LA CHARTE DES PERSONNELS DE LA SANTÉ. UNE SYNTHÈSE DE L'ÉTHIQUE HIPPOCRATIQUE ET DE LA MORALE CHRÉTIENNE. C'est pour moi un honneur, et non une charge, de présenter la Charte des Personnels de la Santé. Réfléchissant à la meilleure manière de m'en acquitter, il m'a paru très opportun, parce que sans doute plus utile, de la parcourir à vol d'oiseau. Ainsi apparaît plus clairement, le souci, qui émerge tout au long du texte, de venir en aide à tout professionnel de la santé dans l'accomplissement de son service envers la vie humaine dès son origine jusqu'à son terme naturel. Un service qui est pleinement humain et spécifiquement chrétien. Cette présentation entend ainsi, et c'est important, faire comprendre, immédiatement, comment la Charte est en fait, une synthèse de l'éthique hippocratique et de la morale chrétienne. Pour atteindre cet idéal audacieux, je m'arrêterai d'abord sur l'origine divine de chaque vie humaine et sur sa fin qui est Dieu lui-même. Ensuite, je définirai la physionomie du professionnel de santé, comme serviteur de cette vie, et surtout, de l'Auteur de cette même vie. Enfin, je suivrai les étapes de l'existence humaine: la procréation, la vie, la mort, en tant que points de référence pour une réflexion éthico-pastorale. 1. Dieu: alpha et omega de la vie humaine Alors qu'il n'y avait encore aucun homme pour travailler le sol, en faire surgir l'eau des canaux, alors que personne n'irriguait la superficie de la terre, "Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l'homme devint un être vivant" [1]. C'est de ce geste créateur de Dieu que l'Eglise tire son enseignement: toute âme spirituelle est créée directement par Dieu, elle est immortelle, c'est-à-dire, qu'elle ne meurt pas à l'instant même où elle se sépare du corps dans la mort; et l'Eglise nous enseigne aussi que cette âme s'unira de nouveau au corps au moment de la résurrection finale. La vie de l'être humain, de tout être humain, n'est pas le simple "fruit" des parents ni le "produit" d'un laboratoire humain. La vie humaine, indiscutablement, a une origine divine [2]. Une phrase du livre de Job est très riche de sens: "S'il (le Seigneur) ramenait à lui son esprit, s'il concentrait en lui son souffle, toute chair expirerait à la fois et l'homme retournerait à la poussière" [3]. Non moins riche de signification, la pensée d'Ezéchiel sur la résurrection "Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez" [4]. Indubitablement, sans le "souffle vivificateur" de Dieu, l'homme retomberait dans le néant. Or, si Dieu anime le corps, c'est-à-dire, s'il lui donne la vie, ce n'est que justice qu'à Lui et à Lui seul soit attribué le droit inaliénable et inviolable de disposer de la vie de tout être humain de sa conception à son terme naturel. Jean-Paul II n'hésite pas un instant, il affirme ce droit divin avec une certaine solennité: "La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte `l'action créatrice de Dieu' et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le maître de la vie, de son commencement à son terme: personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être innocent" [5]. Ceci est le coeur du contenu de la morale chrétienne concernant le sens sacré et l'inviolabilité de la vie humaine, de toute vie humaine, de la vie humaine de chacun. Voilà pourquoi, Jahvé, quand il révèle les dix commandements de l'Alliance, place au coeur de celle-ci, ce commandement qui mérite une attention particulière: `Tu ne tueras pas". Dieu lui-mêmene se dresse pas seulement en Juge de toute violation du commandement en faveur de la défense de la vie, mais aussi et surtout, en Défenseur du commandement qui est le fondement de toute convivialité sociale [6]. C'est donc, avec raison, que la morale chrétienne, depuis toujours, et encore de nos jours, n'a cessé d'affirmer et de défendre la valeur incomparable de toute personne humaine. L'éthique hippocratique, elle-même, dans l'expression éternelle et toujours actuelle de son "serment", proclame et défend depuis plus de deux mille-cinq-cents ans cette valeur immuable de la vie humaine. Ce n'est pas un fait du hasard, qu'en cette éthique toujours valable, le Cardinal Fiorenzo Angelini, mette en exergue quatre prémisses: "le profond respect de la nature, en général; la conception unitaire et intégrale de la vie humaine, ou mieux de l'être humain; le rapport rigoureux entre l'éthique personnelle et l'éthique professionnelle; la vision de participation élargie de l'exercice de l'art médical" [7]. En fait, pour l'éthique hippocratique comme pour la morale chrétienne, la vie de tout être humain est une valeur qui n'admet aucune discussion, on doit en prendre soin et on doit la défendre: c'est-à-dire se mettre à son service. Si cet impératif vaut pour tous, combien davantage et surtout, pour les professionnels de santé. C'est cela le rôle de la Charte, que j'ai l'honneur de présenter à cette grande et imposante assemblée. 2. La physionomie du professionnel de la santé La tâche des professionnels de santé s'exprime en un service profondément humain et chrétien, précisément, parce qu'elle n'est pas seulement l'exercice d'une technique mais aussi et surtout une oeuvre de dévouement et d'amour envers ses semblables, envers son prochain. En effet, dans la prise en charge de la vie d'autrui, les professionnels de santé exercent une tâche vraiment humaine et chrétienne faite de prévention, de cure et de réhabilitation de la santé humaine en vue de la protection de la vie. C'est pourquoi, la modalité première et emblématique de cette prise en charge des soins consiste dans une présence attentive et prévenante aux côtés du malade [8]. C'est ainsi que le service médico-sanitaire instaure une relation interpersonnelle très particulière: c'est une rencontre entre une fidélité et une conscience. Rapport de `confiance' de la part de la personne en demande d'aide, touchée par la maladie, donc par la souffrance, et rapport de `conscience', de la part d'une personne capable de prendre en charge ce besoin, dans une relation d'assistance, de traitement et de guérison. Pour un professionnel de la santé, le malade n'est jamais, ou au moins ne devrait jamais être, un simple cas clinique à examiner `scientifiquement', mais toujours une personne en demande de sympathie, et mieux encore, d'empathie, au sens étymologique du terme, par le fait même qu'il est malade. "La compétence scientifique et professionnelle en soi, ne suffit pas, elle exige également une participation personnelle aux situations concrètes de chaque patient" c'est-à-dire, qu'elle demande "disponibilité, attention, compréhension, partage, bienveillance, patience, dialogue" [9]. Pour une meilleure et plus précise compréhension de la Charte, il est important de noter que le dévouement entier du professionnel de santé au service de tout homme malade, trouve ici son plus authentique fondement "objectif" et son plus exigeant fondement "subjectif", celui qui l'implique dans une vision intégrale du malade lui-même. Si l'on scrute en profondeur la maladie et la souffrance, elles sont, en effet, inhérentes à la condition de la vie humaine, et posent des questions transcendant la science et la technologie médicale, car elles touchent l'essence axiologique de la condition existentielle de l'homme sur la terre. C'est pourquoi, le professionnel de la santé, comme chrétien est un disciple du Bon Samaritain, mais s'il n'est pas chrétien, cela signifie qu'il est disciple du très humain "laïc" Hippocrate, ce qui l'aidera à comprendre aisément que sa profession est une mission, une vocation. Son activité médico-sanitaire est alors une réponse à un appel transcendant qui prend forme à travers le visage souffrant et implorant du patient remis à ses soins. Sa prise en charge affectueuse du malade, faite de sympathie et d'empathie, devient un service en tout semblable à celui qui nous est rapporté dans la parabole du Bon Samaritain, et à celui que sollicite le serment du médecin hippocratique. Voilà pourquoi, profession, vocation et mission se rejoignent dans la physionomie de tout professionnel de la santé. Dans la vision chrétienne de la vie et de la santé, celui-ci est "ministre de ce Dieu qui, dans la Bible, est présenté comme `ami de la vie' [10]. Servir la vie chez l'homme malade devient, précisément, servir Dieu et collaborer avec Dieu; et mieux encore, car à travers le geste d'accueil affectueux envers toute vie faible et malade, destiné à rendre la santé , c'est rendre louange et gloire à Dieu [11]. Il n'est donc pas surprenant que l'Église ait "toujours considéré la médecine comme une aide importante dans l'accomplissement de sa mission rédemptrice envers l'homme. En effet, on ne peut servir l'esprit de l'homme pleinement sans se mettre au service de son unité psychophysique. L'Église sait bien que le mal physique aliène l'esprit, de même que le mal de l'esprit asservit le corps" [12]. La physionomie du professionnel de la santé est, et doit devenir toujours davantage, une image vivante du Christ-Bon Samaritain. "Médecins, pharmaciens, infirmiers et infirmières, personnel de la santé dans son ensemble ainsi que les bénévoles sont appelés à être une image vivante du Christ et de son Église dans leur amour enver les malades et les souffrants, témoins de l'"évangile de la vie" [13]. 3. La fidélité éthico-morale face au caractère sacré et inviolable de la vie La profession, la mission et la vocation du professionnel de la santé exige, naturellement, une solide préparation et une formation permanente éthico-religieuse en matière morale, en matière de bioéthique en particulier. En présence de cas cliniques, toujours plus complexes, rendus tels en raison des possibilités technologiques, tous les professionnels de la santé, mais avant tout et surtout, les médecins, ne peuvent, et ne doivent être laissés seuls et chargés de responsabilités insoutenables. Surtout, quand on sait que tant de ces possibilités sont encore en phase d'expérimentation et ont une grande importance socio-sanitaire pour le monde de la santé et les structures de santé [14]. La véritable humanisation de la science et de la technologie médicale, est certainement en cause, car c'est aussi dans le domaine de la médecine que doit être édifiée "cette civilisation de l'amour et de la vie sans laquelle l'existence de la personne et de la société perd son sens le plus authentiquement humain" [15]. L'objectif principal de la présente Charte est donc de: garantir la fidélité éthique du professionnel de la santé, afin qu'il édifie, à travers ses choix et ses attitudes au service de la vie, cette civilisation de l'amour et de la vie, souhaitée par l'Auteur d'Evangelium vitae. C'est la raison pour laquelle, la Charte suit comme référence de réflexion éthico-religieuse et pastorale le parcours de l'existence humaine: la procréation, la vie, la mort [16]. 3.1. La responsabilité face à la dignité de la procréation humaine La génération d'un nouvel être humain est, en même temps, un événement profondément humain et hautement religieux, puisqu'il implique l'amour unitif des époux comme geste de collaboration avec Dieu Créateur. Il en résulte, de manière évidente, que les professionnels de santé sont appelés à aider les conjoints-parents, "en vue d'une procréation responsable, lorsqu'ils en favorisent les conditions, en écartent les difficultés et les protègent contre une technicité envahissante et indigne de la procréation humaine" [17]. À propos de ce service, la morale distingue justement, entre manipulation thérapeutique et manipulation altérative du patrimoine génétique humain. "Aucune utilité sociale ou scientifique et aucune motivation idéologique susceptibles de donner lieu à une intervention sur le génome humain qui ne soit thérapeutique, c'est-à-dire, qui, en soi, ne vise au développement naturel de l'être humain" [18]. La raison de ce "non absolu" réside dans la dignité même de la procréation humaine, puisque le nouvel être humain qui naît de l'union conjugale "apporte avec lui au monde une image et une ressemblance particulière avec Dieu lui-même: dans la biologie de la génération est inscrite la biologie de la personne" [19]. La conception et la génération d'un nouvel être humain ne sont pas un produit des lois de la biologie, mais un événement de coopération conjugale en continuation de la création divine. À ce point, la Charte précise que la collaboration procréatrice de la part des conjoints n'est pas seulement le critère de la différence anthropologique et morale entre des méthodes naturelles et des moyens artificiels, mais aussi le critère d'évaluation en matière de procréation artificielle. "La dignité de la personne humaine exige que vienne à l'existence comme don de Dieu et fruit de l'acte conjugal, propre et spécifique de l'amour unitif et procréateur des époux, acte qui par sa nature même est irremplaçable" [20]. Et voilà pourquoi, est si légitime, l'appel à la responsabilité des professionnels de santé qui doivent favoriser cette conception humaine et chrétienne de la sexualité, en rendant accessibles aux époux, et avant encore, aux jeunes, les connaissances nécessaires en vue d'un comportement responsable et respectueux de la dignité particulière de la sexualité humaine, en général, et de l'acte conjugal en particulier [21]. Les professionnels de santé devront, surtout, aider les époux à découvrir la différence anthropologique et morale entre assistance naturelle et substitution artificielle en matière de procréation. Quant à cette dernière, ils devraient être en mesure de clarifier le caractère illicite de la fertilisation in vitro avec transfert d'embryon non seulement hétérologue mais aussi homologue. Évidemment, ce jugement moral concerne seulement les modalités de la fécondation, et non, l'être humain en question, lequel doit toujours être accueilli comme don de Dieu et élevé avec amour [22]. Le service à la vie exigé des professionnels de santé consiste à tout mettre en oeuvre afin d'inspirer le respect dû à l'originalité du genre humain. 3. 2. La responsabilité en face de la santé et de la vie humaine Dès la fécondation, commence ce merveilleux processus d'une nouvelle vie humaine sous la sage et aimante protection de Dieu. C'est aux professionnels de santé, et en particulier aux gynécologues et aux sages-femmes que "revient de veiller avec sollicitude sur le merveilleux et mystérieux processus de la procréation qui s'accomplit dans le sein maternel, en vue d'en suivre le développement et d'en favoriser l'heureuse issue par la venue au monde du nouveau-né" [23]. Ils doivent se souvenir, avant tout, de la particulière dignité de toute vie humaine: la dignité de la personne créée à l'image et ressemblance de Dieu. Les professionnels de santé doivent, surtout, tenir compte que toute personne est une unité faite d'un corps et d'une âme, et qu'en conséquence, c'est à travers le corps que l'on rejoint la personne elle-même dans sa réalité. "Toute intervention sur le corps humain n'atteint pas seulement les tissus, les organes et leurs fonctions corporelles, mais implique aussi, à différents niveaux, la personne elle-même" [24]. Il s'ensuit que le corps, étant une réalité typiquement personnelle, puisqu'il révèle la personne dans sa relation à Dieu, aux autres et au monde, est fondement et source d'exigibilité morale. On ne peut disposer du corps comme d'un objet d'appartenance, comme une chose ou un instrument dont on serait le propriétaire ou l'arbitre. Voilà la raison pour laquelle, tout ce qui est techniquement faisable ne peut être retenu moralement admissible [25]. La finalité intrinsèque de la profession des personnels de la santé est l'affirmation des droits de l'homme à sa vie et à sa dignité. Leur devoir respectif consiste donc en la tutelle prophylactique et thérapeutique de la santé et en l'amélioration de la qualité de vie de la personne. "La maladie et la souffrance, en effet, ne sont pas des expériences qui concernent uniquement le substrat physique de l'homme, mais l'homme dans sa totalité et dans son unité somatique-spirituelle" [26]. Le diagnostic, le traitement et la réadaptation ont donc, en vue, non seulement le bien et la santé du corps mais aussi le bien-être intégral de la personne. C'est ici que se pose la question de l'impossibilité de guérir le malade. Dans ce cas, le professionnel de santé est toujours tenu à dispenser les soins proportionnés, mais il peut licitement interrompre les traitements disproportionnés [27]. Ici, la question de l'humanisation de la douleur par l'analgésie et par l'anesthésie revêt une grande importance. Même si, pour le chrétien, la douleur a une grande valeur pénitentielle et salvifique, la charité chrétienne elle-même, exige des personnels de santé le soulagement de la souffrance physique [28]. C'est là, qu'intervient de manière urgente, le droit fondamental du malade à l'assistance pastorale et au sacrement de l'Onction des Malades. Tout professionnel de santé est tenu de créer les conditions idoines pour que soit assurée, à qui le demande, implicitement ou explicitement, l'assistance spirituelle. "L'expérience, en effet, enseigne que l'homme, en demande d'assistance préventive ou thérapeutique, dévoile des exigences qui vont au-delà de la pathologie organique en cours. Il n'attend pas seulement du médecin un traitement adéquat - traitement qui, du reste, avant ou après, finira fatalment par se révéler insuffisant - mais le soutien humain d'un frère, qui sache lui faire part d'une vision de la vie dans laquelle lui est révélé le sens et le mystère de la souffrance et de la mort. Et où pourrait-il puiser, sinon dans sa foi, une réponse pacifiante aux interrogations suprêmes sur l'existence?" [29]. 3. 3. Assistance jusqu'au terme naturel Quand la santé se détériore de manière irréversible et mortelle, c'est-à-dire, lorsque l'homme entre dans la phase terminale de son existence terrestre, les professionnels de santé sont tenus d'accorder une assistance spéciale au mourant. "Plus que jamais, à l'article de la mort, et dans la mort elle-même, il convient de célébrer et d'exalter la vie... L'attitude devant le malade en phase terminale est souvent la pierre de touche du sens de la justice et de la charité, de la noblesse d'âme, de la responsabilité et de la capacité professionnelle des professionnels de la santé, à commencer par les médecins" [30]. C'est le moment de soustraire la mort à la pratique de la médicalisation qui se soucie surtout de l'aspect biophysique de la maladie. À cette phase, le premier traitement consiste en une présence affectueuse faite d'attention et de prévenances, qui inspire confiance et espérance, afin qu'au refus de la mort, succède son acceptation. Impuissants devant le mystère de la mort, la foi chrétienne est l'unique source de paix et de sérénité. C'est pourquoi, le témoignage de foi et d'espérance en Christ, donné par le professionnel de santé, a un rôle déterminant. Être une présence de foi et d'espérance constitue pour les médecins et les infirmières, la plus haute forme d'humanisation et de christianisation de la mort. Chez le malade en phase terminale, le droit à la vie devient un droit à mourir en toute sérénité et en toute dignité humaine et chrétienne. Ce droit exclut toute forme d'acharnement thérapeutique, et bien davantage encore, tout recours à mettre fin à la vie [31]. "L'euthanasie bouleverse le rapport médecin-patient. De la part du patient, qui s'en rapporte au médecin comme à celui qui peut lui assurer la mort. Du côté du médecin, puisqu'il n'est plus l'absolu garant de la vie: le malade doit redouter de sa part son arrêt de mort. Le rapport médecin-patient est une relation de fidélité de vie qui doit subsister. L'euthanasie est un `crime' auquel les professionnels de la santé, toujours garants de la vie et de la vie seule, ne peuvent coopérer en aucune façon" [32]. Ceci vaut pour l'avortement, même lorsque est en jeu: la santé de la mère, la charge supplémentaire d'un enfant, une grave malformation foetale, une grossesse due à une violence sexuelle, situations qui mettent en cause des biens très importants. En effet, la vie est un bien tellement primaire et fondamental pour être mis en comparaison d'égalité ou même d'infériorité avec certains inconvénients même graves [33]. À ce point, la synthèse de l'éthique hippocratique et la morale chrétienne est incontournable: l'éthique hippocratique comme la morale chrétienne s'opposent à toute forme d'avortement direct et d'euthanasie directe, soit active soit passive car il s'agit de la suppression de la vie prénatale, et d'un acte homicide que personne ne peut légitimer [34]. De ceci, résulte le droit de mourir en toute dignité humaine et chrétienne. "C'est un droit réel et légitime, que le professionnel de la santé est appelé à sauvegarder, en soignant le mourant et en acceptant la fin naturelle de la vie. Il existe une différence radicale entre `donner la mort' et `accepter la mort'; le premier est un acte qui supprime la vie, le second est son acceptation jusqu'à la mort" [35]. C'est en l'acceptation du terme de la vie terrestre, que chaque fidèle serviteur de la vie veille sur cet accomplissement de la volonté de Dieu. Il ne se considère, à aucun prix, l'arbitre de la mort, de même qu'il ne se reconnaît, en aucune manière, l'arbitre de la vie de qui que ce soit [36]. Au contraire, il est dès lors consolant pour le mourant que le professionnel de santé témoigne en faveur de la pleine participation à la vie divine comme la fin à laquelle est orienté et appelé l'homme qui vit sur la terre. C'est alors qu'il est réconfortant de faire expérimenter au malade en phase terminale la présence sacramentelle de Jésus-Christ "Verbe de vie" par l'Onction des Malades. "Il vient en aide à tout l'homme pour son salut, le revigore par la confiance en Dieu et lui obtient des forces neuves contre les tentations du malin et l'anxiété de la mort" [37]. Il en est de même, et davantage encore, pour la rencontre eucharistique, le Viatique du corps et du sang du Christ; en vertu des paroles mêmes du Christ, le Viatique est gage de résurrection: "Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour". Conclusion Ainsi que l'écrit le Président du Dicastère, le Cardinal Fiorenzo Angelini, dans la préface de la Charte, j'espère avoir prouvé qu'aucun des problèmes complexes nés du rapport indissociable existant entre la médecine et la morale, ne peut actuellement être considéré terrain neutre face à l'éthique hippocratique et à la morale chrétienne. En vertu de ceci, la Charte des Personnels de la Santé, en toute rigueur, a voulu répondre à cette exigence, en offrant une synthèse organique et exhaustive de l'Église à partir de Pie XII, en tout ce qui touche dans le domaine de la santé, à l'affirmation de la valeur primaire et fondamentale de la vie de tout être humain dès sa conception jusqu'à son terme naturel [38]. Je conclus, intentionnellement, en m'arrêtant particulièrement sur le progrès et le développement de la médecine et de la chirurgie des transplantations qui permettent de soigner et de guérir de nombreux malades qui, dans un passé récent, étaient inguérissables. Il s'agit d'un défi à relever concernant la manière nouvelle d'aimer notre prochain en lui faisant don d'organes qui lui permettent de continuer à vivre. Le prélèvement d'organes dans les transplantations homoplastiques peut se faire, naturellement, dans les limites imposées par la nature humaine elle-même, à partir d'un donneur vivant ou d'un cadavre [39]. Dans le premier cas, le prélèvement est légitime, à condition qu'il s'agisse d'organes dont l'explant ne comprenne pas une grave et irréparable mutilation pour le donneur. Dans le second cas, il faut toujours respecter le cadavre comme un cadavre humain, bien qu'il n'ait plus la dignité de sujet et la valeur de fin d'une personne vivante. L'acte médical de la transplantation rend ainsi possible l'acte d'oblation du donneur comme don sincère de soi, expression de son appel essentiel, humain et chrétien à l'amour et à la communion [40]. L'intention de la Charte des Personnels de la Santé en ce qui concerne le service à la vie, est paradigmatique, c'est-à-dire qu'elle répond à l'appel du Christ "Vade e fac similiter". P. BONIFACIO HONINGS, O.C.D. Consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé Notes : 1 Genèse 2, 7; cf. ibidem, 2, 5-6. 2 Catéchisme de l'Église Catholique, 366; dans la suite: CCC... 3 Job, 34, 14-15. 4 Ezéchiel, 37, 14. 5 JEAN-PAUL II, Evangelium vitae, 53; dans la suite: EV, ... 6 Cf. Ibidem. 7 FIORENZO ANGELINI, Quel soffio sulla creta, Roma 1990, p. 377-378. 8 Conseil Pontifical pour la Pastorale des services de la Santé, Charte des Personnels de la Santé, Città del Vaticano 1995, 2ème édition n. 1; dans la suite je citerai, Charte. 9 Charte, 2. 10 Sag. 11, 26. 11 Cf. Charte, 4. 12 Charte, 5. 13 Cité in Charte, 5. 14 Cf. Charte, 8. 15 EV, 27, cité in Charte, 9. 16 Cf, Charte, 10. 17 Charte, 11. 18 JEAN-PAUL II, À l'Union des Juristes Catholiques Italiens, 5 déc. 1987 in Insegnamenti X/3 (1987) 1295, cité in Charte, 13. 19 Charte, 15. 20 Charte, 22. 21 Cf. Charte, 20-23. 22 Cf. Charte, 24-30. 23 Charte, 36. 24 Charte, 40. 25 Cf. Charte, 44. 26 Charte, 53. 27 Cf. Charte, 64-65. 28 Cf. Charte, 68-71. 29 JEAN-PAUL II, Au Congrès Mondial des Médecins Catholiques, 3 octobre 1992, in Insegnamenti, V/3, 1982, p. 675, n. 6, cité in Charte, note 212. 30 Charte, 115. 31 Cf. Charte, 119; 147-148. 32 Charte, 150. 33 Cf. Charte, 141. 34 Cf. Charte, 139; 147. 35 Charte 148. 36 Cf. Charte, 114. 37 Charte, 111. 38 Cf. Charte, p. 5. 39 Charte, 83. 40 Charte, 86-91. imprimez