Evangelium Vitae 2011
6 février 2011 – Angelus
Dieu s'oppose radicalement à la tyrannie du mal. Le Seigneur prend soin de l'homme en toute situation, partage sa souffrance, et ouvre son cœur à l'espérance. C'est pourquoi j'exhorte tous les professionnels de la santé à reconnaître dans le malade non seulement un corps marqué par la fragilité, mais avant tout une personne, à laquelle donner toute sa solidarité et offrir des réponses adéquates et compétentes. Dans ce contexte, je rappelle en outre que l’on célèbre aujourd'hui en Italie «la Journée pour la vie». Je souhaite que tous s'engagent pour faire croître la culture de la vie, pour placer au centre de toute chose, en toute circonstance, la valeur de l'être humain. Selon la foi et la raison, on ne peut réduire la dignité de la personne à ses facultés ou aux capacités qu'elle peut manifester, et par conséquent, celle-ci est toujours présente lorsque la personne elle-même est faible, invalide et a besoin d'aide.
Chers frères et sœurs, invoquons l'intercession maternelle de la Vierge Marie, afin que les parents, les grands-parents, les enseignants, les prêtres et ceux qui sont engagés dans l'éducation puissent former les jeunes générations à la sagesse du cœur, afin qu'elles atteignent la plénitude de la vie.
6 février 2011 – Au terme de l’Angelus
Quand la recherche scientifique et technologique est guidée par d'authentiques valeurs éthiques on peut trouver des solutions adaptées pour l'accueil de la vie naissante et la promotion de la maternité. Puissent les nouvelles générations de professionnels de la santé être porteuses d'une culture renouvelée de la vie.
11 février 2011 – Message pour la Journée Mondiale du Malale
Si tout homme est notre frère, d'autant plus celui qui est le plus faible, celui qui souffre et celui qui a besoin de soins doivent-ils être au centre de notre attention, afin qu'aucun d'eux ne se sente oublié ou marginalisé ; en effet, "la mesure de l'humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société. Une société qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n'est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et inhumaine" (Lettre encycl. Spe salvi, 38).
Je garde encore au fond du cœur le moment où, lors de ma visite pastorale à Turin, j'ai pu réfléchir et prier devant le Saint Suaire, devant ce visage souffrant, qui nous invite à méditer sur Celui qui a pris sur lui la passion de l'homme de tous les temps et de tous lieux, avec nos souffrances aussi, nos difficultés et nos péchés. Au cours de l'histoire, combien de fidèles sont passés devant cette toile sépulcrale qui a enveloppé le corps d'un homme crucifié, qui répond en tout et pour tout à ce que disent les Evangiles sur la passion et la mort de Jésus ! Le contempler est une invitation à réfléchir sur ce qu'a dit saint Pierre : "C'est par ses blessures que vous avez été guéris" (1 P 2,24). Le Fils de Dieu a souffert, est mort, mais il est ressuscité et c'est justement pour cela que ces plaies deviennent le signe de notre rédemption, du pardon et de la réconciliation avec le Père ; mais elles deviennent aussi un banc d'essai pour la foi des disciples et pour notre foi ; chaque fois que le Seigneur parle de sa passion et de sa mort, ils ne comprennent pas, ils refusent et s'opposent. Pour eux, comme pour nous, la souffrance reste toujours lourde de mystère, difficile à accepter et à porter. Les deux disciples d'Emmaüs avancent tristement, à cause des événements survenus ces jours-là à Jérusalem, et ce n'est que lorsque le Ressuscité marche à leurs côtés qu'ils s'ouvrent à une vision nouvelle (cf. Lc 24,13-31). L'apôtre Thomas aussi a des difficultés à croire à la voie de la passion rédemptrice : "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas" (Jn 20,25). Mais devant le Christ qui montre ses plaies, sa réponse se transforme en une émouvante profession de foi : "Mon Seigneur et mon Dieu !" (Jn 20, 28). Ce qui était d'abord un obstacle insurmontable, parce que signe de l'échec apparent de Jésus, devient – dans la rencontre avec le Ressuscité – la preuve d'un amour victorieux : "Seul un Dieu qui nous aime au point de prendre sur lui nos blessures et notre souffrance, surtout la souffrance de l’innocent, est digne de foi" (Message Urbi et Orbi, Pâques 2007).
A vous tous qui êtes malades et qui souffrez, je dis que c'est justement à travers les blessures du Christ qu'avec les yeux de l'espoir, nous pouvons voir tous les maux qui affligent l'humanité. En ressuscitant, le Seigneur n'a pas enlevé au monde la souffrance et le mal, mais il les a vaincus à la racine. A la force du Mal, il a opposé la toute-puissance de son Amour. Et il nous a indiqué alors que le chemin de la paix et de la joie, c'est l'Amour : "comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres" (Jn 13,34). Christ, vainqueur de la mort, est vivant parmi nous ! Et tandis qu'avec saint Thomas nous disons nous aussi : "Mon Seigneur et mon Dieu !", suivons notre Maître dans la disponibilité à donner notre vie pour nos frères (cf. 1 Jn 3,16) en devenant des messagers d'une joie qui ne craint pas la douleur, la joie de la Résurrection.
Saint Bernard affirme : "Dieu ne peut pas pâtir, mais il peut compatir". Dieu, la Vérité et l'Amour en personne, a voulu souffrir pour nous et avec nous ; il s'est fait homme pour pouvoir com-patir avec l'homme, réellement, dans la chair et dans le sang. Alors, dans toute souffrance humaine Quelqu'Un est entré, qui partage la souffrance et la patience; dans toute souffrance, se diffuse la con-solatio, la consolation de l'amour qui vient de Dieu qui participe, pour faire surgir l'étoile de l'espérance (cf. Lettre encycl. Spe salvi, 39).
Chers frères et chères sœurs, je vous redis ce message pour que vous en soyez les témoins à travers votre souffrance, votre vie et votre foi.
Dans la perspective de la rencontre de Madrid en août prochain, pour la Journée Mondiale des Jeunes, je voudrais aussi tourner ma pensée particulièrement vers les jeunes, et plus spécialement vers ceux qui vivent l'expérience de la maladie. Souvent, la Passion, la Croix de Jésus, font peur parce qu'elles apparaissent comme étant la négation de la vie. En réalité, c'est exactement le contraire ! La Croix est le "Oui" de Dieu à l'homme, l'expression la plus haute et la plus intense de Son amour, et la source d'où jaillit la vie éternelle. Cette vie divine a jailli du cœur transpercé de Jésus. Il est le seul qui soit capable de libérer le monde du mal et de faire se diffuser son Royaume de justice, de paix et d'amour auquel nous aspirons tous (cf. Message pour la Journée Mondiale des Jeunes 2011, 3). Mes jeunes amis, apprenez à "voir" et à "rencontrer" Jésus dans l'Eucharistie, où il est réellement présent pour nous jusqu'à se faire nourriture pour le chemin ; mais sachez aussi le reconnaître et le servir dans les pauvres, les malades, les frères souffrants et en difficulté, qui ont besoin de votre aide (cf. ibid., 4). A vous tous, les jeunes, qui êtes malades ou non, je redis l'invitation à créer des ponts d'amour et de solidarité, pour que personne ne se sente seul, mais proche de Dieu et faisant partie de la grande famille de Ses enfants (cf. Audience générale, 15 novembre 2006).
Lorsque nous contemplons les plaies de Jésus, notre regard se tourne vers son cœur très saint, dans lequel l'amour de Dieu se manifeste de façon suprême. Le Sacré-Cœur, c'est le Christ crucifié, le côté ouvert par la lance, d'où jaillissent le sang et l'eau (cf. Jn 19,34) et d'où "il fit naître les sacrements de l'Eglise, pour que tous les hommes, attirés vers son Cœur, viennent puiser la joie aux sources vives du salut" (Missel Romain, Préface du Sacré-Cœur). Et plus spécialement vous qui êtes malades, vous percevez la proximité de ce Cœur plein d'amour et vous puisez à cette source avec foi et dans la joie, en priant : "Eau du côté du Christ, lave-moi ; Passion du Christ, fortifie-moi ; O bon Jésus, exauce-moi ; Dans tes blessures, cache-moi" (Prière de Saint Ignace de Loyola).
J'invite les Autorités à investir toujours davantage d'énergies dans des structures de santé aptes à aider et soutenir ceux qui souffrent, surtout les plus pauvres et les plus nécessiteux. ...Sachez toujours voir sur le visage des malades le Visage des visages : celui du Christ.
13 juin 2011 – Au Congrès du Diocèse de Rome
La profession de foi placée en conclusion du discours — «Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié» (Ac 2, 36) — est l’annonce joyeuse que l’Eglise depuis des siècles ne cesse de répéter à chaque homme.
A cette annonce — lit-on dans les Actes des Apôtres — tous «eurent le cœur transpercé» (2, 37). Cette réaction fut certainement engendrée par la grâce de Dieu: tous comprirent que cette proclamation réalisait les promesses et faisait désirer à chacun la conversion et le pardon de ses propres péchés. Les paroles de Pierre ne se limitaient pas à une simple annonce de faits, elles en montraient la signification, en rattachant la vie de Jésus aux promesses de Dieu, aux attentes d’Israël et, donc, à celles de tout homme. Le peuple de Jérusalem comprit que la résurrection de Jésus était en mesure et continue d’être en mesure d’illuminer l’existence humaine. Et en effet, de cet événement est née une nouvelle compréhension de la dignité de l’homme et de son destin éternel, de la relation entre l’homme et la femme, de la signification ultime de la douleur, de l’engagement dans la construction de la société. La réponse de la foi naît lorsque l’homme découvre, par la grâce de Dieu, que croire signifie trouver la vraie vie, la «pleine vie».
Mais qui est le messager de cette bonne nouvelle? Le baptisé l’est certainement. Et par dessus tout, les parents, auxquels revient le devoir de demander le baptême pour leurs enfants. Combien est grand ce don que la liturgie appelle «porte de notre salut, début de la vie dans le Christ, source de l’humanité nouvelle» (Préface du Baptême)! Tous les pères et les mères sont appelés à coopérer avec Dieu à la transmission du don inestimable de la vie, mais également à faire connaître Celui qui est la Vie et la vie n’est pas réellement transmise si l’on ne connaît pas également le fondement et la source éternelle de la vie. Chers parents, l’Eglise, en tant que mère attentive, entend vous soutenir dans votre devoir fondamental. Depuis leur plus jeune âge, les enfants ont besoin de Dieu, car dès le début, l’homme a besoin de Dieu et ils ont la capacité de percevoir sa grandeur; ils savent apprécier la valeur de la prière — du dialogue avec ce Dieu — et des rites, de même que percevoir la différence entre le bien et le mal. Sachez, alors, les accompagner dans la foi, dans cette connaissance de Dieu, dans cette amitié avec Dieu, dans cette connaissance de la différence entre le bien et le mal. Accompagnez-les dans la foi dès leur plus jeune âge.
2 novembre 2011 – Audience Générale
L’Eglise nous invite à commémorer tous les fidèles défunts, à tourner notre regard vers les nombreux visages qui nous ont précédés et qui ont conclu leur chemin terrestre. Je voudrais vous proposer quelques pensées simples sur la réalité de la mort qui pour nous, chrétiens, est illuminée par la Résurrection du Christ, et pour renouveler notre foi dans la vie éternelle.
Nous nous rendons ces jours-ci au cimetière pour prier pour les personnes chères qui nous ont quittés, nous allons en quelque sorte leur rendre visite pour leur exprimer, une fois de plus, notre affection, pour les sentir encore proches, en rappelant également, de cette façon, un article du Credo : dans la communion des saints existe un lien étroit entre nous, qui marchons encore sur cette terre, et nos nombreux frères et sœurs qui ont déjà atteint l’éternité.
Depuis toujours, l’homme se préoccupe de ses morts et tente de leur donner une deuxième vie à travers l’attention, le soin, l’affection. D’une certaine façon, on veut conserver leur expérience de vie ; et, paradoxalement, c’est précisément des tombes devant lesquelles se bousculent les souvenirs que nous découvrons la façon dont ils ont vécu, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont craint, ce qu’ils ont espéré, et ce qu’ils ont détesté. Celles-ci représentent presque un miroir de leur monde.
Pourquoi en est-il ainsi ? Car, bien que la mort soit souvent un thème presque interdit dans notre société, et que l’on tente constamment de chasser de notre esprit la seule idée de la mort, celle-ci concerne chacun de nous, elle concerne l’homme de tout temps et de tout lieu. Et devant ce mystère, tous, même inconsciemment, nous cherchons quelque chose qui nous invite à espérer, un signe qui nous apporte un réconfort, qui nous ouvre un horizon, qui offre encore un avenir. Le chemin de la mort, en réalité, est une voie de l’espérance et parcourir nos cimetières, comme lire les inscriptions sur les tombes, signifie accomplir un chemin marqué par l’espérance d’éternité.
Mais nous nous demandons : pourquoi éprouvons-nous de la crainte face à la mort ? Pourquoi une grande partie de l’humanité ne s’est-elle jamais résignée à croire qu’au-delà de la mort, il n’y pas pas simplement le néant ? Je dirais qu’il existe de multiples réponses : nous éprouvons une crainte face à la mort car nous avons peur du néant, de ce départ vers quelque chose que nous ne connaissons pas, qui nous est inconnu. Il existe alors en nous un sentiment de rejet parce que nous ne pouvons pas accepter que tout ce qui a été réalisé de beau et de grand au cours d’une existence tout entière soit soudainement effacé, tombe dans l’abîme du néant. Et surtout, nous sentons que l’amour appelle et demande l’éternité et il n’est pas possible d’accepter que cela soit détruit par la mort en un seul moment.
De plus, nous éprouvons de la crainte à l’égard de la mort car, lorsque nous nous trouvons vers la fin de notre existence, existe la perception qu’un jugement est exercé sur nos actions, sur la façon dont nous avons mené notre vie, surtout sur les zones d’ombre que nous savons souvent habilement éliminer ou que nous nous efforçons d’effacer de notre conscience. Je dirais que c’est précisément la question du jugement qui est souvent à l’origine de la préoccupation de l’homme de tous les temps pour les défunts, de l’attention pour les personnes qui ont compté pour lui et qui ne sont plus à ses côtés sur le chemin de la vie terrestre. Dans un certain sens, les gestes d’affection et d’amour qui entourent le défunt sont une façon de le protéger dans la conviction qu’ils ne demeurent pas sans effet sur le jugement. C’est ce que nous pouvons constater dans la majorité des cultures qui caractérisent l’histoire de l’homme.
Aujourd’hui, le monde est devenu, tout au moins en apparence, beaucoup plus rationnel, ou mieux, la tendance s’est diffusée de penser que chaque réalité doit être affrontée avec les critères de la science expérimentale, et qu’également à la grande question de la mort on ne doit pas tant répondre avec la foi, mais en partant de connaissances expérimentables, empiriques. On ne se rend cependant pas suffisamment compte que, précisément de cette manière, on a fini par tomber dans des formes de spiritisme, dans la tentative d’avoir un contact quelconque avec le monde au-delà de la mort, presque en imaginant qu’il y existe une réalité qui, à la fin, serait une copie de la réalité présente.
Chers amis, la solennité de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts nous disent que seul celui qui peut reconnaître une grande espérance dans la mort, peut aussi vivre une vie à partir de l’espérance. Si nous réduisons l’homme exclusivement à sa dimension horizontale, à ce que l’on peut percevoir de manière empirique, la vie elle-même perd son sens profond. L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est trop brève, est trop limitée pour lui. L’homme n’est explicable que s’il existe un Amour qui dépasse tout isolement, même celui de la mort, dans une totalité qui transcende aussi l’espace et le temps. L’homme n’est explicable, il ne trouve son sens profond, que s’il y a Dieu. Et nous savons que Dieu est sorti de son éloignement et s’est fait proche, qu’il est entré dans notre vie et nous dit : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26).
Pensons un moment à la scène du Calvaire et écoutons à nouveau les paroles que Jésus, du haut de la Croix, adresse au malfaiteur crucifié à sa droite : « En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Pensons aux deux disciples sur la route d’Emmaüs, quand, après avoir parcouru un bout de chemin avec Jésus Ressuscité, ils le reconnaissent et partent sans attendre vers Jérusalem pour annoncer la Résurrection du Seigneur (cf. Lc 24, 13-35). Les paroles du Maître reviennent à l’esprit avec une clarté renouvelée : « Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l'aurais dit ; je vais vous préparer une place » (Jn 14, 1-2). Dieu s’est vraiment montré, il est devenu accessible, il a tant aimé le monde « qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16), et dans l’acte d’amour suprême de la Croix, en se plongeant dans l’abîme de la mort, il l’a vaincue, il est ressuscité et nous a ouvert à nous aussi les portes de l’éternité. Le Christ nous soutient à travers la nuit de la mort qu’Il a lui-même traversée; il est le Bon Pasteur, à la direction duquel on peut se confier sans aucune crainte, car Il connaît bien la route, même dans l’obscurité.
Chaque dimanche, en récitant le Credo, nous réaffirmons cette vérité. Et en nous rendant dans les cimetières pour prier avec affection et avec amour pour nos défunts, nous sommes invités, encore une fois, à renouveler avec courage et avec force notre foi dans la vie éternelle, ou mieux, à vivre avec cette grande espérance et à la témoigner au monde : derrière le présent il n’y a pas le rien. C’est précisément la foi dans la vie éternelle qui donne au chrétien le courage d’aimer encore plus intensément notre terre et de travailler pour lui construire un avenir, pour lui donner une espérance véritable et sûre.
26 novembre 2011 – Rencontre organisée par la Pastorale des services de la santé.
C’est un motif de grande joie de vous rencontrer à l’occasion de la XXVIe Conférence internationale organisée par le Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé, qui a voulu réfléchir sur le thème: La pastorale de la santé au service de la vie à la lumière du magistère du bienheureux Jean-Paul II.
Je suis certain que vos réflexions ont contribué à approfondir l’«Evangile de la Vie», précieux héritage du magistère du bienheureux Jean-Paul II. En 1985, il institua ce Conseil pontifical pour en donner un témoignage concret dans le vaste domaine de la santé. Il y a vingt ans, il institua la célébration de la Journée mondiale du malade; et, enfin, il institua la fondation «Le Bon Samaritain», comme instrument d’une nouvelle action caritative à l’égard des malades les plus pauvres dans divers pays, une fondation pour laquelle je lance un appel afin que l’engagement pour la soutenir soit renouvelé.
Au cours des longues et intenses années de son pontificat, le bienheureux Jean-Paul II a proclamé que le service à la personne malade dans son corps et dans son esprit constitue un engagement constant d’attention et d’évangélisation pour toute la communauté ecclésiale, selon le mandat de Jésus aux Douze de guérir les malades (cf. Lc 9, 2). En particulier, dans la Lettre apostolique Salvifici doloris, du 11 février 1984, mon vénéré prédécesseur affirme: «La souffrance semble appartenir à la transcendance de l'homme; c'est un des points sur lesquels l'homme est en un sens “destiné” à se dépasser lui-même, et il y est appelé d'une façon mystérieuse» (n. 2). Le mystère de la douleur semble voiler la face de Dieu, le rendant presque comme un étranger ou allant même jusqu’à le considérer responsable de la souffrance humaine; mais les yeux de la foi sont capables de regarder ce mystère en profondeur. Dieu s’est incarné, il s’est fait proche de l’homme, même dans les situations les plus difficiles; il n’a pas éliminé la souffrance, mais dans le Crucifié ressuscité, dans le Fils de Dieu qui a souffert jusqu’à la mort et à la mort sur la croix, Il révèle que son amour descend également dans l’abîme le plus profond de l’homme pour lui apporter l’espérance. Le Crucifié est ressuscité, la mort a été illuminée dès le matin de Pâques: «Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3, 16). Dans le Fils «donné» pour le salut de l’humanité, la vérité de l’amour est, dans un certain sens, prouvée à travers la vérité de la souffrance, et l’Eglise, née du mystère de la Rédemption dans la Croix du Christ, «a le devoir de rechercher la rencontre avec l'homme d'une façon particulière sur le chemin de sa souffrance. C'est dans cette rencontre que l'homme “devient la route de l'Eglise” et cette route-là est l'une des plus importantes» (Jean-Paul II, Lett. apos. Salvifici doloris, n. 3).
Chers amis, le service d’accompagnement, de proximité et de soin aux frères malades, seuls, souvent éprouvés par des blessures non seulement physiques, mais également spirituelles et morales, vous place dans une position privilégiée pour témoigner de l’action salvifique de Dieu, de son amour pour l’homme et pour le monde, qui embrasse également les situations les plus douloureuses et terribles. La Face du Sauveur mourant sur la croix, du Fils consubstantiel au Père qui souffre comme un homme pour nous (cf. ibid., n. 17), nous enseigne à conserver et à promouvoir la vie, quelles que soit l’étape ou la condition dans laquelle elle se trouve, en reconnaissant la dignité et la valeur de chaque être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27) et appelé à la vie éternelle.
Cette vision de la douleur et de la souffrance illuminée par la mort et la résurrection du Christ nous a été témoignée par le lent calvaire qui a marqué les dernières années de vie du bienheureux Jean-Paul II et auquel on peut appliquer les paroles de saint Paul: «Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Eglise» (Col 1, 24). Sa foi ferme et sûre a enveloppé sa faiblesse physique, faisant de sa maladie, vécue par amour de Dieu, de l’Eglise et du monde, une participation concrète au chemin du Christ jusqu’à son Calvaire.
La sequela Christi n’a pas épargné au bienheureux Jean-Paul II de prendre sa croix chaque jour jusqu’à la fin, pour être comme son unique Maître et Seigneur, qui de la Croix est devenu un point d’attraction et de salut pour l’humanité (cf. Jn 12, 32; 19, 37) et a manifesté sa gloire (cf. Mc 15, 39). Dans l’homélie de la Messe de béatification de mon vénéré prédécesseur, j’ai rappelé que «le Seigneur l’a dé pouillé petit à petit de tout, mais il est resté toujours un “roc”, comme le Christ l’a voulu. Sa profonde humilité, enracinée dans son union intime au Christ, lui a permis de continuer à guider l’Eglise et à donner au monde un message encore plus éloquent précisément au moment où les forces physiques lui venaient à manquer» (Homélie du 1er mai 2011).
Chers amis, en tirant un enseignement du testament vécu par le bienheureux Jean-Paul II dans sa propre chair, je souhaite que vous aussi, dans l’exercice de votre ministère pastoral et dans votre activité professionnelle, vous puissiez découvrir dans l’arbre glorieux de la Croix du Christ «l'accomplissement et la pleine révélation de tout l'Evangile de la vie» (Lett. enc. Evangelium vitae, n. 50). Dans le service que vous prêtez dans les divers domaines de la pastorale de la santé, puissiez-vous faire l’expérience que «seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer» (Lett. enc. Deus caritas est, n. 18).