Méditation de Mgr Guy Bagnard aux Vêpres du 4 août 2010 à Ars

Publié le 2010-09-07


Méditation de Mgr Guy Bagnard aux Vêpres du 4 août 2010 à Ars


Quand on est en bonne san­té, on n'éprouve pas le be­soin d'al­ler voir le mé­de­cin. Par con­tre, quand on ne se sent pas bien, on vient frap­per à sa porte. On lui dé­crit alors ce que l'on éprouve : on a per­du l'ap­pé­tit ; on dort mal ; on res­sent une grand fa­ti­gue ; il y a cette pe­tite gros­seur sur le bras !! Le mé­de­cin écoute at­ten­ti­ve­ment ; il en­re­gis­tre tout soi­gneu­se­ment ; sou­vent, il de­mande des exa­mens com­plé­men­tai­res ! Une ma­la­die s'est au­jourd'hui ré­pan­due sur le corps de l'Eglise : il n'y a pres­que plus de prê­tres. Des pas­teurs ? on en man­que par­tout. Ils sont en voie de dis­pa­ri­tion ! C'est par­ti­cu­liè­re­ment vrai en France, mais sem­ble-t-il, dans toute l'Eu­rope. D'où vient ce mal ? Quelle en est la cause ? On de­mande une con­sul­ta­tion au mé­de­cin. Pour ce genre de ma­la­die, il faut pren­dre un ren­dez-vous avec un spé­cia­liste. Le grand spé­cia­liste, c'est ce­lui qui peut gué­rir ! C'est Jé­sus ! Aux ques­tions an­xieu­ses, il ré­pond : « Je vous ai déjà dit l'es­sen­tiel dans mon Evan­gile : "Mais priez donc le Maî­tre de la mois­son d'en­voyer des ou­vriers à sa mois­son." - "Ce­lui qui cher­che trouve, ce­lui qui de­mande re­çoit, A ce­lui qui frappe on ou­vri­ra". »


Oui, on con­naît cela, Doc­teur ; mais est-ce qu'il n'y au­rait pas d'au­tres moyens qui se­raient mieux adap­tés à la si­tua­tion d'au­jourd'hui ! L'Evan­gile c'est loin. Il a été écrit il y a deux mille ans. Il nous fau­drait quel­que chose de mieux ajus­té à no­tre temps !


Ah, si vous vou­lez quel­que chose de plus ac­tuel, al­lez con­sul­ter mes amis les saints. Puis­que vous êtes à Ars, al­lez voir Jean-Ma­rie Vian­ney ! Rap­pe­lez-vous ce qu'il a dit : "Là où les saints pas­sent, Dieu passe avec eux !" Jean-Ma­rie Vian­ney a vécu à une épo­que tour­men­tée : on ne vou­lait plus de prê­tres ! Ils étaient chas­sés, exi­lés, pas­sés par l'écha­faud. On en comp­tait 140.000 au dé­but de la Ré­vo­lu­tion. Au bout de 5-6 ans, ils n'étaient plus que 40.000 ! Et ceux qui res­taient étaient con­dam­nés à la clan­des­ti­ni­té.


Le pe­tit Jean-Ma­rie Vian­ney se sou­vient bien de cela : sa pre­mière con­fes­sion, sa pre­mière com­mu­nion, il les a fai­tes en ca­chette, dans une ferme avec des prê­tres clan­des­tins ! Il s'en sou­vient si bien qu'il dira plus tard : "Quand on veut dé­truire la re­li­gion, on com­mence par at­ta­quer les prê­tres."


En­voyé comme curé, Jean-Ma­rie Vian­ney s'est mis à l'ou­vrage. Sans rien igno­rer des évé­ne­ments de son temps, il a tra­vaillé dans le champ que l'Evê­ché de Lyon lui avait in­di­qué : "Il n'y a pas beau­coup d'amour du Bon Dieu là-bas, lui avait-on dit, eh bien, vous en met­trez !". En ou­vrier do­cile, Jean-Ma­rie Vian­ney s'est em­ployé de tou­tes ses for­ces à faire pous­ser le bon grain, avec l'en­tê­te­ment du pay­san qui veut que sa ré­colte soit gé­né­reuse. Il ne con­damne pas son épo­que ; il ne se com­plaît pas dans la cri­ti­que. Il en au­rait eu, pour­tant, tou­tes les rai­sons. A l'au­tre bout du dio­cèse, à Fer­ney, au siècle pré­cé­dent, avait ré­son­né l'une des voix les plus brillan­tes des Lu­miè­res ; ce re­pré­sen­tant de la pure rai­son ap­pe­lait à "écra­ser l'In­fâme", c'est-à-dire à sup­pri­mer le croyant. Jean-Ma­rie Vian­ney lui, ne dé­nonce per­sonne. Il di­sait même : "Il faut con­ser­ver la ré­pu­ta­tion de vos en­ne­mis." Jean-Ma­rie Vian­ney ne mau­dit pas ; il ne flatte pas ; il aime ! Ou­vrier si­len­cieux, il s'en­fonce dans la pau­vre­té jus­qu'aux ex­trê­mes li­mi­tes hu­mai­nes ; et voi­là que sous l'ac­tion de ce jar­di­nier de Dieu, la beau­té chré­tienne a fleu­ri comme une haie de prin­temps, at­ti­rant à elle une mul­ti­tude d'hom­mes et de fem­mes et trans­for­mant sa mo­deste pa­roisse en un cen­tre im­pré­vu de pè­le­ri­nage.


Pour ceux qui veu­lent sui­vre Jé­sus, la route est tra­cée ! No­tre épo­que n'est cer­tes pas dans la tour­mente ré­vo­lu­tion­naire, mais bien des pi­liers sur les­quels elle re­pose sont fis­su­rés et me­na­cent de s'ef­fon­drer. Ain­si, par exem­ple : la dif­fu­sion d'une cul­ture de mort à tra­vers des lois qui rui­nent le ma­riage, dé­trui­sent la fa­mille, re­jet­tent la vie ; une laï­ci­té om­bra­geuse qui cher­che à di­ri­ger les con­scien­ces ; des vio­len­ces in­édi­tes dans les éco­les ; une jeu­nesse sans re­pè­res, à la mer­ci des slo­gans du mo­ment ; le fos­sé gran­dis­sant en­tre ri­ches et pau­vres, etc.


Comme hier, Jean-Ma­rie Vian­ney au­rait au­jourd'hui les yeux grand ou­verts sur ce monde. Il n'igno­re­rait rien des évé­ne­ments qui font l'ac­tua­li­té de no­tre quo­ti­dien. Mais il nous in­di­que­rait le même che­min que ce­lui qu'il a pris : la sain­te­té. Il nous di­rait : - soyez en vé­ri­té avec vous-mê­mes : ap­pe­lez le Bien et le Mal par leur nom, sans con­ces­sion, comme le Pape Be­noît XVI s'em­ploie au­jourd'hui à faire le mé­nage dans l'Eglise. - Ne vous con­ten­tez pas d'une vie moyenne ; soyez des évan­gé­li­sa­teurs qui ne crai­gnent pas d'an­non­cer la Foi. Pour cela, ai­mez les hum­bles com­men­ce­ments, en vous sou­ve­nant de la pa­ra­bole du grain de sé­ne­vé : tout ce qui com­mence de­meure pe­tit, caché et si­len­cieux ; ce n'est pas ce qui brille qui a les pro­mes­ses de l'ave­nir. - Soyez fi­dè­les à faire du di­man­che une ren­con­tre avec Dieu. - Ai­dez les prê­tres à de­ve­nir tou­jours plus de saints prê­tres. - Soyez joyeux de voir un de vos en­fants choi­sir la voie du sa­cer­doce ou de la vie con­sa­crée. - Sur­tout, ayez une foi in­ébran­la­ble en la puis­sance de la grâce qui peut, à cha­que ins­tant, faire ad­ve­nir l'inat­ten­du. Voyez en­core ce que di­sait Jean-Ma­rie Vian­ney : "Vien­dra un temps où les hom­mes se­ront si fa­ti­gués des hom­mes qu'on ne pour­ra plus leur par­ler de Dieu sans qu'ils se met­tent à pleu­rer."


Le Jour de Dieu sera tou­jours de­vant nous !


† Guy Ba­gnard
Évê­que de Bel­ley-Ars


 

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