2008
25 février 2008 - Au Congrès de l'Académie Pontificale pour la Vie
Quand une vie s'éteint qu'elle soit d'un âge avancé, ou au contraire à l'aube d'une existence terrestre, ou dans la pleine fleur de l'âge pour des raisons imprévues, on ne doit pas y voir seulement un processus biologique qui s'épuise, ou une biographie qui s'achève, mais plutôt une nouvelle naissance et une existence renouvelée, offerte par le Ressuscité à qui ne s'est pas opposé à son Amour. Avec la mort, l'existence terrestre trouve sa fin, mais à travers la mort s'ouvre également, pour chacun de nous, au delà du temps, la vie pleine et définitive. Le Seigneur de la vie est présent aux côtés du malade comme Celui qui vit et donne la vie, Celui qui a dit: "Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on l'ait surabondante." (Jn 10, 10), "Je suis la Résurrection et la Vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra" (Jn 11, 25) et "je le ressusciterai au dernier jour" (Jn 6, 54). Dans ce moment solennel et sacré, tous les efforts faits dans l'espérance chrétienne pour nous améliorer ainsi que le monde qui nous est confié, purifiés par la Grâce, trouvent leur sens et s'enrichissent grâce à l'amour de Dieu Créateur et Père. Quand, au moment de la mort, la relation avec Dieu se réalise pleinement dans la rencontre avec "Celui qui ne meurt pas, qui est Lui-même la Vie et l'Amour, alors nous sommes dans la vie. Alors "nous vivons"" (Benoît XVI, Spe Salvi, n. 27). Pour la communauté des croyants, cette rencontre de la personne en fin de vie avec la Source de la Vie et de l'Amour représente un don qui a une valeur pour tous, qui enrichit la communion de tous les fidèles. Comme tel, cela doit retenir l'attention et la participation de la communauté, non seulement de la famille des parents proches, mais, dans les limites et dans les formes possibles, de toute la communauté qui a été liée à la personne mourante. Aucun croyant ne devrait mourir dans la solitude et dans l'abandon. Mère Teresa de Calcutta recueillait avec une attention particulière les pauvres et les personnes abandonnées, pour qu'au moins, au moment de la mort, ils puissent ressentir, dans le réconfort de leurs sœurs et de leurs frères, la chaleur du Père.
Mais ce n'est pas seulement la communauté chrétienne, du fait de ses liens de communion surnaturels particuliers, qui est engagée à accompagner et célébrer en ses membres le mystère de la douleur et de la mort et l'aube de la nouvelle vie. En réalité, c'est toute la société au travers de ses institutions civiles et de santé qui est appelée à respecter la vie et la dignité du malade grave et de la personne en fin de vie. Même si elle a conscience du fait que "ce n'est pas la science qui rachète l'homme" (Benoît XVI, Spe Salvi, n. 26), la société entière et en particulier les secteurs liés à la science médicale sont tenus d'exprimer la solidarité de l'amour, la sauvegarde et le respect de la vie humaine à chaque moment de son développement terrestre, surtout lors de la maladie ou dans la phase terminale de celle-ci. Plus concrètement, il s'agit d'assurer à chaque personne qui en aurait besoin le soutien nécessaire par les thérapies et les interventions médicales appropriées, identifiées et gérées suivant les critères de la proportionnalité médicale, en tenant toujours compte du devoir moral d'administrer (du côté du médecin) et de recevoir (du côté du patient) ces moyens de préservation de la vie qui, dans la situation concrète, résultent "ordinaires". En ce qui concerne, en revanche, les thérapies particulièrement à risques ou qu'il serait prudent de juger "extraordinaires", il faudra considérer comme moralement légitime, mais facultatif, le recours à celles-ci. De plus, il faudra toujours assurer à chaque personne les soins nécessaires qui lui sont dus, ainsi que le soutien aux familles les plus éprouvées par la maladie de l'un des leurs, surtout si elle est grave et prolongée. De même, du côté de la réglementation du travail, on reconnait habituellement des droits spécifiques aux membres de la famille au moment d'une naissance; de la même manière, et particulièrement dans certaines circonstances, des droits similaires devraient être reconnus aux parents proches au moment de la phase terminale de la maladie d'un de leurs parents. Une société solidaire et humanitaire ne peut pas ne pas tenir compte des conditions difficiles des familles qui, parfois pendant de longues périodes, doivent porter le poids des soins à domicile de malades graves non autonomes. Un plus grand respect pour la vie humaine individuelle passe inévitablement par la solidarité concrète de tous et de chacun, ce qui constitue un des défis les plus urgents de notre temps.
Comme je l'ai rappelé dans l'Encyclique Spe Salvi, "la mesure de l'humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société. Une société qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n'est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et inhumaine" (n. 38). Dans une société complexe, fortement influencée par les dynamiques de la productivité et par les exigences de l'économie, les personnes fragiles et les familles les plus pauvres, dans des moments de difficultés financières ou en cas de maladie, risquent d'être bouleversées. On trouve de plus en plus dans les grandes villes des personnes âgées seules, même dans des moments de grave maladie et à l'approche de la mort. Dans de telles situations, l'euthanasie devient pressante, surtout quand s'insinue une vision utilitariste à l'égard de la personne. A ce propos, je saisis cette occasion de répéter, encore une fois, la ferme et constante condamnation éthique de toute forme d'euthanasie directe, suivant l'enseignement pluriséculaire de l'Eglise.
L'effort synergique de la société civile et de la communauté des croyants doit viser à obtenir que tout le monde puisse non seulement vivre en restant digne et responsable, mais aussi traverser le moment de l'épreuve et de la mort dans la situation la meilleure de fraternité et de solidarité, même là où la mort survient dans une famille pauvre ou sur un lit d'hôpital. L'Eglise, avec ses institutions déjà en place et de nouvelles initiatives, est appelée à offrir le témoignage de la charité active, spécialement envers les situations critiques de personnes non autonomes et privées de soutiens familiaux, et envers les malades graves nécessitant des soins palliatifs, en plus d'une assistance religieuse appropriée. D'une part, la mobilisation spirituelle des communautés paroissiales et diocésaines et, de l'autre, la création ou la qualification des structures dépendantes de l'Eglise, pourront animer et sensibiliser tout le milieu social, pour qu'à chaque homme qui souffre et en particulier au moment de la mort, soit offerte et témoignée la solidarité et la charité. La société, de son côté, ne peut manquer d'assurer le soutien dû aux familles qui envisagent de recueillir chez elles, pour des périodes parfois longues, des malades atteints de pathologies dégénératives (tumorales, neuro-dégénératives, etc.) ou nécessitant une assistance particulièrement lourde. Nous demandons d'une manière particulière le concours de toutes les forces vives et responsables de la société pour ces institutions d'assistance spécifique qui mobilisent un personnel nombreux et spécialisé et des équipements particulièrement onéreux. C'est surtout dans ces domaines que la synergie entre l'Eglise et les Institutions peut se révéler particulièrement précieuse pour assurer l'aide nécessaire à la vie humaine dans ses moments de fragilité.