église dont nous, évêques, sommes les premiers responsables. Le vingtième anniversaire d'Humanae vitae nous propose à nouveau ce but, à tous, avec la même urgence apostolique que ressentait Paul VI lorsqu'il terminait son encyclique en adressant ces paroles à ses frères dans l'épiscopat : « A la tête des prêtres, vos collaborateurs, et de vos fidèles,^ travaillez avec ardeur et sans relâche à la sauvegarde et à la sainteté du mariage, pour qu'il soit toujours davantage vécu dans toute sa plénitude humaine et chrétienne. Considérez cette mission comme l'une de vos plus urgentes responsabilités dans le temps présent. » (Humanae vitae, 30.)
En faisant mienne cette exhortation, je vous accorde à tous, avec affection, ma bénédiction apostolique.
12 novembre 1988 - IIe Congrès International de rA théologie morale qui s'est tenu à l'Université pontificale du Latran, ayant pour objet l'encyclique Humanae vitae publiée par Paul VI II y a vingt ans, le Pape Jean-Paul II a reçu les quelque 400 participants accompagnés par Mgr Carlo Caffara, président de l'Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille. Il a prononcé devant eux, le 12 novembre, le discours suivant
Une collaboration entre pasteurs et scientifiques
1. C'est avec une vive joie que je vous adresse mon salut : à vous, illustres professeurs, et à vous tous qui avez pris part au Congrès international de théologie morale, arrivé à son point de conclusion. Mon salut va aussi à M. le cardinal Hermann Groër, archevêque de Vienne, et aux représentants des Chevaliers de Colomb qui, par leur généreuse contribution, ont permis la réalisation de ce Congrès. Une parole de satisfaction va aussi à l'Institut d'études sur le mariage et la famille de l'Université pontificale du Latran et au Centre académique romain de la Sainte-Croix qui en ont assuré la mise en ½uvre et la réalisation.
Le thème qui vous a retenu, au cours de ces journées, chers Frères, provoquant de votre part une réflexion approfondie, c'est l'Encyclique Humanae vitae (1), avec le complexe réseau de problèmes qui s'y rattachent. Comme vous le savez, une rencontre s'est déroulée, ces derniers jours, sous les auspices du Conseil pontifical pour la famille, à laquelle ont participé les évêques responsables de la pastorale familiale dans leurs pays respectifs, représentant les Conférences episcopales du monde entier (2). Cette coïncidence qui n'est pas fortuite m'offre l'occasion de souligner l'importance de la collaboration entre les pasteurs et les théologiens et, d'une façon plus générale, entre les pasteurs et le monde de la science, afin d'assurer aux époux engagés à réaliser dans leur vie le dessein divin sur le mariage un soutien efficace et adapté.
Tout le monde connaît l'invitation explicite qui est adressée, dans l'Encyclique Humóme vitae, aux hommes de science, et tout spécialement aux scientifiques catholiques, pour qu'ils contribuent par leurs études à éclairer toujours plus loin les différentes conditions qui favorisent une raisonnable régulation de la procréation humaine (cf. n. 24). J'ai moi-même renouvelé en plusieurs circonstances cette invitation, car je suis convaincu qu'un engagement interdisciplinaire est indispensable pour aborder correctement la problématique complexe afférente à ce secteur délicat.
L'enseignement d'Humanae vitae n'est pas une doctrine inventée par l'homme
2. Une seconde occasion m'est ici offerte : celle de donner acte des résultats réconfortants déjà obtenus par de nombreux savants qui, au cours de ces années, ont fait progresser la recherche dans ce domaine. C'est aussi grâce à leur apport qu'il a été possible de mettre en lumière la richesse de vérité et, bien plus, la valeur si éclairante et quasi prophétique de l'Encyclique de Paul VI, vers laquelle des personnes venues des horizons culturels les plus différents tournent leur attention avec un intérêt croissant. Des signes d'une nouvelle réflexion se font jour aussi dans ces secteurs du monde catholique qui ont été, au début, quelque peu critiques vis-à-vis de l'important document. Le progrès de la réflexion biblique et anthropologique a permis, en effet, de mieux en éclairer les présupposés et la signification.
Rappelons en particulier le témoignage des évêques au Synode de 1980 : ceux-ci, « dans l'unité de la foi avec le successeur de Pierre », écrivaient qu'il fallait tenir fermement « ce qui, au Concile Vatican II (cf. Const. Gaudium et spes, 50) et, à sa suite, dans l'Encyclique Humanae vitae, était proposé; en particulier, que l'amour conjugal doit être pleinement humain, exclusif et ouvert à la vie {Humanae vitae, n. 11 et cf. nn. 9 et 12) » (Prop. 22). A mon tour, j'ai repris ce témoignage dans l'Exhortation post-synodale Familiaris consortio, en proposant à nouveau - et en l'élargissant au contexte de la vocation et de la mission de la famille - la perspective anthropologique et morale d'Humanae vitae, ainsi que la norme éthique qu'il en faut tirer pour la vie des époux.
. Il ne s'agit pas, en effet, d'une doctrine inventée par l'homme : celle-ci a été inscrite par la main créatrice de Dieu dans la nature même de la personne humaine, et a été confirmée par lui dans la Révélation. Par conséquent, la remettre en cause équivaut à refuser l'obéissance de notre intelligence à Dieu lui-même. Cela revient à préférer l'éclairage de notre raison à la lumière de la Sagesse divine ; on tombe ainsi dans l'obscurité de l'erreur et on finit par entamer d'autres bases fondamentales de la doctrine chrétienne.
La vérité est une...
Il faut, à ce propos, rappeler que l'ensemble des vérités confiées au ministère de la prédication de l'Église constitue un tout unitaire, comme une sorte de symphonie, dans laquelle chaque vérité s'intègre harmonieusement aux autres. Les vingt années écoulées ont démontré, a contrario, cette consonance profonde : l'hésitation ou le doute sur la norme morale enseignée dans Humanae vitae a touché également d'autres vérités fondamentales de raison et de foi. Je sais que ce fait a été l'objet d'une considération attentive au cours de votre Congrès, et c'est là-dessus que je voudrais attirer maintenant votre attention. 4. Comme l'enseigne le Concile Vatican II, « in imo conscientiae legem homo detegit, quam ipse sibi non dat, sed cui oboedire débet... Nam homo legem in corde sua a Deo inscriptam habet, cui parère ipsa dignitas eius est et secundum quam ipse iudicabitur » (Const. Gaudium et spes, 16). (3) Au cours de ces années, à la suite de la contestation d'Humanae vitae, c'est la doctrine chrétienne même de la conscience morale qui a été remise en cause, dès lors qu'était acceptée l'idée d'une conscience créatrice de la norme morale. Le lien d'obéissance à la sainte volonté du Créateur a été ainsi radicalement rompu, ce lien qui constitue la dignité même de l'homme. La conscience, en effet, est le « lieu » où l'homme est éclairé par une lumière qui ne provient pas de sa raison créée et toujours faillible, mais de la sagesse même du Verbe, en qui tout a été créé. « Conscientia » - écrit encore admirablement Vatican II - « est nucleus secretissimus atque sacrarium hominis, in quo solus est cum Deo, cuius vox resonat in intimo eius » (ibid.). (4)
...et confiée à l'enseignement du Magistère
Plusieurs conséquences en découlent, qu'il convient de souligner. Le Magistère de l'Église ayant été institué par le Christ Seigneur pour éclairer la conscience, se réclamer de cette conscience précisément pour contester la vérité de ce qui est enseigné par la Magistère comporte le refus de la conception catholique, tant du Magistère que de la conscience morale. Parler de dignité intangible de la conscience, sans autre spécification, expose au risque d'erreurs graves. Bien différente, en effet, est la situation d'une personne qui, après avoir mis en ½uvre tous les moyens à sa disposition pour rechercher la vérité, se trompe, et celle d'une personne qui, par pur acquiescement à l'opinion de la majorité - souvent créée intentionnellement par les puissances du monde -, ou par négligence, se soucie peu de trouver la vérité. C'est l'enseignement lumineux de Vatican II qui nous le rappelle : « Non raro tamen evenit ex ignorantia invicibili conscientiam errare, quin inde suam digni-tatem amittat. Quod auiem dici nequit cum homo de vero et bono inquirendo parum curât, et conscientia ex peccati consuetudine paulatim fere obcaecatur » (ibid.). (5) Au nombre des moyens que l'amour rédempteur du Christ a disposés afin d'éviter ce danger d'erreur, se trouve le Magistère de l'Église : en son nom, celui-ci possède une autorité d'enseignement vraie et propre. On ne peut, par conséquent, dire qu'un fidèle a mis en ½uvre une diligente recherche de la vérité s'il ne tient pas compte de ce qu'enseigne le Magistère ; si, le comparant à toute autre forme de connaissance, il s'en fait le juge ; si, dans le doute, il suit plutôt son opinion personnelle ou celle de théologiens, en la préférant à l'enseignement certain du Magistère. Dans cette situation, le fait de parler encore de dignité de la conscience, sans plus, ne répond pas à ce qui est enseigné par Vatican II et par toute la Tradition de l'Église.
La norme morale et la sainteté de Dieu
5. Le thème du caractère contraignant de la norme morale enseignée dans Humanae vitae est étroitement lié au thème de la conscience morale. Paul VI, en qualifiant l'acte contraceptif d'intrinsèquement illicite, a voulu enseigner que la norme morale est telle qu'elle n'admet aucune exception : aucune circonstance personnelle ou sociale n'a jamais pu, ne peut et ne pourra justifier un tel acte. L'existence de normes particulières concernant l'agir de l'homme en ce monde, normes dotées d'un caractère obligatoire tel qu'il exclut toujours et quoi qu'il en soit, la possibilité d'exceptions, est un enseignement constant de la Tradition et du Magistère de l'Église qui ne peut être mis en discussion par le théologien catholique. On touche ici un point central de la doctrine chrétienne concernant Dieu et l'homme. Si l'on regarde de plus près ce qui est remis en question dans le refus de cet enseignement, il s'agit de l'idée même de la sainteté de Dieu. Nous ayant prédestinés à être saints et immaculés en sa présence, il nous a créés « in Christo Jesu in operibus bonis, quaepreparavit... ut in illis ambulemus » (Ep 2, 10) (6) : ces normes sont simplement l'exigence, dont aucune circonstance historique ne peut nous dispenser, de la sainteté de Dieu, à laquelle chaque personne humaine participe concrètement et non abstraitement. En outre, cette négation rend vaine la croix du Christ (1 Co 1, 17). En s'incarnant, le Verbe est entré pleinement dans notre existence quotidienne qui s'articule en actes humains concrets ; en mourant pour nos péchés, il nous a recréés dans la sainteté originelle qui doit s'exprimer dans notre activité quotidienne en ce monde.
Cette négation implique encore, comme conséquence logique, qu'aucune vérité de l'homme n'est soustraite au courant du devenir historique. Vouloir rendre vain le mystère de Dieu aboutit comme toujours à rendre vain le mystère de l'homme ; et ne pas reconnaître les droits de Dieu aboutit à nier la dignité de l'homme.
La grande responsabilité des enseignants de théologie morale
6. Le Seigneur nous donne de célébrer cet anniversaire pour que chacun, s'examinant devant lui, s'engage à l'avenir -dans la responsabilité ecclésiale - à défendre et à approfondir la vérité éthique enseignée dans Humanae vitae. Grande est la responsabilité qui repose sur vous en ce domaine, chers enseignants de théologie morale. Qui peut mesurer l'influence qu'exerce yotre enseignement, tant dans la formation de la conscience des fidèles que dans la formation des futurs pasteurs de l'Église?.
Au cours de ces vingt dernières années, pourtant un certain nombre d'enseignants n'ont pas manqué d'être en dissension ouverte avec ce qu'a enseigné Paul VI dans son encyclique.
Cet anniversaire peut être l'occasion et le point de départ d'une réflexion nouvelle courageuse sur les raisons qui ont conduit les savants à assumer de telles positions. On découvrira alors probablement qu'à la racine de cette « opposition » à Humanae vitae il est une compréhension erronée, ou tout au moins insuffisante, des fondements même de la théologie morale. L'accueil sans critique des postulats propres à certaines orientations philosophiques et î' « utilisation » unilatérale des données offertes par la science peuvent avoir fait dévier, malgré leurs bonnes intentions, certains interprètes du document pontifical. Un effort généreux de la part de tous est nécessaire pour mieux éclairer les principes fondamentaux de la théologie morale, en ayant soin - comme l'a recommandé le Concile - de s'appliquer à ce que leur « présentation scientifique, plus nourrie de la doctrine de la Sainte Écriture, mette en lumière la grandeur de la vocation des fidèles dans le Christ et leur obligation de porter du fruit dans la charité pour la vie du monde » (Decr. Optatam totius, 16).
7. Dans cet effort, l'Institut pontifical pour les études sur le mariage et la famille peut donner une grande impulsion : son but est précisément d'« exposer toujours plus clairement, par des méthodes scientifiques, la vérité du mariage et de la famille », et d'offrir à des laïcs, religieux et prêtres, la possibilité « d'acquérir en ce domaine une formation scientifique, tant sur le plan philosophique et théologique que sur le plan des sciences humaines », de manière à être plus aptes à travailler efficacement au service de la pastorale familiale (cf. Const. ap. Magnum matrimonii, 3) (7).
Des ministres de Dieu « qui parlent un même langage »
Cependant, si l'on veut que la problématique morale connexe à Humanae vitae et à Familiaris consortio trouve sa juste place dans cet important secteur du travail et de la mission de l'Église qu'est la pastorale familiale, et qu'elle suscite une réponse responsable de la part des laïcs eux-mêmes, comme protagonistes dans une action ecclésiale qui les regarde de si près, il faut que des Instituts comme celui-ci se multiplient dans différents pays. C'est seulement de cette façon qu'il sera possible de faire progresser l'approfondissement doctrinal de la vérité et de préparer les initiatives pastorales d'une manière adaptée aux exigences qui surgissent dans les divers secteurs culturels et humains.
Il faut surtout que l'enseignement de la théologie morale dans les séminaires et dans les Instituts de formation soit conforme aux directives du Magistère, de façon à ce qu'il en sorte des ministres de Dieu qui « parlent un même langage » (Encycl. Humanae vitae, 28), ne diminuant « d'aucune manière la doctrine salutaire du Christ » (ibid., 29). C'est au sens de la responsabilité des enseignants qu'il est ici fait appel : ils doivent être les premiers à donner à leurs élèves l'exemple d'« un assentiment loyal, interne et externe, au Magistère de l'Église » (ibid., 28).
8. En voyant tant de jeunes étudiants - prêtres ou non -présents â cette rencontre, je veux conclure en leur adressant à eux aussi un salut particulier. L'un des profonds connaisseurs du c½ur humain, saint Augustin, écrit : « Haec estlibertas nostra, cum isti subdimur veritati » (De libero arbitrio, 13, 37.) (8) Cherchez toujours la vérité : vénérez la vérité découverte, obéissez à la vérité. Il n'est pas de joie en dehors de cette recherche, de cette vénération, de cette obéissance.
Dans cette aventure merveilleuse de votre esprit, l'Église ne vous est pas un obstacle : au contraire, elle vous est une aide. En vous éloignant de son Magistère, vous vous exposez à la vanité de l'erreur et à l'esclavage des opinions : apparemment fortes, mais en réalité fragiles, car seule la vérité du Seigneur est éternelle.
En invoquant l'aide divine sur votre noble labeur de chercheurs de la vérité et de ses apôtres, je donne à tous et de tout c½ur ma bénédiction.
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(1) DC 1968, n°1523, col. 1441-1457.
(2) DC 1988, n°1974, p. 1170.
(3) « Au-fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée à lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir... Car c'est une loi inscrite par Dieu au c½ur de l'homme; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera. »
(4) « La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. »
(5) « Toutefois, il arrive souvent que la conscience s'égare, par suite d'une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l'on ne peut dire lorsque l'homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l'habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle. »
(6) « Dans le Christ Jésus, en vue des bonnes ½uvres que Dieu a préparées d'avance pour que nous les pratiquions. »
(7) DC 1982, n" 1839, p. 973.
(8) « C'est notre liberté que nous nous soumettions à cette vérité. »
30 décembre 1988 – Homélie de la Messe, à Ascoli Piceno (homélie improvisée)
Chers amis, nous vivons la période de Noël. En cette période, nous vivons dans la foi le grand mystère divin, le mystère de la Sainte Trinité en mission. Nous savons, et nous confirmons, que Dieu est un et unique. Nous pouvons également accepter ce que Paul a dit, lorsqu'il a parlé sur l'Aréopage, que Dieu est cet être absolu, spirituel, en qui nous vivons, en qui nous nous mouvons, en qui nous sommes. Mais nous ne connaissions pas, et aujourd'hui encore elle est acceptée avec difficulté par beaucoup, la réalité profonde du Dieu trinitaire : Père, Fils et Saint-Esprit. C'est précisément lui, le Dieu de la Trinité, en qui nous vivons, en qui nous nous mouvons, en qui nous existons. Et lui, la Trinité en mission, n'est pas seulement une entité absolue, suprême à tous, mais il est le Père dans sa réalité infinie, insondable, qui engendre, engendre de toute éternité sans commencement, son Verbe. Et avec cette Parole de lui vit le mystère ineffable de l'amour, qui est une personne et pas seulement une affection, pas seulement une relation interpersonnelle ; c'est une personne, le Fils engendré, l'Esprit, l'amour soufflé. Chaque année, le Saint Noël nous rappelle ce mystère de la Trinité en mission, ici dans la nuit de Bethléem, cette mission du Fils, envoyé par le Père pour nous apporter l'Esprit dans lequel il a été conçu par la Vierge. Il vient nous apporter cet Esprit. La nuit de Noël est donc cette nuit où la réalité de Dieu-communion, unité de la divinité, unité absolue, unité de communion est rapprochée de notre esprit humain, de nos yeux, de notre histoire et devient visible. En d'autres termes, le mystère caché devient visible, le "Mysterium absconditum a saeculis", le mystère qui a toujours été caché est révélé, devient visible. A travers cette pauvre réalité de la naissance du Seigneur, de la crèche, de la nuit à Bethléem, de Marie et Joseph, se révèle le grand mystère de la Trinité en mission. Voici notre Dieu, voici notre Dieu ! Ineffable mystère !
Nous contemplons cette réalité, ce mystère de la Trinité en mission ; nous le contemplons pendant le temps de Noël avec une profondeur et une intensité particulières et avec une joie intense parce que cette mission - le Verbe envoyé dans le monde pour parler en la personne de son Père, de la réalité divine, ce Verbe vient en cette nuit comme un enfant humain, pauvre, dépouillé de tout ; dépouillé déjà à cet instant - ne pouvait pas naître autrement. Aucune richesse humaine ne pouvait offrir un contexte adéquat à la naissance humaine du Fils éternel de Dieu. Seule cette pauvreté, cet abandon, cette crèche, cette nuit à Bethléem pouvaient l'être. Il était juste qu'il ne puisse pas trouver de logement dans cette ville.
Chers amis, nous contemplons cette réalité divine, la Sainte Trinité en mission, et en même temps nous sentons combien nos concepts humains, nos pauvres mots humains sont insuffisants pour parler de ce mystère. Mais celui qui nous est envoyé, le Verbe, vient parler et vient aussi nous faire parler. En effet, il a trouvé les moyens les plus simples de reprendre cette parole, cette parole divine : il a trouvé les moyens les plus simples.
Nous devons donc parler, nous devons confesser, nous devons témoigner, sachant notre insuffisance devant la réalité, devant linsondable mystère de Dieu, unité divine, unité de la divinité et en même temps unité de communion.
En cette période de Noël, la Sainte Mère l'Église nous fait célébrer aujourd'hui un autre mystère humain : la Sainte Famille de Nazareth.
Nous devons dire qu'aujourd'hui nous contemplons la famille en mission, car la Sainte Famille n'est rien d'autre, c'est cela : la famille humaine en mission divine. Et ici, cette famille humaine, en tant que petite communauté, se montre en même temps comme une grande communauté humaine en mission divine : c'est l'Église. L'Église, surtout à Vatican II, a reconnu son caractère familial et son caractère missionnaire. C'est une grande famille en mission. Au sein de cette grande famille-Eglise se trouve chaque famille humaine, chaque communauté familiale, comme une famille en mission. On a beaucoup parlé de la famille comme de la société la plus petite et la plus fondamentale, et tout cela est vrai. Mais lorsque nous voyons le mystère principal constitué par la Trinité en mission, nous ne pouvons pas voir la famille en dehors de cela : elle aussi est en mission. Et sa mission est vraiment fondamentale, fondamentale à la mission divine de la Parole, à la mission divine de l'Esprit Saint ; elle est fondamentale. La mission divine du Verbe est de parler, de rendre témoignage au Père. C'est la famille qui est la première à parler, la première à révéler ce mystère, la première à témoigner de Dieu, du Père devant les nouvelles générations. Sa parole est plus efficace.
Ainsi, chaque famille humaine, chaque famille chrétienne, est en mission. C'est la mission de la vérité. La famille ne peut pas vivre sans vérité, c'est même le lieu où existe une sensibilité extrême pour la vérité. S'il manque la vérité dans la relation, dans la communion des personnes - mari, femme, père, mère, enfants - s'il manque la vérité, la communion est brisée, la mission est détruite. Vous savez tous très bien comment cette communion de la famille est vraiment subtile, délicate, facilement vulnérable. Ainsi, dans la famille, en plus de la mission du Verbe, du Fils, se reflète aussi la mission de l'Esprit Saint, qui est amour. La famille est en mission, et cette mission est fondamentale pour chaque peuple, pour toute l'humanité ; c'est la mission de l'amour et de la vie, c'est le témoignage de l'amour et de la vie.
Chers amis, je suis venu ici avec grand plaisir. C'est très volontiers que j'ai accepté votre invitation, en cette fête de la Sainte Famille, à prier avec vous pour la chose la plus fondamentale et la plus importante de la mission de l'Église : pour le renouveau spirituel de la famille, des familles humaines et chrétiennes, dans chaque peuple, dans chaque nation, surtout peut-être dans notre monde occidental, plus avancé, plus marqué par les signes et les bienfaits du progrès, mais aussi par les défauts de ce progrès unilatéral. Si nous devons parler d'un renouveau, d'une régénération de la société humaine, voire de l'Église comme société des hommes, nous devons commencer de ce point, de cette mission. Sainte Église de Dieu, tu ne peux faire ta mission, tu ne peux réaliser ta mission dans le monde, si ce n'est à travers la famille et sa mission.
C'est la raison principale pour laquelle j'ai accepté votre invitation à être ensemble et à prier ensemble dans cet environnement composé principalement de familles, de couples mariés, d'enfants, voire de familles itinérantes. C'est une belle chose. Nous voyons que la Famille de Nazareth est aussi une famille itinérante. Et il en a été ainsi immédiatement, dès les premiers jours de la vie de l'enfant divin, du Verbe fait chair. Elle a dû devenir une famille itinérante, oui, itinérante et aussi réfugiée.
Tant de réalités douloureuses de notre temps - celle des réfugiés, par exemple, ou celle des migrants - sont déjà gravées, présentes dans la Sainte Famille de Nazareth. Mais pour vous, c'est surtout une famille itinérante parce qu'elle va partout : si elle va en Égypte, si elle retourne à Nazareth, si elle retourne à Jérusalem avec le petit Jésus de douze ans, elle va toujours partout comme une famille itinérante pour témoigner de la mission de la famille, de la mission divine d'une famille humaine. Je pense que vous, en tant que familles itinérantes, néo-catéchuménales, faites la même chose : vous mettez en place le but de votre itinérance, qui est de porter le témoignage de la mission de la famille partout, dans différents milieux, peut-être dans les milieux les plus déchristianisés. C'est un grand témoignage, humainement grand, chrétiennement grand, divinement grand, parce que ce témoignage, la mission de la famille, s'inscrit finalement dans le sillon de la Sainte Trinité. Il n'y a pas d'autre image dans ce monde qui soit plus parfaite, plus complète que ce que Dieu est : unité, communion. Il n'y a pas d'autre réalité humaine qui corresponde plus, plus humainement, à ce mystère divin. Et ainsi, en portant comme itinérants le témoignage propre à la famille, à la famille en mission, vous portez partout le témoignage de la Très Sainte Trinité en mission. Et ainsi vous faites grandir l'Église parce que l'Église grandit à partir de ces deux mystères. Comme nous l'enseigne le Concile Vatican II, toute la vitalité de l'Église vient finalement, ou principalement, de ce mystère, de ce mystère de la Trinité en mission. D'autre part, vous portez le témoignage de la famille en mission qui cherche à marcher sur les traces de la Trinité en mission. Et donc vous portez aussi un message, le message de Bethléem, le message joyeux de Noël.
Nous savons que ce message, même selon les traditions et les coutumes, est toujours lié aux familles humaines, c'est la fête de la famille. Nous devons donner à cette fête un grand souffle, une pleine dimension, humainement pleine, chrétiennement pleine, divinement pleine parce que ce mystère humain, cette réalité humaine de la famille s'enracine dans le mystère divin, dans le mystère de la communion de Dieu.
Vous êtes communion, communion de personnes, comme le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Vous êtes la communion des personnes, vous êtes l'unité. Vous êtes l'unité et vous ne pouvez qu'être l'unité. Si vous n'êtes pas l'unité, vous n'êtes pas la fraternité ; si vous êtes la fraternité, vous êtes l'unité. Il y a beaucoup de familles dans ce monde avancé, riche et opulent qui perdent leur unité, leur communion, leurs racines. C'est votre catéchèse, c'est votre témoignage néo-catéchuménal : c'est ainsi que nous parlons de la fécondité du baptême sacré. Nous savons bien que le sacrement du mariage, la famille, tout cela découle du sacrement du baptême, de sa richesse. Grandir du baptême, c'est grandir du mystère pascal du Christ. Par le sacrement de l'eau et de l'Esprit Saint, nous sommes immergés dans ce mystère pascal du Christ qu'est sa mort et sa Résurrection. Nous sommes immergés pour retrouver la plénitude de la vie, et cette plénitude, nous devons la retrouver dans la dimension de la personne, mais, en même temps, dans la dimension de la famille - communion de personnes - afin d'apporter, d'inspirer cette nouveauté de vie aux différents milieux, sociétés, peuples, cultures, vie sociale, vie économique..... Tout cela est pour la famille. Oui, vous devez aller partout dans le monde et répéter à tout le monde que c'est "pour la famille", pas au détriment de la famille. Oui, votre programme doit être pleinement évangélique, courageux, courageux dans le témoignage et courageux dans la demande, dans la demande devant tout le monde, surtout devant nos frères, devant nos s½urs, devant toutes ces familles, devant tous ces couples, devant toutes ces générations. Mais aussi devant les autres. Avec ce grand témoignage, la famille en mission comme image de la Trinité en mission, nous devons aussi réaliser un programme que je dirais socio-politique, socio-économique. La famille est impliquée dans tout cela et peut être aidée, portée vers l'avant, privilégiée ou détruite.
Vous devez, avec toutes vos prières, avec votre témoignage, avec votre force, vous devez aider la famille, vous devez la protéger contre toute destruction. S'il n'y a pas d'autre dimension dans laquelle l'homme peut s'exprimer en tant que personne, en tant que vie, en tant qu'amour, il faut également dire qu'il n'y a pas d'autre lieu, d'autre environnement dans lequel l'homme peut être davantage détruit. Aujourd'hui, beaucoup de choses sont faites pour normaliser ces destructions, pour légaliser ces destructions ; des destructions profondes, des blessures profondes de l'humanité. Tant de choses sont faites pour raccommoder, pour légaliser. Dans ce sens, nous disons "protéger". Mais on ne peut pas vraiment protéger la famille sans entrer dans ses racines, dans ses réalités profondes, dans sa nature profonde ; et cette nature profonde est la communion des personnes à l'image et à la ressemblance de la communion divine. Famille en mission, Trinité en mission.
Chers amis, je ne veux pas continuer, je ne veux pas me prolonger. Je vous laisse avec ces réflexions, qui me viennent si spontanément. Aujourd'hui, c'est le jour où la Sainte Famille doit nous parler avant tout, et c'est mon humble prière : que cette Sainte Famille de Nazareth, à travers notre assemblée, à travers nos chants, à travers nos prières et aussi à travers cette parole qui est la mienne, puisse nous parler à tous. Amen.