Obéissance – Docilité - Volonté de Dieu
dans l'enseignement de Benoit XVI
2005
24 avril 2005 – Homélie Messe Intronisation
Je n’ai pas besoin de présenter un programme de gouvernement. Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées, mais, avec toute l’Église, de me mettre à l’écoute de la parole et de la volonté du Seigneur, et de me laisser guider par lui, de manière que ce soit lui-même qui guide l’Église en cette heure de notre histoire.
Le joug de Dieu est la volonté de Dieu, que nous accueillons. Et cette volonté n’est pas pour moi un poids extérieur, qui nous opprime et qui nous enlève notre liberté. Connaître ce que Dieu veut, connaître quel est le chemin de la vie – telle était la joie d’Israël, tel était son grand privilège. Telle est aussi notre joie: la volonté de Dieu ne nous aliène pas, elle nous purifie – parfois même de manière douloureuse – et nous conduit ainsi à nous-mêmes. De cette manière, nous ne le servons pas seulement lui-même, mais nous servons aussi le salut de tout le monde, de toute l’histoire
1 – L'Evêque de Rome siège sur sa Chaire pour témoigner du Christ. Ainsi la Chaire est le symbole de la potestas docendi, cette autorité d'enseignement qui est la partie essentielle du mandat de lier et de délier conféré par le Seigneur à Pierre et, après lui, aux Douze. Dans l'Eglise, l'Ecriture Sainte, dont la compréhension s'accroît sous l'inspiration de l'Esprit Saint, et le ministère de l'interprétation authentique, conféré aux apôtres, appartiennent l'un à l'autre de façon indissoluble. Là où l'Ecriture Sainte est détachée de la voix vivante de l'Eglise, elle devient la proie des discussions des experts. Tout ce que ces derniers ont à nous dire est certainement important et précieux; le travail des savants est d'une aide appréciable pour pouvoir comprendre ce processus vivant à travers lequel l'Ecriture a grandi et comprendre ainsi sa richesse historique. Mais la science ne peut pas nous fournir à elle seule une interprétation définitive et faisant autorité; elle n'est pas en mesure de nous donner, dans l'interprétation, la certitude avec laquelle nous pouvons vivre et pour laquelle nous pouvons également mourir. C'est pourquoi, nous avons besoin d'un mandat plus grand, qui ne peut pas naître uniquement des capacités humaines. C'est pourquoi nous avons besoin de la voix de l'Eglise vivante, de cette Eglise confiée à Pierre et au collège des apôtres jusqu'à la fin des temps.
Cette autorité d'enseignement effraie un grand nombre d'hommes à l'intérieur et à l'extérieur de l'Eglise. Ils se demandent si celle-ci ne menace pas la liberté de conscience, si elle n'est pas une présomption s'opposant à la liberté de pensée. Il n'en est pas ainsi. Le pouvoir conféré par le Christ à Pierre et à ses successeurs est, au sens absolu, un mandat pour servir. L'autorité d'enseigner, dans l'Eglise, comporte un engagement au service de l'obéissance à la foi. Le Pape n'est pas un souverain absolu, dont la pensée et la volonté font loi. Au contraire: le ministère du Pape est la garantie de l'obéissance envers le Christ et envers Sa Parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais se soumettre constamment, ainsi que l'Eglise, à l'obéissance envers la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d'adaptation et d'appauvrissement, ainsi que face à tout opportunisme. C'est ce que fit le Pape Jean-Paul II lorsque, face à toutes les tentatives, apparemment bienveillantes envers l'homme, face aux interprétations erronées de la liberté, il souligna de manière catégorique l'inviolabilité de l'être humain, l'inviolabilité de la vie humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. La liberté de tuer n'est pas une véritable liberté, mais une tyrannie qui réduit l'être humain en esclavage. Le Pape est conscient d'être, dans ses grandes décisions, lié à la grande communauté de foi de tous les temps, aux interprétations faisant autorité qui sont apparues le long du chemin du pèlerinage de l'Eglise. Ainsi son pouvoir ne se trouve pas «au dessus», mais il est au service de la Parole de Dieu, et c'est sur lui que repose la responsabilité de faire en sorte que cette Parole continue à rester présente dans sa grandeur et à retentir dans sa pureté, de façon à ce qu'elle ne soit pas détruite par les changements incessants des modes. – Homélie Saint Jean de Latran 7.5.2005
2 – L'obéissance au Christ, qui corrige la désobéissance d'Adam, se concrétise dans l'obéissance ecclésiale, qui pour le prêtre est, dans la pratique quotidienne, tout d'abord obéissance à son évêque. Dans l'Eglise l'obéissance n'est cependant pas quelque chose de formel; c'est l'obéissance à celui qui est, à son tour, obéissant et qui personnifie le Christ obéissant. Tout cela ne rend pas vaines et n'atténue pas les exigences concrètes de l'obéissance, mais lui assure sa profondeur théologale et son souffle catholique: dans l'évêque nous obéissons au Christ et à l'Eglise entière, qu'il représente en ce lieu. – Aux prêtres romains à Saint Jean de Latran 13.5.2005
3 - Nous sommes tous insérés dans le réseau de l'obéissance à la parole du Christ, à la parole de celui qui nous donne la véritable liberté, car il nous conduit dans les espaces libres et dans les amples horizons de la vérité. C'est précisément dans ce lien commun avec le Seigneur que nous pouvons et que nous devons vivre le dynamisme de l'Esprit. – Homélie Pentecôte 15.5.2005
2 - Monsieur le Président, comme vous pouvez bien le comprendre, de nombreuses préoccupations accompagnent le début de mon service pastoral sur la Chaire de Pierre. Parmi celles-ci, je voudrais en signaler certaines qui, en raison de leur caractère universellement humain, ne peuvent qu'intéresser également ceux qui ont la responsabilité du bien public. J'entends faire allusion au problème de la protection de la famille fondée sur le mariage, telle qu'elle est également reconnue par la Constitution italienne (art. 29), au problème de la défense de la vie humaine, de sa conception jusqu'à son terme naturel, et enfin, au problème de l'éducation et donc de l'école, terrain d'entraînement indispensable pour la formation des nouvelles générations. L'Eglise, habituée à sonder la volonté de Dieu inscrite dans la nature même de la créature humaine, voit dans la famille une valeur très importante qui doit être défendue de toute attaque visant à en miner la solidité et à remettre en question son existence elle-même. De plus, l'Eglise reconnaît dans la vie humaine un bien primordial, présupposé de tous les autres biens, et elle demande donc que celle-ci soit respectée, à son début comme à son terme, tout en soulignant le devoir de soins palliatifs adaptés rendant la mort plus humaine. Quant à l'école, sa fonction est liée à la famille comme expansion naturelle de la tâche de formation de cette dernière. A ce propos, tout en reconnaissant la compétence de l'Etat à dicter les normes générales de l'instruction, je ne peux qu'exprimer le voeu que soit respecté concrètement le droit des parents à un libre choix éducatif, sans devoir supporter pour cela le poids supplémentaire de nouveaux frais. J'ai l'assurance que les législateurs italiens, dans leur sagesse, sauront apporter aux problèmes qui viennent d'être évoqués des solutions "humaines", c'est-à-dire respectueuses des valeurs inviolables qui sont en jeu. - Au Président de la République d’Italie 24.6.2005
4 - Vous avez vous-mêmes fait en sorte que la sagesse de l'Evangile et le riche héritage de la doctrine sociale de l'Eglise aient une influence sur la pensée et les jugements pratiques des fidèles, que ce soit dans leur vie quotidienne ou dans leurs efforts pour agir en tant que membres honnêtes de la communauté. Dans l'exercice de votre ministère épiscopal d'enseignement et de gouvernement, je vous encourage à continuer à offrir une direction sûre et unie, enracinée dans une foi inébranlable en Jésus Christ et, dans l'obéissance à la "Parole de la vérité, l'Evangile de votre salut" (Ep 1, 13). Dans votre prédication et dans votre enseignement les fidèles devraient pouvoir entendre la voix du Seigneur lui-même, une voix qui fait autorité à propos de ce qui est juste et vrai, de la paix et de la justice, de l'amour et de la réconciliation, une voix qui peut les réconforter dans les difficultés et leur indiquer la voie de l'espérance. – Aux Evêques du Zimbabwe en Visite Ad Limina 2.7.2005
21 août 2005 – Homélie Messe JMJ à Cologne
Le mot latin pour adoration est ad-oratio - contact bouche à bouche, baiser, accolade et donc en définitive amour. La soumission devient union, parce que celui auquel nous nous soumettons est Amour. Ainsi la soumission prend un sens, parce qu'elle ne nous impose pas des choses étrangères, mais nous libère à partir du plus profond de notre être.
4 décembre 2005 – Angelus
La Vierge est Celle qui demeure à l'écoute, toujours prête à accomplir la volonté du Seigneur, et elle est un exemple pour le croyant qui vit dans la recherche de Dieu.
18 décembre 2005 – Homélie Messe dans la paroisse romaine de Casalbertone
"Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole". Marie anticipe ainsi la troisième invocation du Notre Père : "Que ta volonté soit faite". Elle dit "oui" à la grande volonté de Dieu, une volonté apparemment trop grande pour un être humain ; Marie dit "oui" à cette volonté divine, elle se place dans cette volonté, elle insère toute son existence à travers un grand "oui" dans la volonté de Dieu et ouvre ainsi la porte du monde à Dieu. Adam et Eve, avec leur "non" à la volonté de Dieu, avaient fermé cette porte. "Que la volonté de Dieu soit faite": Marie nous invite nous aussi à prononcer ce "oui" qui apparaît parfois si difficile. Nous sommes tentés de préférer notre volonté, mais Elle nous dit: "Sois courageux, dis toi aussi : "Que ta volonté soit faite", car cette volonté est bonne". Tout d'abord elle peut apparaître comme un poids presque insupportable, un joug qu'il n'est pas possible de porter; mais en réalité, la volonté de Dieu n'est pas un poids, la volonté de Dieu nous donne des ailes pour voler haut, et nous pouvons ainsi aussi oser, avec Marie, ouvrir à Dieu la porte de notre vie, les portes de ce monde, en disant "oui" à sa volonté, en ayant conscience que cette volonté est le vrai bien et nous guide vers le vrai bonheur. Prions Marie, la Consolatrice, notre Mère, la Mère de l'Eglise, pour qu'elle nous donne le courage de prononcer ce "oui", qu'elle nous donne également cette joie d'être avec Dieu et qu'elle nous guide vers son Fils, vers la vraie Vie.
18 décembre 2005 – Angelus
En ces derniers jours de l'Avent, la liturgie nous invite à contempler de façon particulière la Vierge Marie et saint Joseph, qui ont vécu avec une intensité unique le temps de l'attente et de la préparation de la naissance de Jésus. Je désire aujourd'hui porter mon regard sur la figure de saint Joseph. Saint Luc présente la Vierge Marie comme "fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David" (Lc 1, 27). C'est toutefois l'évangéliste Matthieu qui accorde le plus d'importance au père putatif de Jésus, en soulignant que, à travers lui, l'Enfant résultait légalement inscrit dans la descendance de David, et accomplissait ainsi les Ecritures, dans lesquelles le Messie était prophétisé comme "fils de David". Mais le rôle de Joseph ne peut certainement pas se réduire à cet aspect juridique. Il est le modèle de l'homme "juste" (Mt 1, 19), qui, en parfaite harmonie avec son épouse, accueille le Fils de Dieu fait homme et veille sur sa croissance humaine. C'est pourquoi, au cours des jours qui précèdent Noël, il est plus que jamais opportun d'établir une sorte de dialogue spirituel avec saint Joseph, afin qu'il nous aide à vivre en plénitude ce grand mystère de la foi.
Le bien-aimé Pape Jean-Paul II, qui avait une profonde dévotion pour saint Joseph nous a laissé une méditation admirable qui lui est consacrée dans l'Exhortation apostolique Redemptoris Custos, "Le Gardien du Rédempteur". Parmi les nombreux aspects qu'il met en lumière, un accent particulier est placé sur le silence de saint Joseph. Son silence est un silence empreint de contemplation du mystère de Dieu, dans une attitude de disponibilité totale aux volontés divines. En d'autres termes, le silence de saint Joseph ne manifeste pas un vide intérieur, mais au contraire la plénitude de foi qu'il porte dans son coeur, et qui guide chacune de ses pensées et chacune de ses actions. Un silence grâce auquel Joseph, à l'unisson avec Marie, conserve la Parole de Dieu, connue à travers les Ecritures Saintes, en la confrontant en permanence avec les événements de la vie de Jésus; un silence tissé de prière constante, prière de bénédiction du Seigneur, d'adoration de sa sainte volonté et de confiance sans réserve à sa providence. Il n'est pas exagéré de penser que c'est précisément de son "père" Joseph que Jésus a appris - sur le plan humain - la solidité intérieure qui est le présupposé de la justice authentique, la "justice supérieure" qu'Il enseignera un jour à ses disciples (cf. Mt 5, 20).
Laissons-nous "contaminer" par le silence de saint Joseph ! Nous en avons tant besoin, dans un monde souvent trop bruyant, qui ne favorise pas le recueillement et l'écoute de la voix de Dieu. En ce temps de préparation à Noël, cultivons le recueillement intérieur, pour accueillir et conserver Jésus dans notre vie.
18 décembre 2005 – Aux francophones, au terme de l’Angelus
Puissiez-vous, ouvrir votre cœur au Christ qui vient habiter dans notre monde, à l'exemple de Marie, la Servante du Seigneur, pour faire comme elle la volonté de Dieu, qui nous rend libres..
24 décembre 2005 – Homélie de la Messe de la Nuit de Noel
Dieu est si grand qu'il peut se faire petit. Dieu est si puissant qu'il peut se faire faible et venir à notre rencontre comme un enfant sans défense, afin que nous puissions l'aimer. Dieu est bon au point de renoncer à sa splendeur divine et descendre dans l'étable, afin que nous puissions le trouver et pour que, ainsi, sa bonté nous touche aussi, qu'elle se communique à nous et continue à agir par notre intermédiaire. C'est cela Noël: «Tu es mon fils; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré». Dieu est devenu l'un de nous, afin que nous puissions être avec Lui, devenir semblables à Lui. Il a choisi comme signe l'Enfant dans la crèche: Il est ainsi. De cette façon nous apprenons à le connaître. Et sur chaque enfant resplendit quelque chose du rayon de cet aujourd'hui, de la proximité de Dieu que nous devons aimer et à laquelle nous devons nous soumettre - sur chaque enfant, même sur celui qui n'est pas encore né.
2006
1er janvier 2006 – Message pour la Journée Mondiale de la Paix
La paix apparaît comme un don céleste et une grâce divine ; à tous les niveaux, elle demande l'exercice de la plus grande responsabilité, à savoir de conformer dans la vérité, dans la justice, dans la liberté et dans l'amour, l'histoire humaine à l'ordre divin. Quand n'existe plus l'adhésion à l'ordre transcendant des choses, ni le respect de la « grammaire » du dialogue qu'est la loi morale universelle, écrite dans le cœur de l'homme,( Cf. Jean-Paul II, Discours à la cinquantième Assemblée générale des Nations unies, 5 octobre 1995, n. 3: La Documentation catholique 92 (1995), p. 918.) quand sont entravés et empêchés le développement intégral de la personne et la sauvegarde de ses droits fondamentaux, quand de nombreux peuples sont contraints à subir des injustices et des inégalités intolérables, comment peut-on espérer en la réalisation du bien de la paix ? En effet, manquent alors les éléments essentiels qui donnent forme à la vérité de ce bien. Saint Augustin a décrit la paix comme « tranquillitas ordinis »,( La cité de Dieu, 19, 13 : La Pléiade, Paris (2000), p. 869) la tranquillité de l'ordre, c'est-à-dire la situation qui permet, en définitive, de respecter et de réaliser pleinement la vérité de l'homme.
1er janvier 2006 – Homélie de la Messe
Nous avons contemplé la scène des pasteurs en route vers Bethléem pour adorer l'Enfant (cf. Lc 2, 16). Ces pasteurs que l'évangéliste Luc nous décrit dans leur pauvreté et leur simplicité, obéissants au commandement de l'ange et dociles à la volonté de Dieu, ne sont-ils pas l'image plus facilement accessible à chacun de nous, de l'homme qui se laisse éclairer par la vérité, devenant ainsi capable de construire un monde de paix ?
5 février 2006 – Homélie Messe
- Le primat de Dieu. Nous voyons dans le "Notre Père" comment les trois premières questions se réfèrent précisément à ce primat de Dieu: que le nom de Dieu soit sanctifié, que le respect du mystère divin soit vivant et anime toute notre vie; que "vienne le royaume de Dieu" et "que soit faite sa volonté" sont deux aspects différents de la même médaille; là où est accomplie la volonté de Dieu le ciel est déjà présent, sur la terre commence aussi un peu du ciel; et là où est accomplie la volonté de Dieu le Royaume de Dieu est présent. Car le Royaume de Dieu n'est pas une série de choses, le Royaume de Dieu est la présence de Dieu, l'union de l'homme avec Dieu. C'est vers cet objectif que Jésus veut nous guider.
1er mars 2006 – Homélie Messe des Cendres
Un aspect de la spiritualité quadragésimale est celui que nous pourrions définir de "compétition", et qui ressort de la prière de la "collecte" d'aujourd'hui, où il est question d'"armes" de la pénitence et de "lutte" contre l'esprit du mal. Chaque jour, mais en particulier au cours du Carême, le chrétien doit affronter une lutte comme celle que le Christ a soutenue dans le désert de Judée, où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable, puis au Gethsémani, lorsqu'il repoussa la tentation extrême en acceptant jusqu'au bout la volonté du Père. ..
Le Carême nous rappelle donc que l'existence chrétienne est une lutte sans relâche, au cours de laquelle sont utilisées les "armes" de la prière, du jeûne et de la pénitence. Lutter contre le mal, contre toute forme d'égoïsme et de haine, et mourir à soi-même pour vivre en Dieu représente l'itinéraire ascétique que tout disciple de Jésus est appelé à parcourir avec humilité et patience, avec générosité et persévérance. L'obéissance docile au Maître divin fait des chrétiens des témoins et des apôtres de paix. Nous pourrions dire que cette attitude intérieure nous aide à mieux mettre en évidence également quelle doit être la réponse chrétienne à la violence qui menace la paix dans le monde. Certainement pas la vengeance, ni la haine, ni même la fuite vers un faux spiritualisme. La réponse de la personne qui suit le Christ est plutôt celle qui consiste à parcourir la voie choisie par Celui qui, devant les maux de son temps et de tous les temps, a embrassé de façon décidée la Croix, en suivant le chemin plus long mais efficace de l'amour. Sur ses traces et unis à Lui, nous devons tous nous engager en vue de lutter contre le mal par le bien, contre le mensonge par la vérité, contre la haine par l'amour. Dans l'Encyclique Deus caritas est, j'ai voulu présenter cet amour comme le secret de notre conversion personnelle et ecclésiale.
25 mars 2006 - Homélie de la Messe Solennité de l’Annonciation et Consistoire
Dans l'Incarnation du Fils de Dieu, nous reconnaissons en effet les débuts de l'Eglise. Tout provient de là. Toute réalisation historique de l'Eglise et également chacune de ses institutions doivent se rapporter à cette Source originelle. Elles doivent se rapporter au Christ, Verbe de Dieu incarné. C'est Lui que nous célébrons toujours : l'Emmanuel, le Dieu-avec-nous, par l'intermédiaire duquel s'est accomplie la volonté salvifique de Dieu le Père. Et cependant, la Source divine s'écoule par un canal privilégié : la Vierge Marie. Utilisant une image éloquente, saint Bernard parle, à ce propos d'aquaeductus (cf. Sermo in Nativitate B.V. Mariae: PL 183, 437-448). En célébrant l'Incarnation du Fils nous ne pouvons pas, par conséquent, ne pas honorer sa Mère. C'est à Elle que fut adressée l'annonce de l'ange : Elle l'accueillit, et lorsque du plus profond de son coeur elle répondit : « Je suis la servante du Seigneur ; qu'il m'advienne selon ta parole » (Lc 1, 38), à ce moment-là, le Verbe éternel commença à exister comme être humain dans le temps.
De génération en génération, on continue de s'émerveiller devant ce mystère ineffable. Imaginant s'adresser à l'Ange de l'Annonciation, Saint Augustin demande : « Dites-moi donc, ange de Dieu, d'où vient à Marie cette faveur ? » La réponse, dit le Messager, est contenue dans les paroles mêmes de la salutation : « Je vous salue, pleine de grâce » (cf. Sermo 291, 6). Effectivement, l'Ange, en « entrant chez Elle », ne l'appelle pas par son nom terrestre, Marie, mais par son nom divin, comme Dieu la voit et la qualifie depuis toujours : « Pleine de grâce - gratia plena », qui dans l'original grec est « kecharitoméne », « pleine de grâce », la grâce n'étant rien d'autre que l'amour de Dieu, nous pourrions à la fin traduire cette parole par : « aimée » de Dieu (cf. Lc 1, 28). Origène observe que jamais un tel titre ne fut donné à un être humain, que rien de semblable n'est décrit dans l'ensemble des Saintes Ecritures (cf. In Lucam, 6, 7). Il s'agit d'un titre exprimé sous forme passive, mais cette « passivité » de Marie, qui est depuis toujours et pour toujours l'« aimée » du Seigneur, implique son libre consentement, sa réponse personnelle et originale : en étant aimée, en recevant le don de Dieu, Marie est pleinement active, car elle accueille avec une disponibilité personnelle la vague de l'amour de Dieu qui se déverse en elle. En cela également, Elle est la parfaite disciple de son Fils, qui à travers l'obéissance à son Père réalise entièrement sa propre liberté et précisément de cette manière exerce la liberté, en obéissant. Dans la deuxième lecture nous avons entendu la merveilleuse page dans laquelle l'auteur de la Lettre aux Hébreux interprète le psaume 39, précisément à la lumière de l'Incarnation du Christ : « Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit :... Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté » (He 10, 5-7). Face au mystère de ces deux « me voici », le « me voici » du Fils et le « me voici » de la Mère, qui se reflètent l'un dans l'autre et forment un unique Amen à la volonté d'amour de Dieu, nous demeurons stupéfaits et, remplis de reconnaissance, nous adorons.
L'importance du principe marial dans l'Eglise a été particulièrement soulignée, après le Concile, par mon bien-aimé prédécesseur le pape Jean-Paul II, de façon cohérence, dans sa devise « Totus tuus ». A travers sa spiritualité et son infatigable ministère il a rendu la présence de Marie comme Mère et Reine de l'Eglise, manifeste aux yeux de tous. …L'icône de l'Annonciation nous fait comprendre clairement, mieux que n'importe quelle autre, que tout dans l'Eglise remonte à ce moment-là, à ce mystère d'accueil du Verbe divin, où, par l'Esprit Saint, l'Alliance entre Dieu et l'humanité a été scellée de manière parfaite. Tout dans l'Eglise, chaque institution et ministère, y compris celui de Pierre et de ses successeurs, est « enveloppé » sous le manteau de la Vierge, dans l'espace rempli de grâce de son « oui » à la volonté de Dieu.
26 mars 2006 – Homélie Messe dans une paroisse romaine
Dans le Livre des Chroniques de l'Ancien Testament (cf. 2 Ch 36, 14-16.19-23), l'auteur saint propose une interprétation synthétique et significative de l'histoire du peuple élu, qui fait l'expérience de la punition de Dieu comme conséquence de son comportement rebelle: le temple est détruit et le peuple en exil n'a plus de terre; il semble réellement qu'il ait été oublié par Dieu. Mais il se rend ensuite compte qu'à travers les châtiments, Dieu poursuit un dessein de Miséricorde. Ce sera la destruction de la ville Sainte et du Temple - comme on l'a dit -, ce sera l'exil, qui touchera le cœur du peuple et qui le fera revenir à son Dieu pour le connaître plus profondément. Et alors le Seigneur, démontrant le primat absolu de son initiative sur tout effort purement humain, se servira d'un païen, Cyrus, roi de Perse, pour libérer Israël. Dans le texte que nous venons d'entendre, la colère et la Miséricorde du Seigneur se confrontent au cours d'un épisode à caractère dramatique, mais à la fin, l'amour triomphe, car Dieu est Amour. Comment ne pas recueillir dans le souvenir de ces lointains événements le message qui est valable pour chaque époque, y compris la nôtre ? En pensant aux siècles passés, nous pouvons voir que Dieu continue à nous aimer également à travers les châtiments. Les desseins de Dieu, même lorsqu'ils passent à travers l'épreuve, visent toujours à un résultat de Miséricorde et de pardon.
2 avril 2006 – Angelus
Le 2 avril de l'an dernier, un jour comme aujourd'hui, le bien-aimé pape Jean-Paul II vivait au cours de ces heures mêmes, la dernière phase de son pèlerinage terrestre, un pèlerinage de foi, d'amour et d'espérance qui a profondément marqué l'histoire de l'Eglise et de l'humanité. Son agonie et sa mort ont constitué presque un prolongement du Triduum pascal. Nous nous souvenons tous des images de son dernier Chemin de Croix, le vendredi saint : ne pouvant se rendre au Colisée, il le suivit depuis sa chapelle privée, en tenant une croix entre les mains. Le jour de Pâques, il donna la bénédiction Urbi et Orbi sans pouvoir parler, d'un geste de la main seulement. Ce fut la bénédiction la plus empreinte de souffrance et la plus émouvante qu'il nous ait laissée comme témoignage extrême de sa volonté d'accomplir son ministère jusqu'au bout. Jean-Paul II est mort comme il avait toujours vécu, animé d'un courage farouche, en s'abandonnant à Dieu et en se mettant entre les mains de la très Sainte Vierge Marie. Ce soir nous rappellerons sa mémoire lors d'une veillée de prière mariale, place Saint-Pierre, où demain après-midi je célébrerai la messe pour lui.
A un an de son passage de ce monde à la Maison du Père, nous pouvons nous demander : que nous a laissé ce grand pape qui a introduit l'Eglise dans le troisième millénaire ? Son héritage est immense, mais le message de son long pontificat est bien résumé dans les paroles par lesquelles il a choisi de l'inaugurer, ici, place Saint-Pierre, le 22 octobre 1978 : « Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! ». Jean-Paul II a incarné cet appel inoubliable par toute sa personne et toute sa mission de successeur de Pierre, spécialement par son extraordinaire programme de voyages apostoliques. En visitant les pays du monde entier, en rencontrant les foules, les communautés ecclésiales, les gouvernants, les chefs religieux et les différentes réalités sociales, il a accompli comme un unique grand geste confirmant ces paroles initiales. Il a toujours annoncé le Christ, le proposant à tous, comme l'avait fait le Concile Vatican II, comme une réponse aux attentes de l'homme, aux attentes de liberté, de justice, de paix. Le Christ est le Rédempteur de l'homme, aimait-il répéter, l'unique vrai Sauveur de chaque personne et de tout le genre humain.
Au cours des dernières années, le Seigneur l'a progressivement dépouillé de tout, pour le configurer pleinement à lui-même. Et lorsqu'il ne parvint plus à voyager, puis ni même à marcher et enfin, ni même à parler, son geste, son annonce s'est réduite à l'essentiel : au don de soi jusqu'au bout. Sa mort a été l'accomplissement d'un témoignage de foi cohérent, qui a touché le cœur de tant d'hommes de bonne volonté. Jean-Paul II nous a quittés le samedi, jour spécialement consacré à Marie, envers laquelle il a toujours nourri une dévotion filiale. Demandons à présent à la Mère céleste de Dieu de nous aider à conserver précieusement ce que ce grand pontife nous a donné et enseigné.
6 avril 2006 - Rencontre avec les jeunes du diocèse de Rome, Place Saint Pierre
Il me semble que le grand défi de notre temps soit la sécularisation: c'est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme "si Deus non daretur", c'est-à-dire comme si Dieu n'existait pas. On veut réduire Dieu à la sphère du privé, à un sentiment, comme s'Il n'était pas une réalité objective et ainsi, chacun forme son propre projet de vie. Mais cette vision qui se présente comme si elle était scientifique, n'accepte comme valable que ce qui peut être vérifié par l'expérience. Avec un Dieu qui ne se prête pas à l'expérience immédiate, cette vision finit par déchirer également la société: il en découle en effet que chacun forme son projet et à la fin, chacun s'oppose à l'autre. Une situation, comme on le voit, clairement invivable. Nous devons rendre Dieu à nouveau présent dans nos sociétés. Cela me semble être la première nécessité: que Dieu soit à nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait que nous sommes des créatures, constater qu'il y a un Dieu qui nous a créés et que demeurer dans sa volonté n'est pas une dépendance, mais un don d'amour qui nous fait vivre.
7 mai 2006 – Homélie Messe Ordinations Sacerdotales
"Je suis la porte" (10, 7). C'est à travers Lui que l'on doit entrer dans le service de pasteur. Jésus souligne très clairement cette condition de fond en affirmant: celui qui "fait l'escalade par une autre voie est un brigand" (Jn 10, 1). Ce mot "fait l'escalade" - "anabainei" en grec - évoque l'image de quelqu'un qui grimpe sur la clôture pour parvenir, en la franchissant, là où il ne pourrait pas légitimement arriver. "Faire l'escalade" - on peut également voir ici l'image du carriérisme, de la tentative d'arriver "en-haut", de se procurer une position grâce à l'Eglise: de se servir, et non de servir. C'est l'image de l'homme qui, à travers le sacerdoce, veut devenir important, devenir quelqu'un; l'image de celui qui a pour objectif sa propre ascension et non l'humble service de Jésus Christ. Mais l'unique ascension légitime vers le ministère de pasteur est la croix. Telle est la véritable a